LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Chambéry, 3 avril 2018 et 26 juin 2018), qu'un chalet, propriété de la société civile immobilière Le Petit Vent (la SCI) et bâti sur un terrain en copropriété, a été reconstruit après sa destruction partielle par un incendie ; que M. et Mme V..., propriétaires du chalet voisin, ont assigné la SCI pour obtenir que l'immeuble reconstruit soit remis dans son état antérieur et en indemnisation d'un trouble de jouissance ; que la société Votre maison de vacances, devenue propriétaire du chalet, et le syndicat des copropriétaires des immeubles Les chalets du Pravet (le syndicat des copropriétaires) sont intervenus à l'instance d'appel ;
Attendu que les sociétés Votre maison de vacances et Le Petit Vent font grief à l'arrêt de condamner la première à remettre le chalet dans son état initial et toutes deux à payer certaines sommes au syndicat des copropriétaires et à M. et Mme V... à titre de dommages-intérêts ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les parties communes de la copropriété comprenaient la totalité du sol, en ce compris le terrain d'assiette des constructions, que l'emprise au sol du chalet reconstruit était supérieure à celle de l'immeuble originel et que cette extension de la construction sur les parties communes avait été réalisée sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, la cour d'appel, qui a pu en déduire, abstraction faite d'un motif surabondant, que le syndicat des copropriétaires et M. et Mme V... étaient fondés à demander la remise en état initial du
chalet et l'indemnisation de leurs préjudices, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Le Petit Vent et Votre maison de vacances aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des sociétés Le Petit Vent et Votre maison de vacances et les condamne à payer au syndicat des copropriétaires des immeubles Les chalets du Pravet et à M. et Mme V... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour les sociétés Votre maison de vacances et Le Petit Vent.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, D'AVOIR condamné la société Votre maison de vacances à remettre les lieux dans l'état initial, le volume du chalet devant être ramené à celui existant, tel que défini dans le dossier de permis de construire obtenu le 3 février 2009, imparti à la société Votre maison de vacances un délai de deux ans pour le faire, passé lequel une astreinte provisoire de 1 000 euros par mois de retard, qui à verser au syndicat des copropriétaires, serait encourue, condamné in solidum la SCI Le petit vent et la société Votre maison de vacances à payer au syndicat des copropriétaires, la somme de 1 000 euros de dommages intérêts, aux époux V... la somme de 3 000 euros de dommages intérêts, au syndicat des copropriétaires et aux époux V..., la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU' « aux termes d'un acte du 30/08/2013, la société civile immobilière LE PETIT VENT a cédé à la société Votre maison de vacances le chalet litigieux, au prix de 560.000 euros. Toutefois, c'est sous son égide que les travaux d'agrandissement ont été réalisés. Dès lors, si la SCI LE PETIT VENT ne peut faire l'objet d'une condamnation à remettre en état les lieux, n'étant plus propriétaire de l'ouvrage concerné, elle peut l'être au titre des éventuels dommages intérêts résultant du préjudice occasionné tant aux autres copropriétaires qu'au syndicat des copropriétaires.
Selon l'article 4 du règlement de copropriété (page 32), les parties communes comprennent la totalité du sol, y compris celui sur lequel seront édifiées les constructions prévues, tandis que les parties privatives comprennent le droit d'usage exclusif du sol d'assiette de la construction et du jardin attenant.
Il en résulte que le copropriétaire qui a méconnu une clause du règlement de copropriété, met en jeu sa responsabilité contractuelle et encourt, de ce fait, des dommages-intérêts. Spécialement, la remise en état des lieux à la suite de travaux exécutés irrégulièrement par un copropriétaire peut être ordonnée sans qu'il soit exigé que le demandeur (copropriétaire ou syndicat) ait à faire preuve d'un préjudice.
En l'espèce, lorsque la SCI LE PETIT VENT a fait reconstruire son chalet suite au sinistre, elle l'a fait sur une emprise au sol bien plus importante que celle du chalet originel. Selon le rapport du consultant G..., cette emprise supplémentaire s'élève à 26,76 m².
Cette construction sur les parties communes s'est faite sans que l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires soit obtenue.
Tant M. V... que le syndicat des copropriétaires sont en droit de réclamer la remise en état des lieux dans leur situation initiale.
Certes, les intimés font valoir que, pour satisfaire à la réglementation régissant les établissements recevant du public, ainsi que pour respecter les nouvelles normes d'isolation, il leur était impossible de le faire sans augmentation de la surface.
Toutefois :
- la réglementation concernant l'accueil handicapés ne concerne que les maisons individuelles construites pour être louées ou mises à disposition ou pour être vendues, à l'exclusion de celles dont le propriétaire a entrepris la construction ou la réhabilitation pour son propre usage (article R.111-18-4 du code de la construction et de l'habitation) ; or, un usage individuel reste toujours possible, et ce n'est que pour ses propres besoins que le nouvel acquéreur met en location le bien considéré à usage de groupes ;
- le bien reconstruit comporte des surfaces supplémentaires dont la création n'était pas indispensable pour le respect de la réglementation, comme la vue des lieux a permis de le constater, le nombre de couchages étant supérieur à celui initial ;
- l'architecte reconnaît du reste que pour des raisons esthétiques, l'agrandissement du chalet a été opéré ;
- en tout état de cause, l'aspect général du chalet reconstruit étant modifié, l'accord de l'assemblée générale des copropriétaires devait être sollicité et obtenu, quitte pour le copropriétaire demandeur à déférer la délibération devant la juridiction compétente en cas de refus abusif.
Dans ces conditions, la société Votre maison de vacances sera condamnée à remettre les lieux dans l'état initial, le volume du chalet devant être ramené à celui existant, conformément à l'article 103 du règlement de copropriété. Toutefois, il faut que le copropriétaire obtienne un permis de démolir, dépose un nouveau permis de construire, et fasse réaliser les travaux, étant relevé que ceux-ci, le chalet étant situé en altitude, ne peuvent être effectués que durant une partie de l'année seulement. En conséquence, il sera accordé à la société Votre maison de vacances un délai de deux ans pour y procéder, passé lequel une astreinte de 1.000 euros par mois de retard sera encourue, cette astreinte bénéficiant au syndicat des copropriétaires.
Concernant les préjudices subis, celui du syndicat des copropriétaires est minime, le chalet reconstruit étant de très belle facture, de proportions harmonieuses, et ne déparant en rien le paysage et l'aspect général de la copropriété. Il sera réparé par l'allocation de la somme de 1.000 euros.
Pour ce qui est du préjudice subi par les époux V..., leur environnement a été très légèrement perturbé par l'agrandissement du chalet et ce préjudice sera réparé par la somme de 3.000 euros de dommages intérêts
1°) ALORS QUE, il n'a jamais été contesté par les parties que le chalet était destiné à la location et qu'il l'avait toujours été, raison pour laquelle sa reconstruction nécessitait le respect des normes relatives à l'accessibilité aux handicapés ; que dès lors, en énonçant qu' « un usage individuel reste toujours possible », et que « ce n'est que pour ses propres besoins que le nouvel acquéreur met en location le bien considéré à usage de groupes » pour en déduire que l'application la réglementation concernant l'accueil handicapés ne pouvait justifier la construction actuelle, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.
2°) ALORS QUE, le juge ne peut relever d'office un moyen sans avoir invité les parties à en discuter contradictoirement ; que dès lors en affirmant d'office et sans susciter les observations préalables des parties qu' « un usage individuel reste toujours possible », et que « ce n'est que pour ses propres besoins que le nouvel acquéreur met en location le bien considéré à usage de groupes » pour en déduire que l'application la réglementation concernant l'accueil handicapés ne pouvait justifier la construction actuelle, quand il n'était pas contesté que le chalet était destiné à la location, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
3°) ALORS QUE, et en tout état de cause, les maisons individuelles construites à partir du 1er janvier 2007 et destinées à la location doivent impérativement être construites et aménagées de façon à être accessibles aux personnes handicapées, quel que soit leur handicap ; qu'il ne peut être dérogé à ces normes impératives qu'en cas d'impossibilité technique, de disproportion manifeste entre les améliorations apportées et leurs conséquences et de préservation du patrimoine ; que dès lors en se bornant à énoncer qu' « un usage individuel reste toujours possible », et que « ce n'est que pour ses propres besoins que le nouvel acquéreur met en location le bien considéré à usage de groupes » pour en déduire que l'application la réglementation concernant l'accueil handicapés ne pouvait justifier la construction actuelle, sans expliquer en quoi un possible « usage individuel » et une location par la société Votre maison de vacances « pour ses propres besoins » seraient de nature à exclure l'immeuble litigieux du champ d'application des articles R.111-18-4 et R.111-18-5 du code de la construction et de l'habitation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa version applicable au litige et au regard des articles L. 111-7, R.111-18-4 et R.111-18-5 du code de la construction et de l'habitation.