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27/11/2019 | FRANCE | N°18-19841

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 novembre 2019, 18-19841


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Paris, 13 juillet 2018), statuant en la forme des référés, que convoqué le 7 mars 2018 à une réunion le 21 mars 2018 ayant à l'ordre du jour l'information sur le projet « DiaLog 2 » visant à l'amélioration et à la simplification de l'organisation au sein du département Logistique, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement FNAC Champs-Elysées (le CHSCT)

a décidé du recours à une expertise pour projet important modifiant les condition...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Paris, 13 juillet 2018), statuant en la forme des référés, que convoqué le 7 mars 2018 à une réunion le 21 mars 2018 ayant à l'ordre du jour l'information sur le projet « DiaLog 2 » visant à l'amélioration et à la simplification de l'organisation au sein du département Logistique, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement FNAC Champs-Elysées (le CHSCT) a décidé du recours à une expertise pour projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;

Attendu que le CHSCT fait grief à l'ordonnance d'annuler la délibération du 21 mars 2018 par laquelle il a voté le recours à un expert agréé par le Ministère du travail sur le projet susmentionné, sans désignation d'un expert quant à l'exercice de cette mesure, alors, selon le moyen :

1°/ que les dispositions de l'article L. 4614-12, 2° du code du travail alors applicable, permettent au CHSCT de recourir à un expert pour l'éclairer sur la nouvelle organisation du travail et lui permettre d'avancer des propositions de prévention, quand bien même cette nouvelle organisation a commencé à être mise en oeuvre ; qu'il suit de là qu'en annulant la délibération du 21 mars 2018 décidant de recourir à une expertise, motifs pris que la phase 2 du projet Dialog au sein de l'établissement des Champs-Elysées, qui avait été entreprise, déployée et achevée le 6 mars 2018, ne constituait plus un quelconque projet au sens de l'article L. 4614-12 du code du travail, alors applicable, le président du tribunal de grande instance a violé le texte susvisé ;

2°/ qu'en retenant, pour annuler la délibération du CHSCT décidant de recourir à une expertise, que la consultation des instances représentatives du personnel du magasin FNAC Champs-Elysées avait déjà eu lieu le [25] juillet 2016, lorsque le CHSCT avait simplement été informé du déploiement de la première phase du projet « DiaLog », à exécutions successives, le président du tribunal de grande instance a violé les articles L. 4612-8-1 et L. 4614-12 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige ;

3° / que l'absence de saisine du CHSCT pour consultation par l'employeur ne fait pas obstacle au droit pour ce comité de recourir à une mesure d'expertise, dont la nécessité est appréciée au regard de l'importance du projet ; qu'il suit de là qu'en retenant, en tout état de cause, pour annuler la délibération du CHSCT décidant de recourir à une expertise, que l'ordre du jour du 7 mars 2018 en vue de la réunion litigieuse du 21 mars 2018, au cours de laquelle a été votée l'expertise, ne fait mention que d'une mesure d'information sur cette partie de projet « DiaLog 2 » et non d'une procédure d'information et de consultation, le président du tribunal de grande instance, qui a statué par des motifs inopérants, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 4612-8-1 et L. 4614-12 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige ;

4°/ que la contestation par l'employeur de la nécessité de l'expertise ne peut concerner que le point de savoir si le projet litigieux est un projet important modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail ; qu'il en résulte qu'en annulant la mesure d'expertise votée par le CHSCT, sans rechercher, comme il y était pourtant invité par ce comité, si le projet « DiaLog 2 » mis en oeuvre dans le périmètre de son établissement, présentait ou non un caractère important, estimant au contraire cette recherche inutile, le président du tribunal de grande instance a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 4612-8-1 et L. 4614-12 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la phase de projet « DiaLog 2 » ne porte de manière limitée que sur la dématérialisation des ordres logistiques au sein du magasin par la suppression du précédent dispositif de bandelettes imprimantes devenu obsolète et qu'une seule journée le 6 mars 2018 a suffi pour sa mise en oeuvre, faisant ainsi ressortir que le projet litigieux ne constituait pas un projet important, le président du tribunal de grande instance a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société FNAC Paris aux dépens ;

Vu l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne la société FNAC Paris à payer, à la SARL Meier-Bourdeau Lécuyer et associés, la somme de 3 600 euros TTC ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour le comité d'Hygiène de sécurité et des conditions de travail de l'établissement FNAC Champs-Elysées

IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée d'avoir annulé la délibération du 21 mars 2018 par laquelle le CHSCT de l'établissement Champs-Elysées de la société FNAC Paris a voté le recours à un expert agréé par le Ministère du travail sur le projet susmentionné, sans désignation d'un expert quant à l'exercice de cette mesure ;

AUX MOTIFS QUE l'article L. 4614-12 du code du travail, résultant de la loi n°2015-994 du 17 août 2015, dispose que : « Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé : 1° Lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ; 2° En cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article L. 4612-8-1. Les conditions dans lesquelles l'expert est agréé par l'autorité administrative et rend son expertise sont déterminées par voie réglementaire » ; que l'article L. 4614-13, modifié par la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, dispose notamment que : « (
) / (
) l'employeur qui entend contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût prévisionnel de l'expertise tel qu'il ressort, le cas échéant, du devis, l'étendue ou le délai de l'expertise saisit le juge judiciaire dans un délai de quinze jours à compter de la délibération du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1. Le juge statue, en la forme des référés, en premier et dernier ressort, dans les dix jours suivant sa saisine. Cette saisine suspend l'exécution de la décision du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1, ainsi que les délais dans lesquels ils sont consultés en application de l'article L. 4612-8, jusqu'à la notification du jugement. Lorsque le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou l'instance de coordination mentionnée au même article L. 4616-1 ainsi que le comité d'entreprise sont consultés sur un même projet, cette saisine suspend également, jusqu'à la notification du jugement, les délais dans lesquels le comité d'entreprise est consulté en application de l'article L. 2323-3. Les frais d'expertise sont à la charge de l'employeur. Toutefois, en cas d'annulation définitive par le juge de la décision du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou de l'instance de coordination, les sommes perçues par l'expert sont remboursées par ce dernier à l'employeur. Le comité d'entreprise peut, à tout moment, décider de les prendre en charge dans les conditions prévues à l'article L. 2325-41-1. L'employeur ne peut s'opposer à l'entrée de l'expert dans l'établissement. Il lui fournit les informations nécessaires à l'exercice de sa mission. L'expert est tenu aux obligations de secret et de discrétion définies à l'article L. 4614-9. » ; que les dispositions législatives et réglementaires qui précèdent demeurent applicables à titre transitoire en dépit de leur abrogation par l'ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017, compte tenu du fait que les membres du CHSCT Champs-Elysées continuent actuellement le cours de leur mandat respectif ; qu'il convient préalablement de préciser que : - en lecture des dispositions précitées de l'article L. 4614-12 du code du travail, les parties s'accordent sur le fait que le litige porte sur la notion de projet important et non sur celle de risque grave ; - le présent débat ne peut porter que sur la phase « DiaLog 2 » du projet litigieux d'amélioration logistique en magasin ayant été mise en oeuvre le 6 mars 2018, selon la Direction de la société FNAC Paris, dans la mesure où l'ordre du jour du 7 mars 2018 afférent à la réunion du 21 mars 2018 du CHSCT Champs-Elysées ne fait mention que de cette seule partie de l'ensemble du projet litigieux « DIALOG » et où la délibération litigieuse du 21 mars 2018 du CHSCT Champs-Elysées de recours à expert agréé ne peut en conséquence avoir ainsi porté que sur cette seule phase « DiaLog 2 » visant à dématérialiser les ordres logistique en magasin, à l'exclusion donc de la phase « DiaLog 1 » qui s'avère totalement hors débat ; qu'il résulte explicitement des dispositions précitées de l'article L. 4614-12 / 2° du code du travail que le vote de recours à un expert agréé par le Ministère du travail ne peut par définition porter que sur un projet, c'est-à-dire sur une décision dont la mise en oeuvre n'est pas encore commencée ; que cette lecture rejoint le libellé de l'article L.4612-8-1 du code du travail, suivant lequel le CHSCT « (
) est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail. » ;
qu'en lecture des références jurisprudentielles produites par le CHSCT Champs-Elysées, il est admis que le cadre légal et jurisprudentiel du vote de recours à un expert agréé par le Ministère du travail peut également porter sur un projet faisant alors l'objet d'une mise en oeuvre ; que pour autant cette extension n'est admissible que sous la réserve que cette phase de mise en oeuvre ne soit pas achevée et soit donc toujours en cours à la date de la délibération litigieuse ; qu'en l'occurrence, le CHSCT Champs-Elysées ne conteste pas l'affirmation de la société FNAC suivant laquelle cette phase de mise en oeuvre concernant à titre particulier le programme « DiaLog 2.0 » a été entreprise, déployée et achevée le 6 mars 2018, soit antérieurement à la date du 21 mars 2018 de la délibération litigieuse, alors que la consultation des instances représentatives du personnel du magasin FNAC Champs-Elysées avait déjà eu lieu le 15 juillet 2016 et que le calendrier de mise en oeuvre de l'ensemble du projet « DIALOG » ne prévoyait plus aucune phase d'exécution ; que par ailleurs, cette phase de projet « DiaLog 2.0 » ne porte de manière limitée que sur la dématérialisation des ordres logistiques au sein du magasin par la suppression du précédent dispositif de bandelettes imprimantes devenu obsolète, ce qui justifie sa durée d'achèvement d'exécution au cours de la seule journée du 6 mars 2018 ; qu'en tout état de cause, l'ordre du jour du 7 mars 2018 en vue de la réunion litigieuse du 21 mars 2018 ne fait mention que d'une mesure d'information sur cette partie de projet « DiaLog 2 » et non d'une procédure d'information et de consultation ; que le CHSCT Champs-Elysées, qui affirme ici avoir « (
) été privé, indûment, de son droit de consultation » n'apporte aucune précision sur la question de savoir si cette réunion du 21 mars 2018 sur ce point particulier devait ou non faire l'objet d'une mesure de consultation en lieu et place de cette simple mesure d'information ; que ce choix de cadre de simple information accrédite en tout cas la version de la société FNAC Paris, suivant laquelle la réunion du 21 mars 2018 n'avait pas pour objet d'effectuer une étude prospective de ce projet mais avait pour seule finalité de dresser un simple bilan de la mise en oeuvre d'une décision déjà achevée dans sa mise à exécution ; qu'en définitive, la phase « DiaLog 2 » du programme litigieux ne constituant plus un quelconque projet au sens des dispositions précitées de l'article L. 4614-12 du code du travail, il importe de considérer que le vote litigieux du 21 mars 2018 de recours à expert agréé excède le cadre légal du recours à ce type d'expertise et doit en conséquence être annulé, sans qu'il soit dès lors nécessaire de poursuivre la discussion sur les moyens échangés entre les parties au sujet du caractère important ou non du projet litigieux ;

1°) ALORS QUE les dispositions de l'article L. 4614-12, 2° du code du travail alors applicable, permettent au CHSCT de recourir à un expert pour l'éclairer sur la nouvelle organisation du travail et lui permettre d'avancer des propositions de prévention, quand bien même cette nouvelle organisation a commencé à être mise en oeuvre ; qu'il suit de là qu'en annulant la délibération du 21 mars 2018 décidant de recourir à une expertise, motifs pris que la phase 2 du projet Dialog au sein de l'établissement des Champs--Elysées, qui avait été entreprise, déployée et achevée le 6 mars 2018, ne constituait plus un quelconque projet au sens de l'article L. 4614-12 du code du travail, alors applicable, le président du tribunal de grande instance a violé le texte susvisé ;

2°) ALORS QU'en retenant, pour annuler la délibération du CHSCT décidant de recourir à une expertise, que la consultation des instances représentatives du personnel du magasin FNAC Champs-Elysées avait déjà eu lieu le [25] juillet 2016, lorsque le CHSCT avait simplement été informé du déploiement de la première phase du projet « DiaLog », à exécutions successives, le président du tribunal de grande instance a violé les articles L. 4612-8-1 et L. 4614-12 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige ;

3°) ALORS QUE l'absence de saisine du CHSCT pour consultation par l'employeur ne fait pas obstacle au droit pour ce comité de recourir à une mesure d'expertise, dont la nécessité est appréciée au regard de l'importance du projet ; qu'il suit de là qu'en retenant, en tout état de cause, pour annuler la délibération du CHSCT décidant de recourir à une expertise, que l'ordre du jour du 7 mars 2018 en vue de la réunion litigieuse du 21 mars 2018, au cours de laquelle a été votée l'expertise, ne fait mention que d'une mesure d'information sur cette partie de projet « DiaLog 2 » et non d'une procédure d'information et de consultation, le président du tribunal de grande instance, qui a statué par des motifs inopérants, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 4612-8-1 et L. 4614-12 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige ;

4°) ALORS QUE la contestation par l'employeur de la nécessité de l'expertise ne peut concerner que le point de savoir si le projet litigieux est un projet important modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail ; qu'il en résulte qu'en annulant la mesure d'expertise votée par le CHSCT, sans rechercher, comme il y était pourtant invité par ce comité, si le projet « DiaLog 2 » mis en oeuvre dans le périmètre de son établissement, présentait ou non un caractère important, estimant au contraire cette recherche inutile, le président du tribunal de grande instance a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 4612-8-1 et L. 4614-12 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-19841
Date de la décision : 27/11/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris, 13 juillet 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 nov. 2019, pourvoi n°18-19841


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.19841
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