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16/01/2020 | FRANCE | N°18-22748

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 16 janvier 2020, 18-22748


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 janvier 2020

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 7 F-D

Pourvoi n° Y 18-22.748

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2020

M. E... S..., exerçant sous l'enseigne EMB, domicilié [

...] , a formé le pourvoi n° Y 18-22.748 contre l'arrêt rendu le 19 avril 2018 par la cour d'appel de Nouméa (chambre civile), dans le litige l'...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 janvier 2020

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 7 F-D

Pourvoi n° Y 18-22.748

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2020

M. E... S..., exerçant sous l'enseigne EMB, domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Y 18-22.748 contre l'arrêt rendu le 19 avril 2018 par la cour d'appel de Nouméa (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme V... M..., domiciliée [...] ,

2°/ à M. K... Y..., domicilié [...] ,

3°/ à la société Gan outre-mer IARD, société anonyme, dont le siège est [...] , ayant un établissement [...] ,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Bech, conseiller, les observations de la SCP Colin-Stoclet, avocat de M. S..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme M..., après débats en l'audience publique du 3 décembre 2019 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bech, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Donne acte à M. S... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Gan outre-mer IARD ;

Sur le moyen unique, qui est recevable :

Vu l'article 1147 du code civil de Nouvelle-Calédonie ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 19 avril 2018), que Mme M... a fait réaliser par M. S..., assuré auprès de la société Gan outre-mer IARD, une extension de sa maison par la création d'un étage ; qu'ayant constaté des infiltrations d'eau dans l'habitation lors de pluies, Mme M... a, après expertise, assigné M. S... et M. Y..., qui avait exécuté des travaux de peinture, en indemnisation de ses préjudices ; que M. S... a appelé en garantie la société Gan outre-mer IARD ;

Attendu que, pour condamner M. S... à payer à Mme M... certaines sommes au titre de la réparation des désordres et du préjudice moral, l'arrêt retient que le constructeur est débiteur d'une obligation de résultat à l'égard du maître de l'ouvrage et répond des inexécutions affectant les ouvrages exécutés par lui et qu'en n'assurant pas l'étanchéité de la construction réalisée, M. S... a manqué à son obligation de livrer un ouvrage exempt de vice ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le constructeur est tenu à l'égard du maître de l'ouvrage d'une responsabilité pour faute prouvée en ce qui concerne les désordres intermédiaires, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'en raison de l'indivisibilité existant entre les dispositions attaquées par le moyen et la condamnation prononcée au titre du préjudice de jouissance, l'arrêt doit être annulé également en cette disposition ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevable l'assignation en intervention forcée de M. S... contre la société Gan outre-mer IARD, dit que les désordres ne sont pas de nature décennale et rejette la demande de M. S... en paiement d'une facture, l'arrêt rendu le 19 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ;

Remet, sur le surplus, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa autrement composée ;

Condamne Mme M... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Colin-Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. S...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. S... à payer à Mme M... la somme de 1 509 474,57 FCFP au titre de la reprise des désordres, sous déduction de la provision de 190 000 FCFP déjà réglée et la somme de 250 000 FCFP au titre du préjudice moral ;

AUX MOTIFS QUE le litige porte sur la cause des infiltrations d'eau constatées le 16 juin 2011 par voie d'huissier ; que l'huissier a localisé les infiltrations, après dépose des lames de bois formant le plafond de l'extension édifiée par M. S..., au niveau des plaques de fibre-ciment, et plus particulièrement de part et d'autre des joints de jonction entre les plaques de fibre-ciment ; que l'origine de ces infiltrations a été confirmée par les trois experts qui ont constaté ce désordre : - l'expert N... du cabinet Excal qui constate dans son rapport du 21 juin 2011 à l'initiative de l'assureur de Mme M..., qu'hormis les infiltrations situées dans le coin télévision qui ont pour origine quelques percements de tôle de l'ancienne couverture par la corrosion, les autres infiltrations sont présentes tout autour de la zone ayant fait l'objet de l'extension du niveau supérieur et que l'eau provient de l'extérieur des panneaux en fibre-ciment et plus particulièrement par les joints entre les panneaux, - l'expert judiciaire M. G... qui indique dans ses conclusions, nonobstant les réserves qu'il formule concernant les intentions du maître de l'ouvrage qui aurait, selon lui, mis trop de temps à faire réparer les désordres, que les dégâts sont liés à l'écoulement de l'eau au travers des joints, derrière le solin, dans la hauteur du rez-de-chaussée et sont imputables à une erreur de conception concernant la réalisation de la protection extérieure par peinture ; - l'expert L... H... dans son rapport du 10 juillet 2013 qui s'étonne que l'expert judiciaire impute le défaut de jointoiement du gros-oeuvre à un manque de connaissance du peintre alors que le jointoiement du gros-oeuvre relève, selon lui, du gros-oeuvre et conclut qu'il s'agit bien d'une erreur de conception puisqu'il n'y a pas de joints d'étanchéité entre les plaques ; que les trois experts sont unanimes à identifier la cause des désordres dans le défaut d'étanchéité des joints entre les panneaux de fibre-ciment ce qui impose de rechercher, pour la résolution du litige, qui du maître d'oeuvre ou du peintre était chargé de l'étanchéité des joints ; (
) que le désordre lié au défaut d'étanchéité ne constitue pas un vice affectant la construction de l'ouvrage ou le sol et que l'impropriété à destination, retenue par le tribunal pour qualifier le désordre au regard de la garantie décennale due par le constructeur, n'est pas visée par les dispositions de l'article 1792 du code civil de Nouvelle-Calédonie ; qu'ainsi la responsabilité de M. S... ne peut être recherchée qu'au regard de l'article 1147 du code civil et de l'obligation qui en résulte pour le constructeur de livrer un ouvrage exempt de vice ; (
) qu'il convient de rappeler que par son engagement contractuel, le constructeur d'un ouvrage est débiteur d'une obligation de résultat à l'égard du maître de l'ouvrage et répond à cet égard des inexécutions affectant les ouvrages réalisés par lui ; que le constructeur ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère, imprévisible et irrésistible sauf son recours éventuel à l'encontre des sociétés sous-traitantes non allégué en l'espèce ; que pour que le fait du maître de l'ouvrage soit constitutif d'une cause exonératoire de la responsabilité du maître d'oeuvre, il incombe à ce dernier de caractériser son rôle actif dans la mise en oeuvre des techniques de construction de l'ouvrage ayant eu pour conséquence de faire perdre au constructeur la maîtrise du chantier ; que rien ne démontre que tel ait été le cas en l'espèce ; que M. S... est intervenu en qualité de professionnel de la construction de structures métalliques, kits et fondations et qu'il a accepté, en cette qualité, de réaliser le chantier sans solliciter l'intervention d'un bureau d'études ou de contrôle, ce dont il ne peut faire grief a posteriori à Mme M... ; que par conséquent le grief tiré de la responsabilité du maître de l'ouvrage ne saurait être retenu ; que le projet de construction et son descriptif ainsi que le devis accepté le 21 septembre 2009 par Mme M... portent sur une construction complète préfabriquée à ossature métallique de 43 m2 sur villa existante, incluant notamment le solivage, l'escalier d'accès, les murs en structure métallique et fibre-ciment, les raccords panneaux, les fenêtres, le faux plafond, la charpente métallique et la couverture en tôles pré-peinte avec rives, faîtages, gouttières au prix de 4 156 193 F CFP ; que le devis mentionne expressément : « à prévoir les finitions, descentes de gouttières, peintures, plinthes, revêtements etc. » ; que M. S..., qui a accepté le chantier en qualité de professionnel de la construction métallique, est tenu en sa qualité de constructeur de livrer un ouvrage exempt de vice ; qu'il lui appartient en cette qualité d'assurer l'étanchéité de l'édification à laquelle il s'est engagé, sauf à l'exclure expressément du marché afin de permettre au maître de l'ouvrage, profane en la matière, de contracter à cette fin par un marché distinct, ce poste étant indissociable de l'exécution de l'ouvrage ; que M. S... ne peut donc valablement exciper des finitions qui restaient, selon le devis, à prévoir, alors qu'il n'a nullement précisé ce que recouvrait le poste finitions, nonobstant la responsabilité qui lui incombe de la bonne fin de l'ouvrage ; que le fait même que M. S... ait acheté, selon facture du 20 mai 2011, pour satisfaire aux préconisations de l'expert, un certain nombre de produits afin d'assurer l'étanchéité des joints entre les plaques, établit certes sa bonne foi pour réparer les désordres en temps utile mais aussi la reconnaissance implicite de l'inexécution de la bonne fin des ouvrages ; que la conclusion de l'expert judiciaire, qui stigmatise à la fois l'erreur de conception de la réalisation de la protection extérieure et le traitement des joints entre les plaques de fibre-ciment, ne contredit en rien la responsabilité du constructeur qui, lorsqu'il assure de facto, comme c'est le cas en l'espèce, la maîtrise d'oeuvre de la réalisation de l'ouvrage, a l'obligation de donner les consignes appropriées à la bonne fin de celui-ci ; que la responsabilité contractuelle de M. S... est donc engagée ;

ALORS QU'après réception, la responsabilité contractuelle de droit commun de l'entrepreneur ne peut être engagée, en raison des dommages affectant l'ouvrage qui ne répondent pas aux conditions de la garantie décennale du constructeur, que sur le fondement d'une faute prouvée ; qu'en retenant que M. S... était, en qualité de constructeur, débiteur d'une obligation de résultat, qu'il était tenu de livrer un ouvrage exempt de vice et d'assurer la bonne fin de l'ouvrage, et ne pouvait s'exonérer de sa responsabilité qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère, et en le condamnant, en conséquence, à réparer les désordres résultant du défaut d'étanchéité des joints entre les panneaux de fibre-ciment, sans relever l'existence d'une faute de sa part, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil de Nouvelle-Calédonie.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-22748
Date de la décision : 16/01/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nouméa, 19 avril 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 16 jan. 2020, pourvoi n°18-22748


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Colin-Stoclet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.22748
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