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18/12/2019 | FRANCE | N°18-14827;18-18709

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 18 décembre 2019, 18-14827 et suivant


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° 18-14.827 et 18-18.709 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. U... a commandé à la société Espace confort (la société Espace) la réalisation d'une installation photovoltaïque, avec pose en toiture de son habitation de panneaux solaires fabriqués par la société hollandaise Scheuten Solar Holding BV (la société Scheuten) et équipés d'un boîtier de connexion de la société hollandaise Alrack BV ; qu'un échauffement de ce composant ayant provoqu

é l'incendie de l'immeuble, M. U... et son assureur ont assigné la société Espace et...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° 18-14.827 et 18-18.709 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. U... a commandé à la société Espace confort (la société Espace) la réalisation d'une installation photovoltaïque, avec pose en toiture de son habitation de panneaux solaires fabriqués par la société hollandaise Scheuten Solar Holding BV (la société Scheuten) et équipés d'un boîtier de connexion de la société hollandaise Alrack BV ; qu'un échauffement de ce composant ayant provoqué l'incendie de l'immeuble, M. U... et son assureur ont assigné la société Espace et son assureur, la société MAAF assurances (la MAAF), en indemnisation de son préjudice ; que la MAAF a appelé en garantie la société Chartis Limited, prise en sa succursale néerlandaise, AIG Europe (Netherlands) NV, aux droits de laquelle sont venues successivement la société hollandaise AIG Europe Limited puis la société luxembourgeoise AIG Europe SA (la société AIG), assureur de la société Scheuten, ainsi que la société hollandaise Allianz Nederland Corporate NV (la société Allianz), assureur de la société Alrack ; qu'un jugement a condamné la MAAF sous la garantie solidaire de la société AIG et de la société Allianz à payer diverses sommes à M. U... et à Groupama en réparation du préjudice subi ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 18-14.827 :

Attendu que la MAAF fait grief à l'arrêt de limiter aux sommes de 31 627 euros et 261 149 euros, le montant des indemnités dont la société Allianz doit la garantir, in solidum avec la société AIG et de dire que la société Allianz prendra ces sommes en charge dans les limites de la proratisation prévue par le droit néerlandais applicable à la police d'assurance pour le cas où le total des indemnités dues aux victimes du sinistre sériel excéderait le plafond de 1 250 000 euros de la garantie souscrite, et dans la limite de ce plafond, alors, selon le moyen :

1°/ que l'action directe de la victime contre l'assureur du responsable est régie par la loi du lieu où s'est produit le fait dommageable, laquelle en détermine le régime ; qu'en permettant à la société Allianz Benelux d'opposer à l'action directe formée à son encontre la suspension du paiement de l'indemnité d'assurance, en raison du dépassement du plafond de garantie prévu en cas de sinistre sériel, lequel entraine, suivant la loi néerlandaise une indemnisation des victimes au prorata de l'importance de leur préjudice, dans la limite de ce plafond, la cour d'appel, qui a donné effet à une loi procédurale étrangère, que la soumission de l'action directe à la loi du for évinçait, a violé l'article 3 du code civil ;

2°/ que l'action directe de la victime contre l'assureur du responsable est régie, en matière de responsabilité contractuelle comme en matière de responsabilité quasi délictuelle, par la loi du lieu du dommage, qui en détermine le régime ; qu'en permettant à la société Allianz Benelux d'opposer à l'action directe formée à son encontre la suspension du paiement de l'indemnité d'assurance, en raison du dépassement du plafond de garantie prévu en cas de sinistre sériel, lequel entraine, suivant la loi néerlandaise, une indemnisation des victimes au prorata de l'importance de leur préjudice, dans la limite de ce plafond, la cour d'appel, qui a donné effet à une loi étrangère vidant de sa substance le droit propre de la victime contre l'assureur de responsabilité de l'auteur du dommage, a violé l'article 3 du code civil ;

3°/ qu'en toute hypothèse, dans ses écritures d'appel, la MAAF a fait valoir que la loi néerlandaise prévoyant une suspension du paiement de l'indemnité d'assurance en raison du dépassement du plafond de garantie prévu en cas de sinistre sériel ne s'appliquait qu'aux seuls dommages corporels, suivant l'article 7954, alinéa 5, du code civil néerlandais et produisait un affidavit de Me L... I... ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce point et sur l'affidavit invoqué par la MAAF, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en toute hypothèse, la MAAF a fait valoir que le droit à suspension des paiements n'est qu'une disposition relative à l'exécution d'une décision et ne peut constituer un moyen opposable au juge du fond, pour l'empêcher de statuer sur la responsabilité d'une partie et pour prononcer sa condamnation ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce point, la cour d'appel a encore violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ qu'enfin et en toute hypothèse, la partie qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs ; que, dans son jugement du 4 mai 2016, le tribunal de grande instance de Limoges a estimé que la demande de la société Allianz Benelux, tendant à suspendre le paiement de la somme due à la victime relevait de la compétence du juge de l'exécution, dès lors que « la question du droit à suspension du paiement de la somme due [à la victime] se posera éventuellement dans un deuxième temps dans le cadre de l'exécution du présent jugement » ; qu'en omettant de se prononcer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 954, in fine du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que si, en application de l'article 18 du Règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 ("Rome II"), en matière non contractuelle, la personne lésée peut agir directement contre l'assureur de la personne devant réparation si la loi applicable à l'obligation non contractuelle, déterminée conformément à l'article 4 du règlement ou la loi applicable au contrat d'assurance le prévoit, le régime juridique de l'assurance est soumis à la loi de ce contrat ; que la cour d'appel a décidé, à bon droit, que, si la MAAF pouvait exercer l'action directe, admise par la loi française, loi du lieu de survenance du dommage, elle pouvait se voir opposer la loi néerlandaise à laquelle le contrat d'assurance était soumis, en ce que celle-ci prévoit, en cas de sinistres sériels, une indemnisation des victimes au prorata de l'importance du préjudice subi, dans la limite du plafond de la garantie souscrite par l'assuré ;

Attendu, ensuite, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions de la MAAF que celle-ci ait soutenu que la loi néerlandaise aurait pour effet de vider de sa substance l'action directe de la victime admise par la loi française ;

Attendu, encore, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'interprétation de la loi néerlandaise, dont il n'est pas prétendu qu'elle en aurait dénaturé la teneur, que la cour d'appel qui n'avait pas à s'expliquer sur les moyens de preuve qu'elle décidait d'écarter, a estimé que la proratisation de l'indemnisation en cas de dépassement du plafond de garantie en présence de sinistres sériels, prévue à l'article 7:954, alinéa 5, du code civil néerlandais, en matière de dommages corporels, s'appliquait également aux dommages matériels ;

Attendu, enfin, qu'en fixant le montant des indemnités dont la société Allianz devait garantie à la MAAF et en précisant que Allianz ne prendrait en charge ces indemnités que dans les limites de la proratisation prévue par le droit néerlandais et du plafond de garantie stipulé dans la police, la cour d'appel a nécessairement considéré, répondant, par-là même, aux moyens prétendument délaissés, que la question de la détermination finale du montant de la contribution d'Allianz ne constituait pas un incident d'exécution mais concernait le fond du droit à indemnité de la victime ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa deuxième branche, comme nouveau, pour être mélangé de fait et de droit, ne peut être accueilli pour le surplus ;

Sur le premier moyen, le second moyen pris en ses première et troisième branches du pourvoi n° 18-18.709 et le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexés :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur la quatrième branche du second moyen du pourvoi n° 18-18.709 :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour dire la société AIG tenue de garantir la MAAF du paiement de l'indemnité versée à M. U... au titre de la perte d'électricité, l'arrêt énonce que c'est par des motifs pertinents que le tribunal a décidé que les exclusions de garanties prévues dans les conditions particulières de la police d'assurance, visant la perte de production électrique, n'étaient pas opposables aux tiers victimes d'un dommage causé par les biens livrés par l'assuré ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le jugement ne contient aucun motif relatif à l'exclusion de garantie qu'opposait la société AIG sur le fondement de l'article G.24 des conditions particulières du contrat d'assurance souscrit par la société Scheuten, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

Et attendu qu'il y a lieu de mettre hors de cause, sur leur demande, M. U... et la caisse d'assurances mutuelles agricoles d'Oc-Groupama d'Oc dont la présence devant la cour d'appel de renvoi n'est pas nécessaire à la solution du litige ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief du pourvoi principal n° 18-18.709 :

REJETTE le pourvoi n° 18-14.827 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société AIG à garantir la société MAAF du paiement de la somme de 2 833 euros versée à M. U... au titre de la perte d'électricité, l'arrêt rendu le 06 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges, autrement composée ;

Met hors de cause M. U... et la caisse d'assurances mutuelles agricoles d'Oc - Groupama d'Oc ;

Condamne la société MAAF aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi n° P 18-14.827 par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société MAAF assurances

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR, pour ce qui concerne la société Allianz Benelux, seulement fixé aux sommes de : 31 627 euros + 261 149 euros le montant des indemnités dont cette compagnie d'assurance doit garantie, in solidum avec la société AIG Europe Ltd., au profit de la société MAAF assurances au titre de l'indemnisation versée par cette dernière dans le cadre du sinistre incendie du 17 juillet 2012 subi par M. U... et dit que la société Allianz Benelux prendra ces sommes en charge dans les limites de la proratisation prévue par le droit néerlandais applicable à la police d'assurance pour le cas où le total des indemnités dues aux victimes du sinistre sériel excéderait le plafond de la garantie souscrite (1 250 000 euros), et dans la limite de ce plafond,

AUX MOTIFS QUE « sur la mise en oeuvre des garanties dues par la société Allianz et par la société AIG, la société AIG, assureur de la société Scheuten en vertu d'une police souscrite le 28 octobre 2008, couvre la responsabilité de son assurée au titre des frais "exposés par des tiers qui ne sont pas l'une des parties en conséquence de produits défectueux livrés par l'assuré'' ; que le jugement déféré a condamné in solidum la société AIG et la société Allianz, à garantir la MAAF des indemnités mises à la charge de celle-ci ; que c'est par des motifs pertinents que la cour d'appel adopte que le tribunal de grande instance a décidé que les exclusions de garanties prévues dans les conditions particulières de la police d'assurance, visant le coût des produits défectueux et la perte de production électrique, n'étaient pas opposables aux tiers victimes d'un dommage causé par les biens livrés par l'assuré ; que le jugement sera confirmé de ce chef ; que la société Allianz est l'assureur de la société Alrack dans le cadre d'une police régie par le droit néerlandais (article 9 du contrat) qui couvre la responsabilité civile de celle-ci en cas de dommages aux personnes et aux biens du fait de l'assuré ou de ses produits ; que la garantie de la société Allianz s'étend au dommage consécutif à la défectuosité du boîtier de connexion fabriqué par la société Alrack ; que le premier juge a exactement rappelé que si la loi applicable à l'action directe exercée par la MAAF à l'encontre de la société Allianz est la loi française, loi du lieu du dommage, le régime juridique de l'assurance est soumis à la loi du contrat qui vise le droit néerlandais ; que la garantie de la société Allianz est limitée, en cas de sinistre sériel, au montant de 1 250 000 euros ; que cette compagnie d'assurance expose que, conformément au droit néerlandais applicable, lorsque ce plafond d'indemnisation est dépassé, les victimes d'un sinistre sériel sont indemnisées au prorata de l'importance de leur préjudice, dans la limite de ce plafond ; que la société Allianz produit une liste de 33 litiges actuellement en cours sur le seul territoire français impliquant la défectuosité du boîtier de connexion produit par son assuré, la société Alrack, consécutivement à des phénomènes de "fretting corrosion" à l'origine d'une surchauffe ; que d'autres litiges du même ordre font également l'objet d'instances encours devant des juridictions étrangères, notamment en Allemagne, Belgique et Hollande ; que le présent litige s'inscrit donc dans le cadre plus général d'un sinistre sériel, le total des réclamations s'élevant déjà à plus de quatre millions d'euros pour la France ; que la réparation due à la MAAF ne peut donc être que seulement fixée en son montant mais que l'étendue de sa prise en charge par la société Allianz suppose, conformément au droit néerlandais, de connaître le montant des indemnités devant revenir aux victimes de ce sinistre sériel afin de déterminer, le cas échéant, le prorata d'indemnisation effectivement dû et ce, dans la limite du plafond de garantie » ;

1°/ALORS, d'une part, QUE l'action directe de la victime contre l'assureur du responsable est régie par la loi du lieu où s'est produit le fait dommageable, laquelle en détermine le régime ; qu'en permettant à la société Allianz Benelux d'opposer à l'action directe formée à son encontre la suspension du paiement de l'indemnité d'assurance, en raison du dépassement du plafond de garantie prévu en cas de sinistre sériel, lequel entraine, suivant la loi néerlandaise une indemnisation des victimes au prorata de l'importance de leur préjudice, dans la limite de ce plafond, la cour d'appel, qui a donné effet à une loi procédurale étrangère, que la soumission de l'action directe à la loi du for évinçait, a violé l'article 3 du code civil ;

2°/ALORS, d'autre part, QUE l'action directe de la victime contre l'assureur du responsable est régie, en matière de responsabilité contractuelle comme en matière de responsabilité quasi délictuelle, par la loi du lieu du dommage, qui en détermine le régime ; qu'en permettant à la société Allianz Benelux d'opposer à l'action directe formée à son encontre la suspension du paiement de l'indemnité d'assurance, en raison du dépassement du plafond de garantie prévu en cas de sinistre sériel, lequel entraine, suivant la loi néerlandaise une indemnisation des victimes au prorata de l'importance de leur préjudice, dans la limite de ce plafond, la cour d'appel, qui a donné effet à une loi étrangère vidant de sa substance le droit propre de la victime contre l'assureur de responsabilité de l'auteur du dommage, a violé l'article 3 du code civil ;

3°/ALORS, encore et en toute hypothèse, QUE, dans ses écritures d'appel, la MAAF a fait valoir (concl., p. 30-31) que la loi néerlandaise prévoyant une suspension du paiement de l'indemnité d'assurance en raison du dépassement du plafond de garantie prévu en cas de sinistre sériel ne s'appliquait qu'aux seuls dommages corporels, suivant l'article 7954, alinéa 5 du code civil néerlandais et produisait un affidavit de Me L... I... (pièce 21) ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce point et sur l'affidavit invoqué par la MAAF, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ALORS, aussi et en toute hypothèse, QUE, la MAAF a fait valoir (concl., p. 32) que le droit à suspension des paiements n'est qu'une disposition relative à l'exécution d'une décision et ne peut constituer un moyen opposable au juge du fond, pour l'empêcher de statuer sur la responsabilité d'une partie et pour prononcer sa condamnation ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce point, la cour d'appel a encore violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ALORS, enfin et en toute hypothèse, QUE la partie qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs ; que, dans son jugement du 4 mai 2016, le tribunal de grande instance de Limoges (jgt., p. 20) a estimé que la demande de la société Allianz Benelux, tendant à suspendre le paiement de la somme due à la victime relevait de la compétence du juge de l'exécution, dès lors que « la question du droit à suspension du paiement de la somme due [à la victime] se posera éventuellement dans un deuxième temps dans le cadre de l'exécution du présent jugement » ; qu'en omettant de se prononcer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 954, in fine du code de procédure civile.

Moyens produits au pourvoi principal n° G 18-18.709 par la SARL Meier-Bourdeau Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour la société AIG Europe SA venant aux droits de la société AIG Europe Limited, venant elle-même aux droits de la société Chartis Europe Limited,

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société AIG Europe Limited à garantir Me J... V..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Scheuten Solar Holding BV et de ses filiales de toutes les condamnations prononcées à l'égard de la Maaf Assurances en sa qualité d'assureur de la société Espace Confort, d'AVOIR condamné la société AIG Europe Limited, in solidum avec la société Allianz Benelux BV, à garantir la Maaf Assurances de l'ensemble des sommes au paiement desquelles elle était condamnée par le jugement et d'AVOIR dit que, pour l'exercice de leurs recours entre elles, la société Allianz Benelux, assureur de la société Alrack, et la société AIG Europe Limited, assureur de la société Scheuten, seront tenues chacune à concurrence de 50 % des sommes dues ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur le recours en garantie de la Maaf, assureur de la société Espace : que la Maaf dirige son recours en garantie à l'encontre de la société Allianz, assureur de la société Alrack, et de la société AIG, assureur de la société Scheuten ; qu'après avoir procédé de manière précise et minutieuse aux investigations rendues nécessaires pour l'accomplissement de sa mission, l'expert judiciaire, M. K..., a retenu que les panneaux photovoltaïques incorporés au toit de la maison de M. U..., gamme PVMultisol intégra, produits par la société Scheuten ont, sans aucun doute, déclenché le sinistre par départ de feu ; que c'est par une exacte appréciation des avis techniques versés aux débats que le tribunal de grande instance a retenu que ces panneaux étaient des produits défectueux à raison d'un vice de fabrication affectant les boîtiers de jonction qui les équipaient, ce vice caché étant à l'origine d'échauffements au niveau des fiches de connexion, cause de départs de feu ; qu'après avoir rappelé que les dispositions législatives relatives à la responsabilité des produits défectueux ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extra contractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité (article 1386-18 du code civil devenu l'article 1245-17 du même code), la Maaf précise qu'elle fonde juridiquement son recours en garantie : - à l'encontre de la société Scheuten, qui a vendu les panneaux à la société Espace, sur les dispositions des articles 1641 et suivants et des articles 1386-6 et suivants du code civil, ces derniers devenus les articles 1245 et suivants du même code, - à l'encontre de la société Alrack, fabricant des boîtiers, sur les dispositions de l'article 1382 et des articles 1386-6 et suivants du code civil, devenus l'article 1240 et les articles 1245 et suivants du même code ; que la société Allianz, assureur de la société Alrack conclut à l'absence de responsabilité de son assurée en faisant valoir : - que la société Alrack n'a fait qu'exécuter les consignes de fabrication données par la société Scheuten, qui a conçu le boîtier de raccordement "Solexus" présenté comme une version économique du boîtier "Kostal" également fabriqué par la société Alrack; que la société Scheuten a supervisé la fabrication, dans toutes ses étapes, du boîtier "Solexus" dont elle avait choisi la technologie, et notamment le système de connexion, et qui a obtenu la certification TUV, - qu'il n'existe pas de traçabilité du boîtier "Solexus", seul concerné par le vice de fabrication, par rapport au boîtier "Kostal", également fabriqué par la société Alrack, avec lequel il est interchangeable et qui équipait aussi les panneaux de la société Scheuten, - que M. U... a fait le choix de l'incorporation des panneaux au toit de son habitation, solution technique qui aggrave les dommages en cas d'incendie ; mais que le choix de l'incorporation des panneaux dans la toiture, qui correspond à une solution technique imposée par l'administration pour bénéficier de primes et tarifs incitatifs et qui n'est donc pas fautif, ne saurait être reproché à M. U... ; et que le boîtier de connexion litigieux est un dispositif placé à l'arrière des modules solaires, pour raccorder les câbles électriques entre ce module et l'ondulateur ; que c'est au terme d'une exacte appréciation des éléments techniques versés aux débats, notamment des divers avis des experts, que le tribunal de grande instance a retenu que les boîtiers fabriqués par la société Alrack étaient défectueux comme affectés d'un vice de fabrication touchant le traitement métallurgique des fiches de connexion de nature â engendrer un phénomène de "fretting corrosion" à l'origine d'une surchauffe cause de départs de feu : et que si le boîtier "Solexus", identifié comme équipant 13 des 15 panneaux solaires de l'habitation de M. U..., apparaît défectueux, il en va de même pour le boîtier "Kostal", également fabriqué par la société Alrack avec lequel il est interchangeable, les experts D... et A... concluant que ce boîtier « Kostal présente les mêmes risques que le boîtiers "Solexus" mais à plus long terme » ; qu'il s'ensuit que le défaut de traçabilité du boîtier "Solexus" n'est pas de nature à exonérer la société Alrack de sa responsabilité de fabricant ayant mis sur le marché des produits défectueux ; que, professionnelle de la fabrication de ce type de produit, elle ne pouvait en ignorer les défauts, et qu'elle a engagé sa responsabilité en prenant le risque de mettre sur le marché des appareils susceptibles de compromettre la sécurité de leurs usagers ; que c'est à juste titre que le tribunal de grande instance a retenu la responsabilité de la société Alrack et que la garantie de l'assureur de celle-ci, la société Allianz, était engagée à ce titre ; que la société Scheuten a vendu à la société Espace des panneaux photovoltaïques équipés de boîtiers affectés d'un vice de fabrication les rendant dangereux pour leurs utilisateurs ; que ce vice n'était pas apparent, car inhérent à la conception du produit, même pour la société Espace qui n'était chargée que de la pose de l'installation et dont il n'est pas justifié qu'elle disposait de connaissances particulières relatives à la technologie d'un composant interne aux panneaux solaires qu'elle était chargée d'installer ; que la société Scheuten, qui a initié et supervisé les travaux de fabrication des boîtiers confiés à la société Alrack dans le cadre d'un contrat du 23 juin 2009 et qui a apposé sa marque sur ces boîtiers, a la qualité de producteur au sens des articles 1386-1 et suivants du code civil devenus les articles 1245 et suivants du même code ; que c'est à juste titre que le tribunal de grande instance a décidé que la responsabilité de la société Scheuten était engagée au titre du sinistre et que son assureur, la société AIG, lui devait sa garantie ; que la société AIG fait valoir que son assurée, la société Scheuten, a alerté la société Espace dès le 7 février 2012 - donc antérieurement au sinistre du 9 juillet 2012 - sur le danger d'incendie tenant au défaut affectant le boîtier de connexion et que cette société a omis de répercuter cette information auprès de M. U... ; qu'au soutien de ses affirmations, la société AIG produit une lettre d'avertissement du 7 février 2012 en provenance du « management Scheuten Solar » et à destination des « clients concernés » faisant état d'un risque qualifié de limité (approximativement 0,25 pour mille) de défectuosité du boîtier de connexion susceptible de produire un phénomène d'arc électrique sur ses panneaux de la gamine PVMultisol et préconisant une inspection des appareils à raison des risques d'incendie ; mais que la preuve n'est pas rapportée que la société Espace ait été rendue destinataire de ce courrier, cette société contestant formellement l'avoir reçu ; que le seul courrier d'avertissement que cette société admet avoir reçu est daté du 16 juillet 2012, donc reçu par elle concomitamment ou postérieurement au sinistre survenu le 17 juillet 2012 ; qu'il s'ensuit qu'un manquement de la société Espace à son devoir d'information envers ses clients au titre des risques inhérents à l'installation n'est pas caractérisé en l'occurrence et qu'aucune part de responsabilité ne peut être mise à la charge de cette société dans la survenance du sinistre ; qu'il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré les sociétés Scheuten et Alrack responsables in solidum des conséquences dommageables pour la Maaf résultant du sinistre ; que la Maaf est fondée à rechercher la garantie des assureurs respectifs de ces sociétés pour obtenir le remboursement des indemnités qu'elle a été amenée à payer en sa qualité d'assureur de la société Espace ; que les sociétés Scheuten et Alrack sont toutes les deux producteurs d'un produit défectueux ; que compte tenu de la gravité tant du vice affectant ce produit que de la faute consistant à mettre sur le marché un matériel dangereux pour la sécurité de ses usagers, il convient de fixer, pour l'exercice des recours entre leurs assureurs respectifs, à 50 % la part de la responsabilité de chacune de ces sociétés dans la survenance du sinistre ;

ET AUX MOTIFS PARTIELLEMENT ADOPTES QUE la Maaf Assurances sollicite la condamnation de la société Scheuten Solar et de la société Alrack en se fondant sur les dispositions de l'article 1641 du code civil contre la société Scheuten qui lui a vendu des panneaux photovoltaïques atteints d'un vice caché et sur le fondement des dispositions de l'article 1386-6 du code civil contre les deux sociétés en leur qualité de producteurs fabricants des dits panneaux n'offrant pas la sécurité à laquelle le consommateur pouvait légitimement s'attendre ; qu'elle exerce en outre une action directe contre les assureurs étrangers de ces deux sociétés en soutenant que celle-ci est recevable puisque soumise à la loi du lieu du délit (France) et non du lieu du contrat (Pays Bas) ; sur la responsabilité de la Société Scheuten et de la Société Alrack : que l'action en responsabilité exercée par la victime d'un produit défectueux contre le vendeur professionnel n'est pas l'action en garantie des vices cachés, fondée sur l'art. 1641 du code civil, mais une action en responsabilité du fait de produits défectueux ; qu'en l'espèce, la Maaf Assurances qui exerce un recours en responsabilité contre la société Scheuten et la société Alrack, en tant qu'assureur de la S.A.R.L. Espace Confort, le fait contre ces deux sociétés qui sont des professionnels aux lieu et place de la victime, et dès lors, elle ne peut fonder son action au titre des panneaux photovoltaïques défectueux que sur les dispositions des articles 1386-1 et suivants du code civil ; que l'art. 1386-1 du code civil prévoit que le producteur est responsable du dommage causé par le défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime, l'art. 1386-4 du même code précisant qu'un produit est défectueux au sens de ces dispositions lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre ; que le producteur est, aux termes de l'article 1386-6 du code civil, non seulement le fabricant d'un produit fini, comme c'est le cas en l'espèce de la société Scheuten, mais aussi le producteur d'une partie composante d'un produit fini dès lors que ces producteurs agissent en tant que professionnels ; que la société Alrack prétend ainsi à tort que sa responsabilité ne pourrait pas être recherchée sur le fondement des dispositions relatives à la responsabilité des produits défectueux au motif qu'elle n'a pas fabriqué un produit fini alors qu'il est incontestable qu'elle a fabriqué une partie composante des panneaux photovoltaïques que sont les boîtiers de connexion de marque Solexus ; qu'en l'espèce, les panneaux photovoltaïques de marque Scheuten Multisol Integra de type P6-54 L sont des produits défectueux en ce qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire et des autres pièces versées aux débats, notamment de l'expertise réalisée par H... D... expert près les tribunaux en avril-mai 2013 ayant pour objet les « Caractérisations de boîtiers de connexions pour panneaux solaires suspectés d'être à l'origine d'un départ de feu », que les boîtiers de jonction (cartes Solexus) dont les panneaux photovoltaïques sont équipés présentent un vice de fabrication créant des échauffements ponctuels au niveau des assemblages mâles/femelles desdits boîtiers, cause de départs de feu ; qu'en conséquence, ces produits n'offrent pas la sécurité que les acheteurs sont en droit d'attendre puisqu'ils sont susceptibles d'incendier les bâtiments dans lesquels ils sont incorporés lorsque certaines conditions extérieures sont réunies ; que l'expert D... explique dans un rapport d'expertise rédigé dans un cas similaire au présent cas d'espèce que « - les échauffements observés suries liaisons des câbles de jonction aux pôles positifs des cartes Solexus prélevés surie site sont liés à un effet Joule excessif résultant d'une dégradation de la résistance des contacts « connecteur femelle / languette mâle ». Ces échauffements localisés sont certainement à l'origine de l'incendie ayant affecté ce site. - Les contacts semi-permanents « connecteur femelle / languette mâle » des cartes Solexus et Kostal sont le siège, à différents degrés, des vieillissements suivants : * corrosion sèche, relaxation et croissance d'intermétalliques (principal facteur environnemental : la température), * corrosion par microdéplacements ou « fretting-corrosion » (principal facteur environnemental : les cycles thermiques) » ; qu'il ajoute que « Le vieillissement en service des contacts semi-permanents « connecteur femelle / languette mâle » du boîtier Solexus doit être particulièrement sensible à la relaxation (géométrie du connecteur femelle et laiton de la languette mâle) et au phénomène de fretting-corrosion. La relaxation conduit è une diminution de la force de contact, laquelle aggrave la dégradation par fretting-corrosion. La grande différence entre la tenue du pôle positif et celle du pôle négatif pourrait être liée à la forte accélération de la relaxation à haute température (par exemple, pleine charge sur un toit avec le soleil au zénith et un panneau défaillant, la température au niveau du pôle positif peut atteindre, pendant des durées significatives, plus de 120° C et celle du pôle négatif plus de 110° C). Par ailleurs, deux facteurs de mise en oeuvre peuvent aussi contribuer à augmenter la vitesse de dégradation par fretting-corrosion : * l'assemblage des connecteurs femelles sur les languettes mâles conduit à des mises à nu locales du cuivre support des lames femelles ; cette zone mise à nu sera très sensible au fretting-corrosion si elle supporte un point de contact, * la présence de lacunes au sein de l'étamage des languettes des cartes Solexus : sur la sous-couche nickel, le dépôt d'état est probablement un étamage brillant déposé par électrolyse. Ce dépôt est réputé plutôt sensible et donc les lacunes observées pourraient être formées lors de l'opération de brasage des languettes sur les cartes. Ces lacunes favorisent la fragmentation et donc affaiblissent la tenue du revêtement au fretting-corrosion » ; que les boîtiers dont étaient équipés les panneaux photovoltaïques à l'origine du départ de feu de l'immeuble appartenant à M. U... sont présumés être des boîtiers Solexus, la Société Alrack, fabricant de ces boîtiers, et son assureur, soutenant à tort que cela n'est pas démontré et qu'il pourrait y avoir eu un mélange de boîtiers Solexus et Kostal sur ces panneaux, un boîtier Kostal pouvant tout aussi bien être à l'origine de l'incendie ; qu'en effet, si l'expert judiciaire K... n'a retrouvé que treize des cartes sur 15 équipant les panneaux photovoltaïques posés chez monsieur U..., les treize retrouvées étaient de marque Solexus, aucun élément probant n'est apporté par les défendeurs, sur lesquels pèse la charge de la preuve contraire à la présomption née du fait que tous les boîtiers retrouvés étaient de marque Solexus et donc fabriqués par Alrack, qui permettrait de retenir que les deux boîtiers non retrouvés ont été fabriqués par une autre société ; que par ailleurs, il y a lieu de considérer que la société Scheuten et la société Alrack sont solidairement responsables des conséquences dommageables des vices de fabrication des panneaux photovoltaïques, sans que la société Scheuten puisse utilement invoquer la garantie du fabricant des boîtiers de connexion au motif que la société Alrack serait seule responsable en sa qualité de fabricante de ceuxci ; qu'ainsi qu'il ressort des pièces versées aux débats, le boîtier de connexion incriminé fait partie intégrante du panneau Scheuten, cette société commercialisant le produit fini en étant responsable en cas de vice et ce, d'autant plus que selon le contrat passé entre la Société Scheuten et la Société Alrack, en son article 2.2 : « Il est de la responsabilité de Scheuten de fournir à Alrack la documentation sur les connecteurs mâles et femelles 8 pos (qui constitue un élément essentiel du Système) et toutes informations relatives au connecteur. La construction finale du Système par Alrack se fera en étroite coopération avec Scheuten. Scheuten déclare par les présentes avoir donné son approbation définitive au Design du Système afin qu'il soit produit comme convenu dans ce contrat », le même contrat précisant que c'est Scheuten qui déterminera les spécifications techniques ; que la société Alrack ne peut davantage prétendre qu'elle ne serait pas responsable comme n'étant qu'un simple exécutant de la société Scheuten alors qu'en tant que professionnel de la fabrication des cartes, elle avait une obligation de livrer des cartes qui soient conformes à l'usage auquel elles allaient être destinées et ne présentant aucun risque pour la sécurité du consommateur lors de leur intégration dans les panneaux solaires, ce qui ne pouvait être le cas, notamment en raison du traitement métallurgique par la société Alrack des languettes mâles des cartes électroniques dont fait état l'expert D..., qui est une des causes des échauffements à l'origine du sinistre incendie ; que la conception et la fabrication des boîtiers de connexion des panneaux ayant été faites de concert entre la société Scheuten et la société Alrack ainsi qu'en témoignent les nombreux échanges entre elles au cours du processus de fabrication, aucun partage de responsabilité n'a à être prononcé, la responsabilité des deux sociétés dans la survenance des désordres étant conjointe ; qu'AIG Europe Limited, assureur de la société Scheuten ne peuvent valablement invoquer un défaut d'aléa qui aurait pour conséquence de l'exonérer de son obligation à garantir le sinistre incendie causé à M. U... par le produit fourni par son assurée au motif que la société Espace Confort qui a installé les panneaux photovoltaïques avait été informée du risque incendie, qu'il lui appartenait alors d'alerter ses clients et de mettre les installations à l'arrêt à titre préventif, ce qu'elle n'a pas fait ; qu'il n'est pas démontré que le courrier en date du 7 février 2012 dont la société Scheuten Solar Holding BV fait état a effectivement été envoyé à la société Espace Confort, seul l'envoi d'un courrier intitulé "Notification client", daté du 16 juillet 2012 par la société venderesse à la société installatrice étant prouvé par la production de l'accusé de réception en date du 21 juillet 2012, soit postérieurement à la survenance du sinistre chez M. U..., de sorte que le moyen tiré de l'absence d'aléa ou d'une faute commise par Espace Confort ne saurait prospérer dans la présente espèce ; qu'en conséquence de l'ensemble de ces éléments, il convient de dire que les sociétés Scheuten Solar Holding BV et Alrack BV sont solidairement responsables des conséquences dommageables pour la société Espace Confort de l'incendie survenu dans le pavillon appartenant à M. U..., aucune faute ni manquement ne pouvant être reproché à cette société qui serait de nature à exonérer en tout ou en partie les sociétés Scheuten et Alrack de leur responsabilité pour produits défectueux envers elle ;

1°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que la société BTSG, liquidateur judiciaire de la société Espace Confort, n'a pas constitué avocat et n'a donc pas déposé d'écritures ; qu'il résulte par ailleurs du rapport d'expertise que le représentant de la société Espace Confort n'avait pas contesté avoir reçu la lettre d'avertissement du 7 février 2012 lors des réunions expertales ; qu'en retenant pourtant que la société Espace Confort aurait formellement contesté avoir reçu cette lettre, ce qui ne résultait d'aucun élément du débat et était démenti par les constatations de l'expertise judiciaire, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'en écartant toute faute de la société Espace Confort dans le dommage subi par M. U... pour ne pas avoir transmis à son client l'information du danger d'incendie causé par l'installation au motif qu'elle n'avait pas reçu cet avertissement du 7 février 2012 puisqu'elle avait toujours contesté en avoir été destinataire, pour en déduire qu'il n'était pas établi qu'elle l'aurait reçu, sans expliciter sur quel document elle se fondait pour retenir l'existence de cette contestation et sans examiner, comme il le lui était demandé, si cette réception ne résultait pas plutôt du rapport d'expertise judiciaire de M. K... dans lequel il constatait à plusieurs reprises que le représentant de la société Espace Confort avait reçu ce courrier (rapport p. 10 al. 5 et p. 16 avant-dernier al.), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE la société AIG Europe réclamait la condamnation de la société Alrack et son assureur la société Allianz à la garantir intégralement de ses condamnations en faisant valoir, invoquant au soutien de ces conclusions plusieurs expertises réalisées dans des procédures portant sur le même dysfonctionnement du boîtier Solexus, que, parmi les éléments du boîtier, son assurée la société Scheuten Solar n'avait mis à disposition de la société Alrack que le connecteur mâle et femelle 8 points sur lequel ne s'était pas produit le phénomène de fretting-corrosion à l'origine de l'incendie, quand la société Alrack, chargée selon la convention les liant de « la conception, la construction et la production du système », avait joui d'une totale liberté pour définir et choisir les autres composants dont « la languette de sortie positive du circuit imprimé » sur laquelle s'était produit le phénomène de fretting-corrosion ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société AIG Europe Limited à garantir Me J... V..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Scheuten Solar Holding BV et de ses filiales de toutes les condamnations prononcées à l'égard de la Maaf Assurances en sa qualité d'assureur de la société Espace Confort, d'AVOIR condamné la société AIG Europe Limited, in solidum avec la société Allianz Benelux BV, à garantir la Maaf Assurances de l'ensemble des sommes auxquelles elle était condamnée par le jugement et d'AVOIR dit que, pour l'exercice de leurs recours entre elles, la société Allianz Benelux, assureur de la société Alrack, et la société AIG Europe Limited, assureur de la société Scheuten, seront tenues chacune à concurrence de 50 % des sommes dues ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la mise en oeuvre des garanties dues par la société Allianz et par la société AIG : que la société AIG, assureur de la société Scheuten en vertu d'une police souscrite le 28 octobre 2008, couvre la responsabilité de son assurée au titre des frais « exposés par des tiers qui ne sont pas l'une des parties en conséquence de produits défectueux livrés par l'assuré » ; que le jugement déféré a condamné in solidum la société AIG et la société Allianz, à garantir la Maaf des indemnités mises à la charge de celle-ci ; que c'est par des motifs pertinents que la cour d'appel adopte que le tribunal de grande instance a décidé que les exclusions de garanties prévues dans les conditions particulières de la police d'assurance, visant le coût des produits défectueux et la perte de production électrique, n'étaient pas opposables aux tiers victimes d'un dommage causé par les biens livrés par l'assuré ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la garantie de AIG Europe Limited venant aux droits de Chartis Europe Limited, assureur de la société Scheuten Solar Holding B.V. ; qu'AIG Europe Limited est l'assureur responsabilité civile de la société Scheuten Solar Holding BV au titre d'une police souscrite le 28 octobre 2008, en tant notamment que « Propriétaire/exploitant d'entreprises qui s'occupent du développement, de la production et de l'installation de systèmes d'énergie solaire », l'article 3 des conditions générales relative à la portée de la couverture étant ainsi rédigé « La responsabilité de l'assuré pour un préjudice de tiers en rapport avec des activités relevant de la qualité assurée telle que mentionné dans la police, sous réserve que le préjudice soit constitué pendant la durée de l'assurance » ; qu'aux termes de l'art. 3.3.1 des conditions générales, l'assurance est valable dans le monde entier, à l'exclusion des États-Unis d'Amérique et du Canada ; que la responsabilité de la société Scheuten étant en l'espèce recherchée dans le cadre de la production d'un système d'énergie solaire, l'assureur ne peut pas invoquer le cas d'exclusion prévu à l'art. 4.4.1 relatif aux dommages aux biens livrés par l'assuré ou sous sa responsabilité alors qu'il s'agit ici de dommages causés à des tiers du fait du bien livré par la Société Scheuten ;

1°) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, la police d'assurance accordée par AIG Europe à la société Scheuten Solar excluait de sa garantie, selon l'article 4.4.1 des conditions générales, « la responsabilité pour des dommages à des biens livrés par l'assuré » ; qu'en jugeant que cette exclusion de la garantie des biens livrés ne serait pas opposable aux tiers victimes d'un dommage causé par les panneaux photovoltaïques livrés par son assurée, au motif que l'article 3 des conditions générales énonçait que « La responsabilité de l'assuré pour un préjudice de tiers en rapport avec des activités relevant de la qualité assurée telle que mentionné dans la police, sous réserve que le préjudice soit constitué pendant la durée de l'assurance », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la clause d'exclusion de l'article 4.4.1 précité et a violé le principe susvisé ;

2°) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, la police d'assurance accordée par AIG Europe à la société Scheuten Solar excluait de sa garantie, selon l'article G.24 des conditions particulières, « la responsabilité au titre d'un préjudice et/ou frais – ainsi que le préjudice en découlant – du fait de l'absence de transport ou du transport insuffisant d'énergie solaire par des produits en verre/des panneaux solaires livrés par l'assuré ou sous sa responsabilité » ; qu'en jugeant que cette exclusion de la garantie des pertes de production générées par le dysfonctionnement des panneaux ne serait pas opposable aux tiers victimes d'un dommage causé par les panneaux photovoltaïques livrés par son assurée, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'article G.24 précité et a violé le principe susvisé ;

3°) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les termes du litige ; qu'en retenant, par motif adopté des premiers juges que l'exclusion de garantie au titre du coût des panneaux photovoltaïques livrés par la société Scheuten Solar ne pourrait être invoquée dans un litige relatif à une responsabilité pour des dommages causés à des tiers du fait du bien livré, quand la responsabilité de l'assuré de la société AIG Europe était également recherchée pour une responsabilité du fait de dommages tenant au coût du bien livré, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE la société AIG Europe invoquait le bénéfice de la stipulation de la police excluant l'indemnisation de l'absence de production d'électricité ; qu'ainsi, l'article G.24 des conditions particulières stipulait que « la responsabilité au titre d'un préjudice et/ou frais – ainsi que le préjudice en découlant – du fait de l'absence de transport ou du transport insuffisant d'énergie solaire par des produits en verre/des panneaux solaires livrés par l'assuré ou sous sa responsabilité » ; qu'en renvoyant aux motifs des premiers juges qui ne répondait à ce moyen, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inapte à justifier sa décision et a violé l'article 455 du code de procédure civile.

Moyen produit au pourvoi incident n° G 18-18.709 par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux conseils pour la société Allianz Benelux NV

Il est fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué D'AVOIR déclaré la société ALRACK responsable in solidum avec la société SCHEUTEN SOLAR HOLDING des conséquences dommageables pour la société ESPACE CONFORT et son assureur la MAAF de l'incendie survenu au domicile de M. U..., et D'AVOIR, pour ce qui concerne la société ALLIANZ BENELUX, fixé aux sommes de 31.627 et 261.149 euros le montant des indemnités dont cette compagnie d'assurance doit garantie, in solidum avec la société AIG, au profit de la société MAAF au titre de l'indemnisation versée par cette dernière dans le cadre du sinistre incendie du 17 juillet 2012 subi par M. U... ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la société AIG fait valoir que son assurée, la société Scheuten, a alerté la société Espace dès le 7 février 2012 - donc antérieurement au sinistre du 9 juillet 2012 - sur le danger d'incendie tenant au défaut affectant le boîtier de connexion et que cette société a omis de répercuter cette information auprès de M. U... ; qu'au soutien de ses affirmations, la société AIG produit une lettre d'avertissement du 7 février 2012 en provenance du « management Scheuten Solar» et à destination des « clients concernés » faisant état d'un risque qualifié de limité (approximativement 0,25 pour mille) de défectuosité du boîtier de connexion susceptible de produire un phénomène d'arc électrique sur ses panneaux de la gamine PVMultisol et préconisant une inspection des appareils à raison des risques d'incendie ; mais que la preuve n'est pas rapportée que la société Espace ait été rendue destinataire de ce courrier, cette société contestant formellement l'avoir reçu ; que le seul courrier d'avertissement que cette société admet avoir reçu est daté du 16 juillet 2012, donc reçu par elle concomitamment ou postérieurement au sinistre survenu le 17 juillet 2012 ; qu'il s'ensuit qu'un manquement de la société Espace à son devoir d'information envers ses clients au titre des risques inhérents à l'installation n'est pas caractérisé en l'occurrence et qu'aucune part de responsabilité ne peut être mise à la charge de cette société dans la survenance du sinistre ; qu'il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré les sociétés Scheuten et Alrack responsables in solidum des conséquences dommageables pour la Maaf résultant du sinistre ; que la Maaf est fondée à rechercher la garantie des assureurs respectifs de ces sociétés pour obtenir le remboursement des indemnités qu'elle a été amenée à payer en sa qualité d'assureur de la société Espace ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'AIG Europe Limited, assureur de la société Scheuten ne peut valablement invoquer un défaut d'aléa qui aurait pour conséquence de l'exonérer de son obligation à garantir le sinistre incendie causé à M. U... par le produit fourni par son assurée au motif que la société Espace Confort qui a installé les panneaux photovoltaïques avait été informée du risque incendie, qu'il lui appartenait alors d'alerter ses clients et de mettre les installations à l'arrêt à titre préventif, ce qu'elle n'a pas fait ; qu'il n'est pas démontré que le courrier en date du 7 février 2012 dont la société Scheuten Solar Holding BV fait état a effectivement été envoyé à la société Espace Confort, seul l'envoi d'un courrier intitulé "Notification client", daté du 16 juillet 2012 par la société venderesse à la société installatrice étant prouvé par la production de l'accusé de réception en date du 21 juillet 2012, soit postérieurement à la survenance du sinistre chez M. U..., de sorte que le moyen tiré de l'absence d'aléa ou d'une faute commise par Espace Confort ne saurait prospérer dans la présente espèce ; qu'en conséquence de l'ensemble de ces éléments, il convient de dire que les sociétés Scheuten Solar Holding BV et Alrack BV sont solidairement responsables des conséquences dommageables pour la société Espace Confort de l'incendie survenu dans le pavillon appartenant à M. U..., aucune faute ni manquement ne pouvant être reproché à cette société qui serait de nature à exonérer en tout ou en partie les sociétés Scheuten et Alrack de leur responsabilité pour produits défectueux envers elle.

1) ALORS, D'UNE PART, QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que la société BTSG, liquidateur judiciaire de la société ESPACE CONFORT, n'a pas constitué avocat et n'a donc pas déposé d'écritures ; qu'il résulte par ailleurs du rapport d'expertise que le représentant de la société ESPACE CONFORT n'avait pas contesté avoir reçu la lettre d'avertissement du 7 février 2012 lors des réunions expertales ; qu'en retenant pourtant que la société ESPACE CONFORT aurait formellement contesté avoir reçu cette lettre, ce qui ne résultait d'aucun élément du débat et était démenti par les constatations de l'expertise judiciaire, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2) ALORS, D'AUTRE PART, QU' en écartant toute faute de la société ESPACE CONFORT dans le dommage subi par M. U... pour ne pas avoir transmis à son client l'information du danger d'incendie causé par l'installation au motif qu'elle n'avait pas reçu cet avertissement du 7 février 2012 puisqu'elle avait toujours contesté en avoir été destinataire, pour en déduire qu'il n'était pas établi qu'elle l'aurait reçu, sans expliciter sur quel document elle se fondait pour retenir l'existence de cette contestation et sans examiner, comme il le lui était demandé (conclusions de l'exposante p. 26-27), si cette réception ne résultait pas plutôt du rapport d'expertise judiciaire de M. K... dans lequel il constatait à plusieurs reprises que le représentant de la société ESPACE CONFORT avait reçu ce courrier (rapport p. 10 al. 5 et p. 16 avant dernier al.), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-14827;18-18709
Date de la décision : 18/12/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONFLIT DE LOIS - Contrats - Assurance responsabilité - Action directe de la victime - Loi applicable - Détermination - Portée

ASSURANCE RESPONSABILITE - Action directe de la victime - Conflit de lois - Loi applicable - Détermination - Portée CONFLIT DE LOIS - Contrats - Assurance responsabilité - Régime de l'assurance - Loi applicable - Loi du contrat - Portée ASSURANCE RESPONSABILITE - Action directe de la victime - Conflit de lois - Régime de l'assurance - Loi applicable - Loi du contrat - Portée UNION EUROPEENNE - Coopération judiciaire en matière civile - Règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007 - Article 18 - Compétence en matière d'assurance - Action directe de la victime

Si, en application de l'article 18 du règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 ("Rome II"), en matière non contractuelle, la personne lésée peut agir directement contre l'assureur de la personne devant réparation si la loi applicable à l'obligation non contractuelle, déterminée conformément à l'article 4 du règlement, ou la loi applicable au contrat d'assurance le prévoit, le régime juridique de l'assurance est soumis à la loi de ce contrat, notamment en ce qui concerne les exceptions opposables par l'assureur. Dès lors, une cour d'appel décide à bon droit que, si l'assureur subrogé dans les droits de la personne lésée pouvait exercer l'action directe, admise par la loi française, loi du lieu de survenance du dommage, il pouvait se voir opposer la loi néerlandaise à laquelle le contrat d'assurance était soumis, en ce que celle-ci prévoit, en cas de sinistres sériels, une indemnisation des victimes au prorata de l'importance du préjudice subi, dans la limite du plafond de la garantie souscrite par l'assuré


Références :

article 18 du règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II)

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 06 février 2018

Sur la loi applicable à l'action directe de la personne lésée, à rapprocher : 1re Civ., 9 septembre 2015, pourvoi n° 14-22794, Bull. 2015, I, n° 188 (cassation)

arrêt cité.Sur la loi applicable au régime juridique de l'assurance, à rapprocher : 1re Civ., 20 décembre 2000, pourvoi n° 98-15564, Bull. 2000, I, n° 342 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 18 déc. 2019, pourvoi n°18-14827;18-18709, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : Me Le Prado, SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Ohl et Vexliard

Origine de la décision
Date de l'import : 21/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.14827
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