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18/12/2019 | FRANCE | N°18-13850

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 décembre 2019, 18-13850


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 11 janvier 2018), que MM. U... X..., L... Q... X... et T... X... étaient associés à parts égales et co-gérants d'un GAEC, dont les vins étaient commercialisés par la SARL [...] , dans laquelle ils étaient associés à parts égales, M. T... X... assurant la gérance de la société et ses deux frères y exerçant des fonctions salariées ; que des dissensions étant survenues entre les trois frères, la société [...] a rompu le contrat de travail de M. U... X..., qui

s'est également vu retirer la cogérance du GAEC ; qu'après la dissolution ju...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 11 janvier 2018), que MM. U... X..., L... Q... X... et T... X... étaient associés à parts égales et co-gérants d'un GAEC, dont les vins étaient commercialisés par la SARL [...] , dans laquelle ils étaient associés à parts égales, M. T... X... assurant la gérance de la société et ses deux frères y exerçant des fonctions salariées ; que des dissensions étant survenues entre les trois frères, la société [...] a rompu le contrat de travail de M. U... X..., qui s'est également vu retirer la cogérance du GAEC ; qu'après la dissolution judiciaire de celui-ci, ordonnée à la demande de M. U... X..., les trois associés ont décidé, à l'unanimité, de dissoudre également la société [...] ; qu'estimant que ses deux frères s'étaient alloués des rémunérations excessives par rapport à l'activité limitée de la société avant sa dissolution, M. U... X... les a assignés en référé en désignation d'un expert de gestion ; qu'au vu du rapport de ce dernier, M. U... X... a assigné ses deux frères en responsabilité ;

Sur le second moyen, pris en ses première et troisième branches :

Attendu que M. U... X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande formée contre M. T... X..., pris en ses qualités de gérant puis de liquidateur amiable de la SARL [...] , pour violation des statuts de cette société et faute de gestion alors, selon le moyen :

1°/ que si les statuts d'une société prévoient que la rémunération est déterminée par décision collective ordinaire des associés, aucune rémunération ne peut être versée antérieurement à cette décision et la fixation de cette rémunération ne peut faire l'objet d'une ratification a posteriori ; qu'en décidant que, faute de précision des statuts sur l'obligation de déterminer la rémunération du gérant antérieurement à son versement, et compte tenu de la pratique consistant à fixer la rémunération à l'issue de l'exercice comptable auquel elle correspondait, le gérant n'avait pas méconnu les dispositions statutaires, la cour d'appel a violé l'article L. 223-8 du code de commerce et de l'article 1103 du code civil, anciennement 1134 du même code ;

2°/ que le gérant de société commet une faute dont il doit réparation lorsqu'il a privé les associés de leurs droits de percevoir les revenus qu'ils devaient tirer de l'exploitation de la société ; que la cour d'appel qui a décidé que M. U... X... ne justifiait d'aucun préjudice résultant des rémunérations octroyées à M. T... X... et à M. L... Q... X..., sans s'expliquer comme cela lui était demandé sur l'organisation de la société [...] qui, adossée au GAEC, avait pour objectif d'assurer la rémunération égalitaire des trois frères se partageant les bénéfices dégagés par la société, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L. 223-22 du code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir relevé que l'article 18 des statuts de la société [...] stipulait que « Les gérants peuvent recevoir un traitement annuel, fixe ou proportionnel, dont la quotité et le mode de paiement seront déterminés par décision ordinaire des associés ou par décision de l'associé », l'arrêt retient qu'en l'absence de précision de cet article sur la question de savoir si la décision de verser une rémunération au gérant devait intervenir pour l'exercice comptable futur ou pour celui qui se terminait, les statuts permettaient qu'elle ait lieu soit a priori, soit a posteriori ; qu'ayant constaté que la décision des associés sur la rémunération du gérant était toujours intervenue à l'issue de l'exercice comptable auquel elle correspondait, bien qu'il ne fût pas contesté par MM. L... Q... et T... X... que les convocations adressées en vue des assemblées générales ne mentionnaient pas qu'il serait décidé de la rémunération du gérant, c'est sans méconnaître les statuts de la société [...] ni violer les dispositions de l'article L. 223-18 du code de commerce que la cour d'appel a statué comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;

Attendu, d'autre part, que l'arrêt ayant retenu, par les motifs vainement critiqués par la première branche, que la fixation des rémunérations du gérant n'était pas fautive, le grief de la troisième branche, relatif au préjudice prétendument causé à M. U... X... en raison de l'octroi de ces rémunérations, est sans portée ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen ni sur le second, pris en sa deuxième branche, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. U... X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à MM. L... Q... et T... X... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour M. U... X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré prescrite toute action de Monsieur U... X... au titre des rémunérations allouées à Messieurs T... et L... Q... X... par la SARL [...] antérieurement au 8 juillet 2008

Aux motifs que Monsieur U... X... entend engager la responsabilité de ses frères sur le fondement de l'article L223-22 du code de commerce pour les rémunérations dont ils ont bénéficié à compter de l'année 2006 dans le cadre de la SARL [...] , T... pour ses fonctions de gérants et L... Q... pour son activité salariée au profit de la société ; il ressort de l'article L 223-23 du code de commerce que les actions engagées sur le fondement de l'article L223-22 se prescrivent par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation ; il est établi que les rémunérations dont Monsieur T... X... a bénéficié ont donné lieu à des délibérations en assemblée générale de la SARL [...] ; Monsieur U... X... affirme que ces délibérations lui ont été cachées dans la mesure où l'ordre du jour des assemblées générales qui lui a effectivement été adressé avec la convocation, ne comportait pas la mention de la rémunération du gérant et qu'il avait connaissance des manoeuvres occultes de ses frères qu'à la lecture du rapport de l'expert judiciaire Monsieur P... ; or s'il n'est pas contesté par Messieurs L... Q... et T... X... que les convocations adressées en vue des assemblées ; or il n'est pas contesté par Messieurs L... Q... et T... X... que les convocations adressées en vue des assemblées générales ne mentionnent pas qu'il serait décidé de la rémunération du gérant, ni que son frère, absent lors de ces assemblées , ne s'est pas vu notifier le procès-verbal des délibérations, il ressort toutefois du courrier en date du 11 mars 2008 que le conseil de Monsieur U... X... a adressé à Monsieur F... liquidateur du GAEC ( pièce 43 des appelants) que le bilan clos au 31 mars 2007 faisant apparaître l'augmentation des rémunérations des salariés était alors en possession de son client, lequel avait relevé qu'elle était de 77% ; il est ainsi établi que Monsieur U... X... a au plus tard le 11 mars 2008 eu la révélation du fait donc il se dit victime, ; en conséquence, toute action engagée postérieurement au 11 mars 2011 concernant ces rémunérations est prescrite ; il s'en déduit que l'assignation en référé délivrée par Monsieur U... X... le 8 juillet 2011 n'a pas pu interrompre une prescription déjà acquise et que seuls les faits dommageables survenus postérieurement au 8 juillet 2008 peuvent donner lieu à une procédure ; le jugement du tribunal de commerce ne peut qu'être infirmé sur ce point ;

1- Alors que les termes du litige sont déterminés par les conclusions des parties ; que dans leurs conclusions d'appel, Messieurs L... Q... et T... X... ont fait valoir qu'il résultait d'un courrier du 18 juin 2008, que Monsieur C... X... avait eu connaissance à cette date du montant des salaires qu'ils s'étaient octroyés de sorte que la prescription avait couru à compter de cette date et que les demandes concernant les rémunérations allouées pour la période allant de 2006 au 30 juin 2008 étaient prescrites ; que la Cour d'appel qui a décidé que la prescription avait couru à compter du 11 mars 2008, et que les demandes antérieures à l'assignation du 8 juillet 2011 étaient prescrites a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile

2- Alors qu'en toute hypothèse les juges du fond sont tenus de respecter et de faire respecter le principe de la contradiction ; que dans leurs conclusions d'appel, Messieurs L... Q... et T... X... ont soutenu qu'il résultait d'un courrier du 18 juin 2008 que leur frère U... avait eu connaissance du montant du salaire qu'ils s'étaient octroyés et qu'en conséquence, la prescription était acquise au 18 juin 2011 ; qu' en relevant d'office qu'il résultait d'un courrier en date du 11 mars 2008 que Monsieur U... X... avait eu la révélation du fait dont il se disait victime à cette date et que la prescription était acquise au 11 mars 2011, sans provoquer les explications des parties sur la portée de ce courrier du 11 mars 2008 sur lequel elle s'est fondée , a violé l'article 16 du code de procédure civile

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur U... X... de sa demande à l'encontre de Monsieur T... X... pris en ses qualités de gérant puis de liquidateur amiable de la SARL [...] pour violation des statuts de cette société et faute de gestion

Aux motifs qu'aux termes de l'article L 223-22 du code de commerce, les gérants sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas envers la société ou envers les tiers soit des infractions aux dispositions législatives ou règlementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion ; Monsieur U... X... reproche à ses frères une violation des statuts de la société en ce que la rémunération allouées au gérant a été approuvée en fin d'exercice alors que selon lui les statuts prévoyaient une fixation a priori de cette rémunération ; l'article 18 des statuts de la SARL [...] prévoit au titre de la rémunération des gérants : « les gérants peuvent recevoir un traitement annuel, fixe ou proportionnel, dont la quotité et le mode de paiement seront déterminés par décision ordinaire des associés ou par décision de l'associé unique » ; c'est à la suite d'une mauvaise appréciation des termes ci-dessus reproduits que les premiers juges ont estimé que les statuts imposaient que cette détermination devait intervenir pour l'exercice comptable futur et non pas celui qui se terminait, alors qu'en l'absence de précision sur ce point, les statuts permettaient qu'elle ait lieu soit à priori soit à postériori ; par ailleurs, Messieurs L... Q... et T... X... relèvent sans être contredits sur ce point par leur frère, que, jusqu'à l'engagement de la présente procédure, la décision sur la rémunération du gérant était toujours intervenue à l'issue de l'exercice comptable auquel elle correspondait sans faire l'objet de la moindre contestation ; le jugement en ce qu'il a retenu l'existence d'une violation ne peut qu'être infirmé ; Monsieur U... X... reproche ensuite à Monsieur T... X... de s'être alloué une rémunération excessive au titre des années 2006 à 2010 et à L... Q... d'avoir approuvé cette rémunération en contrepartie d'une augmentation de sa propre rémunération et d'avoir ainsi ponctionné la trésorerie de la société ; outre le fait qu'ainsi qu'il a été retenu plus haut, les rémunérations accordées antérieurement au 8 juillet 2008 ne peuvent plus donner lieu à aucune action, force est de constater que la rémunération de Monsieur T... X... en sa qualité de gérant a donné lieu à des décisions prises en assemblée générale de la SARL qui n'ont pas fait l'objet d'une quelconque action en abus de majorité de la part de Monsieur U... X... ; dès lors que la décision sur la fixation de la rémunération du gérant émane de la SARL, elle-même et non pas du gérant, aucune faute de gestion ne peut être reprochée à ce dernier puisqu'il n'a fait qu'appliquer cette décision dont la régularité n'était pas contestée et ne l'est pas plus aujourd'hui ; le vote de Monsieur L... Q... X... sur la rémunération du gérant ne peut pas plus constituer une faute dès lors qu'en l' état il n'est pas démontré ni même soutenu qu'il aurait commis avec son frère T... un abus de majorité ; concernant les salaires dont Monsieur L... Q... X... a bénéficié postérieurement au 8 juillet 2008, ils ont été mentionnés dans les comptes annuels de la SARL soumis eux-aussi au vote des associés, comptes dont il n'est nullement établi ni même soutenu qu'ils auraient été contestés ; surtout, U... X... qui agit dans le cadre d'une action personnelle, doit démontrer que la faute qu'il invoque, à la supposer établie lui a causé un préjudice personnel distinct de celui subi par la société ; U... X... sur ce point, et s'appuyant sur le rapport déposé par Monsieur P..., soutient que, de 2006 à 2010, une sur-rémunération a été accordée à son frère L... Q... et qu'en conséquence il a subi un préjudice personnel résultant d'une privation de la rémunération attachée aux actions qu'il détenait dans le capital de la SARL ; pour évaluer ce préjudice, il part du montant de la sur-rémunération telle qu'évaluée par Monsieur P... pour en déduire que cette somme aurait dû être partagée en trois, et que son préjudice est en conséquence égale à ce tiers ; or si la masse salariale d'une société a un impact sur les résultats de cette société, et en conséquence sur le montant des dividendes susceptibles d'être distribués, aux associés à l'issue de l'exercice comptable, elle ne constitue que l'un des éléments du bilan, les résultats dépendant également de tous les autres postes budgétaires ; il n'est en conséquence pas possible de retenir ainsi que le fait Monsieur U... X..., que si les rémunérations de Messieurs T... et L... Q... X... avaient été réduites les dividendes distribués aux actionnaires auraient été majorés de la même manière ; au surplus, le versement des dividendes fait l'objet d'une décision prise annuellement par les associés et n'a aucun caractère automatique ; la perte invoquée sur le montant des dividendes distribués n'a en conséquence aucun caractère certain et n'est aucunement établie par Monsieur U... X... en son quantum ; il ne peut être que débouté de ce chef de demande sans qu'il soit besoin de rechercher si le montant des salaires alloués à L... Q... X... de 2008 à 2010 présentait un caractère anormal et donc fautif ;

1- Alors que si les statuts d'une société prévoient que la rémunération est déterminée par décision collective ordinaire des associés, aucune rémunération ne peut être versée antérieurement à cette décision et la fixation de cette rémunération ne peut faire l'objet d'une ratification a posteriori ; qu'en décidant que faute de précision des statuts sur l'obligation de déterminer la rémunération du gérant antérieurement à son versement, et compte tenu de la pratique consistant à fixer la rémunération à l'issue de l'exercice comptable auquel elle correspondait, le gérant n'avait pas méconnu les dispositions statutaires, la Cour d'appel a violé l'article L 223-8 du code de commerce et de l'article 1103 du code civil anciennement 1134 du même code

2- Alors qu'en toute hypothèse le silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance de ce fait ; que la cour d'appel qui a considéré que la décision relative de la rémunération de gérant en fin d'exercice était conforme aux statuts, au motif que Jean- François X... n'avait pas contredit ses frères sur le fait jusqu'à l'engagement de la procédure la décision sur la rémunération du gérant était toujours intervenue à l'issue de l'exercice comptable auquel elle correspondait, a violé l'article 1315 ancien du code civil devenu l'article 1353 du même code

3- Alors que le gérant de société commet une faute dont il doit réparation lorsqu'il a privé les associés de leurs droits de percevoir les revenus qu'ils devaient tirer de l'exploitation de la société ; que la Cour d'appel qui a décidé que Monsieur U... X... ne justifiait d'aucun préjudice résultant des rémunérations octroyées à Monsieur T... X... et à Monsieur L... Q... X..., sans s'expliquer comme cela lui était demandé sur l'organisation de la société [...] qui adossée au GAEC avait pour objectif d'assurer la rémunération égalitaire des trois frères se partageant les bénéfices dégagés par la société, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L 223-22 du code de commerce


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-13850
Date de la décision : 18/12/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 11 janvier 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 déc. 2019, pourvoi n°18-13850


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Briard, SCP de Nervo et Poupet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.13850
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