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19/12/2019 | FRANCE | N°18-21688

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 19 décembre 2019, 18-21688


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 386 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 4 juillet 2018), que M. I... est propriétaire d'une parcelle jouxtant celle de M. H... sur laquelle la société Aquitaine service exerce une activité de mécanique industrielle ; qu'à la demande de M. I..., un arrêt d'une cour administrative d'appel du 24 novembre 2009 a annulé le permis de construire du 17 janvier 2006 autorisant une extension du bâtiment édifié sur le terrain de

M. H... ; que M. I... a assigné M. H... et la société Aquitaine service devant un...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 386 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 4 juillet 2018), que M. I... est propriétaire d'une parcelle jouxtant celle de M. H... sur laquelle la société Aquitaine service exerce une activité de mécanique industrielle ; qu'à la demande de M. I..., un arrêt d'une cour administrative d'appel du 24 novembre 2009 a annulé le permis de construire du 17 janvier 2006 autorisant une extension du bâtiment édifié sur le terrain de M. H... ; que M. I... a assigné M. H... et la société Aquitaine service devant un tribunal de grande instance aux fins d'obtenir la démolition du bâtiment construit en vertu du permis de construire annulé et en dommages-intérêts ; que, le 10 septembre 2010, un permis de construire de régularisation a été accordé à la société Aquitaine ; que M. I... a saisi le tribunal administratif en annulation de ce second permis ; qu'une ordonnance du 3 janvier 2011 du juge de la mise en état du tribunal de grande instance a sursis à statuer jusqu'au prononcé de la décision du tribunal administratif ; qu'un arrêt du 15 octobre 2015 d'une cour administrative d'appel a confirmé l'annulation du permis de construire accordé le 10 septembre 2010 ; que le pourvoi formé par M. H... et la société Aquitaine service contre cet arrêt a été déclaré non admis le 8 juin 2016 ; que, par conclusions du 18 octobre 2016, M. I... a sollicité la réinscription de l'affaire au rôle du tribunal de grande instance ; que M. H... et la société Aquitaine service ont saisi le juge de la mise en état pour voir constater la péremption de l'instance ;

Attendu que, pour déclarer l'instance périmée, l'arrêt retient que le tribunal de grande instance n'était pas tenu d'attendre la décision de la juridiction administrative dès lors que, au moment où l'assignation a été délivrée à l'initiative de M. I..., le permis de construire ayant donné lieu à la construction du bâtiment dont il demandait la démolition avait été annulé par un arrêt irrévocable, qu'ensuite, le juge de la mise en état n'avait pas prononcé le sursis à statuer jusqu'à ce que les recours soient épuisés devant les juridictions administratives, mais seulement jusqu'à la survenance du jugement du tribunal administratif statuant aux fins d'annulation du permis de construire du 10 septembre 2010, et que, dans son ordonnance rendue le 19 décembre 2017, le juge de la mise en état ne pouvait, rétroactivement, valider l'inertie de M. I..., qui, devant le tribunal de grande instance, n'avait fait procéder à aucune diligence interruptive du délai de péremption ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter le lien de dépendance direct et nécessaire entre l'instance judiciaire et l'instance administrative relative au permis de construire du 10 novembre 2010, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau, autrement composée ;

Condamne M. H... et la société Aquitaine service aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande M. H... et la société Aquitaine service et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à M. I... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour M. I...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit qu'aucune diligence n'avait été accomplie dans l'instance RG 16/02415 dans le délai de deux ans suivant le jugement rendue le 1er décembre 2011 par le tribunal administratif de Pau, d'AVOIR dit qu'en conséquence, l'instance introduite devant le tribunal de grande instance de Pau par assignation de Monsieur I... délivrée à l'égard de Monsieur H... et de la société Aquitaine Service était périmée, d'AVOIR rappelé que la péremption d'instance emportait son extinction, d'AVOIR rejeté tout autre moyen ou prétention ;

AUX MOTIFS QUE : « Les parties ne discutent pas le fait qu'un nouveau délai de péremption a commencé à courir après le 1er décembre 2011, date du jugement rendu par le tribunal administratif qui était l'événement attendu dans le cadre du sursis à statuer décidé par l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de PAU rendue le 3 janvier 2011. Le litige concerne l'incidence des recours intentés par M. H... et la société AQUITAINE SERVICE à l'égard du jugement rendu par le tribunal administratif. En effet, selon les appelants, ces diligences accomplies dans le cadre d'une procédure administrative distincte ne pouvaient avoir d'effet interruptif du délai de péremption de l'action introduite par M. I... devant le tribunal de grande instance. Quant à M. I..., il se prévaut du lien de dépendance directe et nécessaire entre les deux procédures pour solliciter la confirmation de l'ordonnance du juge de la mise en état qui a consacré le caractère interruptif dans l'instance civile, des diligences faites dans l'instance administrative. Il est constant que le sursis à statuer prononcé dans l'ordonnance de mise en état du 3 janvier 2011 constitue une mesure d'administration judiciaire laissée à la libre appréciation du magistrat qui, en l'espèce et sans y être légalement tenu par la nature de la procédure concernée, a estimé que l'issue du recours introduit par M. I... devant le tribunal administratif à l'égard du permis de construire de régularisation obtenu le 10 septembre 2010 par M. H... et la société AQUITAINE SERVICE, commandait la solution du litige dont était saisi le tribunal de grande instance de PAU. Contrairement à ce que lui demandaient M. H... et la société AQUITAINE SERVICE, le juge de la mise en état n'a toutefois pas prononcé le sursis à statuer jusqu'à ce que les recours soient épuisés devant les juridictions administratives, mais seulement jusqu'à la survenance du jugement du tribunal administratif statuant aux fins d'annulation du permis de construire du 10 septembre 2010. Statuant par ordonnance et non par simple mention au dossier, le juge a donc strictement défini l'événement qui mettait un terme à la mesure de sursis à statuer, rappelant même dans les motifs de sa décision qu'en cas de recours contre le jugement administratif, la partie la plus diligente pourrait demander un nouveau sursis à statuer (et non une reconduction de ce sursis à statuer). Après la survenance du jugement du tribunal administratif rendu le 1er décembre 2010, un nouveau délai de péremption a commencé à courir. L'article 386 du code de procédure civile dispose en effet que l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans. Il n'est pas contesté que devant le tribunal de grande instance de PAU, M. I... n'a fait procéder par son avocat, à aucune diligence interruptive du délai de péremption. Or, il apparaît que rien ne contraignait le tribunal de grande instance à attendre la décision de la juridiction administrative dans une telle affaire, dès lors qu'au moment où l'assignation a été délivrée à l'initiative de M. I..., le permis de construire ayant donné lieu à la construction du bâtiment dont il demandait la démolition, avait été annulé par un arrêt irrévocable rendu le 24 novembre 2009 par la cour administrative d'appel de BORDEAUX. Le juge de la mise en état a néanmoins considéré, dans son pouvoir souverain d'appréciation, qu'il convenait d'attendre la décision du tribunal administratif mais uniquement celle-ci, pour disposer d'éléments de réflexion supplémentaires lui paraissant nécessaires à la solution du litige qui était soumis au tribunal de grande instance. Dès lors, dans son ordonnance rendue le 19 décembre 2017, le juge de la mise en état ne pouvait comme il l'a fait, rétroactivement valider l'inertie de M. I..., au motif que les diligences accomplies devant la juridiction administrative avaient interrompu la péremption de l'action civile alors que, dans sa décision précédente, il avait ordonné que l'instance soit reprise devant lui, après la survenance du jugement du tribunal administratif saisi du recours en annulation du permis de régularisation du 10 septembre 2010. M. I... a donc laissé se périmer l'instance introduite devant le tribunal de grande instance de PAU » ;

1°) ALORS QUE les diligences de nature à interrompre le cours de la péremption d'une instance s'entendent non seulement des diligences accomplies dans le cadre de l'instance dont la péremption est alléguée mais également des diligences accomplies dans le cadre de toute instance présentant avec cette dernière un lien de dépendance direct et nécessaire ; que l'interruption résultant des diligences ainsi accomplies produit ses effets de plein droit et par le seul effet de la loi ; qu'en l'espèce, Monsieur I... faisait valoir que les diligences qu'il avait accomplies entre 2010 et 2016 devant le tribunal administratif de Pau, la Cour administrative d'appel de Bordeaux et le Conseil d'Etat afin de contester la légalité du permis de régularisation du 10 septembre 2010 autorisant la construction réalisée par la société Aquitaine Service avaient eu pour effet d'interrompre le cours de la péremption courant contre l'instance initiée devant le juge civil aux fins d'obtenir la démolition de ce même ouvrage et l'indemnisation du préjudice résultant de sa construction, les instances administrative et civile présentant entre elles un lien de dépendance direct et nécessaire ; qu'il faisait notamment valoir que l'accueil du recours exercé devant les juridictions administratives était de nature à fonder les demandes de démolition et de dommages et intérêts formées devant les juridictions civiles ; que la Cour d'appel a toutefois retenu que le juge de la mise en état n'avait pu valablement écarter l'exception de péremption de l'instance civile soulevée par la société Aquitaine Service en se fondant sur les diligences accomplies devant la juridiction administrative dans la mesure où il avait ordonné un sursis à statuer jusqu'à ce que le tribunal administratif de Pau statue sur le recours en excès de pouvoir formé contre le permis de régularisation du 10 septembre 2010 et non jusqu'à ce qu'il soit statué définitivement sur la légalité du permis litigieux ; qu'en statuant ainsi cependant que les diligences accomplies dans le cadre de l'instance arguée de péremption ou dans toute autre instance présentant avec celle-ci un lien de dépendance direct et nécessaire produisent leurs effets interruptifs de plein droit et qu'il lui appartenait dès lors de rechercher, indépendamment des termes du sursis prononcé, s'il n'existait pas un tel lien entre les instances administrative et civile considérées de sorte que les diligences accomplies dans le cadre de l'une produisaient un effet interruptif à l'égard de l'autre, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 386 du code de procédure civile ;

2°) ALORS de même QUE Monsieur I... faisait valoir qu'il existait un lien direct et nécessaire entre les instances administrative et civile qu'il avait initiées dans la mesure où l'accueil du recours exercé devant les juridictions administratives était de nature à fonder les demandes en démolition et en dommages et intérêts formées devant les juridictions judiciaires ; qu'il ajoutait que les dispositions du code de l'urbanisme interdisaient en outre à la juridiction civile de statuer sur les demandes formées devant elle tant qu'il n'avait pas été statué sur le recours pour excès de pouvoir formé devant les juridictions administratives contre le permis de régularisation du 10 septembre 2010 ; qu'en jugeant que les diligences accomplies devant la juridiction administrative n'avaient pu interrompre le cours de la péremption courant contre l'instance civile sans rechercher s'il ne résultait pas des circonstances invoquées par Monsieur I... un lien de dépendance direct et nécessaire entre les instances administrative et civile en cause, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 386 du code de procédure civile ;

3°) ALORS en outre QUE selon l'article L. 480-13, 1° du code de l'urbanisme, le propriétaire d'une construction édifiée conformément à un permis de construire ne peut se voir condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative ; qu'en jugeant que dans le cadre de l'instance civile, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Pau avait, le 3 janvier 2011, ordonné un sursis à statuer « sans y être tenu » dans la mesure où le permis de construire du 17 janvier 2006 autorisant la construction litigieuse avait été définitivement annulé par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Bordeaux du 24 novembre 2009 sans rechercher, comme elle y était invitée, si les travaux dont la démolition était demandée n'avaient pas été autorisés par un permis de régularisation obtenu le 10 septembre 2010 et s'il n'était dès lors pas interdit au juge civil, saisi d'une demande de démolition fondée notamment sur l'illégalité de ce permis, de statuer sur la demande qui lui était soumise tant que les juridictions administratives ne s'étaient pas prononcées sur le recours en excès de pourvoir formé par Monsieur I... contre le permis litigieux, ce qui confortait par là même l'existence alléguée d'un lien de dépendance nécessaire et direct entre les instances considérées, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 386 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-21688
Date de la décision : 19/12/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 04 juillet 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 19 déc. 2019, pourvoi n°18-21688


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.21688
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