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15/01/2020 | FRANCE | N°18-82445

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 janvier 2020, 18-82445


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° M 18-82.445 F-D

N° 2908

SM12
15 JANVIER 2020

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 15 JANVIER 2020

La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, le procureur général près
la cour d'appel de Lyon ont formé des pourvois contre l'arrêt de ladite cour d'appel, 7

e chambre, en date du 5 avril 2018, qui, dans la procédure suivie contre Mme V... W..., des chefs d'escroqueries et infractions au...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° M 18-82.445 F-D

N° 2908

SM12
15 JANVIER 2020

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 15 JANVIER 2020

La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, le procureur général près
la cour d'appel de Lyon ont formé des pourvois contre l'arrêt de ladite cour d'appel, 7e chambre, en date du 5 avril 2018, qui, dans la procédure suivie contre Mme V... W..., des chefs d'escroqueries et infractions au code de la santé publique, l'a condamnée à trois ans d'emprisonnement et à une interdiction professionnelle définitive, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Les mémoires en demande et en défense ont été produits.

Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la CPAM du Rhône, partie civile, les observations de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de Mme V... W..., et les conclusions de M. Valleix, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 décembre 2019 où étaient présents M. Soulard, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme partiellement et des pièces de procédure que Mme V... W..., pharmacienne titulaire de l'officine à l'enseigne "[...]" à [...], a été poursuivie des chefs susvisés devant le tribunal correctionnel ; qu'il lui est notamment reproché d'avoir obtenu de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône (ci-après "la CPAM du Rhône") le versement indu de la somme de 2 236 662 euros par l'emploi de diverses manoeuvres frauduleuses ; que, selon le dispositif du jugement du 7 septembre 2017, le tribunal correctionnel a déclaré la prévenue coupable des faits qui lui étaient reprochés, l'a condamnée en répression à cinq ans d'emprisonnement et à une interdiction professionnelle, a reçu la constitution de partie civile de la CPAM du Rhône, et a condamné la prévenue à lui payer la somme de 2 236 662 euros en réparation de son préjudice matériel, outre 50 000 euros au titre d'un préjudice matériel complémentaire ; que, dans les motifs décisoires du jugement, les juges ont par ailleurs énoncé qu'il y avait lieu de prononcer la confiscation des biens saisis, dont la valeur permettrait aux organismes sociaux de recouvrer partiellement leurs créances, sans que cette condamnation ne soit reprise au dispositif ; que Mme W..., puis le ministère public, ont relevé appel de la décision ;

En cet état ;

I - Sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Lyon :

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de la loi sur le fondement des articles 591 et 485 du code de procédure pénale,

Attendu que l'arrêt attaqué qui, après avoir constaté que les premiers juges ont condamné Mme W... à cinq ans d'emprisonnement et une interdiction professionnelle, infirme le jugement attaqué sur le quantum de la peine d'emprisonnement, condamne la prévenue à une peine de trois ans d'emprisonnement, et confirme le jugement sur la peine pour le surplus, est exempt de contradiction ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

II - Sur le pourvoi formé par la CPAM du Rhône :

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, et de l'article 1382, devenu 1240, du code civil,

“en ce que l'arrêt attaqué, après avoir fixé à la seule somme de 978 921 euros le montant des escroqueries commises par Mme W... à l'encontre de la CPAM du Rhône, a condamné Mme W... à payer à la CPAM du Rhône la somme de 978 921 euros à titre de dommages-intérêts,

“1°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que dans sa plainte initiale, la CPAM du Rhône avait clairement et précisément souligné qu'après « analyse d'une partie des 45 228 factures transmises par la pharmacie W... », son préjudice, calculé pour seulement « 159 patients » sur les « 7 955 personnes [
] ayant bénéficié de médicaments ou de matériels médicaux facturés par la pharmacie W... », s'élevait « au minimum à 978 921 euros », de sorte qu'il ne s'agissait là que « d'une partie du préjudice total subi par la CPAM du Rhône » ; qu'en jugeant pourtant que la CPAM avait chiffré et matérialisé très exactement son préjudice réel à la somme de 978 921 euros, ceci avec la plus grande précision et dès sa plainte initiale, la cour d'appel, qui a statué par des motifs dénaturant les termes de la plainte de la CPAM du Rhône, n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés.

“2°) alors qu'il appartient aux juridictions du fond de réparer, dans les limites des conclusions des parties, le préjudice dont elles reconnaissent le principe ; que pour limiter la réparation du préjudice de la CPAM du Rhône, la cour d'appel a relevé que les vérifications initiales entreprises par la CPAM avaient chiffré le préjudice à la somme de 978 921 euros, la méthode d'extrapolation ensuite retenue pour réclamer une réparation de 2 236 662 euros ne démontrant pas un préjudice direct et certain à hauteur de cette somme causé par les agissement de Mme W... ; qu'en se déterminant par de tels motifs, fondés sur le caractère hypothétique du mode de calcul proposé par la partie civile pour évaluer le montant de son préjudice, au lieu d'en rechercher elle-même l'étendue, sans s'arrêter à l'évaluation initiale avancée par la CPAM du Rhône à hauteur de 978 921 euros, évaluation partielle et présentée comme telle, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés”.

Sur le moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche :

Vu les articles 2, 3 et 593 du code de procédure pénale, 1240 du code civil, ensemble l'article 313-1 du code pénal ;

Attendu, d'une part, qu'il appartient aux juridictions du fond de réparer, dans les limites des conclusions des parties, l'intégralité du préjudice dont elles reconnaissent le principe ;

Attendu, d'autre part, que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que pour infirmer le jugement sur le montant des escroqueries commises au préjudice de la CPAM du Rhône et le fixer à la seule somme de 978 921 euros, l'arrêt retient qu'en ce qui concerne les manoeuvres frauduleuses au préjudice de cet organisme social, les vérifications et investigations informatiques et comptables entreprises par la caisse ont chiffré et matérialisé le montant des opérations frauduleuses à la somme de 978 921 euros, de sorte que le montant des escroqueries commises par la prévenue sera en conséquence fixé à cette somme ; que les juges ajoutent qu'ils ne retiennent pas la somme de 2 236 662 euros visée aux poursuites, aux motifs que cette somme n'est que le résultat d'une reconstitution de celles qui auraient dû être "raisonnablement" remboursées à la pharmacie exploitée par la prévenue compte tenu de son secteur géographique et économique, puis d'une comparaison de cette activité avec d'autres professionnels exerçant dans des conditions comparables, à partir d'un taux d'évolution déterminé par cet organisme social, ce dont il résulte que cette somme ne peut valablement constituer le montant des opérations frauduleuses effectivement réalisées par la prévenue ; qu'ils énoncent enfin, sur les intérêts civils, pour les mêmes motifs, que la prévenue sera condamnée à payer à la CPAM du Rhône la somme de 978 921 euros en réparation de son préjudice ;

Mais attendu qu'en se déterminant par ces motifs, alors qu'elle a par ailleurs constaté que la somme de 978 921 euros a été calculée à partir de l'étude des dossiers d'un échantillon de 159 patients, et de seulement une partie des 45 228 factures transmises par la pharmacie à la CPAM du Rhône entre le 1er octobre 2013 et le 15 octobre 2016, ce dont il se déduit que les sommes remises à Mme W..., ainsi que le préjudice subi par l'organisme social, sont supérieurs à cette seule somme, et qu'il lui appartenait donc, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, de rechercher le montant des sommes réellement remises constitutives du préjudice pour le réparer dans son intégralité, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

I - Sur le pourvoi du procureur général près la cour d'appel de Lyon :

Le REJETTE ;

II - Sur le pourvoi de la CPAM du Rhône :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 5 avril 2018, mais en ses seules dispositions ayant condamné Mme W... à payer à la CPAM du Rhône la somme de 978 921 euros à titre de dommages-intérêts, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze janvier deux mille vingt.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-82445
Date de la décision : 15/01/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 05 avril 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 jan. 2020, pourvoi n°18-82445


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Gouz-Fitoussi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.82445
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