LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 133-4, R. 133-9-1 et R. 142-1 du code de la sécurité sociale, le deuxième dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur du décret n° 2012-1032 du 7 septembre 2012, applicables au litige ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde (la caisse) lui ayant notifié, le 10 juillet 2013, un indu correspondant à des anomalies de facturations au cours de l'année 2011, Mme C..., infirmière d'exercice libéral, a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que pour accueillir ce dernier, l'arrêt relève que le fait générateur de l'indu étant la date des paiements faits indûment au cours de l'année 2011, la caisse aurait du appliquer les dispositions de l'article R. 133-9-1 dans sa version antérieure au décret n° 2012-1032 du 7 septembre 2012 ; qu'il retient que si la caisse a notifié à Mme C... un délai de deux mois pouvant apparaître plus favorable que le délai d'un mois prévu par l'article R. 133-9-1 dans sa version antérieure, pour présenter des observations écrites, elle lui a dans le même temps notifié la possibilité de saisir, dans ce même délai de deux mois, la commission de recours amiable, la conduisant, dans l'incertitude, à saisir d'emblée la commission par courrier du 5 septembre 2013 ; que ce faisant, la caisse l'a privée de la phase amiable spécifique prévue par l'article R. 133-9-1 ancien du code de la sécurité sociale qui permettait au professionnel de santé d'adresser ses observations dans le délai d'un mois, avant l'envoi d'une mise en demeure comportant une réponse motivée à ses éventuelles observations lui ouvrant le délai de saisine de la commission de recours amiable ; or, l'envoi préalable à la saisine de la commission de recours amiable d'une mise en demeure devant, aux termes de l'article R. 133-9-1 ancien, contenir le motif pour lequel sont rejetées, en totalité ou pour partie, les observations présentées, constituait un acte essentiel permettant l'instauration d'un débat contradictoire renforcé devant cette commission, les termes du débat étant définitivement fixés à ce stade ; que, dès lors, en ne respectant pas cette procédure et en appliquant par anticipation celle prévue par l'article R. 133-9-1 modifié, la caisse, si elle n'a pas privé Mme C... d'un niveau de discussion, l'a néanmoins privée d'une véritable phase intermédiaire à laquelle elle aurait eu droit, lui causant un préjudice justifiant l'annulation de la procédure de recouvrement ;
Qu'en statuant ainsi, alors que saisie d'un recours contre la décision de la commission de recours amiable de la caisse devant laquelle le professionnel de santé avait porté sa contestation dès la notification de l'indu, il lui appartenait de se prononcer sur le bien-fondé de l'indu, peu important l'absence de délivrance, par la caisse, d'une mise en demeure, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule la notification de payer du 10 juillet 2013 et la mise en demeure subséquente et qu'il déboute la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde de l'ensemble de ses demandes, l'arrêt rendu le 20 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne Mme C... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme C... et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde.
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' il a, confirmant le jugement, annulé la notification de payer de la Caisse en date du 10 juillet 2013 et débouté la Caisse de ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « La notification de reversement de prestations indues adressée par la Caisse à Mme C... le 10 juillet 2013, vise les articles L 133-4 et R 133-9-1 à R 133-9-2 du Code de la sécurité sociale, ainsi que les articles 1235 et 1376 du Code civil. Aux termes de l'article L 133-4 du Code de la sécurité sociale, l'action en recouvrement, qui se prescrit par trois ans sauf en cas de fraude, à compter de la demande de paiement de la somme indue, s'ouvre par l'envoi au professionnel d'une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations. En cas de rejet total ou partiel des observations de l'intéressé, le directeur de l'organisme d'assurance maladie adresse, par lettre recommandé, une mise en demeure à l'intéressé de payer dans le délai d'un mois. Le décret n°2012-1032 du 7 septembre 2012 a modifié l'article R 133-9-1 du Code de la sécurité sociale, qui organise la procédure applicable au recouvrement des indus. Il prévoit dorénavant que la notification d'indu ouvre un délai de deux mois, et non plus d'un mois, pour présenter des observations et la possibilité de saisir la Commission de Recours Amiable dès ce stade, alors que dans l'ancienne procédure, la notification n'ouvrait que le droit de faire des observations dans le délai d'un mois, et ce n'est que la mise en demeure qui ouvrait le droit de faire un recours devant la commission de recours. En l'espèce, la notification de reversement de prestations indues pour l'année 2011 adressée par la Caisse à Mme C... le 10 juillet 2013, vise les dispositions de l'article R 133-9-1 du Code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret du 7 septembre 2012. Or, l'article 8 du décret de 7 septembre 2012 précise que "les dispositions du présent décret s'appliquent aux indus correspondant à des périodes postérieures à sa date de publication''. Le fait générateur de l'indu étant la date des paiements faits indûment, intervenus en l'espèce au cours de l'année 2011, la Caisse aurait dû appliquer les dispositions de l'article R 133-9-1 dans sa version antérieure au décret. Il est toutefois constant que cette irrégularité ne peut être sanctionnée que si elle a causé grief au professionnel de santé concerné. Si la Caisse a dans le cas d'espèce notifié à Mme C... un délai de deux mois, pouvant paraître plus favorable que le délai d'un mois prévu par l'article R 133-9-1 dans sa version antérieure, pour présenter des observations écrites, elle lui a dans le même temps notifié la possibilité de saisir, dans ce même délai de deux mois, la commission de recours amiable, la conduisant, dans l'incertitude, à saisir d'emblée la commission par courrier du 5 septembre 2013. Ce faisant, la Caisse l'a privée de la phase amiable spécifique prévue par l'article R 133¬9-1 ancien du Code de la sécurité sociale, qui permettait au professionnel de santé d'adresser ses observations dans le délai d'un mois, avant l'envoi d'une mise en demeure comportant une réponse motivée à ses éventuelles observations lui ouvrant le délai de saisine de la commission de recours amiable. Or, l'envoi préalable à la saisine de la commission de recours amiable d'une mise en demeure devant, aux termes de l'article R 133-9-1 ancien, contenir le motif pour lequel sont rejetées, en totalité ou pour partie, les observations présentées, constituait un acte essentiel permettant l'instauration d'un débat contradictoire renforcé devant cette commission, les termes du débat étant définitivement fixés à ce stade. Dès lors, en ne respectant pas cette procédure et en appliquant par anticipation celle prévue par l'article R 133-9-1 modifié, la Caisse primaire d'assurance maladie, si elle n' a pas privé Mme C... d'un niveau de discussion, l'a néanmoins privée d'une véritable phase intermédiaire à laquelle elle aurait eu droit, lui causant un préjudice, justifiant l'annulation de la procédure de recouvrement. La décision entreprise, ayant annulé la notification de payer du 10 juillet 2013, et débouté la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde de sa demande en paiement d'indu, sera en conséquence confirmée. » ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « La "notification de reversement de prestations indues" adressée à Madame G... C... par la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde le 10 juillet 2013 vise les articles L.133-4 et R.133-9-1 à R.133-9-2 du code de la sécurité sociale, ainsi que les articles 1235 et 1376 du code civil. L'article R.133-9-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret n°2009-988 du 20 août 2009, dispose en son I. que : "La notification de payer prévue à l'article L.133-4 est envoyée par le directeur de l'organisme d'assurance maladie au professionnel ou à l'établissement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Cette lettre précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement. Elle mentionne l'existence d'un délai d'un mois. à partir de sa réception, imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées. Elle informe ce dernier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il sera mis en demeure de payer l'indu avec une majoration de 10 %. Dans le même délai, l'intéressé peut présenter des observations écrites à l'organisme d'assurance maladie. En cas de désaccord avec les observations de l'intéressé et en l'absence de paiement dans le délai imparti, le directeur de l'organisme lui adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception la mise en demeure prévue à L. 133-4. Cette mise en demeure comporte la cause, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées, le montant de la majoration de 10 % afférente aux sommes encore dues ainsi que le délai de saisine de la commission de recours amiable prévue à l'article R.142-1". Le même article R. 133-9-1, dans sa version issue du décret n°2012-1032 du 7 septembre 2012, dispose en son I. que : "La notification de payer prévue à l'article L.133-4 est envoyée par le directeur de l'organisme d'assurance maladie au professionnel ou à l'établissement par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Cette lettre précise la cause, la nature ci le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement. Elle mentionne l'existence d'un délai de deux mois à partir de sa réception imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées ainsi que les voies et délais de recours. Dans le même délai, l'intéressé peut présenter des observations écrites à l'organisme d'assurance maladie. A défaut de paiement à l'expiration du délai de forclusion prévu à l'article L 142-1 ou après notification de la décision de la commission instituée à ce même article, le directeur de l'organisme de sécurité sociale compétent lui adresse la mise en demeure prévue à l'article L 133-4 par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Cette mise en demeure comporte la cause, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées ainsi que l'existence du nouveau délai d'un mois imparti à compter de sa réception, pour s'acquitter de sommes réclamées. Elle mentionne, en outre, l'existence et le montant de la majoration de 10% appliquée en l'absence de paiement dans ce délai, ainsi que les voies et délais de recours." L'article 8 du décret précité n°2012-1032 du 7 septembre 2012, dispose que "les dispositions au présent décret, s'appliquent aux indus correspondant à des périodes postérieures à sa date de publication [
]". Madame G... C... reproche à la caisse de ne pas avoir respecté le principe du contradictoire en lui adressant une notification de reversement de prestations indues le 10 juillet 2013, laquelle contenait en son sein une mise en demeure de payer dans le délai de deux mois, ce qui ne lui aurait pas permis de se défendre, en violation des dispositions de l'article L.133-4 du code de la sécurité sociale. La caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde soutient avoir parfaitement respecté les dispositions des articles L. 133-4 et R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale. Il échet cependant de constater qu'elle cite l'article R. 133-9-1 en ses dispositions nouvelles, issues du décret n°2012-1032 du 7 septembre 2012, auxquelles se conforme parfaitement la notification de reversement de prestations indues du 10 juillet 2013. Or il résulte de l'article 8 du décret du 7 septembre 2012 que ses dispositions s'appliquent aux indus correspondant à des périodes postérieures à sa date de publication; soit le 9 septembre 2012, alors que la période visée par le contrôle dont il s'agit est l'année 2011. La caisse primaire était donc mal fondée à appliquer les dispositions issues du décret du 7 septembre 2012, qui a sensiblement modifié la procédure de recouvrement des indus auprès des professionnels de santé. Si la caisse a notifié à Madame G... C... un délai de deux mois, qui peut paraître plus favorable que le délai d'un mois précédemment stipulé, pour s'acquitter des sommes réclamées, elle lui a dans le même temps notifié ce même délai de deux mois pour saisir la commission de recours amiable ou présenter des observations, conduisant la requérante, dans l'incertitude, à saisir d'emblée la commission par courrier du 5 septembre 2013. Ce faisant, la caisse l'a privée de la phase amiable spécifique prévue par l'article R.133-9-1 ancien du code de la sécurité sociale, qui permettait au professionnel de santé d'envoyer ses observations dans le délai d'un mois, avant que l'envoi d'une mise en demeure comportant une réponse motivée à ses observations éventuelles lui ouvre le délai de saisine de la commission de recours amiable. Or l'envoi préalable à la saisine de la commission de recours amiable d'une mise en demeure qui, aux termes de l'article R.133-9-1 ancien du code de la sécurité sociale, doit contenir le motif pour lequel sont rejetées en totalité ou pour partie les observations présentées, constituait un acte essentiel permettant l'instauration d'un débat contradictoire renforcé devant cette commission, les termes du débat étant définitivement fixés à ce stade. En ne respectant pas cette procédure et en appliquant par anticipation celle prévue par l'article R.133-9-1 modifié, la caisse primaire d'assurance maladie a privé Madame G... C... d'un niveau de discussion et lui a nécessairement ravisé un grief justifiant l'annulation de la procédure de recouvrement. La caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde sera par conséquent déboutée de ses demandes reconventionnelles en paiement d'indu » ;
ALORS QUE, premièrement, il appartient au juge, saisi d'un recours contre une décision de la commission de recours amiable elle-même saisie d'un recours contre une notification d'indu, de se prononcer sur le bien-fondé de l'indu, peu important l'absence de mise en demeure ; qu'en annulant la notification d'indu en date du 10 juillet 2013, motif pris de l'absence de mise en demeure, les juges du fond ont violé les articles L. 133-4 et R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale, le second dans sa rédaction antérieure au décret n°2012-1032 du 7 septembre 2012, ensemble l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE, deuxièmement, en application de l'article R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n°2012-1032 du 7 septembre 2012, la procédure est régulière dès lors que l'établissement de santé a été mis en mesure de contester utilement l'indu ; que tel est le cas lorsque, comme au cas d'espèce, la notification d'indu informe l'établissement de santé de la possibilité de faire des observations, peu important qu'elle indique également la possibilité de saisir la commission de recours amiable et qu'elle n'ait point été suivie de l'envoi d'une mise en demeure, sachant que le bien-fondé de l'indu peut être débattu devant la commission de recours amiable, puis devant le juge ; qu'en décidant le contraire, pour annuler la notification d'indu du 10 juillet 2013, les juges du fond ont violé les articles L. 133-4 et R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale, le second dans sa rédaction antérieure au décret n°2012-1032 du 7 septembre 2012.