LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Nancy, 21 janvier 2019), que le 8 novembre 2018, a été organisé, au sein de la société Mussipontum, le premier tour de l'élection des membres de la délégation du personnel au comité social et économique pour le premier collège, lequel était composé de 72 femmes et 27 hommes (soit, proportionnellement, 72,73 % de femmes et 27,27 % d'hommes), cinq sièges étant à pourvoir ; que par requête du 21 novembre 2018, la société a saisi le tribunal d'instance afin d'obtenir l'annulation de l'élection de Mme W..., candidate unique de la liste CGT, en invoquant l'irrégularité de cette liste au regard des dispositions de l'article L. 2314-30 du code du travail ;
Attendu que l'union syndicale CGT du commerce 54, l'union départementale CGT 54 et Mme W... font grief au jugement de faire droit à cette requête alors, selon le moyen :
1°/ que les organisations syndicales choisissent librement le nombre de candidats qu'elles présentent aux suffrages des électeurs ; que le scrutin pour les élections des membres du comité social et économique étant un scrutin de liste, toute candidature individuelle constitue une liste ; qu'en annulant l'élection de l'unique candidate présentée par le syndicat CGT, au motif qu'en application de la règle de mixité proportionnelle, la liste de candidats présentée au premier collège devait comporter quatre femmes et un homme, interdisant ainsi au syndicat de présenter sur une liste un nombre de candidats inférieur au nombre de sièges à pourvoir, le tribunal a violé par fausse application les articles L. 2314-29, L. 2314-30 et L. 2314-32 du code du travail, ensemble les principes généraux du droit électoral ;
2°/ que les organisations syndicales choisissent librement le nombre de candidats qu'elles présentent aux suffrages des électeurs ; que la règle de mixité proportionnelle ne s'impose qu'en présence d'une liste présentant plusieurs candidats ; qu'en jugeant le contraire, le tribunal a violé par fausse application les articles L. 2314-29, L. 2314-30 et L. 2314-32 du code du travail, ensemble les principes généraux du droit électoral ;
3°/ que les organisations syndicales choisissent librement le nombre de candidats qu'elles présentent aux suffrages des électeurs ; que la règle de mixité proportionnelle n'interdit pas de présenter la candidature unique du sexe féminin majoritaire composant le collège électoral ; qu'en jugeant le contraire, le tribunal a violé par fausse application les articles L. 2314-29, L. 2314-30 et L. 2314-32 du code du travail, ensemble les principes généraux du droit électoral ;
4°/ que la présentation d'un candidat unique sur une liste syndicale en vue du premier tour des élections professionnelles n'encourt aucune sanction légale ; qu'en annulant l'élection de l'exposante en raison de la méconnaissance de la règle de mixité proportionnelle, aux motifs que cette candidature était en surnombre et correspondait au sexe surreprésenté, le tribunal a violé par fausse application l'article L. 2314-32 du code du travail ;
Mais attendu que, lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir, les organisations syndicales sont tenues de présenter une liste conforme à l'article L. 2314-30 du code du travail, c'est à dire respectant la proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré et devant comporter au moins un candidat au titre du sexe sous-représenté ; que lorsque l'application des règles de proportionnalité et de l'arrondi à l'entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5 conduit, au regard du nombre de sièges à pourvoir, à exclure totalement la représentation de l'un ou l'autre sexe, il résulte de l'article L. 2314-30 du code du travail que les listes de candidats peuvent comporter un candidat du sexe sous-représenté, sans que les organisations syndicales y soient tenues ; que les dispositions de l'article L. 2314-30 étant d'ordre public absolu, le protocole préélectoral ne peut y déroger ;
Attendu qu'en revanche, lorsque l'organisation syndicale choisit de présenter une liste comprenant un nombre de candidats inférieur au nombre de sièges à pourvoir, l'application de la règle de l'arrondi à l'entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5 provoquée par le nombre de candidats que l'organisation syndicale a choisi de présenter ne peut conduire, s'agissant de textes d'ordre public absolu, à éliminer toute représentation du sexe sous-représenté qui aurait été représenté dans une liste comportant autant de candidats que de sièges à pourvoir ;
Et attendu qu'ayant constaté qu'eu égard à la proportion des hommes et des femmes dans le collège considéré et au nombre de sièges à pourvoir, la liste aurait dû comprendre quatre femmes et un homme, le tribunal a exactement retenu que la présentation d'une liste comprenant une candidate unique reviendrait à se soustraire aux exigences posées par l'article L. 2314-30 du code du travail ; qu'il en a justement déduit que l'élection de la seule candidate de la liste devait être annulée en application de l'article L. 2314-32 du même code ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour le syndicat Union syndicale de la CGT du commerce 54, le syndicat Union départementale CGT 54 et Mme W...
Le moyen fait grief au jugement attaqué d'AVOIR annulé l'élection de Mme W... en qualité de membre titulaire de la délégation du personnel du comité social et économique.
AUX MOTIFS QUE l'irrégularité mise en avant par la demanderesse porte sur le non-respect de la composition de la liste électorale présentée sous l'étiquette CGT, qui ne comprenait qu'un nom. Il s'agit par conséquent de déterminer si les règles de mixité et de représentation équilibrée des sexes au regard de leur présence dans l'entreprise telles qu'établies par l'article L2314-30 du code du travail permettent la présentation d'une liste ne comportant qu'un seul nom alors que plusieurs sièges sont à pourvoir. Or, selon les dispositions de l'article L2314-30 du code du travail, les listes présentées doivent refléter la composition de la répartition des sexes au sein du personnel de l'entreprise. Ainsi, alors qu'une interprétation littérale de cet article pris en son premier alinéa pourrait sembler permettre la présentation d'une liste avec un candidat unique, cette possibilité reviendrait à se soustraire aux exigences de représentativité sexuée posées par le texte. II y a lieu de préciser que la faculté de présenter un candidat supplémentaire du sexe qui à défaut ne serait pas représenté ne concerne que l'hypothèse où cette absence de représentation découle de la seule application des règles de calcul, et non l'hypothèse d'une liste uninominale alors même que plusieurs postes sont à pourvoir. Par conséquent, dans la mesure où cinq postes étalent à pourvoir, la liste présentée sous l'étiquette de la CGT ne comportant qu'une seule candidate contrevient aux exigences posées par l'article L2314-30 du code du travail. Aux termes de l'article L231432, qui circonscrit l'étendue du pouvoir du juge à cet égard, la sanction du non-respect des dispositions relatives à la proportion d'hommes et de femmes sur la liste concernée est l'annulation de l'élection d'un nombre d'élus du sexe sur représenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait respecter. En l'espèce, la liste devait représenter quatre femmes et un homme. Par définition, la seule candidate présentée sur la liste de la CGT est donc la candidate en surnombre et correspondant au sexe surreprésenté. Il convient donc d'annuler l'élection de Madame B... W....
1° ALORS QUE les organisations syndicales choisissent librement le nombre de candidats qu'elles présentent aux suffrages des électeurs ; que le scrutin pour les élections des membres du comité social et économique étant un scrutin de liste, toute candidature individuelle constitue une liste ; qu'en annulant l'élection de l'unique candidate présentée par le syndicat CGT, au motif qu'en application de la règle de mixité proportionnelle, la liste de candidats présentée au premier collège devait comporter quatre femmes et un homme, interdisant ainsi au syndicat de présenter sur une liste un nombre de candidats inférieur au nombre de sièges à pourvoir, le tribunal a violé par fausse application les articles L. 2314-29, L. 2314-30 et L. 2314-32 du code du travail, ensemble les principes généraux du droit électoral.
2° ALORS QUE les organisations syndicales choisissent librement le nombre de candidats qu'elles présentent aux suffrages des électeurs ; que la règle de mixité proportionnelle ne s'impose qu'en présence d'une liste présentant plusieurs candidats ; qu'en jugeant le contraire, le tribunal a violé par fausse application les articles L. 2314-29, L. 2314-30 et L. 2314-32 du code du travail, ensemble les principes généraux du droit électoral.
3° ALORS QUE les organisations syndicales choisissent librement le nombre de candidats qu'elles présentent aux suffrages des électeurs ; que la règle de mixité proportionnelle n'interdit pas de présenter la candidature unique du sexe féminin majoritaire composant le collège électoral ; qu'en jugeant le contraire, le tribunal a violé par fausse application les articles L. 2314-29, L. 2314-30 et L. 2314-32 du code du travail, ensemble les principes généraux du droit électoral.
4° ALORS QUE la présentation d'un candidat unique sur une liste syndicale en vue du premier tour des élections professionnelles n'encourt aucune sanction légale ; qu'en annulant l'élection de l'exposante en raison de la méconnaissance de la règle de mixité proportionnelle, aux motifs que cette candidature était en surnombre et correspondait au sexe surreprésenté, le tribunal a violé par fausse application l'article L. 2314-32 du code du travail.