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28/11/2019 | FRANCE | N°18-24161

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 28 novembre 2019, 18-24161


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Dit n'y avoir lieu à mettre M. T... hors de cause ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. T..., salarié de la société Renault Retail Group (l'employeur), ayant ressenti, le 1er mars 2013, au cours d'un entretien préalable au licenciement, un état de malaise à la suite duquel il a été conduit à l'hôpital sur sa demande, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne (la caisse), après avoir initialement notifié à l'employeur un refus de prise en charge de l'accident au titre de

la législation professionnelle, est revenue sur cette décision ; que la vict...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Dit n'y avoir lieu à mettre M. T... hors de cause ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. T..., salarié de la société Renault Retail Group (l'employeur), ayant ressenti, le 1er mars 2013, au cours d'un entretien préalable au licenciement, un état de malaise à la suite duquel il a été conduit à l'hôpital sur sa demande, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne (la caisse), après avoir initialement notifié à l'employeur un refus de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle, est revenue sur cette décision ; que la victime a ensuite saisi une juridiction de sécurité sociale pour faire reconnaître une faute inexcusable de l'employeur à l'origine de l'accident ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Vu l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale ;

Attendu qu'ayant pour objet exclusif la prise en charge ou le refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle, de l'accident, de la maladie ou de la rechute, la décision prise par la caisse dans les conditions prévues par ce texte, est sans incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;

Attendu que pour déclarer la caisse irrecevable en son action récursoire envers l'employeur, l'arrêt énonce que cette irrecevabilité résulte du caractère définitif à l'égard de l'employeur de la décision de refus de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle que lui a notifiée la caisse ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle était saisie d'une demande de la caisse tendant à récupérer, sur le fondement de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, les compléments indemnitaires alloués à la victime en réparation d'une faute inexcusable de l'employeur de sorte que l'inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident du travail n'y faisait pas obstacle, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deux premières branches :

Vu l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu que pour retenir une faute inexcusable à la charge de l'employeur, l'arrêt énonce que celle-ci résulte de la tenue d'un entretien disciplinaire au cours duquel le directeur de l'établissement a, ainsi que cela résulte de l'enquête de la caisse et des déclarations d'un témoin, été «insistant», au point que le salarié a demandé que cet entretien soit écourté et que, s'il ne peut être retenu que le directeur de l'établissement aurait tenu des « propos déplacés », pour autant le risque induit par cet entretien disciplinaire, mené dans ces conditions, sur un salarié psychiquement fragile exposait ce dernier à un risque sur sa santé dont l'employeur ne pouvait pas ne pas avoir conscience ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser la conscience qu'avait ou devait avoir l'employeur d'un danger auquel était exposé le salarié, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen du pourvoi incident :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Laisse à la charge de chaque partie les dépens exposés pour leurs pourvois respectifs ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a dit que la Caisse est irrecevable en son action récursoire à l'égard de la société RENAULT RETAIL GROUP ;

AUX MOTIFS QU' « il résulte des dispositions de l'article L.452-3-1 du Code de la sécurité sociale que quelles que soient les conditions d'informations de l'employeur par la Caisse au cours de la procédure d'admission du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte obligation pour celui-ci de S'acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L.452-1 à L.452-3. Or en l'espèce le moyen d'inopposabilité opposé par la société Renault Retail Group n'est pas lié à une irrégularité de la procédure d'admission du caractère professionnel de l'accident mais au fait que la seule décision notifiée par la caisse à l'employeur, qui est par conséquent devenue à son égard définitive, est la décision, en date du 2 mai 2013, de refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident. Par suite de l'indépendance des rapports caisse/assuré et caisse/employeur, la décision de refus de prise en charge du 2 mai 2013 étant définitive dans les rapports caisse/employeur, il s'ensuit que la caisse est irrecevable en son action récursoire, nonobstant la reconnaissance par la cour de la faute inexcusable de l'employeur dans cet accident » ;

ALORS QUE la décision de prise en charge, par la Caisse, au titre de la législation professionnelle, d'un accident est sans incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable ; qu'il en résulte que son inopposabilité à l'employeur, quand bien même celle-ci procède de ce qu'une première décision de refus de prise en charge lui a été notifiée et est devenue définitive à son égard, ne prive pas la Caisse du droit de récupérer sur ledit employeur, après reconnaissance de la faute inexcusable, les compléments de rente et indemnités versés par elle ; qu'en décidant le contraire, pour déclarer la Caisse irrecevable en son action récursoire à l'encontre de la société RENAULT RETAIL GROUP, la cour d'appel a violé les articles L. 452-2, L. 452-3 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Renault Retail Group

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que l'accident du travail dont a été victime Monsieur T... le 1er mars 2013 était dû à la faute inexcusable de la société Renault Retail Group ;

AUX MOTIFS QUE, sur la faute inexcusable : dans le cadre de l'obligation de sécurité de résultat pesant sur l'employeur destinée, notamment, à prévenir les risqués pour la santé et la sécurité des salariés, les dispositions des articles L.4121-1 et suivants du code du travail lui font obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; que l'employeur a, en particulier, l'obligation d'éviter les risques et d'évaluer les risques qui ne peuvent pas l'être, de planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions du travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Il suffit que la faute inexcusable de l'employeur soit une cause nécessaire de l'accident du travail pour engager sa responsabilité ; - concernant le caractère professionnel de l'accident du 1er mars 2013 : il résulte de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale qu'est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ; que la charge de la preuve du fait accidentel incombe au salarié, auquel il incombe d'établir, autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel, étant précisé que s'il prouve que le préjudice s'est manifesté soudainement, pendant son temps de travail et sur son lieu de travail, l'accident est présumé être un accident du travail ; qu'il résulte de l'article R.411-11 du code de la sécurité sociale qu'en cas de réserves motivées de la part de l'employeur, ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant sa décision sur la prise en charge au titre de la législation professionnelle, à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie, ou procède à une enquête auprès des intéressés ; que la société Renault Retail Group conteste le caractère d'accident du travail finalement reconnu par la caisse en soutenant : * qu'il n'y a pas eu de fait accidentel, l'entretien préalable du 1' mars 2013 s'étant déroulé dans des conditions conformes au droit du travail, * que l'atteinte psychique présentée n'est ni soudaine ni voisine du fait accidentel allégué puisque l'expert a retenu une décompensation anxieuse sur état antérieur, et qu'il n'est pas prouvé un lien de causalité entre le fait accidentel allégué et le malaise ; qu'en cause d'appel ni la déclaration d'accident du travail ni le certificat médical initial ne sont versés aux débats ; qu'il résulte cependant de l'enquête administrative produite par l'employeur qu'il a été indiqué dans la relation de l'accident du travail faite lors de sa déclaration que le salarié "était assis dans un bureau du service après-vente et a déclaré ne pas se sentir bien" ; que M. T... a déclaré lors de cette enquête avoir été accompagné lors de l'entretien préalable du ter mars 2013 de M. O..., salarié de l'entreprise, que lors des échanges avec M. K... (directeur de l'établissement) les échanges sont restés "courtois et sans heurt. Aucun propos vexatoire n'est venu perturber cet échange. Toutefois devant l'insistance de son directeur, il ne s'est pas senti bien et a écourté l'entretien (...) il a pris des calmants en sa possession". "Plus tard une ambulance s'est déplacée sur son lieu de travail et l'a dirigé vers le service des urgences de l'hôpital Purpan" ; que pour sa part, M. K... a confirmé lors de cette enquête que l'entretien s'était déroulé "dans un climat serein et dans des conditions tout à fait normales" et a précisé que "l'annonce de M. T... selon laquelle il ne se sentait pas bien est intervenue sans aucun élément déclencheur" ; que le rapport d'enquête mentionne que les secouristes du travail de l'entreprise ont attesté être intervenus rapidement auprès de M. T... le Zef mars 2013 et qu'il a refusé d'être accompagné à l'infirmerie, a exigé l'intervention des secours et "n'a pas souhaité s'entretenir avec le médecin coordonnateur du Samu pourtant en ligne au moment des faits" ; qu'enfin est joint à ce rapport d'enquête la synthèse des déclarations de M. O... confirmant que "les échanges sont restés courtois et respectueux sans aucune hausse de ton", le rappel fait par M. K... des procédures à respecter, "l'insistance" de M. K... et le souhait exprimé par M. T... d'écourter l'entretien car il ne se sentait pas bien ; que M. O... a ajouté avoir accompagné M. T... dans un local et sollicité ses collègues secouristes du travail, puis que M. T... avait pris des médicaments pour se calmer et avoir "plus tard" contacté les services de secours, et qu'une ambulance a dirigé M. T... à l'hôpital Purpan de Toulouse ; qu'il résulte donc de ces éléments concordants que lors de cet entretien préalable le directeur de l'établissement n'a pas, contrairement à ce qui est plaidé par M. T..., tenu des propos agressifs ou humiliants, mais qu'il a été "insistant", que M. T... a demandé à ce que cet entretien soit écourté pour cause de santé, qu'il a pris des calmants et a finalement été transporté en milieu hospitalier un peu « plus tard » ; que l'expertise réalisée par le Dr A... le 19 juin 2013 à la demande de la caisse mentionne que la feuille d'hospitalisation des urgences a été consultée et retient que M. T... a été "victime d'un malaise sévère sur son lieu de travail lors d'un entretien concernant une sanction professionnelle", et qu'il a dû être hospitalisé une nuit à l'hôpital Purpan ; qu'il retient un fait accidentel inhabituel survenu sur le lieu du travail et l'existence d'un état antérieur de stress post-traumatique qui a été aggravé lors de cet entretien qu'il analyse en une décompensation anxieuse sur un état antérieur. Il conclut que les lésions déclarées sur le certificat médical initial sont imputables de façon directe et exclusive au fait accidentel du 1er mars 2013 ; que, dès lors, il résulte de ces éléments qu'aux temps et lieu de son travail, M. T... a eu un malaise, qu'il a commencé par se sentir mal lors de l'entretien préalable, puis a été transporté de son lieu de travail à l'hôpital Purpan où son état a justifié son hospitalisation pendant un jour ; que cette situation s'analyse bien en un fait soudain survenu au temps et lieu de travail rendant applicable la présomption d'accident du travail ; qu'il appartient en conséquence à l'employeur de la renverser en rapportant la preuve que son salarié s'est soustrait à son autorité ou que l'accident a une cause totalement étrangère au travail, preuve qui n'est présentement pas rapportée, la circonstance de l'existence d'un état antérieur étant inopérante ; que le caractère professionnel de cet accident du travail ne peut dès lors être utilement discuté ; - sur la faute inexcusable : dans le cadre de l'obligation de sécurité de résultat pesant sur l'employeur destinée, notamment, à prévenir les risques pour la santé et la sécurité des salariés, les dispositions des articles L.4121-1 et suivants du code du travail lui font obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. L'employeur a, en particulier, l'obligation d'éviter les risques et d'évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'il suffit que la faute inexcusable de l'employeur soit une cause nécessaire de l'accident du travail pour engager sa responsabilité ; que c'est au salarié qu'incombe la charge de la preuve de la faute inexcusable, et par voie de conséquence d'établir que son accident présente un lien avec une faute commise par son employeur, dans le cadre de son obligation de sécurité ; que M. T... soutient que son employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat en ne prenant aucune mesure pour protéger sa santé et sa sécurité, alors qu'à la suite d'un vol aggravé dont il avait été victime en septembre 2008, il était classé en invalidité catégorie I, et que lors de la visite de reprise le 1er octobre 2010, le médecin du travail l'avait déclaré apte avec restrictions puis avait maintenu ses avis d'aptitude avec réserves lors des visites suivantes des 7 octobre 2011, 23 novembre 2011 et 27 novembre 2012, avec lors de cette dernière visite, prescription d'un mi-temps sur cinq jours et en exceptant les travaux lourds: pas de charge supérieure à 10 kilos, pas de grosses mécaniques ; qu'il estime que les fautes reprochées lors de la convocation à l'entretien préalable à sanction du 13 février 2012, puis à l'entretien préalable au licenciement en date du 1er mars 2013 portaient sur des interventions de grosses mécaniques imposant le port de charges lourdes, notamment dans le cadre du démontage des roues, que son employeur n'a pas respecté les préconisations du médecin du travail et a lors de ces entretiens et plus particulièrement celui du ter mars 2013 été particulièrement agressif et humiliant alors qu'il avait connaissance de son état de santé mental particulièrement fragile, ce qui a entraîné un malaise sévère reconnu comme accident du travail par la caisse ; que la société Renault Retail Group lui oppose que les préconisations du médecin du travail ont été respectées et l'absence de conscience du danger ; que les restrictions posées par le médecin du travail après la reprise du travail de M. T..., dans ses divers avis d'aptitudes, et en particulier le mi-temps thérapeutique, informaient nécessairement l'employeur sur la fragilité de l'état de santé du salarié ; que par contre, il ne peut être considéré qu'elles n'auraient pas été respectées, celles émises le 27 novembre 2012 portaient sur les travaux lourds (pas de charges supérieures à 10 kg, pas de grosse mécanique) et il ne peut être considéré que le contrôle du véhicule confié à M. T..., dont l'exécution est à l'origine de l'entretien préalable, induisaient le port de charge de plus de 10 kilogrammes ni d'effectuer de la "grosse mécanique" ; que l'accident du travail n'est pas survenu dans un cadre où les prescriptions du médecin du travail n'ont pas été respectées ; que M. T... justifie avoir peu de temps avant cet entretien préalable, du 13 au 25 février 2013 été placé en arrêt de travail, et le médecin prescripteur, le Dr Y..., atteste le 13 février 2013 qu'il a présenté ce jourlà "un stress professionnel sévère" sur son lieu de travail, caractérisé par une "crise d'angoisse avec blocage psychologique sévère responsable d'un malaise physique concomitant nécessitant un passage à l'infirmerie de l'entreprise", auquel était associé :
- l'apparition de gastralgies, nausées, douleurs abdominales,
- malaise avec pâleur, sueurs profuses et difficultés d'élocution,
- réactivation de ses tics faciaux déjà sous traitement par Rivotril et nécessitant dès ce jour une augmentation de ses doses ;
que la cour relève que l'arrêt de travail prescrit ne l'est pas sur le formulaire spécifique accident du travail/maladie professionnelle et que c'est pendant cet arrêt de travail que l'employeur l'a convoqué à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu'au licenciement fixé au 1er mars 2013 ; que le conseil de prud'hommes a annulé le licenciement prononcé le 22 mars 2013 en retenant que le fait reproché (avoir mentionné sur la check liste d'une Laguna [...] , le 4 février 2013, que les plaquettes de frein arrière étaient bonnes et que la réparation des disques était à prévoir alors que leur état nécessitait un remplacement immédiat) s'analysait en une cause réelle et sérieuse mais pas en une faute grave, alors que l'employeur ne pouvait en période de suspension du contrat de travail prononcer un licenciement qu'en justifiant d'une faute grave. Il est acquis aux débats que ce jugement n'a pas été frappé d'appel ; que le dossier santé travail de M. T... mentionne qu'il a commencé son emploi dans l'établissement Renault Toulouse Etats Unis le 1er juin 2008 et qu'il a été en arrêt de travail pendant 911 jours : - du 11 juin 2012 au 21 novembre 2012, notamment pour hernie inguinale D, - du 14 septembre 2008 au 30 septembre 2010, pour agression avec arme à feu, névrose post-traumatique sévère ; que neuf de ces visites ont donné lieu à des avis d'aptitude accompagnés ou non de réserves, qui ont nécessairement été portés à la connaissance de l'employeur ; qu'entre le 7 juillet 2010 et le 28 mars 2013, il est listé 12 examens par le médecin du travail ; que par ailleurs il est mentionné que le salarié bénéficie d'une surveillance médicale renforcée à partir du 1er octobre 2010 en qualité de travailleur handicapé ; que cette surveillance médicale renforcée et les très longues absences pour maladie du salarié établissent que l'employeur avait nécessairement connaissance de l'état de santé particulier de son salarié. M. T... avait été placé en arrêt maladie peu de temps avant son entretien préalable, la convocation à cet entretien disciplinaire pendant l'arrêt de travail du mois de février, et la tenue de cet entretien 5 jours après la reprise induisaient nécessairement une situation de risque que l'employeur ne pouvait ignorer ; que même si l'employeur est fondé à user de son pouvoir disciplinaire, et s'il résulte du jugement du conseil de prud'hommes que le comportement du salarié était fautif, la faute inexcusable résulte présentement de la tenue d'un entretien disciplinaire au cours duquel le directeur de l'établissement a, ainsi que cela résulte de l'enquête de la caisse et des déclarations de M. O..., été "insistant", au point que le salarié a demandé que cet entretien soit écourté ; que le fait que l'état de santé psychiquement fragile de M. T... soit effectivement préexistant est inopérant, dès lors qu'il est indifférent que la faute inexcusable de l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié ; qu'ainsi s'il ne peut être retenu que le directeur de l'établissement aurait tenu des "propos déplacés", pour autant le risque induit par cet entretien disciplinaire, mené dans ces conditions, sur un salarié psychiquement fragile exposait ce dernier à un risque sur sa santé dont l'employeur ne pouvait pas ne pas avoir conscience et constitue une faute inexcusable ; que par infirmation du jugement entrepris la cour juge que l'accident du travail du 1er mars 2013 a pour cause la faute inexcusable de la société Renault Retail Group » ;

1. ALORS QUE la faute inexcusable implique de caractériser l'existence d'un fait anormal imputable à l'employeur et ne saurait résulter de l'exercice normal par l'employeur de son pouvoir de direction ; que l'apparition d'un trouble anxieux à la suite d'un entretien disciplinaire avec l'employeur s'étant déroulé dans des conditions normales ne saurait dès lors caractériser un tel manquement ; qu'en l'espèce la société Renault Retail Group soulignait que, selon tous ses protagonistes, l'entretien disciplinaire du 2 mai 2013 auquel Monsieur T... imputait son trouble anxieux s'était déroulé dans une ambiance paisible et sereine ; que selon les dires mêmes du salarié, il aurait été réalisé dans « un climat courtois et sans heurt. Aucun propos vexatoire n'étant venu perturber cet échange » (arrêt p. 4) ; qu'en considérant qu'une faute inexcusable pouvait être caractérisée, même en l'absence de « propos déplacés » (arrêt p. 7) tenus par le représentant de l'employeur au cours de l'entretien, la cour d'appel, qui n'a pas constaté de fait anormal imputable à l'employeur, a violé par fausse application les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;

2. ALORS QUE la faute inexcusable implique de caractériser l'existence d'un fait anormal imputable à l'employeur et ne saurait résulter de l'exercice normal de son pouvoir de direction par l'employeur ; qu'en jugeant que l'« insistance » (arrêt p. 7) de l'employeur à porter à la connaissance du salarié les faits qui lui étaient reprochés caractérisait une faute inexcusable, cependant qu'un tel comportement était l'attitude normale et attendue d'un employeur lors d'un entretien préalable à un éventuel licenciement disciplinaire, la cour d'appel a violé par fausse application les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;

3. ALORS, ENFIN, QUE la faute inexcusable ne peut résulter de la seule exécution par l'employeur d'une obligation légale ; que selon l'article L. 1332-2 du code du travail l'employeur est tenu d'indiquer les motifs de la sanction envisagée et de fournir des explications au salarié au cours d'un entretien avec le salarié ; qu'en l'espèce la société Renault Retail Group soulignait que le représentant de l'employeur avait convoqué le salarié, et s'était borné à exposer dans le détail au salarié, qui niait leur caractère fautif des faits lui étant reprochés, les procédures qu'il aurait dû respecter et les raisons pour lesquelles il les avait méconnues ; qu'en considérant que l'« insistance » de l'employeur à expliquer les raisons de la sanction envisagée caractérisait une faute inexcusable, la cour d'appel, qui a condamné l'employeur pour avoir tenu l'entretien préalable en se conformant au droit en vigueur, a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article L. 1332-2 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-24161
Date de la décision : 28/11/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 14 septembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 28 nov. 2019, pourvoi n°18-24161


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Foussard et Froger, SCP Krivine et Viaud

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.24161
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