LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'un contrôle de la société Isotec Invest (la société), portant sur les années 2010 et 2011, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF) a réintégré dans l'assiette des cotisations et contributions sociales, notamment, des indemnités kilométriques non justifiées versées à la gérante ; que l'URSSAF lui ayant fait signifier, le 15 octobre 2013, une contrainte pour le paiement des cotisations et contributions sociales résultant du redressement ainsi que des majorations de retard afférentes aux cotisations et contributions sociales des mois de mai et juillet 2013, la société a formé opposition devant une juridiction de sécurité sociale ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1353 du code civil ;
Attendu que pour annuler la contrainte, l'arrêt retient que la société, après avoir évoqué les diplômes et la notoriété de la gérante, a rapporté la preuve qu'elle assistait effectivement aux réunions techniques organisées en cas de sinistres sur les chantiers (pièces 36, 37 et 38) ; que la société ne disposait que de six berlines, le reste de la flotte étant composé de véhicules de chantiers ou de camionnettes ; que sur les six berlines, deux étaient affectées à deux salariés du service commercial (d'Isolis et d'Isolea), et quatre aux quatre salariés des services « exploitation » et « qualité » ; que l'URSSAF n'a pas fait la démonstration que les notes de poste de ces six salariés leur attribuaient effectivement la gestion des appels d'offre et le suivi des chantiers, au moins pour les clients les plus importants énumérés sur les listings de facturation de la période contrôlée ; que seule cette démonstration aurait pu justifier l'observation selon laquelle la dirigeante de la société n'avait pas pu effectuer près de 3 500 kilomètres par an pour contrôler les appels d'offre et assurer le suivi des chantiers selon les notes de frais fournies ; qu'à défaut pour l'URSSAF d'avoir apporté cette preuve, les documents versés aux débats par l'appelante permettent de constater que le calendrier des déplacements de l'intéressée ne peut pas être sérieusement critiqué, que l'utilisation de son véhicule personnel était indispensable à l'exécution de sa fonction de dirigeante et que les indemnités kilométriques étaient justifiées ;
Qu'en statuant ainsi, en exigeant de l'URSSAF qu'elle démontre que d'autres salariés étaient chargés du suivi des chantiers et du contrôle des appels d'offre, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve de l'utilisation conformément à leur objet des indemnités kilométriques supérieures au barème fiscal, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu, selon ce texte, que le juge doit, en toutes circonstances, observer lui-même le principe de la contradiction ; que si, dans les procédures orales, les moyens soulevés d'office sont présumés, sauf preuve contraire, avoir été débattus contradictoirement à l'audience, cette preuve peut résulter de ce que l'arrêt constate que les parties ont développé à l'audience leurs observations écrites lorsque celles-ci ne font pas état de tels moyens ;
Attendu que pour annuler la contrainte, l'arrêt retient que la celle-ci visait également d'autres sommes dues à titre de majorations de retard, en mai 2013 et juillet 2013, sur la base de deux mises en demeure des 16 juillet et 23 août 2013 ; que l'URSSAF n'a pas communiqué ces mises en demeure, n'a fourni aucune explication et n'a pas justifié de la réalité des sommes dues en principal, alors que l'appelante demandait l'annulation totale de la contrainte ;
Qu'en statuant ainsi, sans inviter les parties à s'expliquer sur ce moyen, alors que les observations écrites que l'opposante à la contrainte avait développées à l'audience, tout en concluant à l'annulation totale de celle-ci, ne faisaient pas état du caractère non fondé des majorations de retard, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Isotec Invest aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Isotec Invest et la condamne à payer à l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) PACA.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des Bouches du Rhône du 25 octobre 2017, d'AVOIR déclaré recevable et bien fondée l'opposition à la contrainte du 8 octobre 2013 notifiée à la société Isotec, d'AVOIR annulé la contrainte du 8 octobre 2013 notifiée à la société Isotec, d'AVOIR débouté l'URSSAF de ses demandes et d'AVOIR condamné l'URSSAF à payer à la société Isotec la somme de 2.345 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
AUX MOTIFS QUE : « La lettre d'observations retenait trois points et relevait, au point 1 une régularisation en faveur de la société contrôlée sur les deux années du contrôle soit la somme de 9894 euros. La vérification avait entraîné un rappel de cotisations de (21236 ' 9894=) 11342 euros. Les points 2 et 3 sont contestés pour le total de (9549 + 11687) 21236 euros. [
] Sur les indemnités kilométriques (point 3) La société ISOTEC est une entreprise spécialisée dans la protection incendie, la construction-réhabilitation et le désamiantage ; elle a des chantiers répartis dans toute la France, assumés par ses trois filiales, « Isolis, Isodéal et Isoléa ». L'URSSAF a considéré que la preuve n'était pas rapportée que Madame U..., PDG de la société ISOTEC, qui avait reçu des indemnités kilométriques, effectuait près de 3500 kilomètres par an pour la société au moyen de son véhicule personnel. La motivation avancée par l'inspecteur chargé du contrôle a été de dire que Madame U... n'avait que des compétences administratives et aucune compétence technique lui permettant d'assurer le suivi des chantiers. La société appelante a évoqué les diplômes(pièces 22 et 23) et la notoriété de Madame U... (photographie pièce 35) et a rapporté la preuve qu'elle assistait effectivement aux réunions techniques organisées en cas de sinistres sur les chantiers de la société ISOTEC (pièces 36, 37 et 38). Les 34 véhicules de la société sont listés en pièce 25 et il ressort de ce document que le groupe ISOTEC ne disposait que de six berlines, le reste de la flotte étant composé de véhicules de chantiers ou de camionnettes. Sur les six berlines, deux étaient affectées à deux salariés du service commercial (d'Isolis et d'Isolea) et quatre aux quatre salariés des services « exploitation » et « qualité ». L'URSSAF n'a pas fait la démonstration que les fiches de poste de ces six salariés leur attribuaient effectivement la gestion des appels d'offre et le suivi des chantiers, au moins pour les clients les plus importants énumérés sur les listings de facturation de la période contrôlée (pièces 20 et 21 : 15 et 29 pages et environ 24 lignes par page). Seule cette démonstration aurait pu justifier l'observation selon laquelle la dirigeante de la société n'avait pas pu effectuer près de 3500 kilomètres par an pour contrôler les appels d'offre et assurer le suivi des chantiers selon les notes de frais, sous forme de tableaux quotidiens, fournis par la société (pièce 33). A défaut pour l'URSSAF d'avoir apporté cette preuve, les documents versés aux débats par l'appelante permettent de constater que le calendrier des déplacements de Madame U... ne peut pas être sérieusement critiqué, que l'utilisation de son véhicule personnel était indispensable à l'exécution de sa fonction de dirigeante et que les indemnités kilométriques étaient justifiées. La Cour annule ce chef du redressement, soit 11687 euros. Il a été démontré que la vérification entraînait un rappel de cotisations de (21236 ' 9894=) 11342 euros. La contrainte portait sur un principal de (6649 + 4808 =) 11457 euros au titre de cette vérification et de la mise en demeure du 11 juillet 2013 : ce montant est donc erroné. La contrainte visait également d'autres sommes dues à titre de majorations de retard, en mai 2013 (631 euros) et en juillet 2013 (672 euros), sur la base de deux mises en demeure des 16 juillet et 23 août 2013. L'URSSAF n'a pas communiqué ces mises en demeure, n'a fourni aucune explication et n'a pas justifié de la réalité des sommes dues en principal, alors que l'appelante demande l'annulation totale de la contrainte. La Cour rejette la demande relative à ces majorations de retard soit le total de 1303 euros. Le solde s'établit donc, en principal, à (9894 - 9549 euros =) 345 euros en faveur de l'appelante, à l'issue du contrôle, mais aucun remboursement n'est réclamé devant la Cour. Il n'y avait pas lieu à majorations de retard, et ceci avant même l'envoi de la mise en demeure du 11 juillet 2013. En conséquence, l'opposition est déclarée fondée et la contrainte est annulée ».
1/ ALORS QUE la charge de la preuve de l'utilisation à des fins professionnelles des indemnités kilométriques supérieures au barème fiscal incombe à l'employeur ; qu'en énonçant qu'à défaut pour l'URSSAF d'avoir rapporté la preuve que les fiches de poste des salariés des services « commercial », « exploitation » et « qualité » leur attribuaient la gestion des appels d'offre et le suivi des chantiers, il ressort des éléments produits que les indemnités kilométriques allouées à Mme U... pour effectuer de tels déplacements étaient justifiées, et ce en dépit des constatations des agents de contrôle qui font pourtant foi jusqu'à preuve contraire, la cour d'appel a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil,
2/ ALORS QU'interdiction est faite aux juges du fond de dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; qu'en l'espèce, les pièces 36 et 38 versées aux débats par la société ne mentionnaient pas la présence de Mme U... sur les chantiers d'entreprise ; qu'en énonçant, sur le fondement de ces pièces, que Mme U... rapportait la preuve qu'elle assistait effectivement aux réunions techniques organisées en cas de sinistres sur les chantiers de la société Isotec (arrêt p. 4 §1), la cour d'appel a dénaturé ces pièces, en violation du principe sus-visé.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des Bouches du Rhône du 25 octobre 2017, d'AVOIR déclaré recevable et bien fondée l'opposition à la contrainte du 8 octobre 2013 notifiée à la société Isotec, d'AVOIR annulé la contrainte du 8 octobre 2013 notifiée à la société Isotec, d'AVOIR débouté l'URSSAF de ses demandes et d'AVOIR condamné l'URSSAF à payer à la société Isotec la somme de 2.345 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
AUX MOTIFS QUE : « La lettre d'observations retenait trois points et relevait, au point 1 une régularisation en faveur de la société contrôlée sur les deux années du contrôle soit la somme de 9894 euros. La vérification avait entraîné un rappel de cotisations de (21236 ' 9894=) 11342 euros. Les points 2 et 3 sont contestés pour le total de (9549 + 11687) 21236 euros. [
] Sur les indemnités kilométriques (point 3) La société ISOTEC est une entreprise spécialisée dans la protection incendie, la construction-réhabilitation et le désamiantage ; elle a des chantiers répartis dans toute la France, assumés par ses trois filiales, « Isolis, Isodéal et Isoléa ». L'URSSAF a considéré que la preuve n'était pas rapportée que Madame U..., PDG de la société ISOTEC, qui avait reçu des indemnités kilométriques, effectuait près de 3500 kilomètres par an pour la société au moyen de son véhicule personnel. La motivation avancée par l'inspecteur chargé du contrôle a été de dire que Madame U... n'avait que des compétences administratives et aucune compétence technique lui permettant d'assurer le suivi des chantiers. La société appelante a évoqué les diplômes(pièces 22 et 23) et la notoriété de Madame U... (photographie pièce 35) et a rapporté la preuve qu'elle assistait effectivement aux réunions techniques organisées en cas de sinistres sur les chantiers de la société ISOTEC (pièces 36, 37 et 38). Les 34 véhicules de la société sont listés en pièce 25 et il ressort de ce document que le groupe ISOTEC ne disposait que de six berlines, le reste de la flotte étant composé de véhicules de chantiers ou de camionnettes. Sur les six berlines, deux étaient affectées à deux salariés du service commercial (d'Isolis et d'Isolea) et quatre aux quatre salariés des services « exploitation » et « qualité ». L'URSSAF n'a pas fait la démonstration que les fiches de poste de ces six salariés leur attribuaient effectivement la gestion des appels d'offre et le suivi des chantiers, au moins pour les clients les plus importants énumérés sur les listings de facturation de la période contrôlée (pièces 20 et 21 : 15 et 29 pages et environ 24 lignes par page). Seule cette démonstration aurait pu justifier l'observation selon laquelle la dirigeante de la société n'avait pas pu effectuer près de 3500 kilomètres par an pour contrôler les appels d'offre et assurer le suivi des chantiers selon les notes de frais, sous forme de tableaux quotidiens, fournis par la société (pièce 33). A défaut pour l'URSSAF d'avoir apporté cette preuve, les documents versés aux débats par l'appelante permettent de constater que le calendrier des déplacements de Madame U... ne peut pas être sérieusement critiqué, que l'utilisation de son véhicule personnel était indispensable à l'exécution de sa fonction de dirigeante et que les indemnités kilométriques étaient justifiées. La Cour annule ce chef du redressement, soit 11687 euros. Il a été démontré que la vérification entraînait un rappel de cotisations de (21236 ' 9894=) 11342 euros. La contrainte portait sur un principal de (6649 + 4808 =) 11457 euros au titre de cette vérification et de la mise en demeure du 11 juillet 2013 : ce montant est donc erroné. La contrainte visait également d'autres sommes dues à titre de majorations de retard, en mai 2013 (631 euros) et en juillet 2013 (672 euros), sur la base de deux mises en demeure des 16 juillet et 23 août 2013. L'URSSAF n'a pas communiqué ces mises en demeure, n'a fourni aucune explication et n'a pas justifié de la réalité des sommes dues en principal, alors que l'appelante demande l'annulation totale de la contrainte. La Cour rejette la demande relative à ces majorations de retard soit le total de 1303 euros. Le solde s'établit donc, en principal, à (9894 - 9549 euros =) 345 euros en faveur de l'appelante, à l'issue du contrôle, mais aucun remboursement n'est réclamé devant la Cour. Il n'y avait pas lieu à majorations de retard, et ceci avant même l'envoi de la mise en demeure du 11 juillet 2013. En conséquence, l'opposition est déclarée fondée et la contrainte est annulée ».
1/ ALORS QUE l'objet du litige est fixé par les prétentions respectives des parties et ne peut être modifié par le juge ; qu'en l'espèce, pour solliciter l'annulation de la contrainte, la société contestait exclusivement les redressements opérés par la lettre d'observations du 7 février 2013 afférents aux bons d'achat et cadeaux ainsi que ceux relatifs aux indemnité kilométriques (conclusions d'appel de la société p. 5 et suivantes) ; qu'elle ne contestait en aucune façon les modalités de calcul figurant dans la contrainte du 8 octobre 2013 ; qu'en annulant la contrainte en retenant que l'URSSAF n'avait ni communiqué les mises en demeure, ni fourni aucune explication eu égard aux autres redressements visés par la contrainte (arrêt p. 4 §4), la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.
2/ ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en fondant sa décision sur le moyen relevé d'office tiré du fait que, en l'absence d'explications fournies par l'URSSAF s'agissant des sommes dues à titre de majorations de retard en mai 2013 et juillet 2013, sur la base de deux mises en demeure des 16 juillet et 23 août 2013, la contrainte devait être annulée, sans avoir invité les parties à s'expliquer sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile,
3/ ALORS QUE, en tout état de cause, c'est au cotisant objet d'un redressement de rapporter la preuve de ce que les cotisations sollicitées ne sont pas dues ; qu'en l'espèce, pour annuler la contrainte, la cour d'appel a retenu que l'URSSAF n'avait pas fourni d'explication quant aux mises en demeure des 16 juillet et 23 août 2013 visées par la contrainte du 8 octobre 2013, ni justifié de la réalité des sommes dues ; qu'en statuant ainsi quand il appartenait à la société de rapporter la preuve que ces sommes qu'elle ne contestait au demeurant pas n'étaient pas dues, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 devenu 1353 du code civil,
4/ ALORS QUE les juges du fond, tenus de motiver leur décision, ne peuvent statuer par voie de simple affirmation ; qu'en affirmant qu' « il n'y avait pas lieu à majorations de retard, et ceci avant même l'envoi de la mise en demeure du 11 juillet 2013 » sans justifier cette affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.