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09/01/2020 | FRANCE | N°18-21331

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 09 janvier 2020, 18-21331


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 1er juin 2018), que, par deux déclarations des 3 mars 2017 et 13 mars 2017, M. J... a relevé appel d'un jugement du tribunal d'instance de Cayenne, statuant en matière prud'homale, qui, dans un litige l'opposant à l'établissement public industriel et commercial Opérateur public régional de formation (l'[...]), a requalifé la relation de travail en contrat à durée indéterminée, l'a débouté d'une demande de nullité du licenciement et a condamné l'[...] à

lui payer diverses sommes ; que, saisi, d'une part, par l'[...], de conclu...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 1er juin 2018), que, par deux déclarations des 3 mars 2017 et 13 mars 2017, M. J... a relevé appel d'un jugement du tribunal d'instance de Cayenne, statuant en matière prud'homale, qui, dans un litige l'opposant à l'établissement public industriel et commercial Opérateur public régional de formation (l'[...]), a requalifé la relation de travail en contrat à durée indéterminée, l'a débouté d'une demande de nullité du licenciement et a condamné l'[...] à lui payer diverses sommes ; que, saisi, d'une part, par l'[...], de conclusions d'incident tendant à voir prononcer la caducité de la déclaration d'appel et, d'autre part, par M. J..., de conclusions d'incident tendant à voir prononcer l'irrecevabilité des conclusions et pièces de l'intimée, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des procédures et a débouté les parties de leurs demandes respectives ; que M. J... a déféré l'ordonnance à la cour d'appel ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen et sur la première branche du second moyen, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu que M. J... fait grief à l'arrêt de prononcer la caducité de sa déclaration d'appel, alors, selon le moyen :

1°/ que la caducité de la déclaration d'appel faute de notification par l'appelant de ses conclusions à l'intimé dans le délai imparti par l'article 911 du code de procédure civile ne peut être encourue, en raison d'une irrégularité de forme affectant cette notification, qu'en cas d'annulation de cet acte, sur la démonstration par celui qui l'invoque du grief que lui a causé l'irrégularité ; que M. J... avait soutenu, en droit, que l'absence de signification des conclusions d'appel était un vice de forme n'entraînant la caducité de la déclaration d'appel que sur justification d'un grief par l'intimé et, en fait, que les conclusions et pièces de M. J... avaient été notifiées au greffe de la cour d'appel le 30 mai 2017, dans le délai imparti par la loi, notifiées à l'intimé le même jour au siège social de la société, de sorte que la signification de la déclaration d'appel et la notification des conclusions et pièces de l'appelant à l'intimé non constitué, effective le même jour, dans le délai de trois mois de l'article 908 du code de procédure civile, « n'a causé aucun grief à l'intimé » ; qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si l'absence de grief subi par l'intimé ne s'opposait pas à ce que la caducité de la déclaration d'appel soit prononcée pour absence de signification des conclusions par voie d'huissier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 114, 908 et 911 du code de procédure civile ;

2°/ que les règles de forme auxquelles est subordonné l'exercice d'une voie de recours doivent poursuivre un but légitime et être proportionnées au but recherché ; que si la caducité de la déclaration d'appel résultant de ce que les conclusions d'appel n'ont pas été remises au greffe dans le délai imparti par la loi, ne constitue pas en soi une sanction disproportionnée au but poursuivi, qui est d'assurer la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel, en revanche, la sanction qui frappe de caducité la déclaration d'appel du seul fait de l'absence de signification par voie d'huissier de justice des conclusions d'appel, alors que les conclusions d'appel ont été notifiées dans le délai imparti par la loi par remise en mains propres contre décharge ; qu'il est constant et il ressort de l'arrêt que "M. J..., appelant, a le 30 mai 2017, dans le délai légal pour conclure, déposé ses conclusions au siège social de [...]" ; qu'en outre la déclaration d'appel avait été signifiée par voie d'huissier le même jour ; qu'en sanctionnant par la caducité de l'appel le seul fait que les conclusions de l'appelant n'avaient été signifiées par voie d'huissier de justice mais remise en mains propres, portant ainsi une atteinte disproportionnée au droit d'accès à un tribunal et au droit à un recours effectif, la cour d'appel a violé les articles 6, § 1, et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'ayant rappelé que, selon l'article 911 du code de procédure civile, les conclusions de l'appelant sont signifiées aux parties qui n'ont pas constitué avocat sous les sanctions prévues aux articles 908 à 910 du code de procédure civile et constaté que M. J..., appelant, avait seulement déposé ses conclusions au siège de l'[...] dans le délai légal, c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit, par ce seul motif et sans qu'il y ait lieu pour elle de rechercher si l'irrégularité dénoncée avait causé un grief à l'intimé, que la caducité de la déclaration d'appel devait être prononcée ;

Et attendu que la caducité de la déclaration d'appel résultant de ce que ces conclusions n'ont pas été signifiées à l'intimé qui n'a pas constitué avocat dans le délai imparti par la loi ne constitue pas une sanction disproportionnée au but poursuivi, qui est d'assurer la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel, et n'est pas contraire aux exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. J... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. J... et le condamne à payer à l'[...] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. J...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir été rendu après audience tenue par Mme Q... , Conseillère ;

Alors que selon l'article 945-1 du code de procédure civile, le magistrat chargé d'instruire l'affaire peut, si les parties ne s'y opposent pas, tenir seul l'audience pour entendre les plaidoiries ; qu'il en rend compte à la cour dans son délibéré ; que l'arrêt mentionne que M. J... était « représenté par M. C... S... (délégué syndical ouvrier) », que l'[...] était « représenté par Me V... Marcault-Derouard, avocat », et que lors des débats, en application de l'article 945-1, l'affaire a été débattue par le 4 mai 2018 en audience publique et mise en délibéré au 1er juin 2018, « les avocats ne s'y étant pas opposés », devant Mme Q... , conseillère, qui a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de Mme W..., M. N..., Mme Q... ; que l'arrêt qui ne mentionne pas que le représentant de M. J..., M. S..., ne s'est pas opposé à ce que l'audience soit tenue par un seul magistrat, a été rendu en violation de l'article 945-1 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé la caducité de la déclaration d'appel de M. J... ;

Aux motifs que sur les demandes de « constater », la cour relève que les demandes de « constater » ou les « constats » sollicités, ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile, mais de simples arguments, sur lesquels il n'y pas lieu de statuer ; que sur la caducité de la déclaration d'appel, le conseiller de la mise en état a relevé que M. J... avait notifié ses conclusions d'appelant le 30 mai 2017 à Me R... O... par remise en mains propres, contre décharge, et a retenu « qu'en matière de procédure prud'homale et s'agissant des notifications entre avocats et défenseur syndical, la signification des conclusions par huissier de justice n'était pas le seul mode de notification légalement admissible » ; que l'[...] reprend son moyen soutenu devant le conseiller de la mise en état et, précisant que les conclusions de l'appelant ont été déposées à son siège social, le 31 mai 2017, reproche à ce dernier de ne pas lui avoir signifié ses écritures, selon les formes prescrites par l'article 911 du code de procédure civile ; que M. J... réplique que contrairement aux allégations de l'intimé, la signification n'est pas la seule possibilité pour l'appelant de communiquer ses conclusions et pièces à l'intimé qui n'a pas constitué avocat ; qu'il fait valoir que l'article 902 du code de procédure civile n'indique pas le mode de communication des conclusions de l'appelant et invoque un avis n° 14-70.008 du 06 octobre 2014 rendu par la Haute Cour, ainsi qu'une décision de la Cour de Cassation du 16 octobre 2014 ; que la cour relève, au vu des moyens soulevés par l'[...] tant devant le conseiller de la mise en état que devant la cour, que l'objet du litige porte sur la notification par l'appelant de ses conclusions et pièces, faite à l'[...], donc à l'intimé personnellement et non sur la notification faite par l'appelant à l'avocat de l'intimé, Me R... O..., comme retenu à tort, par le conseiller de la mise en état ; qu'il résulte de l'article 911 du code de procédure civile, que sous les sanctions prévues aux articles 908 à 910 du même code, les conclusions sont signifiées, donc par voie d'huissier, aux parties qui n'ont pas constitué et non simplement notifiées comme aux avocats des parties ; qu'à défaut de dispositions légales contraires, ce texte est applicable aux procédures d'appel en matière prud'homale et notamment aux défenseurs syndicaux ; qu'en l'espèce, M. J..., appelant a, le 30 mai 2017, soit dans le délai légal pour conclure, déposé ses conclusions au siège de [...], intimé non constitué à cette date, Me R... O..., s'étant constitué le 26 juillet 2017 ; que l'article 902 du code de procédure civile dont se prévaut M. J... concerne le délai et conditions de validité de la signification de la déclaration d'appel par l'appelant à l'intimé mais absolument pas les modalités de notification ou de communication des conclusions de l'appelant à l'intimé ; qu'au surplus, la décision de la Cour de Cassation dont se prévaut M. J... (2ème civ. 16 octobre 2014 n° 13-1799, P+B) porte sur l'irrégularité de la communication par télécopie, des conclusions de la société appelante à l'avocat de la société intimée, ce qui n'est pas l'objet des débats ; qu'au vu de ces éléments, la cour considère que M. J... n'a pas respecté l'article 911 précité et que dès lors, s'applique la sanction prévue par l'article 908 du code de procédure civile et donc de prononcer la caducité de l'appel ; qu'en conséquence, l'ordonnance déférée sera infirmée en ce qu'elle a débouté l'[...] de sa demande à ce titre ; que l'appel de M. J... étant caduc, il n'y a pas lieu de statuer sur les moyens tendant à l'irrecevabilité des conclusions de l'intimé, lequel, au demeurant, domicilié en Guyane, lieu de la juridiction saisie, ne peut bénéficier du délai supplémentaire d'un mois prévu par l'article 911-2 du code de procédure civile ;

Alors 1°) que les juges du fond ne peuvent statuer sans répondre aux conclusions des parties ; qu'en retenant que les demandes de « constater » ou les « constats » sollicités n'étaient pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile, mais de simples arguments, sur lesquels il n'y avait « pas lieu de statuer » (arrêt p. 3, dernier §), sans répondre aux moyens de droit qui étaient ainsi développés par M. J..., qui, comme le mentionne l'arrêt (p. 2 et 3), avait soutenu avoir respecté les délais de signification de la déclaration d'appel à l'intimé non constitué, avoir notifié ses conclusions et pièces au greffe et à I'[...] le même jour, dans le délai de 3 mois prescrit par l'article 908 du code de procédure civile, que l'intimé n'avait pas constitué avocat dans les quinze jours suivant la signification par l'appelant de la déclaration d'appel, en violation l'article 902 alinéa dernier du code de procédure civile, que l'intimé n'avait toujours pas constitué avocat le 13 juillet 2017, que les conclusions et pièces de l'intimé avaient été notifiées à l'appelant au-delà du délai de deux mois prescrit par l'article 909 du même code, qu'en violation des articles 903, 960 et 961 du même code, Me R... O... n'avait pas informé le défenseur syndical de M. J... qu'il était l'avocat constitué de l'[...], hormis dans ses conclusions envoyées après le délai prescrit par l'article 909, que l'intimé avait adressé des conclusions d'incident à l'appelant le 17 octobre 2017, 4 mois et 17 jours après notification des conclusions de l'appelant à l'intimé, au-delà du délai de deux mois prescrit par l'article 909 en vigueur au moment de l'appel, moyens de droits qui fondaient précisément sa demande de « confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 19 février 2018 en ce qu'elle avait rejeté le moyen tiré de la caducité de la déclaration d'appel », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors 2°) que la caducité de la déclaration d'appel faute de notification par l'appelant de ses conclusions à l'intimé dans le délai imparti par l'article 911 du code de procédure civile ne peut être encourue, en raison d'une irrégularité de forme affectant cette notification, qu'en cas d'annulation de cet acte, sur la démonstration par celui qui l'invoque du grief que lui a causé l'irrégularité ; que M. J... avait soutenu, en droit, que l'absence de signification des conclusions d'appel était un vice de forme n'entraînant la caducité de la déclaration d'appel que sur justification d'un grief par l'intimé et, en fait, que les conclusions et pièces de M. J... avaient été notifiées au greffe de la cour d'appel le 30 mai 2017, dans le délai imparti par la loi, notifiées à l'intimé le même jour au siège social de la société, de sorte que la signification de la déclaration d'appel et la notification des conclusions et pièces de l'appelant à l'intimé non constitué, effective le même jour, dans le délai de trois mois de l'article 908 du code de procédure civile, « n'a causé aucun grief à l'intimé » ; qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si l'absence de grief subi par l'intimé ne s'opposait pas à ce que la caducité de la déclaration d'appel soit prononcée pour absence de signification des conclusions par voie d'huissier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de articles 114, 908 et 911 du code de procédure civile ;

Alors 3°) que les règles de forme auxquelles est subordonné l'exercice d'une voie de recours doivent poursuivre un but légitime et être proportionnées au but recherché ; que si la caducité de la déclaration d'appel résultant de ce que les conclusions d'appel n'ont pas été remises au greffe dans le délai imparti par la loi, ne constitue pas en soi une sanction disproportionnée au but poursuivi, qui est d'assurer la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel, en revanche, la sanction qui frappe de caducité la déclaration d'appel du seul fait de l'absence de signification par voie d'huissier de justice des conclusions d'appel, alors que les conclusions d'appel ont été notifiées dans le délai imparti par la loi par remise en mains propres contre décharge ; qu'il est constant et il ressort de l'arrêt que « M. J..., appelant, a le 30 mai 2017, dans le délai légal pour conclure, déposé ses conclusions au siège social de OPRF » ; qu'en outre la déclaration d'appel avait été signifiée par voie d'huissier le même jour ; qu'en sanctionnant par la caducité de l'appel le seul fait que les conclusions de l'appelant n'avaient été signifiées par voie d'huissier de justice mais remise en mains propres, portant ainsi une atteinte disproportionnée au droit d'accès à un tribunal et au droit à un recours effectif, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-21331
Date de la décision : 09/01/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Cayenne, 01 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 09 jan. 2020, pourvoi n°18-21331


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.21331
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