La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/12/2019 | FRANCE | N°18-12287

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 décembre 2019, 18-12287


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Ban rouge, informée que la société TLU, dont elle détenait l'intégralité du capital, bénéficiait d'un crédit de 240 000 euros qui lui avait été consenti par la Société générale (la banque), a souscrit, en faveur de celle-ci, une lettre d'intention ; que

la société TLU ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné la société Ba...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Ban rouge, informée que la société TLU, dont elle détenait l'intégralité du capital, bénéficiait d'un crédit de 240 000 euros qui lui avait été consenti par la Société générale (la banque), a souscrit, en faveur de celle-ci, une lettre d'intention ; que la société TLU ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné la société Ban rouge en paiement de la somme restant due au titre de ce crédit, en se prévalant de cette lettre d'intention ;

Attendu que pour rejeter les demandes de la banque, l'arrêt retient que l'obligation de faire à laquelle s'est engagée la société Ban rouge n'est qu'une obligation de moyens ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que la société Ban rouge s'était engagée « à faire en sorte qu'aucun créancier n'encoure de perte du fait des engagements avec ses filiales » et avait assuré à la banque qu'elle ferait « de toute manière, le nécessaire afin que sa filiale respecte ses engagements et dispose d'une trésorerie suffisante à cet effet », de sorte que l'obligation contractée s'analysait en une obligation de résultat, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne la société Ban rouge aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la Société générale la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la Société générale.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la Société générale de toutes ses demandes.

AUX MOTIFS QUE : « Aux termes de l'article 2322 du code civil, la lettre d'intention est l'engagement de faire ou de ne pas faire ayant pour objet le soutien apporté à un débiteur dans l'exécution de son obligation envers le créancier. La lettre d'intention est une sûreté personnelle régulièrement -utilisée par les sociétés mères pour favoriser l'obtention d'un crédit par leurs filiales en générant la confiance du partenaire commercial ou financier et s'engageant à favoriser l'exécution de leurs obligations et en cas de défaillance à en indemniser les conséquences. Le confortant s'engage à certaines diligences mais qui restent indéterminées. Il peut s'agir d'une obligation de moyens ou d'une obligation de résultat, dont les conséquences sont bien évidemment différentes, s'agissant de réparer le préjudice subi par le créancier initial. En l'espèce, la Société générale produit une lettre d'intention datée du 2 octobre 2009, établie par monsieur R... C...], agissant en qualité de gérant de la société Ban Rouge qui déclare être informée par la société T.L.U dont elle détient l'intégralité du capital social, qu'un crédit de 240 000 € lui a été consenti au taux d'intérêt de 3.85 % l'an, remboursable en 81 mensualités de 3 369.84 €, laquelle a souscrit cet engagement après approbation de sa part. Le document se poursuit par l'affirmation de monsieur C... en qualité de gérant de la société Ban Rouge, qu'il sera vérifié qu'elle apporte les diligences habituelles au respect de ses engagements, bénéficiera de son assistance sur le plan administratif et fera l'objet périodiquement de contrôles de sa part...qu'elle s'engage à faire en sorte qu'aucun créancier n'encoure de pertes du fait de ses engagements ...et assure qu'elle fera de toute manière, le nécessaire afin que la filiale respecte ses engagements envers les créanciers et dispose d'une trésorerie suffisante à cet effet...". Il n'est pas douteux compte tenu de la précision de ses termes que la lettre d'intention vise le prêt consenti par la Société générale, ce point n'est d'ailleurs guère discuté par la société Ban Rouge. Mais il revient à la cour, au travers des termes employés, de rechercher la volonté des parties. La société Ban Rouge ne s'est aucunement obligée à se substituer à la société emprunteuse, les termes employés restent généraux, imprécis par le vocable "faire en sorte" "faire le nécessaire" "...dispose d'une trésorerie suffisante...". Cette obligation de faire ne va pas au-delà d'une obligation de moyens, dès lors qu'après avoir rappelé sa connaissance de l'emprunt, elle s'est engagée à faire le nécessaire mais non pas au bénéfice du seul créancier qu'était la Société générale, mais à l'égard de tous ceux qui pourraient exister, de sorte "qu'aucun n'encoure de pertes du fait de ses engagements" ce qui dès lors affaiblit son obligation qui ne peut être que de moyens tant l'étendue financière en devient indéterminée. Il revient alors à la Société générale pour obtenir réparation de son préjudice, de démontrer les manquements de la société par rapport à cette obligation de moyens, mais elle ne produit à ce titre aucun élément tandis au contraire que la société Ban Rouge, justifie par une attestation de son expert-comptable, monsieur I... P..., que de nombreuses décisions ont été prises pour dynamiser l'activité, surveiller le bon fonctionnement de l'entreprise TLU, apporter de la trésorerie, efforts qui n'ont pu se poursuivre sans mettre en péril la société mère elle-même, et ses salariés après avoir investi 167 000 € en trésorerie mais vainement ».

1°) ALORS QUE la société mère qui, par une lettre d'intention, assure au créancier l'exécution des engagements pris par sa filiale souscrit, au bénéfice de ce créancier, une obligation de résultat ; qu'ainsi la société qui s'oblige à faire le nécessaire pour que sa filiale respecte ses engagements envers un tiers contracte à l'égard de celui-ci une obligation de faire qui s'analyse en une obligation de résultat (Com. 19 avril 2005, n° 03-11.567) ; qu'il en est de même de la société qui s'engage à faire en sorte que sa filiale respecte ses engagements (Com. 17 mai 2011, n° 09-16.186, bull. IV, n° 78) ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que la société Ban Rouge avait adressé à la Société générale une lettre d'intention dans laquelle elle déclarait être informée qu'un crédit de 240 000 euros avait été consenti à sa filiale TLU, au taux d'intérêt de 3,85 % l'an, et que cette lettre, adressée à la Société générale et visant l'ouverture de crédit consentie par cette dernière, indiquait « nous vérifierons qu'elle apporte les diligences habituelles au respect de ses engagements », qu'elle précisait également que la société Ban Rouge s'engageait « à faire en sorte qu'aucun créancier n'encoure de pertes du fait de ses engagements » et qu'elle « assur[ait] qu'elle fera, de toute manière, le nécessaire afin que sa filiale respecte ses engagements envers les créanciers et dispose d'une trésorerie suffisante à cet effet » ; qu'en jugeant que cette lettre d'intention ne mettait pas à la charge de la société Ban Rouge une obligation de résultat mais une simple obligation de moyens, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause (nouveaux articles 1103 et 1231-1 du code civil) ;

2°) ALORS en outre QUE les actes clairs ne s'interprètent pas ; qu'en jugeant qu'il lui appartenait de rechercher la volonté des parties et en qualifiant d'« obligation de moyens » les engagements pris par la société Ban Rouge à l'égard de la Société générale au motif que la société Ban Rouge n'aurait, à son sens, pas pris un engagement financier aussi lourd que celui qui résulterait de la souscription d'une obligation de résultat, quand les engagements pris par la société Ban Rouge au bénéfice de la banque étaient clairs, s'analysaient en une obligation de résultat et ne pouvaient donner lieu à interprétation, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause (nouvel article 1103 du code civil) ;

3°) ALORS en toute hypothèse QUE celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; qu'en jugeant qu'il appartenait à la Société générale de démontrer que la société Ban Rouge n'avait pas respecté les engagements pris dans la lettre d'intention qu'elle lui avait adressée, la Cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1353 du code civil ;

4°) ALORS enfin QUE le juge ne peut se fonder sur des faits qui ne sont pas spécialement invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions qu'après avoir invité les parties à s'expliquer sur ces mêmes faits ; qu'en l'espèce, si la société Ban Rouge produisait aux débats une attestation de son expert-comptable, elle ne faisait nullement valoir qu'il résultait de celle-ci que de nombreuses décisions avaient été prises pour dynamiser l'activité, surveiller le bon fonctionnement de l'entreprise TLU, et améliorer sa trésorerie ; qu'en jugeant qu'il résultait de cette attestation que de telles mesures avaient été prises, pour en déduire que la Société générale ne démontrait pas que la Société Ban Rouge n'avait pas respecté les engagements pris dans sa lettre d'intention, sans inviter au préalable la Société générale à s'expliquer sur ce point, la Cour d'appel a violé les articles 7 alinéa 2 du Code civil et 16 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-12287
Date de la décision : 18/12/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 30 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 déc. 2019, pourvoi n°18-12287


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.12287
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award