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07/01/2020 | FRANCE | N°19-80028

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 janvier 2020, 19-80028


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. V... G..., partie civile,

contre l'arrêt n° 232-207 de la cour d'appel de PAPEETE, chambre correctionnelle, en date du 25 octobre 2018, qui, l'a débouté de ses demandes après relaxe de Mme N... X..., épouse O..., du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 26 novembre 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procÃ

©dure pénale : M. Soulard, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsen...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. V... G..., partie civile,

contre l'arrêt n° 232-207 de la cour d'appel de PAPEETE, chambre correctionnelle, en date du 25 octobre 2018, qui, l'a débouté de ses demandes après relaxe de Mme N... X..., épouse O..., du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 26 novembre 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Maréville ;

Sur le rapport de M. le conseiller BONNAL, les observations de la société civile professionnelle COLIN-STOCLET, la société civile professionnelle L. POULET-ODENT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CROIZIER ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 23, 29, alinéa 1er, 30 et 31 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé Mme O... des fins de la poursuite du chef de diffamation envers un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public temporaire ou permanent et débouté la partie civile de ses demandes ;

1°) alors que le propos contenant l'imputation d'un fait précis ou déterminé, de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée, constitue une diffamation, même s'il est présenté sous forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation ; qu'en entremêlant, de manière répétée, les accusations de vol organisé contre les usagers prétendument commis par la société EDT et le comportement de M. G..., les propos de Mme O... laissaient penser que ce dernier avait, par ses actes personnels, rendu possible ledit vol, ce qui constituait un fait précis de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération d'un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public ; qu'en retenant que Mme O... n'avait décliné aucun fait précis à l'encontre de M. G..., l'accusation de vol organisé contre les usagers étant, selon les juges du fond, formulée à l'encontre de la seule société EDT, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

2°) alors qu'en déclarant publiquement saisir son avocat pour approfondir « les conditions douteuses de tout ce que j'ai dénoncé ce soir mais également aussi votre comportement M. le vice-président », Mme O... a laissé entendre que M. G... aurait eu,

en tant que vice-président, un comportement légalement répréhensible en lien avec les « conditions douteuses » dénoncées, et pouvant justifier la saisine de la justice, ce qui constitue un fait précis de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération d'un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public ; qu'en retenant que ce propos ne constituait pas l'allégation d'un fait précis au sens de la loi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

3°) alors que lorsque les propos diffamatoires, procédant par voie d'affirmation ou d'insinuation, sont dépourvus d'une base factuelle suffisante, ils excèdent les limites admissibles de la liberté d'expression et de la polémique politique ; qu'en s'abstenant totalement de vérifier si les propos poursuivis reposaient sur une base factuelle suffisante, seule susceptible de les justifier y compris dans le contexte d'un débat d'intérêt général, la cour d'appel n'a pas légalement justifié son arrêt au regard des textes précités" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de la procédure que M. G..., vice-président du gouvernement de la Polynésie française, ministre du budget, des finances et des énergies, a fait citer devant le tribunal correctionnel Mme O..., représentante à l'assemblée de cette collectivité d'outre-mer, du chef susvisé, pour avoir tenu, le 25 avril 2016, au cours de l'émission "[...]", de la chaîne Polynésie première France télévisions, les propos suivants : "J'estime que c'est du vol qui a été organisé contre les usagers. Mais le problème c'est que notre gouvernement, notamment M. le vice-président qui est censé défendre l'intérêt général des usagers et bein il s'est arrangé du côté de ce monopole et c'est la raison pour laquelle je suis venue dire la vérité à la population" ; "Aujourd'hui, ce soir, quand je vois notre vice-président s'acharner à défendre EDT, je me pose des questions ... parce que normalement nous, on est élu aussi bien lui comme moi à plus forte raison dans un gouvernement quand il y a une majorité, le gouvernement est là pour garantir la défense de l'intérêt général collectif de la population... " ; "Mais lorsque je vois M. le vice-président défendre, becs et ongles, la société EDT, qui délibérément pioche 1milliard 500 millions dans la poche des polynésiens tous les mois, non je n'accepte pas ... " ; "Elle indique également avoir saisi un avocat "pour approfondir" les conditions douteuses de tout ce que j'ai dénoncé ce soir mais également aussi votre comportement M. le vice-président ; encore une fois pour moi, nous ne sommes pas élus pour permettre à une multinationale française de ...tirer profit sur les polynésiens..." ; que les juges du premier degré ont relaxé la prévenue ; que la partie civile a relevé appel de cette décision ;

Attendu que, pour confirmer le jugement sur les intérêts civils,
l'arrêt énonce, adoptant les motifs des premiers juges, que Mme O... n'a imputé aucun fait précis à M. G..., l'accusation de vol organisé contre les
usagers étant formulée à l'encontre de la société EDT et non de celui-ci ; que les juges ajoutent, par motifs propres, que l'indication donnée par la prévenue qu'elle a saisi un avocat pour "approfondir" les conditions douteuses de ce qu'elle vient de dénoncer, incluant le comportement de la partie civile, ne constitue pas l'allégation d'un fait précis au sens de la loi, et que les propos incriminés, tenus dans le contexte d'un débat sur l'attribution d'un marché public, visent à critiquer le choix politique fait par M. G..., en sa qualité de vice-président du gouvernement, de soutenir la société EDT, qui détient le monopole de la fourniture d'électricité en Polynésie française, et constituent une opinion acceptable dans le cadre d'un débat politique, qui doit être protégée en vertu du principe de la liberté d'expression, liberté fondamentale consacrée par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, et dès lors que les propos incriminés n'imputaient à la partie civile, en critiquant les tarifs de l'électricité distribuée par la société EDT, aucune complicité de vol ni, en évoquant la saisine d'un avocat sur les conditions douteuses de cette affaire et fût-ce par insinuation, aucun fait précis susceptible d'un débat sur la preuve de sa vérité, la cour d'appel, qui, en l'absence de toute imputation d'un tel fait précis, seule susceptible de caractériser une diffamation, n'avait pas à rechercher si les propos reposaient sur une base factuelle suffisante, n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, lequel doit en conséquence être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme que M. G... devra payer à Mme O... en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept janvier deux mille vingt ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 19-80028
Date de la décision : 07/01/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete, 25 octobre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 jan. 2020, pourvoi n°19-80028


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Colin-Stoclet, SCP L. Poulet-Odent

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.80028
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