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04/12/2019 | FRANCE | N°18-15640

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 04 décembre 2019, 18-15640


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 février 2018), qu'à partir de l'année 2006, la société Ranbaxy pharmacie génériques (la société Ranbaxy), fabriquant de produits pharmaceutiques génériques, a conclu chaque année avec la société Compagnie d'exploitation et de répartition pharmaceutiques de Rouen (la société CERP Rouen), grossiste en produits pharmaceutiques, un contrat-cadre annuel, sans tacite reconduction ; qu'invoquant les mauvaises performances de la société Ranbaxy, la société CERP

Rouen l'a informée, par lettre du 14 février 2014, de sa décision de ne main...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 février 2018), qu'à partir de l'année 2006, la société Ranbaxy pharmacie génériques (la société Ranbaxy), fabriquant de produits pharmaceutiques génériques, a conclu chaque année avec la société Compagnie d'exploitation et de répartition pharmaceutiques de Rouen (la société CERP Rouen), grossiste en produits pharmaceutiques, un contrat-cadre annuel, sans tacite reconduction ; qu'invoquant les mauvaises performances de la société Ranbaxy, la société CERP Rouen l'a informée, par lettre du 14 février 2014, de sa décision de ne maintenir les relations contractuelles que jusqu'au 30 juin 2014, sous certaines conditions ; qu'après divers échanges entre les parties, la société Ranbaxy a assigné la société CERP Rouen en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale d'une relation commerciale établie ; que cette dernière a formé une demande reconventionnelle aux mêmes fins, ainsi qu'en réparation de son préjudice d'image ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société CERP Rouen fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Ranbaxy une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale d'une relation commerciale établie et de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que la cour d'appel a constaté, d'une part, qu'entre 2006 et 2013, la société Ranbaxy et la société CERP Rouen avaient négocié, chaque année, la signature d'un contrat annuel et que le dernier contrat conclu entre les parties venait à expiration le 31 décembre 2013, d'autre part, que ce contrat ne contenait aucune clause de reconduction tacite et prévoyait l'obligation pour les parties de se réunir deux mois avant son expiration en vue de négocier son « éventuelle reconduction », de troisième part, que les parties, qui n'avaient pas réussi à s'accorder sur les conditions d'un contrat applicable pour l'année 2014, avaient signé, le 6 décembre 2013, un avenant prévoyant l'application du contrat alors en cours du 1er janvier au 28 février 2014, « dans l'attente de pouvoir éventuellement conclure un nouveau contrat-cadre applicable à compter du 1er mars 2014 », et de quatrième part, que le 14 février 2014 la société CERP Rouen avait finalement notifié à la société Ranbaxy son intention de rompre leurs relations commerciales en lui proposant toutefois de proroger leur contrat jusqu'au 30 juin 2014 au moins, ce dont il résultait que la société Ranbaxy n'ignorait rien du risque de non-reconduction du contrat depuis au moins la fin de l'année 2013, qu'elle avait été en mesure de prendre ses dispositions, et que la société CERP Rouen lui avait finalement proposé une poursuite de contrat moyennant l'exécution d'un préavis, de sorte qu'elle ne pouvait revendiquer aucun dommage à ce titre ; qu'en reprochant néanmoins à la société CERP Rouen d'avoir tardé à aviser la société Ranbaxy et de l'avoir laissée dans l'incertitude sur la poursuite des relations commerciales, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé l'article 1382 du code civil ;

2°/ que, devant les juges du fond, la société CERP Rouen rappelait que le 14 février 2014, elle avait proposé à la société Ranbaxy de mettre en place un préavis de quatre mois, tout en laissant ouverte la possibilité de négocier la mise en place d'un préavis plus long si cette dernière en exprimait le souhait ; qu'elle rappelait qu'à réception de ce courrier, la société Ranbaxy avait mis fin d'autorité à leur partenariat et que celle-ci, estimant les relations rompues, s'était opposée à la négociation et à l'exécution de tout préavis, fût-il plus long que celui qui lui était d'ores et déjà proposé ; qu'elle rappelait qu'à compter de cette date, la société Ranbaxy s'était contentée de formuler des demandes indemnitaires dont elle subordonnait l'abandon à des concessions contraires à toute déontologie ; que la cour d'appel a elle-même relevé que la société CERP Rouen avait « proposé » à la société Ranbaxy la mise en place d'un préavis de quatre mois, tout en lui demandant si ce délai lui « convenait » et que la société Ranbaxy avait refusé d'exécuter le moindre préavis, les relations entre les parties ayant de fait cessé à compter du 28 février 2014 ; qu'en allouant à la société Ranbaxy une indemnité couvrant six mois de préavis - soit la durée du préavis qui, selon la cour d'appel, devait lui être accordé sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce - au motif que la société CERP Rouen « qui [avait] fixé un préavis insuffisant, [était] mal fondée à reprocher à la société Ranbaxy d'avoir refusé de l'exécuter ou encore d'avoir rendu impossible son exécution », sans rechercher si la société Ranbaxy n'était pas elle-même à l'origine de son préjudice pour avoir mis fin unilatéralement aux relations nouées avec la société CERP Rouen alors qu'elle était invitée à négocier la mise en place d'un délai de préavis plus long que les quatre mois proposés par la société CERP Rouen, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce ;

3°/ que, lorsque le caractère brutal de la rupture d'une relation commerciale établie se déduit de l'insuffisance du préavis notifié, l'auteur d'une rupture brutale de relations commerciales établies n'est tenu que de réparer le préjudice résultant de l'insuffisance de préavis ; que la partie qui, se voyant notifier un préavis insuffisant, décide de mettre unilatéralement fin aux relations nouées avec son partenaire commercial ne peut réclamer de ce dernier l'indemnisation intégrale du préjudice résultant de la situation de rupture immédiate dans laquelle elle s'est elle-même placée, l'auteur de la rupture ne devant répondre que du préjudice résultant de son propre fait ; qu'en condamnant la société CERP Rouen à verser à la société Ranbaxy une indemnité couvrant six mois de préavis - soit une indemnité couvrant la totalité du préavis qui, selon la cour d'appel, aurait dû lui être accordé sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce - au motif que la société Ranbaxy n'avait pas commis de faute en refusant d'exécuter un préavis insuffisant, cependant qu'indépendamment du caractère fautif ou non du comportement adopté par la société Ranbaxy, la société CERP Rouen ne pouvait répondre que de son propre fait et non de l'initiative prise par son partenaire commercial de rompre sans délai toutes relations, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, ensemble l'article 1382 du code civil ;

4°/ que le seul fait, pour un commerçant, de s'être vu notifier un préavis de rupture insuffisant ne l'autorise pas à mettre fin immédiatement à la relation commerciale nouée avec son partenaire, étant lui-même tenu de respecter les règles de prévenance prévues par l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce ; qu'en jugeant que la société Ranbaxy n'avait pas commis de faute en mettant fin d'autorité aux relations nouées avec la société CERP Rouen, motif pris que lui avait été proposé un préavis de quatre mois au lieu des six qui auraient dû lui être accordés, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce ;

5°/ que l'indemnité allouée à la partie qui supporte la rupture d'une relation commerciale établie doit être calculée au regard de la marge que celle-ci pouvait escompter pendant la période de préavis qui aurait dû lui être accordé ; que si, dans les rapports entre fournisseurs et distributeurs, l'octroi d'un préavis suppose en principe le maintien de la relation commerciale aux conditions antérieures, une telle obligation ne s'impose pas au distributeur confronté à une baisse de commandes émanant de ses propres clients ; qu'en l'espèce, la société CERP Rouen faisait valoir qu'elle n'était contractuellement tenue, dans ses rapports avec la société Ranbaxy, par aucune clause lui imposant un volume de commandes minimum et qu'elle n'aurait pas été en mesure, en cours de préavis, de maintenir un niveau de commande équivalent à celui qui avait été constaté au cours des précédents exercices du fait de la baisse de commandes et de la situation de sur-stock à laquelle elle était elle-même confrontée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a alloué à la société Ranbaxy une indemnité correspondant à six mois de marge et évalué cette indemnité au regard de la marge réalisée par la société Ranbaxy avec la société CERP Rouen au cours des exercices 2011, 2012 et 2013 ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, compte tenu de la baisse des commandes et de la situation de sur-stock à laquelle elle devait faire face, la société CERP Rouen aurait été tenue de maintenir, en cours de préavis, un niveau de commandes équivalent à celui qui avait été constaté au cours des précédents exercice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que des relations commerciales établies existaient entre les sociétés Ranbaxy et CERP Rouen depuis 2006 et que, si les contrats-cadres conclus n'étaient pas reconductibles par tacite reconduction, les parties s'étaient contractuellement engagées à se rencontrer deux mois avant l'expiration du contrat afin de négocier les conditions de son renouvellement éventuel ; qu'il relève encore que, le 6 décembre 2013, les parties ont signé un avenant prorogeant de deux mois les effets du dernier contrat annuel, dans l'attente de la conclusion éventuelle d'un nouvel accord-cadre, applicable à compter du 1er mars 2014 ; qu'il retient ensuite que, par application de l'article L. 447-1 du code de commerce, ce contrat-cadre pour 2014 devait être conclu avant le 1er mars 2014 mais que c'est seulement le 14 février 2014, en réponse aux demandes de la société Ranbaxy, que la société CERP Rouen lui a notifié par écrit la rupture de leur relation, en proposant une poursuite des relations jusqu'au 30 juin 2014, la diminution de ses livraisons, compte tenu de la chute des demandes des pharmaciens, et, si cette proposition lui convenait, l'envoi d'un nouveau projet de contrat de partenariat ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que, malgré le silence gardé par la société CERP Rouen entre le 6 décembre 2013 et le 14 février 2014 et l'incertitude dans laquelle se trouvait alors la société Ranbaxy quant à la signature d'un nouvel accord-cadre, le caractère établi de la relation commerciale existant entre les parties n'avait pas été remis en cause et que la rupture de cette relation était imputable à la seule société CERP Rouen, la cour d'appel, sans avoir à effectuer la recherche invoquée par la deuxième branche, rendue inopérante, a souverainement retenu que le préavis proposé par cette société était insuffisant eu égard aux délais légaux fixés pour la conclusion d'un contrat-cadre et à l'ancienneté des relations entre les parties ;

Et attendu, en second lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a évalué le préjudice subi par la société Ranbaxy, du fait de la brutalité de la rupture, sur la base du chiffre d'affaires moyen réalisé avec la société CERP Rouen au cours des trois années antérieures à la rupture et de la marge nette correspondante ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société CERP Rouen fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation pour rupture brutale d'une relation commerciale établie alors, selon le moyen :

1°/ que devant les juges du fond, la société CERP Rouen rappelait que le 14 février 2014, elle avait proposé à la société Ranbaxy de mettre en place un préavis de quatre mois, tout en laissant ouverte la possibilité de négocier l'instauration d'un préavis plus long si la société Ranbaxy en exprimait le souhait ; qu'elle rappelait qu'à réception de ce courrier, la société Ranbaxy avait mis fin d'autorité aux relations qu'elles avaient nouées et s'était opposée à la négociation et à l'exécution de tout préavis, fût-il plus long que celui qui lui était proposé ; qu'elle rappelait qu'à compter de cette date, la société Ranbaxy s'était contentée de formuler des demandes indemnitaires dont elle subordonnait l'abandon à des concessions contraires à toute déontologie (telle l'obligation, pour la société CERP Rouen, de lui apporter une certaine clientèle) ; que la cour d'appel a elle-même relevé que la société CERP Rouen avait « proposé » à la société Ranbaxy la mise en place d'un délai de quatre mois, tout en lui demandant si ce délai lui « convenait » et que la société Ranbaxy avait refusé d'exécuter le moindre préavis, les relations entre les parties ayant de fait cessé à compter du 28 février 2014 ; qu'en déboutant la société CERP Rouen de ses propres demandes fondées sur la rupture brutale dont elle avait elle-même été victime aux motifs que la rupture de la relation était imputable à la société CERP Rouen et que la société Ranbaxy n'avait pas commis de faute en refusant d'exécuter un prévis insuffisant, sans rechercher si la société Ranbaxy n'était pas à l'origine de son propre préjudice pour avoir mis fin unilatéralement à ces relations alors qu'elle était invitée à négocier, si elle en exprimait le besoin, la mise en place d'un délai de préavis plus long que les quatre mois proposés par la société CERP Rouen, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce ;

2°/ que le seul fait, pour un commerçant, de s'être vu notifier un préavis de rupture insuffisant ne l'autorise pas à mettre fin d'autorité à la relation commerciale nouée avec son partenaire, étant lui-même tenu de respecter les règles de prévenance prévues par l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce ; qu'en déboutant la société CERP Rouen de ses propres demandes fondées sur la rupture brutale dont elle avait elle-même été victime aux motifs que la rupture de la relation était imputable à la société CERP Rouen et que celle-ci n'avait pas commis de faute en refusant d'exécuter un préavis insuffisant, motifs impropres à justifier le rejet des demandes indemnitaires de la société CERP Rouen, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la relation commerciale liant les sociétés Ranbaxy et CERP Rouen avait pris fin le 28 février 2014, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, retient que, du fait de l'insuffisance du préavis accordé, de sa tardiveté et des conditions d'exécution nouvelles imposées, il ne peut être reproché à la société Ranbaxy d'avoir refusé d'exécuter le préavis ; qu'en l'état de cette appréciation, dont il résulte que le refus de la société Ranbaxy d'exécuter le préavis était la conséquence de la rupture brutale de la relation imputable à la société CERP Rouen et non la cause de cette rupture, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la société CERP Rouen fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice résultant de son droit à l'image alors, selon le moyen, qu'un acte de dénigrement, qui constitue un acte de concurrence déloyale, cause nécessairement un trouble commercial à la partie qui en a fait l'objet ; qu'en jugeant que la société CERP Rouen ne justifiait pas d'un préjudice résultant de la transmission, par la société Ranbaxy, de fausses informations quant aux conditions dans lesquelles la société CERP Rouen avait proposé de mettre fin à leurs relations, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil applicable en la cause ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la divulgation de fausses informations par certains collaborateurs de la société Ranbaxy, de nature à nuire à l'image de la société CERP Rouen, est intervenue en réponse aux initiatives des collaborateurs de celle-ci qui, dès la fin de l'année 2013, ont divulgué des informations erronées sur l'avenir du partenariat liant les parties ; qu'en cet état, dont il résulte que la société CERP Rouen est à l'origine du préjudice qu'elle invoque, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Compagnie d'exploitation et de répartition pharmaceutiques de Rouen aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Ranbaxy pharmacie génériques la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Compagnie d'exploitation et de répartition pharmaceutiques de Rouen (CERP Rouen)

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

- sur les demandes formées par la société RANBAXY sur le fondement de l'article L 442-6, I, 5° du code de commerce -

Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société CERP Rouen à payer à la société Laboratoires Ranbaxy pharmacie générique la somme de 758.845 euros à titre de dommages et intérêts par application de l'article L 442-6, I, 5° du code de commerce ainsi que la somme de 10.000 euros par application de l'article du code de procédure civile et d'AVOIR rejeté les demandes de la société CERP Rouen ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « Des relations commerciales établies existaient depuis 2006 entre la société Ranbaxy, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de médicaments génériques, et la société CERP Rouen, grossiste répartiteur de médicaments, notamment de médicaments génériques auprès des officines de pharmacie soumises aux dispositions de l'article L 441-7 du code de commerce, leurs relations étaient régies par des conventions annuelles. Le dernier contrat cadre a été signé entre les parties le 18 février 2013, à effet au 1er janvier 2013 jusqu'au 31 décembre 2013. Il stipulait, en son article 2, les conditions commerciales suivantes accordées par la société Ranbaxy à la société CERP Rouen : 17 % sur l'ensemble des produits hors tarif forfaitaire de responsabilité tels que définis à l'article 2.1, cette remise s'appliquant sur le prix fabricant hors taxe, 2,5 % sur les produits non-inscrits au répertoire des médicaments génériques et soumis au tarif forfaitaire de responsabilité ainsi que sur les spécialités médicales non remboursées, tels que définis à l'article 2.1, cette remise s'appliquant sur le prix fabricant hors taxe. L'article 9 précisait que le contrat n'était pas reconductible par tacite reconduction mais que les parties s'engageaient à se rencontrer deux mois avant son expiration afin de négocier les conditions de renouvellement éventuel de celui-ci. Un avenant n° 2 signé le 6 décembre 2013 a prorogé les effets du contrat jusqu'au 28 février 2014 ; puis une réunion s'est tenue entre les parties le 6 février 2014 mais aucun compte rendu n'a été rédigé. Par lettre recommandée avec avis de réception du 12 février 2014, la société Ranbaxy a revendiqué un préavis de 12 mois avec maintien du même niveau de commandes qu'auparavant en précisant à la société CERP Rouen : "Nous faisons suite à notre entretien du 6 courant au cours duquel vous avez manifesté votre intention de ne pas poursuivre les relations commerciales existant entre nos deux sociétés au-delà du 28 février 2014. Comme vous le savez, cette annonce nous a fortement inquiétés, mais pour autant vous n'êtes toujours pas revenus vers nous depuis. Cette attitude laisse notre société dans la désorganisation et le flou le plus complet sur la position de CERP Rouen. Nous sommes toutefois contraints de considérer qu'il s'agit d'une décision définitive dans la mesure où vous semblez avoir en réalité préparé votre décision de longue date puisque : nos délégués commerciaux ont des retours du terrain en ce sens, via vos directeurs d'agence qui demandent à nos clients d'abandonner Ranbaxy au profit d'un autre génériqueur car ils ne détiendront plus les stocks après le 1er mars, - curieusement, nous avons constaté une brusque diminution de vos commandes sur la fin de l'année 2013 et vos commandes sur les mois de janvier et début février 2014 restent à un niveau inférieur à votre moyenne habituelle, - vous nous avez annoncé lors de notre discussion que votre conseil d'administration avait d'ores et déjà validé la décision de ne pas renouveler le contrat avec Ranbaxy. Lors de notre discussion, vous avez admis que le délai que vous nous laissiez jusqu'au 28 février était trop court et vous avez vous-même proposé de revenir vers nous avec un plan de désengagement.". Dans sa réponse du 14 février 2014, la société CERP Rouen a contesté les tenues de la lettre envoyée par la société Ranbaxy, lui a rappelé que depuis 2009 le chiffre d'affaires réalisé dans le cadre du partenariat s'était dégradé de 26 % alors que le marché avait progressé de plus de 48 % et a indiqué que cette détérioration la conduisait à s'interroger sur la pérennité de leur relation. Elle précisait que la baisse du chiffre d'affaires 2013 de la société Ranbaxy, en recul de 39 % comme déclaré par elle lors de la réunion du 6 février, et le flux qu'elle dédiait à la répartition, seulement de 33 % contre 77 % pour le direct, aggravaient les effets négatifs impactant son activité. Elle ajoutait : "Lors de notre rencontre du 6 février 2014, nous vous avons proposé une fin de partenariat au 30 avril 2014. Nous sommes prêts à prolonger notre relation et à vous proposer une poursuite de notre partenariat jusqu'au 30 juin 2014. Par contre, comme les demandes des pharmaciens ont lourdement chuté, nous devons nécessairement adapter nos approvisionnements (...) Si notre proposition vous convient, nous vous adresserons dans les prochains jours un nouveau projet de contrat de partenariat." Par lettre du 26 février 2014, la société Ranbaxy a répliqué que la proposition de poursuivre le partenariat existant jusqu'au 30 juin 2014, soit pendant 4 mois, était trop courte, mais qu'elle acceptait de discuter d'un nouveau projet de contrat de partenariat sous réserve de son droit de solliciter la réparation du préjudice subi résultant de la brutalité de la décision intervenue. Après échanges ultérieurs entre les parties, la société CERP Rouen, par lettre du 8 avril 2014, a donné son accord à la société Ranbaxy sur un préavis d'un an à compter du 6 février 2014 ou du 14 février 2014. La société Ranbaxy lui a répondu le 15 avril 2014 que l'exécution de ce préavis n'était plus possible, son point de départ ne pouvant être fixé rétroactivement et l'interruption de la relation commerciale rendant tout préavis non viable ; elle a maintenu sa demande d'indemnisation de son préjudice. Les parties ne trouvant pas d'accord, la société Ranbaxy a fait assigner la société CERP Rouen, par exploit du 1 1 juillet 2014, devant le tribunal de commerce de Paris afin de l'entendre condamner à des dommages-intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies. La société CERP Rouen a formé des demandes reconventionnelles en dommages-intérêts, notamment pour rupture brutale de leur relation. Le tribunal, par le jugement déféré, a débouté chacune des parties de leurs demandes »

ET QUE : « En premier lieu, la société CERP Rouen demande la somme de 132.820,53 €, montant de sa marge brute pendant 4 mois, pour rupture brutale de la relation commerciale établie, subsidiairement sur le fondement de la responsabilité contractuelle et, à titre infiniment subsidiaire, par application de l'article 1382 du code civil. Elle reproche à la société Ranbaxy : de ne pas avoir exécuté le préavis, - d'avoir divulgué de fausses informations à ses clients pharmaciens sur la date à partir de laquelle ils ne pourraient plus commander des médicaments Ranbaxy par son intermédiaire, d'avoir supprimé ses remises pendant la durée du préavis. La société Ranbaxy réplique à juste raison que la rupture de la relation est imputable à la société CERP Rouen et qu'elle n'a pas commis de faute en refusant d'exécuter un préavis insuffisant. En deuxième lieu, la société CERP Rouen demande la somme de 150.000 € en réparation de pratiques discriminatoires imputées à la société Ranbaxy. Sur ce point elle lui fait grief : - d'avoir contacté directement ses clients en leur fournissant de fausses informations, d'avoir supprimé unilatéralement les remises, lui laissant le choix soit de vendre à perte, soit de ne plus vendre les produits Ranbaxy, dès le mois de mars 2014, d'avoir transféré le chiffre d'affaires réalisé avec elle, soit par l'intermédiaire d'autres grossistes-répartiteurs (OCP et Phoenix) avec lesquels des contrats de partenariat était en cours, soit grâce à des commandes directes passées auprès d'elle. Mais le partenariat avec la société CERP Rouen ayant pris fin le 28 février 2014, la société Ranbaxy n'a pas commis de faute. En troisième et dernier lieu, la société CERP Rouen allègue qu'elle a subi un préjudice d'image en raison des fausses informations divulguées par la société Ranbaxy. Cependant elle ne démontre en aucune façon l'existence du préjudice par elle invoqué. En conséquence, toutes les demandes de dommages-intérêts de la société CERP Rouen seront rejetées ».

1°) ALORS QUE, la Cour d'appel a constaté d'une part qu'entre 2006 et 2013, la société Ranbaxy et la société CERP Rouen avaient négocié, chaque année, la signature d'un contrat annuel et que le dernier contrat conclu entre les parties venait à expiration le 31 décembre 2013 d'autre part que ce contrat ne contenait aucune clause de reconduction tacite et prévoyait l'obligation pour les parties de se réunir deux mois avant son expiration en vue de négocier son « éventuelle reconduction », de troisième part, que les parties, qui n'avaient pas réussi à s'accorder sur les conditions d'un contrat applicable pour l'année 2014, avaient signé, le 6 décembre 2013, un avenant prévoyant l'application du contrat alors en cours du 1er janvier au 28 février 2014 « dans l'attente de pouvoir éventuellement conclure un nouveau contrat cadre applicable à compter du 1er mars 2014 », et de quatrième part que le 14 février 2014 la société CERP Rouen avait finalement notifié à la société Ranbaxy son intention de rompre leurs relations commerciales en lui proposant toutefois de proroger leur contrat jusqu'au 30 juin 2014 au moins, ce dont il résultait que la société RANBAXY n'ignorait rien du risque de non-reconduction du contrat depuis au moins la fin l'année 2013, qu'elle avait été en mesure de prendre ses dispositions, et que la société CERP Rouen lui avait finalement proposé une poursuite de contrat moyennant l'exécution d'un préavis, de sorte qu'elle ne pouvait revendiquer aucun dommage à ce titre ; qu'en reprochant néanmoins à la société CERP ROUEN d'avoir tardé à aviser la société RANBAXY et de l'avoir laissée dans l'incertitude sur la poursuite des relations commerciales, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé l'article 1382 du code civil ;

2°) ALORS QUE, devant les juges du fond, la société CERP Rouen rappelait que le 14 février 2014, elle avait proposé à la société Ranbaxy de mettre en place un préavis de quatre mois, tout en laissant ouverte la possibilité de négocier la mise en place d'un préavis plus long si cette dernière en exprimait le souhait ; qu'elle rappelait (conclusions, p.7s., p.16s., p.25) qu'à réception de ce courrier, la société Ranbaxy avait mis fin d'autorité à leur partenariat et que celle-ci, estimant les relations rompues, s'était opposée à la négociation et à l'exécution de tout préavis, fût-il plus long que celui qui lui était d'ores et déjà proposé ; qu'elle rappelait qu'à compter de cette date, la société Ranbaxy s'était contentée de formuler des demandes indemnitaires dont elle subordonnait l'abandon à des concessions contraires à toute déontologie ; que la Cour d'appel a elle-même relevé que la société CERP Rouen avait « proposé » à la société Ranbaxy la mise en place d'un préavis de quatre mois, tout en lui demandant si ce délai lui « convenait » et que la société Ranbaxy avait refusé d'exécuter le moindre préavis, les relations entre les parties ayant de fait cessé à compter du 28 février 2014 ; qu'en allouant à la société Ranbaxy une indemnité couvrant six mois de préavis – soit la durée du préavis qui, selon la Cour, devait lui être accordé sur le fondement de l'article 442-6, I, 5° du code de commerce – au motif que la société CERP Rouen « qui [avait] fixé un préavis insuffisant, [était] mal fondée à reprocher à la société Ranbaxy d'avoir refusé de l'exécuter ou encore d'avoir rendu impossible son exécution », sans rechercher si la société Ranbaxy n'était pas elle-même à l'origine de son préjudice pour avoir mis fin unilatéralement aux relations nouées avec la société CERP Rouen alors qu'elle était invitée à négocier la mise en place d'un délai de préavis plus long que les quatre mois proposés par la société CERP ROUEN, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 442-6, I, 5° du code de commerce ;

3°) ALORS en toute hypothèse QUE lorsque le caractère brutal de la rupture d'une relation commerciale établie se déduit de l'insuffisance du préavis notifié, l'auteur d'une rupture brutale de relations commerciales établies n'est tenu que de réparer le préjudice résultant de l'insuffisance de préavis (Com. 23 octobre 2012, n° 11-24.775) ; que la partie qui, se voyant notifier un préavis insuffisant, décide de mettre unilatéralement fin aux relations nouées avec son partenaire commercial ne peut réclamer de ce dernier l'indemnisation intégrale du préjudice résultant de la situation de rupture immédiate dans laquelle elle s'est elle-même placée, l'auteur de la rupture ne devant répondre que du préjudice résultant de son propre fait ; qu'en condamnant la société CERP Rouen à verser à la société Ranbaxy une indemnité couvrant six mois de préavis - soit une indemnité couvrant la totalité du préavis qui, selon la Cour, aurait dû lui être accordé sur le fondement de l'article L 442-6, I, 5° du code de commerce - au motif que la société Ranbaxy n'avait pas commis de faute en refusant d'exécuter un préavis insuffisant, cependant qu'indépendamment du caractère fautif ou non du comportement adopté par la société Ranbaxy, la société CERP Rouen ne pouvait répondre que de son propre fait et non de l'initiative prise par son partenaire commercial de rompre sans délai toutes relations, la Cour d'appel a violé l'article L 442-6, I, 5° du code de commerce, ensemble l'article 1382 du code civil ;

4°) ALORS en outre QUE le seul fait, pour un commerçant, de s'être vu notifier un préavis de rupture insuffisant ne l'autorise pas à mettre fin immédiatement à la relation commerciale nouée avec son partenaire, étant lui-même tenu de respecter les règles de prévenance prévues par l'article L 442-6, I, 5° du code de commerce ; qu'en jugeant que la société Ranbaxy n'avait pas commis de faute en mettant fin d'autorité aux relations nouées avec la société CERP Rouen, motif pris que lui avait été proposé un préavis de quatre mois au lieu des six qui auraient dû lui être accordés, la Cour d'appel a violé l'article L 442-6, I, 5° du code de commerce ;

5°) ALORS plus subsidiairement encore QUE l'indemnité allouée à la partie qui supporte la rupture d'une relation commerciale établie doit être calculée au regard de la marge que celle-ci pouvait escompter pendant la période de préavis qui aurait dû lui être accordé ; que si, dans les rapports entre fournisseurs et distributeurs, l'octroi d'un préavis suppose en principe le maintien de la relation commerciale aux conditions antérieures, une telle obligation ne s'impose pas au distributeur confronté à une baisse de commandes émanant de ses propres clients ; qu'en l'espèce, la société CERP Rouen faisait valoir qu'elle n'était contractuellement tenue, dans ses rapports avec la société Ranbaxy, par aucune clause lui imposant un volume de commandes minimum et qu'elle n'aurait pas été en mesure, en cours de préavis, de maintenir un niveau de commande équivalent à celui qui avait été constaté au cours des précédents exercices du fait de la baisse de commandes et de la situation de surstock à laquelle elle était elle-même confrontée ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a alloué à la société Ranbaxy une indemnité correspondant à six mois de marge et évalué cette indemnité au regard de la marge réalisée par la société Ranbaxy avec la société CERP Rouen au cours des exercices 2011, 2012 et 2013 ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, compte tenu de la baisse des commandes et de la situation de surstock à laquelle elle devait faire face, la société CERP Rouen aurait été tenue de maintenir, en cours de préavis, un niveau de commandes équivalent à celui qui avait été constaté au cours des précédents exercice, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 442-6, I, 5° du code de commerce ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société CERP Rouen de sa demande tendant au versement d'une somme de 132.820,53 euros, outre la TVA en vigueur au jour de la décision à intervenir ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « Des relations commerciales établies existaient depuis 2006 entre la société Ranbaxy, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de médicaments génériques, et la société CERP Rouen, grossiste répartiteur de médicaments, notamment de médicaments génériques auprès des officines de pharmacie soumises aux dispositions de l'article L 441-7 du code de commerce, leurs relations étaient régies par des conventions annuelles. Le dernier contrat cadre a été signé entre les parties le 18 février 2013, à effet au 1er janvier 2013 jusqu'au 31 décembre 2013. Il stipulait, en son article 2, les conditions commerciales suivantes accordées par la société Ranbaxy à la société CERP Rouen : 17 % sur l'ensemble des produits hors tarif forfaitaire de responsabilité tels que définis à l'article 2.1, cette remise s'appliquant sur le prix fabricant hors taxe, 2,5 % sur les produits non-inscrits au répertoire des médicaments génériques et soumis au tarif forfaitaire de responsabilité ainsi que sur les spécialités médicales non remboursées, tels que définis à l'article 2.1, cette remise s'appliquant sur le prix fabricant hors taxe. L'article 9 précisait que le contrat n'était pas reconductible par tacite reconduction mais que les parties s'engageaient à se rencontrer deux mois avant son expiration afin de négocier les conditions de renouvellement éventuel de celui-ci. Un avenant n° 2 signé le 6 décembre 2013 a prorogé les effets du contrat jusqu'au 28 février 2014 ; puis une réunion s'est tenue entre les parties le 6 février 2014 mais aucun compte rendu n'a été rédigé. Par lettre recommandée avec avis de réception du 12 février 2014, la société Ranbaxy a revendiqué un préavis de 12 mois avec maintien du même niveau de commandes qu'auparavant en précisant à la société CERP Rouen : "Nous faisons suite à notre entretien du 6 courant au cours duquel vous avez manifesté votre intention de ne pas poursuivre les relations commerciales existant entre nos deux sociétés au-delà du 28 février 2014. Comme vous le savez, cette annonce nous a fortement inquiétés, mais pour autant vous n'êtes toujours pas revenus vers nous depuis. Cette attitude laisse notre société dans la désorganisation et le flou le plus complet sur la position de CERP Rouen. Nous sommes toutefois contraints de considérer qu'il s'agit d'une décision définitive dans la mesure où vous semblez avoir en réalité préparé votre décision de longue date puisque : nos délégués commerciaux ont des retours du terrain en ce sens, via vos directeurs d'agence qui demandent à nos clients d'abandonner Ranbaxy au profit d'un autre génériqueur car ils ne détiendront plus les stocks après le 1er mars, - curieusement, nous avons constaté une brusque diminution de vos commandes sur la fin de l'année 2013 et vos commandes sur les mois de janvier et début février 2014 restent à un niveau inférieur à votre moyenne habituelle, - vous nous avez annoncé lors de notre discussion que votre conseil d'administration avait d'ores et déjà validé la décision de ne pas renouveler le contrat avec Ranbaxy. Lors de notre discussion, vous avez admis que le délai que vous nous laissiez jusqu'au 28 février était trop court et vous avez vous-même proposé de revenir vers nous avec un plan de désengagement.". Dans sa réponse du 14 février 2014, la société CERP Rouen a contesté les tenues de la lettre envoyée par la société Ranbaxy, lui a rappelé que depuis 2009 le chiffre d'affaires réalisé dans le cadre du partenariat s'était dégradé de 26 % alors que le marché avait progressé de plus de 48 % et a indiqué que cette détérioration la conduisait à s'interroger sur la pérennité de leur relation. Elle précisait que la baisse du chiffre d'affaires 2013 de la société Ranbaxy, en recul de 39 % comme déclaré par elle lors de la réunion du 6 février, et le flux qu'elle dédiait à la répartition, seulement de 33 % contre 77 % pour le direct, aggravaient les effets négatifs impactant son activité. Elle ajoutait : "Lors de notre rencontre du 6 février 2014, nous vous avons proposé une fin de partenariat au 30 avril 2014. Nous sommes prêts à prolonger notre relation et à vous proposer une poursuite de notre partenariat jusqu'au 30 juin 2014. Par contre, comme les demandes des pharmaciens ont lourdement chuté, nous devons nécessairement adapter nos approvisionnements (...) Si notre proposition vous convient, nous vous adresserons dans les prochains jours un nouveau projet de contrat de partenariat." Par lettre du 26 février 2014, la société Ranbaxy a répliqué que la proposition de poursuivre le partenariat existant jusqu'au 30 juin 2014, soit pendant 4 mois, était trop courte, mais qu'elle acceptait de discuter d'un nouveau projet de contrat de partenariat sous réserve de son droit de solliciter la réparation du préjudice subi résultant de la brutalité de la décision intervenue. Après échanges ultérieurs entre les parties, la société CERP Rouen, par lettre du 8 avril 2014, a donné son accord à la société Ranbaxy sur un préavis d'un an à compter du 6 février 2014 ou du 14 février 2014. La société Ranbaxy lui a répondu le 15 avril 2014 que l'exécution de ce préavis n'était plus possible, son point de départ ne pouvant être fixé rétroactivement et l'interruption de la relation commerciale rendant tout préavis non viable ; elle a maintenu sa demande d'indemnisation de son préjudice. Les parties ne trouvant pas d'accord, la société Ranbaxy a fait assigner la société CERP Rouen, par exploit du 1 1 juillet 2014, devant le tribunal de commerce de Paris afin de l'entendre condamner à des dommages-intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies. La société CERP Rouen a formé des demandes reconventionnelles en dommages-intérêts, notamment pour rupture brutale de leur relation. Le tribunal, par le jugement déféré, a débouté chacune des parties de leurs demandes » ;

ET QUE : « En premier lieu, la société CERP Rouen demande la somme de 132.820,53 €, montant de sa marge brute pendant 4 mois, pour rupture brutale de la relation commerciale établie, subsidiairement sur le fondement de la responsabilité contractuelle et, à titre infiniment subsidiaire, par application de l'article 1382 du code civil. Elle reproche à la société Ranbaxy : de ne pas avoir exécuté le préavis, - d'avoir divulgué de fausses informations à ses clients pharmaciens sur la date à partir de laquelle ils ne pourraient plus commander des médicaments Ranbaxy par son intermédiaire, d'avoir supprimé ses remises pendant la durée du préavis. La société Ranbaxy réplique à juste raison que la rupture de la relation est imputable à la société CERP Rouen et qu'elle n'a pas commis de faute en refusant d'exécuter un préavis insuffisant. En deuxième lieu, la société CERP Rouen demande la somme de 150.000 € en réparation de pratiques discriminatoires imputées à la société Ranbaxy. Sur ce point elle lui fait grief : - d'avoir contacté directement ses clients en leur fournissant de fausses informations, d'avoir supprimé unilatéralement les remises, lui laissant le choix soit de vendre à perte, soit de ne plus vendre les produits Ranbaxy, dès le mois de mars 2014, d'avoir transféré le chiffre d'affaires réalisé avec elle, soit par l'intermédiaire d'autres grossistes-répartiteurs (OCP et Phoenix) avec lesquels des contrats de partenariat était en cours, soit grâce à des commandes directes passées auprès d'elle. Mais le partenariat avec la société CERP Rouen ayant pris fin le 28 février 2014, la société Ranbaxy n'a pas commis de faute. En troisième et dernier lieu, la société CERP Rouen allègue qu'elle a subi un préjudice d'image en raison des fausses informations divulguées par la société Ranbaxy. Cependant elle ne démontre en aucune façon l'existence du préjudice par elle invoqué. En conséquence, toutes les demandes de dommages-intérêts de la société CERP Rouen seront rejetées » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « Attendu que CERP Rouen demande, pour sa part et sur la base de l'article 442-6-1 5° du code de commerce, réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale de la relation commerciale établie entre les parties par Ranbaxy, qui a refusé d'exécuter le préavis de quatre mois proposé ; Attendu que CERP Rouen avait, dès le 6 février 2014 par oral, puis le 14 février par lettre recommandée, décidé de rompre la relation commerciale avec Ranbaxy, avant que cette dernière ne cesse effectivement d'exécuter la relation dès le er mars 2014 ; Attendu que cette décision avait été prise en interne dès la fin 2013, comme le montrent les annonces faites par certains commerciaux de CERP Rouen à leurs clients, reconnues par cette dernière et connues de Ranbaxy ; Attendu que Ranbaxy a mis fin au partenariat avec CERP Rouen le 1« mars 2014, même si il a pu l'annoncer plus tôt à certains clients Attendu que, dans ces circonstances, le fait que Ranbaxy ait refusé le préavis, qui ne lui e été offert que dans un second temps par lettre du 14 février 2014, ne caractérise pas une rupture des relations de sa part, l'auteur initial de la rupture étant bien CERP Rouen ; Le tribunal dit que CERP Rouen ne démontre pas une rupture brutale des relations commerciales établies imputable à Ranbaxy. Le tribunal déboutera CERP Rouen de sa demande d'indemnisation pour rupture brutale de relations commerciales établies. Attendu par ailleurs que CERF' Rouen évoque que, dans le cadre de la rupture du partenariat entre les parties, certains collaborateurs de Ranbaxy ont utilisé des arguments commerciaux agressifs, en particulier en mentionnant une date anticipée de la fin du partenariat (1« mars et non 30 juin, comme proposé par CERP Rouen) ou en arguant du fait que l'achat de produits Renbaxy par l'intermédiaire de CERFetgt; Rouen serait économiquement défavorable ; Attendu que, si ces pratiques de divulgation de fausses informations de nature à nuire à CERF) Rouen sont regrettables, il est avéré, et reconnu par CERF' Rouen, qu'elles ne font que répondre aux initiatives, tout aussi regrettables, de certains collaborateurs de CERP Rouen qui ont aussi utilisé, dès fin 2013, des informations erronées, ou pour le moins anticipées, sur l'avenir du partenariat entre les parties dans le même but de défendre des positions commerciales ; Attendu qu'il en résulte qu'il ne peut être imputé à aucune des parties une faute de nature à ouvrir droit à réparation au titre de l'article 1382 du code civil ; Le tribunal déboutera CERP Rouen de ses demandes de dommages et intérêts pour discrimination et préjudice d'image. Le tribunal déboutera CERP Rouen de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ».

1°) ALORS QUE devant les juges du fond, la société CERP Rouen rappelait que le 14 février 2014, elle avait proposé à la société Ranbaxy de mettre en place un préavis de quatre mois, tout en laissant ouverte la possibilité de négocier l'instauration d'un préavis plus long si la société Ranbaxy en exprimait le souhait ; qu'elle rappelait (conclusions, p.7s., p.16s., p.25) qu'à réception de ce courrier, la société Ranbaxy avait mis fin d'autorité aux relations qu'elles avaient nouées, et s'était opposée à la négociation et à l'exécution de tout préavis, fût-il plus long que celui qui lui était proposé ; qu'elle rappelait qu'à compter de cette date, la société Ranbaxy s'était contentée de formuler des demandes indemnitaires dont elle subordonnait l'abandon à des concessions contraires à toute déontologie (telle l'obligation, pour la société CERP Rouen, de lui apporter une certaine clientèle) ; que la Cour d'appel a elle-même relevé que la société CERP Rouen avait « proposé » à la société Ranbaxy la mise en place d'un délai de quatre mois, tout en lui demandant si ce délai lui « convenait » et que la société Ranbaxy avait refusé d'exécuter le moindre préavis, les relations entre les parties ayant de fait cessé à compter du 28 février 2014 ; qu'en déboutant la société CERP Rouen de ses propres demandes fondées sur la rupture brutale dont elle avait elle-même été victime aux motifs que la rupture de la relation était imputable à la société CERP Rouen et que la société Ranbaxy n'avait pas commis de faute en refusant d'exécuter un prévis insuffisant, sans rechercher si la société Ranbaxy n'était pas à l'origine de son propre préjudice pour avoir mis fin unilatéralement à ces relations alors qu'elle était invitée à négocier, si elle en exprimait le besoin, la mise en place d'un délai de préavis plus long que les quatre mois proposés par la société CERP ROUEN, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 442-6, I, 5° du code de commerce ;

2°) ALORS en tout état de cause QUE le seul fait, pour un commerçant, de s'être vu notifier un préavis de rupture insuffisant ne l'autorise pas à mettre fin d'autorité à la relation commerciale nouée avec son partenaire, étant lui-même tenu de respecter les règles de prévenance prévues par l'article L 442-6, I, 5° du code de commerce ; qu'en déboutant la société CERP Rouen de ses propres demandes fondées sur la rupture brutale dont elle avait elle-même été victime aux motifs que la rupture de la relation était imputable à la société CERP Rouen et que celle-ci n'avait pas commis de faute en refusant d'exécuter un préavis insuffisant, motifs impropres à justifier le rejet des demandes indemnitaires de la société CERP ROUEN, la Cour d'appel a violé l'article L 442-6, I, 5° du code de commerce.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société CERP ROUEN de ses demandes indemnitaires fondée sur les agissements de la société RANBAXY.

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « la société CERP Rouen allègue qu'elle a subi un préjudice d'image en raison des fausses informations divulguées par la société Ranbaxy. Cependant elle ne démontre en aucune façon l'existence du préjudice par elle invoqué. En conséquence, toutes les demandes de dommages-intérêts de la société CERP Rouen seront rejetées »

ALORS QU'un acte de dénigrement, qui constitue un acte de concurrence déloyale, cause nécessairement un trouble commercial à la partie qui en a fait l'objet ; qu'en jugeant que la société CERP Rouen ne justifiait pas d'un préjudice résultant de la transmission, par la société Ranbaxy, de fausses informations quant aux conditions dans lesquelles la société CERP Rouen avait proposé de mettre fin à leurs relations, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil applicable en la cause ;


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-15640
Date de la décision : 04/12/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 28 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 04 déc. 2019, pourvoi n°18-15640


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.15640
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