LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 11 juillet 2018), que Mme R..., propriétaire d'un appartement situé au deuxième étage d'un immeuble, se plaignant de la suppression par la propriétaire du lot du premier étage, Mme E..., de l'escalier intérieur lui permettant d'accéder à son appartement depuis le premier étage, a assigné celle-ci en remise en état de l'escalier et remise des clés lui permettant l'accès à l'immeuble ;
Attendu que, pour accueillir la demande, l'arrêt retient qu'il résulte des divers actes de mutation de ces lots que l'escalier extérieur et l'entrée de l'immeuble sont des parties communes ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater que les escaliers et l'entrée de l'immeuble étaient affectés à l'usage ou à l'utilité de l'ensemble des copropriétaires ou de plusieurs d'entre eux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne Mme R... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme R... et la condamne à payer à Mme E... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mme E...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Mme Q... E... à remettre en état l'escalier supprimé permettant l'accès aux étages supérieurs, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard, dans un délai de trois mois suivant la signification de la décision, de l'avoir condamnée à remettre à Mme O... D... un double des clés permettant l'accès au [...] , sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard, dans un délai de huit jours suivant la signification de la décision ;
Aux motifs que : « l'immeuble relève par nature du statut de la copropriété, ce qui est confirmé par l'existence d'un état descriptif de division, de sorte que les développements sur la servitude sont dépourvus de pertinence et qu'il n'est pas nécessaire de procéder à l'examen des attestations et du constat critiqué par ailleurs. L'existence de la copropriété a été soumise aux débats puisque, notamment, Mme E... mentionne l'état descriptif de division, l'existence de parties communes et de parties privatives. De même, Mme D... invoque la division par lots et l'expert G... dans un litige opposant les mêmes parties, mentionne la copropriété dont la structure a été renforcée par les travaux. Le géomètre T... a établi les plans de la "copropriété R...".
Mme E... ne peut soutenir l'absence de preuve du droit de propriété de Mme D..., alors que l'acte de donation, qui est d'ailleurs également à l'origine de son propre droit de propriété, est versé au débat.
En application des dispositions de l'article 15 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965, tout copropriétaire peut néanmoins exercer seul les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot, à charge d'en informer le syndic
Mme D... exerce une action qui concerne la jouissance de son lot puisque la suppression des escaliers et la fermeture du hall d'entrée l'empêche d'y accéder. L'information du syndic n'est pas une condition de recevabilité de l'action.
L'immeuble est ainsi composé suivant Pacte du 6 janvier 1982, d'une maison élevée côté rue des Anges où elle a son entrée directe et individuelle, d'un rez-de-chaussée et deux étages auxquels on accède par un escalier extérieur et sur quai Landry, d'un rez-de-chaussée à usage commercial, de quatre étages au-dessus. Il comprend cinq lots dont un local à usage commercial et quatre appartements. Mme H... D... a acquis le 6 janvier 1982, les :
- lot numéro deux : un appartement de trois pièces correspondant au premier étage rue des Anges et au troisième étage quai Landry,
- lot numéro trois : un appartement de trois pièces correspondant au deuxième niveau rue des Anges et au quatrième étage quai Landry.
Le 2 novembre 1994 Mme H... D... a donné à ses enfants, dans un immeuble élevé côté rue des Anges où il a son entrée directe et individuelle, d'un rez-de-chaussée et deux étages auxquels on accède par un escalier extérieur et sur quai Landry, d'un rez-de-chaussée à. usage commercial, de quatre étages au-dessus, - à O... : le lot numéro deux, - à Y... : le lot numéro trois,
Les lots donnés sont décrits comme précédemment.
Les 22 août et 25 septembre 2001, M. D... et Mme H... ont vendu à Mme E... le lot numéro deux ainsi décrit "un appartement en mauvais état occupant tout le premier étage de la rue des Anges avec entrée directe et individuelle occupant tout le troisième étage sur le quai Landry".
Nonobstant l'impossibilité pour M. D... et Mme H... de vendre un appartement "avec une entrée directe et individuelle" alors qu'il s'agissait de l'entrée de l'immeuble, il résulte de cet exposé d'une part que l'escalier d'accès extérieur et l'entrée sont des parties communes de l'immeuble soumis au régime de la copropriété, que dès lors Mme E... ne pouvait ni supprimer l'escalier ni fermer la porte d'accès constituant l'entrée principale de l'immeuble.
Le jugement doit donc être infirmé en toutes ses dispositions. Mme D..., copropriétaire, est fondée à obtenir le double des clefs de l'entrée permettant l'accès au [...] et la remise en état de l'escalier supprimé lui permettant l'accès à son bien, dont il sera relevé qu'il figure sur les plans du géomètre. La dégradation des relations entre les parties établie par l'existence d'autres procédures les opposant, justifie d'ordonner une astreinte, pour assurer l'exécution de chacune des obligations, mais dont les modalités, fixées au dispositif seront différentes eu égard à l'importance des travaux à mettre en oeuvre. Mme E... doit être déboutée de ses demandes contraires.
Mme E... succombe. Elle doit être condamnée, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile au paiement des dépens de l'instance, qui ne comprendront pas les frais du procès-verbal de constat qui n'a pas été utile aux débats et les frais de l'expertise judiciaire qui ne concerne pas ce litige, mais un autre relatif aux travaux réalisés. Mme D... doit être déboutée de ses demandes à ce titre. Mme E... est également condamnée, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à payer à Mme D... une somme de 2 000 euros »;
Alors que, d'une part, les juges, qui doivent observer le principe de la contradiction, ne peuvent fonder leur décision sur un moyen relevé d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations ; qu'en se fondant, pour faire droit aux demandes de Madame R... D... sur la qualification de parties communes de l'entrée et de l'escalier, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a méconnu l'article 16 du code de procédure civile ;
Alors que, d'autre part, le copropriétaire qui exerce à titre individuel une action tendant à la remise en état des parties communes doit appeler le syndicat des copropriétaires dans la cause, au besoin en faisant judiciairement désigner son représentant ; que les juges du fond qui soulèvent d'office le moyen tiré de la soumission de l'immeuble au statut de la copropriété et de la qualification de partie commune doivent inviter les parties non seulement à présenter leurs observations sur ce moyen mais aussi à mettre en cause le syndicat des copropriétaires ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de la qualification de partie commune de l'entrée et de l'escalier, sans inviter les parties à mettre en cause le syndicat des copropriétaires, la cour d'appel a violé l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965, alinéa 2, ensemble l'article 16 du code de procédure civile ;
Alors que, de troisième part, en se fondant sur l'état descriptif de division pour retenir que l'immeuble relève du statut de la copropriété, sans préciser de quel état descriptif il s'agissait, lors même que Mme E... produisait un état descriptif de division du 6 janvier 1982, régulièrement publié à la conservation des hypothèses, qui ne faisait nullement mention d'une copropriété et de parties communes et privatives, et que Mme R... produisait, de son côté, un simple projet d'état descriptif de division établi par un expert géomètre, non daté et non publié à la conservation des hypothèques, faisant état d'une copropriété et de parties communes et privatives, la cour d'appel, faute de pouvoir déterminer sur lequel des deux actes elle s'est fondée, n'a pas mis en mesure la Cour de cassation d'exercer son contrôle et a ainsi violé l'article 71 du décret du 4 janvier 1955, ensemble l'article 3 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 ;
Alors que, de quatrième part, pour retenir que l'immeuble relève du statut de la copropriété, en se fondant sur l'état descriptif de division, produit par Madame R..., qui avait été établi par un expert géomètre, faisant état d'une copropriété et de parties communes et privatives, qui était toutefois un simple projet faute d'être daté et surtout qui n'avait pas été publié à la conservation des hypothèques, sans toutefois s'assurer que cet état avait été publié et était opposable à Madame E..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 71 du décret du 4 janvier 1955, ensemble l'article 3 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 ;
Alors que, de cinquième part, en retenant, pour juger que l'immeuble relève du statut de la copropriété, que Madame E... mentionnait, dans ses conclusions d'appel, l'état descriptif de division ainsi que l'existence de parties communes et privatives, quand celle-ci se prévalait seulement de l'état descriptif de division du 6 janvier 1982, qu'elle produisait, et en aucun cas de parties communes et privatives, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
Alors que, de plus, sont communes les parties des bâtiments et des terrains affectées à l'usage ou à l'utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d'entre eux ; qu'en décidant, cependant, que l'entrée et l'escalier litigieux sont des parties communes de la copropriété, sans rechercher si ces parties de l'immeuble étaient affectées à l'usage ou à l'utilité de tous les copropriétaires, ou de certains d'entre eux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 ;
Alors que, enfin, dans ses conclusions d'appel, l'exposante faisait valoir que l'escalier ne pouvait pas être utilisé par Madame R... D... (conclusions d'appel de l'exposante, p. 5, § 6-7) ; qu'en retenant, cependant, que l'escalier est une partie commune de la copropriété, sans répondre au moyen péremptoire de l'exposante invoquant une utilisation privative de l'escalier, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.