LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à l'institution AG2R agirc-arrco, venant aux droits des institutions AG2R réunica arrco et AG2R réunica agirc, de sa reprise d'instance ;
Sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :
Vu l'article 32 de l'annexe A de l'accord national interprofessionnel de retraite complémentaire du 8 décembre 1961, relatif au régime géré par l'Arrco, ensemble l'article 6 de l'annexe I de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947, relative au régime géré par l'Agirc, dans leur rédaction applicable à la cause ;
Attendu, selon ces textes, que la liquidation des droits à retraite complémentaire ne peut être opérée que si l'intéressé, d'une part, cesse toute activité salariée ou non salariée et, s'agissant d'une activité relevant d'un régime complémentaire de retraite de salariés, n'acquiert plus de droits auprès d'un régime complémentaire de retraite de salariés en qualité de bénéficiaire de mesures l'assimilant à un cotisant, sauf s'il exerce une activité à temps partiel dans le cadre de la retraite progressive, d'autre part, s'engage à avertir l'institution de toute reprise d'activité salariée ou non salariée ; qu'il en résulte qu'il appartient à celui qui entend obtenir l'attribution de la retraite complémentaire en cause de justifier auprès de l'institution de retraite complémentaire compétente de ce qu'il remplit la condition de cessation d'activité à laquelle le versement de cette pension est subordonné ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que D... P... a cotisé au régime de retraite de base des salariés et aux régimes de retraite complémentaires (tranches A, B et C) jusqu'au 30 juin 2009 ; qu'il a ensuite perçu la pension relative au régime de base mais aucune au titre des régimes complémentaires ; qu'après son décès survenu le [...] , sa veuve, Mme O..., a sollicité auprès de l'institution interprofessionnelle de retraite complémentaire de la Martinique (l'Ircom) et du groupe Reunica le versement d'un rappel d'allocations de retraite complémentaire ; que ceux-ci lui ayant opposé un refus, elle a assigné l'Ircom, le groupement d'intérêt économique Reunica, l'institution Reuni retraite salariés, aux droits de laquelle est venue l'institution AG2R réunica arrco (AG2R réunica arrco), et l'institution Reuni retraite cadres, aux droits de laquelle est venue l'institution AG2R réunica agirc (AG2R réunica agirc), en paiement de ce rappel ainsi que de dommages-intérêts ;
Attendu que pour condamner solidairement l'Ircom, AG2R réunica agirc et AG2R réunica arrco à payer à Mme O... la somme de 307 915,35 euros à titre de rappel d'allocations de retraite complémentaire, l'arrêt retient que par lettre du 5 mai 2009, D... P... a écrit à l'Ircom en ces termes : « je sollicite auprès de vos services la liquidation de mes droits acquis concernant les retraites complémentaires Arrco et Argic à effet du 1er juillet 2009 », que le 15 octobre 2009, il a reçu de la caisse de sécurité sociale de la Martinique une lettre lui notifiant sa retraite à compter du 1er juillet 2009 et l'avertissant de la transmission des mêmes informations à sa caisse de retraite complémentaire, qu'il ressort de ces éléments qu'D... P... n'a certes pas transmis à sa caisse complémentaire la preuve de la cessation de son activité professionnelle au 30 juin 2009 mais a clairement sollicité de cette dernière la liquidation de ses droits à retraite complémentaire et que la caisse de sécurité sociale du régime général a informé cette même caisse de la cessation d'activité au 30 juin 2009 ; que l'arrêt ajoute que l'intéressé avait droit au cumul de sa pension de retraite avec l'activité professionnelle qu'il avait reprise à compter du 3 juillet 2009 ; qu'il en déduit que sa pension de retraite complémentaire lui était dûe à compter du 30 juin 2009 et qu'il avait parfaitement sollicité la liquidation de ses droits auprès de l'Ircom ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle relevait qu'D... P... n'avait pas transmis à l'institution de retraite complémentaire compétente les éléments justifiant de la cessation de l'activité professionnelle qu'il exerçait jusqu'alors, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement l'Ircom, AG2R réunica arrco, venant aux droits de Réuni retraite salariés et AG2R réunica agirc, venant aux droits de Réuni retraite cadres, à payer à Mme O... la somme de 307 919,35 euros à titre de rappel d'allocations de retraite complémentaire, outre intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2014 et ordonne la capitalisation des intérêts, l'arrêt rendu le 29 mai 2018, rectifié le 12 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée ;
Condamne Mme O... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'institution interprofessionnelle de retraite complémentaire de la Martinique et les institutions AG2R Reunica AGIRC et AG2R Reunica Arrco.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné solidairement l'Ircom, AG2R réunica arrco, venant aux droits de Réuni retraite salariés et AG2R réunica agirc, venant aux droits de Réuni retraite cadres, à payer à Mme V... O... la somme de 307 915,35 euros à titre de rappel d'allocations de retraite complémentaire, outre intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2014 et ordonné la capitalisation des intérêts ;
AUX MOTIFS QUE selon les dispositions des quatre premiers alinéas de l'article L 161-22 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à l'espèce, le service d'une pension de vieillesse prenant effet postérieurement au 31 mars 1983, liquidée au titre du régime général de sécurité sociale, du régime des salariés agricoles ou d'un régime spécial de retraite au sens de l'article L. 711-1 et dont l'entrée en jouissance intervient à compter d'un âge fixé par décret en Conseil d'État, ou ultérieurement, est subordonné à la rupture de tout lien professionnel avec l'employeur ou, pour les assurés exerçant une activité non salariée relevant du ou desdits régimes, à la cessation de cette activité ; que les dispositions du premier alinéa ne font pas obstacle à la reprise d'une activité procurant des revenus qui, ajoutés aux pensions servies par les régimes mentionnés au premier alinéa ainsi que par les régimes complémentaires légalement obligatoires régis par le livre IX, sont inférieurs à 160 % du salaire minimum de croissance ou au dernier salaire d'activité perçu avant la liquidation de la ou desdites pensions et sous réserve que cette reprise d'activité, lorsqu'elle a lieu chez le dernier employeur, intervienne au plus tôt six mois après la date d'entrée en jouissance de la pension ; que lorsque l'assuré reprend une activité lui procurant des revenus qui, ajoutés aux pensions servies par les régimes mentionnés au premier alinéa ainsi que par les régimes complémentaires légalement obligatoires régis par le livre IX, sont supérieurs au plafond mentionné à l'alinéa précédent, il en informe la ou les caisses compétentes et le service de ces pensions est suspendu ; que par dérogation aux deux précédents alinéas, et sous réserve que l'assuré ait liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé, une pension de vieillesse peut être entièrement cumulée avec une activité professionnelle : - à partir de l'âge prévu au 1° de l'article L351-8, - à partir de l'âge prévu au premier alinéa de l'article L 351-1, lorsque l'assuré justifie d'une durée d'assurance et de périodes reconnues équivalentes mentionnées au deuxième alinéa du même article au moins égale à la limite mentionnée au même alinéa ; qu'en l'espèce, M. P.... a, par courrier du 27 mars 2009, demandé à la Caisse de Sécurité Sociale de la Martinique la liquidation de ses droits acquis dans le cadre de la cessation de son activité salariée prévue pour le 30 juin 2009 ; qu'ensuite, par courrier du 5 mai 2009, il a écrit à l'Ircom en ces termes : « je sollicite auprès de vos services la liquidation de mes droits acquis concernant les retraites complémentaires Arrco et Agirc à effet du 1er juillet 2009 » ; qu'au 3 juillet 2009, M. P... a repris une activité salariée auprès de trois sociétés ; que le 15 octobre 2009, il a reçu de la Caisse de sécurité sociale de la Martinique la notification de sa retraite à compter du 1er juillet 2009 ; que dans ce courrier la caisse l'a averti de la transmission à sa caisse complémentaire des informations de cette notification et rappelé qu'il lui appartient de demander à cette caisse la liquidation de ses droits à retraite complémentaire ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que M. P... n'a certes pas transmis à sa caisse complémentaire la preuve de la cessation de son activité professionnelle au 30 juin 2009, mais a clairement sollicité de cette caisse la liquidation de ses droits à la retraite ; qu'il est aussi effectif que la caisse de sécurité sociale du régime général a pris en compte sa cessation d'activité au 30 juin 2009 et en a informé la caisse complémentaire ; qu'ensuite, l'appelante prouve que son défunt mari avait droit au cumul de sa pension de retraite avec une activité professionnelle, puisqu'il justifiait au 30 juin 2009 de 219 trimestres et qu'il était âgé de 77 ans ; que la pension complémentaire de retraite était donc due à M. P... au 30 juin 2009 et ce dernier avait parfaitement sollicité la liquidation de ses droits acquis auprès de l'Ircom ; que cette dernière ne peut reprocher utilement à M. P... d'avoir sollicité la liquidation de ses droits avant sa fin d'activité puisqu'elle se devait, en respect de son obligation d'information de son assuré, répondre à son courrier du 5 mai 2009 en lui demandant de bien vouloir justifier de sa cessation d'activité au moment voulu ; qu'il a été démontré au surplus la transmission de l'information par la caisse du régime général à la caisse du régime complémentaire ; que, de même, l'Ircom indique que Mme O... n'apporte pas la preuve de la réception par la caisse du courrier recommandé du 5 mai 2009, mais n'affirme pas, par ailleurs, ne pas avoir reçu ce courrier ; qu'aucune de ses pièces (courriers adressés à la veuve de M. P... ou mail interne à la caisse) ne fait état d'un éventuel défaut de réception dudit courrier ; qu'en outre, la caisse mentionne que M. P... aurait dû adresser une demande de mise en place du cumul emploi-retraite, mais le texte sus rappelé ne l'exige qu'au titre de l'alinéa 3 de l'article L161-22 du code de la sécurité sociale alors que M. P... entre dans le champ d'application de l'alinéa suivant ; qu'enfin, la caisse conteste la réalité de la cessation d'activité de M. P... ; qu'il serait contradictoire de tenir pour acquis cet arrêt d'activité pour la liquidation des droits au titre du régime général et de le refuser pour la liquidation des droits à retraite complémentaire ; qu'ensuite, il a été produit aux débats les déclarations uniques d'embauche effectuées par trois sociétés à la date du 3 juillet 2009 ; que dans ces conditions, la cour infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et fait droit à la demande de Mme O... de paiement des pensions de retraite complémentaires dues du 1er juillet 2009 au 5 novembre 2012 ; que les intimées ne contestent pas le calcul effectué par Mme O... au titre du montant des pensions dues ; que l'Ircom a toujours été la caisse interlocutrice de M. P... puis de sa veuve ; qu'elle a pu expliquer dans ses écritures le rôle des différentes caisses du groupe devenu le GIE AG2R réunica ; qu'il convient de condamner solidairement les caisses intimées au paiement à l'appelante de la somme de 307 919,35 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2014, date de mise en demeure ; que la capitalisation des intérêts en application de l'ancien article 1154 du code civil est également ordonnée ;
1°) ALORS QUE les juges ne peuvent modifier l'objet du litige fixé par les écritures des parties ; que dans ses dernières conclusions, Mme V... O... avait reconnu que Réuni retraite cadres déclarait être le seul organisme payeur des pensions réclamées et, en prenant acte, avait limité sa demande de rappel de pensions à l'encontre uniquement de Réuni retraite cadres ; que, dès lors, en condamnant solidairement l'Ircom, AG2R réunica arrco, venant aux droits de Réuni retraite salariés, et AG2R réunica agirc, venant aux droits de Réuni retraite cadres, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE la solidarité n'existe que si elle est expressément convenue ou si la loi la prévoit et qu'elle ne se présume pas ; qu'en l'espèce, l'Ircom, AG2R réunica arrco, venant aux droits de Réuni retraite salariés, et AG2R réunica agirc, venant aux droits de Réuni retraite cadres, constituaient trois personnes morales distinctes sans lien juridique, l'institution AG2R réunica étant le seul organisme tenu au paiement éventuel d'une pension de retraite à M. D... P... ; que, dès lors, en condamnant solidairement l'Ircom, AG2R réunica arrco, venant aux droits de Réuni retraite salariés, et AG2R réunica agirc, venant aux droits de Réuni retraite cadres, la cour d'appel a violé l'article 1202 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
3°) ALORS QU'il appartient à l'ayant droit d'un participant qui demande le paiement à titre de rappel d'une pension de retraite complémentaire de prouver qu'une demande de liquidation des droits au titre de ladite retraite a été formulée par ce participant et reçue par l'institution de retraite complémentaire concernée ; que, dès lors, en relevant, pour condamner solidairement l'Ircom, AG2R réunica arrco et AG2R réunica agirc à payer un rappel d'allocations de retraite complémentaire, que l'Ircom indiquait que Mme V... O... n'apportait pas la preuve de la réception par la caisse du courrier recommandé du 5 mai 2009 prétendument adressé par M. D... P..., son mari, afin de solliciter la liquidation de ses droits à la retraite complémentaire, mais que l'Ircom n'affirmait pas par ailleurs ne pas avoir reçu ce courrier, aucune de ses pièces ne faisant état d'un éventuel défaut de réception dudit courrier, la cour d'appel a inversé la charge et le risque de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4°) ALORS QUE l'aveu ne peut résulter que d'une déclaration expresse manifestant sans équivoque l'intention de reconnaître le fait litigieux ; que l'aveu ne peut résulter du simple silence ou d'une affirmation ambigüe d'une partie ; qu'en estimant que la preuve de la réception de la lettre du 5 mai 2009 par l'Ircom pourrait résulter de ce qu'elle n'a pas formellement contesté avoir reçu ce courrier pour se borner à soutenir que l'expéditeur n'établirait pas la preuve de son envoi et de sa réception, la cour d'appel a déduit un aveu judiciaire du simple silence de l'Ircom, et violé les articles 1354 devenu 1383-1 et l'article 1356 devenu 1383-2 du code civil ;
5°) ALORS QU'aux termes de l'article 32 de l'annexe A de l'accord national interprofessionnel de retraite complémentaire du 8 décembre 1961, la liquidation des droits du participant ne peut être opérée que si l'intéressé cesse toute activité salarié ou non salarié et s'engage à avertir l'institution de toute reprise d'activité salariée ou non salariée ; qu'il en résulte que, pour bénéficier de la pension complémentaire de retraite, le participant doit expressément informer l'institution de la cessation définitive de son activité, point de départ de son engagement d'avertir l'institution de toute reprise d'activité ; que dès lors en condamnant solidairement l'Ircom, AG2R réunica arrco et AG2R réunica agirc à payer un rappel d'allocations de retraite complémentaire à Mme V... O..., ayant droit du participant, après avoir pourtant constaté que M. D... P..., le participant, n'avait pas transmis à à sa caisse complémentaire la preuve de la cessation de son activité professionnelle, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi le texte susvisé ;
6°) ALORS QUE les juges du fond sont tenus par les termes clairs des écrits qui leur sont soumis ; que la lettre du 15 octobre 2009 de la Caisse de sécurité sociale de la Martinique, notifiant à M. D... P... sa retraite à compter du 1er juillet 2009, mentionnait simplement que ladite caisse allait transmettre à la caisse de retraite complémentaire les informations de cette notification tout en rappelant à M. D... P... qu'il lui appartenait de demander la liquidation de ses droits à retraite complémentaire ; que, dès lors, en affirmant qu'il résultait de ce document qu'il était effectif que la Caisse de sécurité sociale avait informé la caisse complémentaire de la cessation d'activité, la cour d'appel a violé le principe selon lequel les juges du fond ne doivent pas dénaturer les écrits qui leur son soumis ;
7°) ALORS QUE les caisses de retraite complémentaire ne sont tenues d'une obligation d'information que lorsqu'elles sont interrogées par un assuré ; qu'en l'espèce, dans son prétendu courrier du 5 mai 2009, M. D... P... avait simplement sollicité la liquidation de ses droits acquis concernant sa retraite complémentaire sans formuler la moindre interrogation ; que, dès lors, en estimant que l'Ircom devait, en respect de son obligation d'information de son assuré, répondre à son courrier du 5 mai 2009 en lui demandant de bien vouloir justifier de sa cessation d'activité au moment voulu, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;