LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 janvier 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 38 F-D
Pourvoi n° J 18-24.391
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. X....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 5 septembre 2018.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2020
M. G... X..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° J 18-24.391 contre l'arrêt rendu le 8 mars 2018 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile - 1re chambre), dans le litige l'opposant au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [...] , défendeur à la cassation.
Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Touati, conseiller référendaire, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. X..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 décembre 2019 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Touati, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Rosette, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu les articles 706-3, 706-5 et 706-6 du code de procédure pénale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'exposant avoir été victime le 26 mars 2014 de violences volontaires avec arme, M. X... a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (la CIVI) d'une demande de réparation de son préjudice ; que par ordonnance du 12 juin 2017, le président de la CIVI a débouté M. X... de sa demande de provision ;
Attendu que la cour d'appel a jugé que le droit à indemnisation de M. X... devait être réduit à hauteur de 50 % eu égard au déroulement des faits survenus le 26 mai 2014 et, en conséquence, fait droit à sa demande de provision à hauteur de 5 000 euros ;
Qu'en statuant ainsi, alors que saisie de l'appel d'une ordonnance du président de la CIVI, elle ne pouvait sans excéder ses pouvoirs se substituer à celle-ci pour dire si la faute de la victime était de nature à exclure ou seulement limiter son droit à indemnisation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par Me Laurent Goldman, avocat aux Conseils, pour M. X...
M. X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que son droit à indemnisation doit être réduit de 50 % eu égard au déroulement des faits survenus le 26 mars 2014 et d'avoir limité à la somme de 5.000 euros la provision que devra verser le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions ;
AUX MOTIFS QUE le droit à indemnisation peut être refusé ou réduit en raison d'une faute commise par la victime ayant concouru à la réalisation de son dommage ; qu'en l'espèce, il ressort des éléments issus de la procédure pénale qu'il existe un contentieux persistant entre M. G... X... et les frères W... , lié à des différends commerciaux ; que des insultes et des menaces avaient été proférées de part et d'autre avant les faits ; que le 26 mars 2014, M. G... X... s'est rendu au domicile des frères W... , accompagné de plusieurs personnes, afin de venir récupérer du matériel, muni d'une tige en fer et d'une batte de baseball ; que cet acte délibéré, ayant pu constituer pour les frères W... une provocation ou une menace, constitue une faute de la part de M. G... X... de nature à entraîner la réduction de son droit à indemnisation à hauteur de 50 % et non pas comme jugé en première instance une exclusion de ce droit ; qu'en effet, la riposte des individus auteurs des faits armés d'arme à feu, est manifestement disproportionnée à l'éventuelle provocation subie ; que dans ces conditions, le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions devra verser à M. G... X... au regard des blessures présentées et du préjudice envisagé, la somme provisionnelle de 5.000 euros ;
ALORS QU'en se fondant, pour réduire de 50 % le droit à indemnisation de M. X..., sur l'éventualité d'une provocation de ce dernier à l'égard de ses agresseurs, la cour d'appel, qui a statué par des motifs hypothétiques, a violé l'article 455 du code de procédure civile.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le droit à indemnisation de M. X... était de 50 % eu égard au déroulement des faits survenus le 26 mars 2014, d'AVOIR fait droit à la demande de provision à hauteur de 5 000 euros et d'AVOIR dit que le FGTI devrait verser à M. X... la somme provisionnelle de 5 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice ;
AUX MOTIFS QU'il résulte ainsi tant de la gravité des faits délictueux que des séquelles présentées par la victime que le droit à indemnisation de M. G... X... ne saurait être sérieusement contesté ; que ceci étant, ce droit à indemnisation peut être refusé ou réduit en raison d'une faute commise par la victime ayant concouru à la réalisation de son dommage ; qu'en l'espèce, il ressort des éléments issus de la procédure pénale qu'il existe un contentieux persistant entre M. G... X... et les frères W... , lié à des différends commerciaux ; que des insultes et des menaces avaient été proférées de part et d'autre avant les faits ; que le 26 mars 2014, M. G... X... s'est rendu au domicile des frères W... , accompagné de plusieurs personnes, afin de venir récupérer du matériel, muni d'une tige en fer et d'une batte de baseball ; que cet acte délibéré, ayant pu constituer pour les frères W... une provocation ou une menace, constitue une faute de la part de M. G... X... de nature à entraîner la réduction de son droit à indemnisation à hauteur de 50 % et non pas comme jugé en première instance une exclusion de ce droit ; qu'en effet, la riposte des individus auteurs des faits armés d'arme à feu, est manifestement disproportionnée à l'éventuelle provocation subie ; que dans ces conditions, le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions devra verser à M. G... X... au regard des blessures présentées et du préjudice envisagé, la somme provisionnelle de 5.000 euros ;
ALORS QUE la réparation du dommage causé par les faits présentant le caractère matériel d'une infraction peut être refusée ou son montant réduit en raison de la faute de la victime en relation de causalité directe et certaine avec le dommage ; qu'en jugeant qu'il n'y aurait pas lieu d'exclure intégralement le droit à indemnisation de M. X... dès lors que la « riposte des individus auteurs des faits armés d'arme à feu, est manifestement disproportionnée à l'éventuelle provocation subie » (arrêt, p. 4, § 4), quand seule la gravité de la faute de la victime doit être prise en compte par le juge de l'indemnisation pour déterminer s'il convient de réduire ou d'exclure totalement son droit à réparation, la cour d'appel a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale.