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28/11/2019 | FRANCE | N°18-22886

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 28 novembre 2019, 18-22886


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Constate qu'à la suite de la liquidation judiciaire de la société Ateliers des Janves, l'instance a été reprise par la SELAFA Mandataires judiciaires associés MJA, agissant en la personne de Mme N... Y..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ateliers des Janves ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes (la caiss

e) ayant pris en charge au titre des maladies professionnelles une affection déclarée p...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Constate qu'à la suite de la liquidation judiciaire de la société Ateliers des Janves, l'instance a été reprise par la SELAFA Mandataires judiciaires associés MJA, agissant en la personne de Mme N... Y..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ateliers des Janves ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes (la caisse) ayant pris en charge au titre des maladies professionnelles une affection déclarée par M. H..., l'employeur de ce dernier, la société Ateliers des Janves (la société), a contesté cette décision et saisi une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que l'arrêt ordonne une expertise médicale en application de l'article R. 141-1 du code de la sécurité sociale afin de déterminer si l'état de santé de M. H... relève des conditions fixées par le tableau n° 42 des maladies professionnelles ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la contestation qui oppose l'employeur à l'organisme social sur le caractère professionnel d'une maladie ne relève pas de la procédure d'expertise prévue par le texte susvisé, la cour d'appel a violé ce dernier ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Ateliers des Janves, la société AJRS, ès qualités et la SELAFA Mandataires judiciaires associés MJA.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné la mise en oeuvre d'une expertise médicale technique, d'AVOIR dit que l'expert sera désigné selon les modalités de l'article R. 141-1 du code de la sécurité sociale, d'AVOIR dit que l'expert aura pour mission de procéder à l'examen clinique de M. H... dans les cinq jours suivant la réception du protocole établi par la caisse, le médecin-conseil et le médecin traitant étant avisés qu'ils pourraient y participer, de dire si l'état de santé de M. H..., apprécié au regard de l'audiométrie datée du 13 mars 2012 relève des conditions fixées par le tableau n°42 et de fournir tous les éléments qui permettraient d'apprécier les qualités auditives de M. H..., compte tenu de son activité professionnelle et de l'éventuel lien entre cette pathologie et l'activité professionnelle, d'AVOIR rappelé que l'expert devra exécuter sa mission conformément aux dispositions de l'article R. 141-4 du code de la sécurité sociale, notamment établir des conclusions motivées, en adresser un exemplaire à l'assuré, l'autre au service du contrôle médical de la caisse, et prendre en compte les éventuelles observations des parties avant d'établir son rapport définitif ;

AUX MOTIFS QUE « Par application de l'article L. 461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. L'alinéa 3 précise que si l'une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie, telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime. Dans cette hypothèse, la caisse reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles qui s'impose à elle. Il n'est pas discuté que Monsieur H..., qui a travaillé pendant toute sa carrière en qualité de graveur en matrice, d'outilleur dans les forges et d'estampeur et principalement au service des Ateliers des Janves, a été exposé au bruit du 13 septembre 1984 au 4 septembre 2011 chez tous ses employeurs. Il a été placé en arrêt maladie du 28 février 2011 jusqu'au 21 juillet 2011, a pris ses congés payés du 22 juillet au 28 août, a repris le travail du 29 août au 4 septembre 2011, date à laquelle il a, à nouveau, été placé en arrêt de travail jusqu'au 31 août 2011. La première constatation médicale est intervenue le 13 mars 2012. Le docteur P... G... a constaté que Monsieur H... accusait une surdité socialement gênante, que le calcul du déficit moyen sur la meilleure oreille s'établit à 47 décibels. Il précise que la durée d'exposition prolongée à un poste de travail bien défini par la législation, à savoir 27 ans dans les forges et industrie, et l'aspect de la courbe audiométrique mettant en évidence une surdité de perception bilatérale et sensiblement symétrique de type traumatosonore permettent d'affirmer l'origine professionnelle du handicap. Il précise dans un autre certificat que le déficit audiométrique est de 47 dB à droite et de 50 dB à gauche. Le certificat médical initial du docteur G... est accompagné de deux graphiques retraçant les résultats d'examens audiométriques réalisés le 13 mars 2012, précisant que ces examens ont été effectués dans une cabine insonorisée avec audiogramme calibré. Le tableau des maladies professionnelles n° 42 relatif à l'atteinte auditive provoquée par les bruits lésionnels concerne l'hypoacousie de perception par lésion cochléaire irréversible, accompagnée ou non d'acouphènes, caractérisée par un déficit audiométrique bilatéral, le plus souvent symétrique et affectant préférentiellement les fréquences élevées. Il précise que « le diagnostic de cette hypoacousie est établi par : une audiométrie tonale liminaire et une audiométrie vocale qui doivent être concordantes ; en cas de non concordance : par une impédancemétrie et recherche du réflexe strapédien ou, à défaut par l'étude du suivi audiométrique professionnel. Ces examens doivent être réalisés en cabine insonorisée, avec un audiomètre calibré. Cette audiométrie diagnostique est réalisée après une cessation d'exposition au bruit lésionnel d'au moins trois jours et doit faire apparaître sur la meilleure oreille un déficit d'au moins 35 dB. Ce déficit est la moyenne des déficits mesurés sur les fréquences 500, 1000, 2000 et 4000 Hertz. Aucune aggravation de cette surdité professionnelle ne peut être prise en compte, sauf en cas de nouvelle exposition au bruit lésionnel ». La liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies figurant dans ce tableau vise notamment les travaux sur métaux par percussion, abrasion ou projection tels que ... l'estampage ou l'ébarbage, le meulage, le fraisage. Les conditions d'examen fixées au tableau n° 42 constituent une formalité substantielle. Il appartient à la caisse de démontrer que les conditions de reconnaissance de la maladie professionnelle sont réunies, pour que sa décision de prise en charge soit opposable à l'employeur. L'avis du médecin conseil n'est pas suffisant pour prouver que les examens médicaux ont été réalisés dans les conditions imposées par le tableau n° 42. La société Ateliers des Janves fait observer que les examens médicaux effectués ne remplissent pas les conditions fixées par le tableau n° 42 et que notamment les examens complémentaires prévus par ce tableau n'ont pas été réalisés alors que le médecin qui a examiné Monsieur H... a constaté une discordance entre la courbe tonale et la courbe vocale. Elle verse aux débats, les notes médicales établies par le docteur M... le 1er décembre 2016 et le 8 février 2018 mentionnant que l'examen audiométrique réalisé le 13 mars 2012 montre bien une hypoacousie bilatérale de perception sensiblement symétrique avec un déficit moyen calculé sur la courbe tonale par voie osseuse de 37dB à droite et de 41,5 dB à gauche, de sorte que le seuil de 35dB exigé par le tableau n° 42 est bien atteint. Il précise cependant que le calcul du déficit auditif cochléaire s'effectue sur la courbe tonale osseuse, que les valeurs indiquées par le docteur G... (déficits moyens de 47dB à droite et de 50dB à gauche) correspondent à un calcul sur la courbe tonale aérienne qui évalue le déficit auditif global et non à un calcul sur la courbe osseuse qui n'évalue que le déficit perceptif de l'oreille interne tel que l'exige le tableau 42. Il ajoute que l'audiométrie pratiquée sur Monsieur H... fait apparaître les résultats suivants sur la courbe tonale par voie aérienne :
Fréquences : Oreille droite Oreille gauche
500 Hz 20 dB 30 dB
1000 Hz 35 dB 40 dB
2000 Hz 45 dB 50 dB
Moyenne 33,33 dB 40 dB,
et que la courbe vocale montre un seuil d'intelligibilité de 45 dB à droite et à 60 dB à gauche de sorte que l'écart entre la moyenne du seuil tonal de la courbe aérienne et le seuil d'intelligibilité de l'audiométrie vocale est de 11,7 dB à droite et de 20 dB à gauche. Il précise que pour juger valablement de la concordance des courbes, le calcul ne se fait pas sur la courbe tonale osseuse mais sur la courbe aérienne. La société Ateliers des Janves verse aux débats le « Guide des Bonnes Pratiques en Audiologie de l'Adulte" précisant dans son chapitre 2. 2. 6, que "L'audiométrie vocale courante complète les informations de l'audiogramme tonal, évalue le retentissement social d'une surdité et permet d'apprécier l'intérêt de la prescription d'un appareillage auditif. L'audiométrie vocale apporte des éléments d'orientation diagnostique par I 'allure de la courbe d'intelligibilité en comparaison avec la tonale. Avec les listes de Fourier, la différence entre le seuil vocal sur l'échelle des seuils d'intelligibilité et le seuil tonal moyen (500,1000, 2000 Hz) en dBHL, ne doit pas excéder 7 d13. Une différence d'au moins 10 dB doit amener à la réalisation de tests vocaux plus spécifiques tels que les tests cochléaires et les tests d'intégration ». La caisse se contente d'affirmer que l'audiométrie réalisée est conforme aux exigences du tableau des maladies professionnelles n° 42, ne fait aucun commentaire sur les remarques formulées par le docteur M... conformes aux principes énoncés dans le Guide des Bonnes Pratiques de l'Audiométrie. La cour, n'est, au vu des documents médicaux présentés par la caisse et notamment des certificats médicaux établis par le docteur G... le 13 mars 2012 et des graphiques qui ont été effectués à l'issue des examens audiométriques, pas à même d'interpréter les graphiques établis, de dire s'ils retracent la courbe tonale aérienne ou la courbe tonale osseuse et de comparer avec précision la courbe tonale et la courbe vocale pour déterminer si les examens complémentaires prescrits par le tableau 42 devaient être effectués. La cour constate, contrairement au premiers juges, que la solution du litige dépend de l'appréciation de l'état de la victime au regard des conditions de désignation de la maladie par le tableau n° 42 et qu'il existe une difficulté d'ordre médical qui ne peut être tranchée qu'après mise en oeuvre d'une expertise médicale technique. En conséquence, la mesure d'expertise sollicitée sera ordonnée afin que la cour puisse se prononcer sur l'opposabilité à la société Ateliers des Janves, de la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la pathologie déclarée par Monsieur H.... Le jugement déféré sera donc infirmé en tant qu'il a dit n'y avoir lieu à ordonner une expertise médicale, la cour se réservant à statuer sur l'opposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge de la pathologie déclarée par Monsieur H... » ;

1. ALORS QUE la contestation qui oppose l'employeur à l'organisme de sécurité sociale quant à l'existence ou au caractère professionnel de lésions prises en charge ne relève pas de la procédure d'expertise technique médicale de l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale ; que seule une expertise médicale de droit commun peut être ordonnée pour trancher les contestations d'ordre médical opposant l'employeur à un organisme de sécurité sociale ; qu'en ordonnant une expertise technique médicale dans le litige opposant la société Atelier des Janves à la CPAM des Ardennes relativement au bien-fondé d'une décision de cet organisme de prendre en charge une maladie professionnelle sur le fondement du tableau de maladies professionnelles n°42, la cour d'appel a violé par fausse application les articles L. 141-1, R. 141-1 et R. 141-4 du code de la sécurité sociale ;

2. ALORS, D'AUTRE PART, QUE lorsque le juge sollicite l'avis d'un expert dans un litige portant sur des données techniques pour lesquelles il n'a pas la compétence nécessaire pour appréhender l'avis de l'expert, de sorte que celui-ci s'avère prépondérant pour la solution du litige, le droit à un procès équitable implique que les parties disposent de la possibilité de soumettre à l'expert des observations au vu de l'ensemble des pièces et informations qu'il a pu recueillir, avant que celui-ci n'émette son avis ; que, s'agissant d'une expertise ordonnée dans le cadre d'un contentieux judiciaire opposant un organisme de sécurité sociale à l'employeur concernant l'existence d'une maladie prévue dans un tableau de maladies professionnelles, l'existence d'un débat contradictoire suppose que chacune des parties dispose de la possibilité de participer aux opérations d'expertise, par l'intermédiaire d'un médecin qu'elles désignent, et de la possibilité de faire part de ses observations à l'expert, avant que celui-ci établisse son rapport ; qu'il résulte des dispositions du code de la sécurité sociale que l'employeur n'est pas autorisé à se faire représenter au cours de la procédure d'expertise technique prévue à l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale ; qu'en estimant néanmoins que l'expertise destinée à éclairer la cour d'appel sur la nature de l'affection dont souffrait Monsieur H... devrait se dérouler dans les conditions prévues par les articles L. 141-1 et R. 141-1 du code de la sécurité sociale, donc hors de la présence de la société Atelier des Janves, la cour d'appel a violé les articles 16 du code de procédure civile, L. 141-2-2 du code de la sécurité sociale et 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-22886
Date de la décision : 28/11/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 11 juillet 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 28 nov. 2019, pourvoi n°18-22886


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.22886
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