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16/01/2020 | FRANCE | N°19-22691

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 janvier 2020, 19-22691


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 janvier 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 127 F-D

Pourvoi n° H 19-22.691

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. X... L....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 16 août 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
______

___________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2020

M. D... X... L..., domicilié établissement public d...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 janvier 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 127 F-D

Pourvoi n° H 19-22.691

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. X... L....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 16 août 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2020

M. D... X... L..., domicilié établissement public de santé mentale (EPSM) des Flandres, [...] , a formé le pourvoi n° H 19-22.691 contre l'ordonnance rendue le 1er juillet 2019 par le premier président de la cour d'appel de Douai (chambre des libertés individuelles soins psychiatriques), dans le litige l'opposant au préfet du Nord, domicilié [...] , défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de M. X... L..., de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat du préfet du Nord, après débats en l'audience publique du 14 janvier 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Douai, 1er juillet 2019), M. X... L... a été admis en soins psychiatriques sans consentement, sur le fondement des articles L. 3213-1 et suivants du code de la santé publique, sous le régime de l'hospitalisation complète, en application d'une décision du représentant de l'Etat dans le département du 11 juillet 2013, qui faisait suite à une mesure provisoire ordonnée la veille par le maire. L'hospitalisation complète s'est poursuivie sous le contrôle du juge des libertés et de la détention.

2. Par lettre du 29 mai 2019, reçue le 4 juin suivant, M. X... L... a saisi ce juge d'une demande de mainlevée de la mesure sur le fondement de l'article L. 3211-12 du même code.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. X... L... fait grief à l'ordonnance de dire qu'il sera maintenu à l'EPSM des Flandres, alors :

« 1°/ que, lorsque le ministère public n'est pas représenté à l'audience, l'avis écrit du ministère public, partie jointe, doit être mis à la disposition des parties de telle sorte que celles-ci puissent y répondre utilement le jour de l'audience ; qu'il ne résulte ni de l'ordonnance, ni d'aucune pièce de la procédure que l'avis écrit du substitut général en date du 24 juin 2019 ait été mise à la disposition des parties pour leur permettre d'y répondre utilement le jour de l'audience ; que dès lors l'ordonnance attaquée a été en rendue au terme d'une procédure irrégulière en violation de l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 16 et 431 du code de procédure civile ;

2°/ que l'avis d'audience doit informer que la personne qui fait l'objet de soins psychiatriques, quand elle est hospitalisée, peut avoir accès, dans l'établissement où elle séjourne, aux pièces de son dossier mentionnées à l'article R. 3211-12 du code de la santé publique ; qu'il ne ressort ni de l'ordonnance, ni d'aucune pièce de la procédure que cette information ait été portée, avant l'audience, à la connaissance de M. X... L... ; que dès lors l'ordonnance attaquée a été rendue au terme d'une procédure irrégulière en violation des articles R. 3211-19 et R. 3211-13 du code de la santé publique. »

Réponse de la Cour

4. En premier lieu, selon l'article R. 3211-13 du code de la santé publique, auquel renvoie l'article R. 3211-19 du même code, la convocation ou l'avis d'audience indique aux parties que les pièces mentionnées à l'article R. 3211-12 peuvent être consultées au greffe de la juridiction et que la personne qui fait l'objet de soins psychiatriques, quand elle est hospitalisée, peut y avoir accès dans l'établissement où elle séjourne, dans le respect, s'agissant des documents faisant partie du dossier médical, des prescriptions de l'article L. 1111-7.

5. Il résulte des productions que la convocation, adressée au patient le 20 juin 2019, conformément aux dispositions de l'article R. 3211-19 du code de la santé publique, porte les mentions prévues à l'article R. 3211-13 du même code, comprenant la possibilité de consulter le dossier dans l'établissement de santé.

6. En second lieu, le deuxième alinéa de l'article 431 du code de procédure civile, auquel renvoie l'article R. 3211-21 du code de la santé publique, prévoit que le ministère public, lorsqu'il n'est pas partie principale, peut faire connaître son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l'audience.

7. Il ressort de la convocation précitée que l'avis du ministère public a été mis à disposition de M. X... L..., avisé de la possibilité de consulter le dossier de la procédure à l'hôpital et présent à l'audience assisté de son avocat, de sorte que le principe de la contradiction et les garanties conventionnelles résultant de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnus.

8. D'où il suit que le moyen n'est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... L... aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour M. X... L...

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR dit que M. D... X... L... sera maintenu à l'EPSM des Flandres.

AUX MOTIFS QUE « 1) sur les moyens de légalité externe de la mesure
La régularité de la procédure antérieure à la dernière décision de justice ayant déjà été appréciée par les précédentes décisions, la validité formelle de la mesure d'hospitalisation complète est validée de plein droit par la dernière décision du juge des libertés et de la détention ayant statué sur la mesure.
Le premier président, statuant en appel .dans le cadre d'une procédure écrite, n'est saisi que par l'exposé par la partie appelante de ses prétentions et de ses moyens dans la déclaration d'appel ou dans un mémoire complémentaire déposé avant l'expiration du délai d'appel.
En l'espèce l'appelant ne conteste que le bien fondé de la mesure d'hospitalisation complète au regard de son état médical et conteste la mesure d'isolement dont il fait l'état.
L'article L 3222-5-1 du code de la santé publique dispose que : " l'isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d'un psychiatre, prise pour une durée limitée. Leur mise en oeuvre doit faire l'objet d'une surveillance stricte confiée par l'établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin".
La mesure d'isolement dont il fait l'objet a été ordonnée les docteurs P... et O... psychiatres à la suite de la présumée agression commise par Monsieur D... X... L... sur une autre patiente.
A ce jour il résulte de l'avis motivé du 28 juin 2019 que les faits ont été classés sans suite et que les médecins envisagent une levée progressive de la mesure d'isolement.
Dès lors qu'il est versé au dossier les justificatifs du prononcé et du contrôle de la mesure d'isolement, les critères de l'article L 3222-5-1 du CSP sont respectés.
La procédure est donc régulière.

2) Sur l'état de santé de Monsieur D... X... L...

Il ressort des articles 3213-1 et 3213-2 du code de la santé publique que le représentant de l'État dans le département ne peut prononcer l'admission d'une personne en soins psychiatriques que lorsque cette personne présente des troubles mentaux nécessitant des soins et compromettant la sûreté des personnes ou portant atteinte de façon grave, à l'ordre public.
Les soins contraints s'imposent lorsque la personne n'a pas conscience de ses troubles et/ou n'accepte pas volontairement de suivre le traitement médical nécessaire.
Le consentement aux soins en droit de la santé, tel qu'il résulte notamment d'un avis émanant de la Haute autorité de santé s'entend d'une capacité à consentir dans la durée au traitement proposé.

L'avis médical du.14 juin 2019 produit pour l'audience du juge des libertés et de la détention sollicite le maintien de la mesure et précise en des termes ci-après intégralement reprise que :

" A ce jour, le diagnostic retenu pour ce patient est celui d'un trouble schizophrénique avec composante psychopathique en lien avec une personnalité impulsive et un déficit de contrôle des émotions. Il est à nouveau admis dans notre service depuis le 13 décembre 2018 suite à un séjour de 2 ans en UMD (Hôpital de Sarreguemines) en raison de réactions impulsives lors de ces soins en hospitalisation qui s'expriment pour l'essentiel par des dégradations au niveau du matériel et parfois des agressions envers le personnel soignant. C'est également dans ce contexte que le 1er janvier, Monsieur X... L... a déclaré avoir eu des relations sexuelles avec une autre patiente qui était en situation de particulière vulnérabilité sur le plan psychique et pour laquelle pouvait se poser la question de capacité à consenti par une relation intime.
Cela a valu une saisie du Procureur de la République et à ce jour, Monsieur X... L... Walid ainsi que notre institution n'ont plus aucune nouvelle de cette procédure. Or, de manière prudentielle, le patient qui ne critique absolument pas son comportement puisqu'il en perçoit pas le caractère potentiellement illégal bénéficie d'une mesure d'isolement prudentiel. Cette mesure d'isolement est privative de liberté et d'accès à des points qui seraient pourtant nécessaire comme un accès plus facile à des activités à visée thérapeutique.
Une clarification de sa situation sur le plan pénal s'impose donc, le patient a d'ailleurs de luimême souhaitait se mettre à disposition de la police pour pouvoir s'expliquer. Depuis le mois de janvier, régulièrement le patient malgré des efforts certains commet des dégradations dans le cadre d'accès de colère. C'est ainsi qu'il a cassé et brisé plusieurs éléments du mobilier de l'hôpital, une facturation est en cours et s'élèvera à plusieurs milliers d'euros (bris de chaises mais aussi de vitres et dégradation de porte).
Au total, à ce jour, un patient qui présente un potentiel d'impulsivité à l'origine de plusieurs passages à l'acte. Le tout dans une dynamique de soins qui est compliquée par une procédure pénale qui a bloqué également l'accès à des demandes en unité pour malades difficiles (12 UMD ont été contactées et pour l'instant ont toutes déclinées les possibilités d'accueil)
"
L'avis motivé rédigé le 28 juin 2019 en vue de l'audience d'appel reprend ces conclusions précisant : " Au total compte tenu la dangerosité psychiatrique du patient et de son opposition aux soins et en particulier à l'hospitalisation, il convient de maintenir les soins à la demande du représentant de l'état sous la forme d'une hospitalisation complète avec cependant une perspective d'évolution vers des soins institutionnels plus ouverts et adapté à l'évolution somme toute plus favorable de ce patient particulièrement difficile. "
Lors de l'audience d'appel du 01er juillet 2019 Monsieur D... X... L... a tenu un discours apparemment rassurant dans lequel il indique consentir aux soins qui lui seront imposés. Il souhaite un programme de soins.
Cependant le juge ne peut, au vu de ce seul discours et sans dénaturer l'avis médical motivé produit pour l'audience, estimer que Monsieur D... X... L... est à ce jour suffisamment stabilisé pour maintenir à moyen ou long terme son adhésion aux soins.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que Monsieur D... X... L... reste atteint d'un trouble psychiatrique que ce dernier nie de sorte que les soins adéquats ne peuvent utilement être administrés que dans le cadre d'une hospitalisation complète.
De surcroît il ressort de ces mêmes éléments que toute rupture de soins sera de nature à entraîner à terme quasi-certain, une décompensation qui aura pour conséquence la réitération des comportements auto ou héréto agressifs à l'origine de la mesure adoptée par l'autorité préfectorale, Monsieur D... X... L... étant déjà agressif et ayant commis de nombreux passages à l'acte violent dans le cadre même de l'hospitalisation.
En conséquence la mesure de soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète demeure le seul cadre approprié à la situation de Monsieur D... X... L.... » (ordonnance, p. 2 à 4)

1) ALORS QUE, lorsque le ministère public n'est pas représenté à l'audience, l'avis écrit du ministère public, partie jointe, doit être mis à la disposition des parties de telle sorte que celles-ci puissent y répondre utilement le jour de l'audience ; qu'il ne résulte ni de l'ordonnance, ni d'aucune pièce de la procédure que l'avis écrit du substitut général en date du 24 juin 2019 ait été mise à la disposition des parties pour leur permettre d'y répondre utilement le jour de l'audience ; que dès lors l'ordonnance attaquée a été en rendue au terme d'une procédure irrégulière en violation de l'article 6-1 de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales et des articles 16 et 431 du code de procédure civile.

2) ALORS QUE l'avis d'audience doit informer que la personne qui fait l'objet de soins psychiatriques, quand elle est hospitalisée, peut avoir accès, dans l'établissement où elle séjourne, aux pièces de son dossier mentionnées à l'article R 3211-12 du code de la santé publique ; qu'il ne ressort ni de l'ordonnance, ni d'aucune pièce de la procédure que cette information ait été portée, avant l'audience, à la connaissance de M. D... X... L... ;

que dès lors l'ordonnance attaquée a été rendue au terme d'une procédure irrégulière en violation des articles R 3211-19 et R 3211-13 du code de la santé publique.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-22691
Date de la décision : 16/01/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 01 juillet 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 16 jan. 2020, pourvoi n°19-22691


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.22691
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