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08/01/2020 | FRANCE | N°18-23296

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 janvier 2020, 18-23296


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme U... a été engagée par la société Atelier des jardins (la société) en qualité de responsable qualité à compter du 25 août 2014, selon contrat de travail à durée indéterminée du 23 juillet 2014 ; que le 17 décembre 2014, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société, la date de cessation des paiements étant fix

ée provisoirement au 1er septembre 2014 ; que le 17 décembre 2014, un avenant au contrat de tr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme U... a été engagée par la société Atelier des jardins (la société) en qualité de responsable qualité à compter du 25 août 2014, selon contrat de travail à durée indéterminée du 23 juillet 2014 ; que le 17 décembre 2014, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société, la date de cessation des paiements étant fixée provisoirement au 1er septembre 2014 ; que le 17 décembre 2014, un avenant au contrat de travail a été signé entre les parties ; que la société a été placée en liquidation judiciaire le 8 juillet 2015, la société MJ Synergie étant désignée mandataire liquidateur ; que la salariée a été licenciée pour motif économique et a reçu le solde de tout compte le 10 août 2015 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale en fixation de sa créance dans la procédure collective de la société au titre de rappel de salaires et d'indemnités ; que, le 23 mars 2016, le tribunal de commerce a reporté la date de cessation des paiements de la société au 31 décembre 2013 ;

Attendu que pour annuler l'avenant au contrat de travail et rejeter les demandes de la salariée, l'arrêt retient que les obligations de la société résultant de la signature d'un contrat de travail au cours d'une période de graves difficultés financières associées à une baisse majeure d'activité entraînant une réduction importante des effectifs, elle-même suivie de la signature d'un avenant ayant pour conséquence d'élever au rang de cadre la salariée, d'augmenter sa rémunération, de consentir à une reprise d'ancienneté en tenant compte d'un emploi précédent chez un employeur n'ayant aucun lien juridique avec la société et de prévoir une indemnité contractuelle de licenciement égale à douze mois de salaire, excédaient notablement celles de la salariée, caractérisant un déséquilibre considérable entre les prestations prévues par ce contrat ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le contrat de travail initial prévoyait la reprise de l'ancienneté acquise auprès du précédent employeur et l'octroi d'une indemnité contractuelle de licenciement équivalente à douze mois de salaires, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis du contrat de travail du 23 juillet 2014 et de l'avenant du 17 décembre 2014, a violé le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne la société MJ Synergie mandataires judiciaires, ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société MJ Synergie mandataires judiciaires, ès qualités, à payer à Mme U... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Rémy-Corlay, avocat aux Conseils, pour Mme U...

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Madame U... de l'ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE « Madame U... soutient que son contrat de travail du 25 août 2014 en qualité de responsable qualité était valide et correspondait à l'emploi qu'elle a occupé auparavant au sein d'une autre société. Elle sollicite en conséquence le paiement d'un préavis de trois mois et d'une indemnité de licenciement conforme à son ancienneté contractuelle. Le liquidateur de la société Atelier des Jardins soutient que le contrat de travail du 25 août 2014 et son avenant ont été conclus dans des conditions irrégulières au regard de l'article L. 632-1 du code du travail en ce qu'ils excédaient les capacités de la société, Elle sollicite le rejet des demandes indemnitaires. En application de l'article L. 632-1 du code de commerce, sont nuls lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, notamment tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie. En l'espèce, il n'est pas contesté que le contrat de travail constitue un contrat commutatif. Par jugement du 17 décembre 2014, le tribunal de commerce de Roanne a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la Sarl Atelier des Jardins et a fixé au 1er septembre 2014, la date de cessation des paiements. Puis par jugement du 23 mars 2016, le tribunal de commerce de Roanne a reporté la date de cessation de paiement au 31 décembre 2013 compte tenu du non-paiement des dettes sociales depuis cette date, ce qui n'est pas contesté par les parties. Ces jugements ont acquis l'autorité de la chose jugée. La Sarl Atelier des Jardins justifie (pièces n° 1, 2), qu'elle a fait face depuis plusieurs années à des difficultés financières se traduisant par: - au 31 décembre 2012, une perte de 58.389 euros, - au 31 décembre 2013, une perte de 31,788 euros, outre un passif total de 1.246.000 euros, et des capitaux propres négatifs à hauteur de 78.263, - une baisse du chiffre d'affaires de 1.403.171 euros au 31.12.2014 à 855.864 euros au 31.12.2013, - le licenciement de 13 salariés, suivi du licenciement économique de trois autres salariés dont Monsieur M... pendant la période d'observation, conformément à l'ordonnance du juge commissaire du 10 février 2015, - l'incapacité de payer l'ensemble de ses salariés à compter de septembre 2014, - le placement en redressement judiciaire le 17 décembre 2014 sur requête du ministère public, la date de cessation des paiements étant fixée provisoirement au 1er septembre 2014 et fixée définitivement au 31 décembre 2013, le fait que la période d'observation a généré un nouveau passif justifiant la liquidation judiciaire de la société en l'absence d'offre de reprise. Il n'est donc pas contestable que le contrat de travail de Madame U..., ainsi que son avenant, ont été conclus pendant la période suspecte. Pour s'opposer à l'argumentation de l'administrateur judiciaire, Madame U... met en avant le fait que la société Atelier des Jardins avait bénéficié d'une recapitalisation à hauteur de 600.000 euros. Or Madame U... ne produit qu'un procès-verbal du président de la société du 23 juin 2014 portant sur une augmentation de capital de 22.718 euros et l'émission d'un emprunt obligataire de 150.283,98 euros dont il n'est pas démontré qu'il a donné lieu à une souscription intégrale ou partielle. En toute hypothèse, ces opérations financières ne démontrent pas que la société était en capacité de conclure en période d'observation un contrat de travail et un avenant avec Madame U... dans les conditions salariales rappelées ci-dessus. Madame U... soutient au surplus que le mandataire liquidateur n'a pas remis en cause le statut de cadre et la rémunération et que la reprise d'ancienneté serait une pratique courante. Toutefois, les obligations de l'employeur, résultant de la signature d'un contrat de travail au cours d'une période de graves difficultés financières associées à une baisse majeure d'activité entraînant une réduction importante des effectifs, elle-même suivie de la signature d'un avenant au contrat de travail ayant pour conséquence d'élever au rang de cadre de Madame U..., d'augmenter sa rémunération, de consentir à une reprise d'ancienneté en tenant compte d'un emploi précédent chez un employeur n'ayant aucun lien juridique avec la société Atelier des Jardins et de prévoir une indemnité contractuelle de licenciement égale à 12 mois de salaire, excédaient donc notablement celles de la salariée Madame U..., caractérisant un déséquilibre considérable entre les prestations prévues par ce contrat. Le caractère anormal de l'avenant au contrat de travail du 17 décembre 2014 est également établi par le fait qu'il a été signé le jour même où a été prononcée l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Atelier des Jardins, et ce, alors que dès le mois de septembre 2014, les salariés ne pouvaient plus être réglés. Il convient en conséquence d'annuler l'avenant du 17 décembre 2014 et de débouter l'intimée de ses demandes de rappel de salaire incluant rappels de préavis et de congés payés et d'indemnités de licenciement. » ;

ALORS QUE 1°) seuls peuvent être annulés les contrats commutatifs notablement déséquilibrés conclus pendant la période suspecte ; qu'en matière de contrat de travail, le déséquilibre s'apprécie non au regard des capacités économiques de la société, mais au regard de la prestation fournie par rapport à la rémunération versée ; qu'en tenant pour nul le contrat de travail conclu avec Madame U... au cours de la période suspecte au motif inopérant qu'il n'était pas démontré « que la société était en capacité de conclure en période d'observation un contrat de travail et un avenant avec Madame U... dans les conditions salariales rappelées ci-dessus » sans avoir égard ni aux prestations demandées à Madame U... dans le cadre de son contrat de travail, ni au caractère raisonnable du salaire versé par rapport au travail demandé, la Cour d'appel a violé l'article L. 632-1 du Code de commerce ;

ALORS QUE 2°) seuls peuvent être annulés les contrats commutatifs notablement déséquilibrés conclus pendant la période suspecte ; qu'il appartient au débiteur de démontrer que le contrat de travail conclu est déséquilibré au regard de la prestation de travail demandée ; qu'en tenant pour nul le contrat de travail conclu avec Madame U... au cours de la période suspecte au motif que celle-ci n'apportait pas la preuve des capacités financières de la Société, la Cour d'appel a renversé la charge de la preuve du déséquilibre des prestations, et violé l'article L. 632-1 du Code de commerce ;

ALORS QUE 3°) le juge ne peut dénaturer les pièces versées au débat ; qu'en retenant que l'avenant du 17 décembre 2014 au contrat de travail avait « eu pour conséquence d'élever au rang de cadre de Madame U... » quand les bulletins de salaires de son ancien emploi versés aux débats énonçaient expressément que Madame U... avait le statut de cadre (Cadre Niv. VIII coeff. 350), la Cour d'appel dénaturé ces bulletins, le contrat de travail du 23 juillet 2014 et l'avenant du 17 décembre 2014 en violation du principe susvisé ensemble l'article 1192 du Code civil ;

ALORS QUE 4°) le juge ne peut dénaturer les pièces versées au débat ; qu'en retenant que l'avenant du 17 décembre 2014 au contrat de travail avait « eu pour conséquence d'élever au rang de cadre de Madame U..., d'augmenter sa rémunération, de consentir à une reprise d'ancienneté en tenant compte d'un emploi précédent chez un employeur n'ayant aucun lien juridique avec la société Atelier des Jardins et de prévoir une indemnité contractuelle de licenciement égale à 12 mois de salaire » quand le contrat de travail initial avait prévu tant le maintien du statut de cadre que la reprise d'ancienneté et l'indemnité conventionnelle de licenciement, en contrepartie de la perte de ces avantages pour Madame U... dans son ancien emploi, la Cour d'appel a dénaturé le contrat de travail du 23 juillet 2014 et l'avenant du 17 décembre 2014 en violation du principe susvisé ensemble l'article 1192 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-23296
Date de la décision : 08/01/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 08 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 jan. 2020, pourvoi n°18-23296


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Rémy-Corlay, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.23296
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