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27/11/2019 | FRANCE | N°18-18402

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 27 novembre 2019, 18-18402


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 8 mars 2018), que, pour les besoins de son activité d'exploitation forestière, M. Q... (l'acquéreur) a acquis, le 9 août 2007, de la société Forêt matériel service (le vendeur) une abatteuse fabriquée par la société finlandaise Logset Oy (le fabricant) ; que, le 28 août 2010, cette abatteuse a pris feu alors qu'elle était entreposée dans un hangar appartenant à l'acquéreur, l'incendie détruisant la machine et causant des dégâts au bâtiment et aux équ

ipements ; qu'une expertise judiciaire, confirmant une expertise amiable, a co...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 8 mars 2018), que, pour les besoins de son activité d'exploitation forestière, M. Q... (l'acquéreur) a acquis, le 9 août 2007, de la société Forêt matériel service (le vendeur) une abatteuse fabriquée par la société finlandaise Logset Oy (le fabricant) ; que, le 28 août 2010, cette abatteuse a pris feu alors qu'elle était entreposée dans un hangar appartenant à l'acquéreur, l'incendie détruisant la machine et causant des dégâts au bâtiment et aux équipements ; qu'une expertise judiciaire, confirmant une expertise amiable, a conclu que l'incendie était imputable à un vice de conception de la machine ; que l'acquéreur et son assureur, la société Groupama Grand Est, ont assigné le vendeur et son assureur, la société Covea Risks, aux droits de laquelle viennent la société MMA IARD assurances mutuelles et la société MMA IARD, aux fins d'indemnisation, sur le fondement de la garantie des vices cachés ; que le vendeur et son assureur ont appelé en garantie le fabricant ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident formé par le fabricant, qui sont identiques, réunis :

Attendu que le vendeur, son assureur et le fabricant font grief à l'arrêt de prononcer la résolution de la vente conclue entre l'acquéreur et le vendeur et de prononcer la condamnation à restituer le prix de vente, à l'encontre du vendeur et de son assureur in solidum, et du fabricant dans la limite de 284 012 euros, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; qu'aux termes de l'article 565 du même code, les demandes ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que l'acquéreur et son assureur avaient seulement, devant le premier juge, demandé la condamnation du revendeur français et du fabricant finlandais, à « réparer les conséquences du sinistre », sans demander la résolution de la vente ; que, pour déclarer une telle demande recevable devant elle, la cour d'appel a relevé que le premier juge avait statué ultra petita, sans que la nullité du jugement ne soit demandée, et a énoncé que l'option offerte à l'acquéreur par l'article 1644 du code civil, en cas de vice caché, de demander ou non la résolution de la vente, peut être exercée tant qu'il n'a pas été statué sur ses prétentions par une décision passée en force de chose jugée ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations d'où il s'évinçait que la demande en résolution de la vente était nouvelle en cause d'appel, et s'est déterminée par des motifs inopérants, tirés de ce que le premier juge a statué ultra petita et de ce que l'acheteur serait admis à exercer l'option de l'article 1644 du code civil en cause d'appel, a violé les dispositions susvisées ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'en première instance, l'acquéreur et son assureur avaient sollicité, au titre de la garantie des vices cachés, la condamnation du vendeur, de son assureur et du fabricant à réparer les conséquences du sinistre, la cour d'appel, qui a fait ressortir que les demandes de résolution de la vente et de restitution du prix de vente étaient la conséquence de l'action en garantie des vices cachés et le complément de la demande d'indemnisation du préjudice, en a exactement déduit que ces demandes étaient recevables en cause d'appel ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi principal et le second moyen du pourvoi incident formé par l'acquéreur et son assureur, qui sont similaires, réunis :

Attendu que le vendeur et son assureur, et l'acquéreur et son assureur font grief à l'arrêt de limiter la condamnation du fabricant à payer la somme de 284 012 euros au titre de la restitution du prix de vente, alors, selon le moyen :

1°/ que le fabricant n'ayant pas le droit d'ignorer les défauts de la chose qu'il fabrique ne peut se prévaloir envers son revendeur d'une clause limitant l'étendue de la garantie des vices cachés qu'il lui doit ; qu'en décidant cependant que la clause limitant la garantie du fabricant à la restitution du prix, à l'exclusion de tous autres dommages devait recevoir application, la cour d'appel a violé les articles 1643 et 1645 du code civil ;

2°/ que le fabricant d'une machine n'a pas la même spécialité que son revendeur ; que, pour décider que la clause limitant la garantie du fabricant à la restitution du prix, à l'exclusion de tous autres dommages devait recevoir application, la cour d'appel a énoncé que le fabricant finlandais et le revendeur français sont des professionnels de la même spécialité, la société Logset Oy étant un fabricant de machines destinées aux exploitants forestiers et la société FMS un vendeur spécialisé dans le commerce de ce type de matériel, dont il assure en outre l'entretien ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que le fabricant finlandais de l'abatteuse et son revendeur français étaient des professionnels de même spécialité, et donc que la clause de limitation de responsabilité pouvait être opposée par le premier au second, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1643 et 1645 du code civil ;

3°/ que, si le vendeur professionnel peut opposer à l'acheteur, ayant la même spécialité que lui, une clause limitant l'étendue de la garantie des vices cachés qu'il lui doit, c'est à la condition qu'il ait ignoré le vice affectant la chose vendue ; que la cour d'appel a constaté que, selon l'expert judiciaire, l'enchevêtrement de câbles électriques sous tension traversant le bloc moteur pour relier les batteries, situées à l'arrière droit, au coupe-batterie, situé à gauche à proximité de la cabine de conduite, avec des tuyaux inflammables, est constitutif d'un vice de conception, la moindre détérioration de l'isolant du câble électrique devant produire un court-circuit, l'expert ayant encore relevé que l'absence de contact est impossible à obtenir de par la conception même de la machine, et que la vérification de l'usure des flexibles est malaisée dans la zone difficilement accessible où s'est produit le court-circuit, de sorte que l'existence d'un vice caché, consistant en la présence, dans le compartiment moteur, d'un câble électrique en permanence sous tension, « quasi collé », selon l'expert, à un tuyau de gasoil, est établie ; qu'en décidant que la clause limitant la garantie du fabricant à la restitution du prix, à l'exclusion de tous autres dommages devait recevoir application, cependant qu'il résultait de ses propres constatations qu'au moment de la vente, la société Logset, en sa qualité de fabricant, ne pouvait avoir ignoré le vice caché affectant la conception même de la machine vendue, de sorte qu'elle ne pouvait se prévaloir de la clause limitative de garantie, la cour d'appel a violé les articles 1643 et 1645 du code civil ;

4°/ que, si le vendeur professionnel peut opposer à l'acheteur, ayant la même spécialité que lui, une clause limitant l'étendue de la garantie des vices cachés qu'il lui doit, c'est à la condition que l'acheteur professionnel puisse raisonnablement déceler ce vice au moment de la vente, ce qui n'est pas le cas s'il lui faut réaliser des investigations approfondies ; que la cour d'appel a constaté que, selon l'expert judiciaire, l'enchevêtrement de câbles électriques sous tension traversant le bloc moteur pour relier les batteries, situées à l'arrière droit, au coupe-batterie, situé à gauche à proximité de la cabine de conduite, avec des tuyaux inflammables, est constitutif d'un vice de conception, la moindre détérioration de l'isolant du câble électrique devant produire un court-circuit, l'expert ayant relevé que le manuel d'instructions préconise de « vérifier l'état des durites de carburant et des flexibles hydrauliques en vous assurant qu'ils ne sont ni en contact avec d'autres éléments, ni usés » alors que l'absence de contact est impossible à obtenir de par la conception même de la machine, et que la vérification de l'usure des flexibles est malaisée dans la zone difficilement accessible où s'est produit le court-circuit ; qu'en décidant que la clause limitant la garantie du fabricant à la restitution du prix, à l'exclusion de tous autres dommages devait recevoir application, cependant qu'il résultait de ses propres constatations qu'au moment de la vente, le vendeur ne pouvait déceler le vice caché affectant la machine vendue sans procéder à des investigations particulièrement poussées, la cour d'appel a violé les articles 1643 et 1645 du code civil ;

5°/ que le sous-acquéreur, qui dispose d'une action contractuelle directe à l'encontre du fabricant de la chose vendue, au titre de la garantie des vices cachés, ne peut se voir opposer par le fabricant que les moyens de défense que celui-ci peut opposer à son propre cocontractant ; que le fabricant, qui ne peut ignorer les défauts de la chose qu'il fabrique, ne peut se prévaloir envers son revendeur, ou le sous-acquéreur qui exerce l'action appartenant à ce dernier, d'une clause limitant l'étendue de la garantie des vices cachés qu'il lui doit ; qu'en décidant cependant que la clause limitant la garantie du fabricant à la restitution du prix, à l'exclusion de tous autres dommages, devait recevoir application, la cour d'appel a violé les articles 1643 et 1645 du code civil ;

6°/ qu'en, toute hypothèse, le sous-acquéreur, qui dispose d'une action contractuelle directe à l'encontre du fabricant de la chose vendue, au titre de la garantie des vices cachés, ne peut se voir opposer par le fabricant que les moyens de défense que celui-ci peut opposer à son propre cocontractant ; que si la validité des clauses qui limitent la garantie des vices cachés ne peut être admise qu'entre professionnels de même spécialité, tel n'est pas le cas du fabricant d'une machine, qui n'a pas la même spécialité que son revendeur ; que, pour décider que la clause limitant la garantie du fabricant à la restitution du prix, à l'exclusion de tous autres dommages, devait recevoir application, la cour d'appel a énoncé que le fabricant finlandais et le revendeur français sont des professionnels de la même spécialité, la société Logset Oy étant un fabricant de machines destinées aux exploitants forestiers et la société FMS un vendeur spécialisé dans le commerce de ce type de matériel, dont il assure en outre l'entretien ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que le fabricant finlandais de l'abatteuse et son revendeur français étaient des professionnels de même spécialité, et donc que la clause limitative de responsabilité et de garantie pouvait être opposée par le fabricant à l'acquéreur et à la société Groupama, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1643 et 1645 du code civil ;

7°/ que, si le vendeur professionnel peut opposer à son acheteur professionnel, qui a la même spécialité que lui, et donc au sous-acquéreur qui exerce l'action du vendeur intermédiaire, une clause limitant l'étendue de la garantie des vices cachés qu'il lui doit, c'est à la condition qu'il ait ignoré le vice affectant la chose vendue ; que la cour d'appel a constaté que, selon l'expert judiciaire, l'enchevêtrement de câbles électriques sous tension traversant le bloc moteur pour relier les batteries, situées à l'arrière droit, au coupe-batterie, situé à gauche à proximité de la cabine de conduite, avec des tuyaux inflammables, était constitutif d'un vice de conception, la moindre détérioration de l'isolant du câble électrique devant produire un court-circuit, que l'absence de contact était impossible à obtenir de par la conception même de la machine, et que la vérification de l'usure des flexibles était malaisée dans la zone difficilement accessible où s'était produit le court-circuit, de sorte que l'existence d'un vice caché, consistant en la présence, dans le compartiment moteur, d'un câble électrique en permanence sous tension, « quasi collé », selon l'expert, à un tuyau de gasoil, était établie ; qu'en décidant que la clause limitant la garantie du fabricant à la restitution du prix, à l'exclusion de tous autres dommages, devait recevoir application, cependant qu'il résultait de ses propres constatations qu'au moment de la vente, la société Logset Oy, en sa qualité de fabricant, n'avait pas pu ignorer le vice caché affectant la conception même de la machine vendue, en sorte qu'elle ne pouvait se prévaloir de la clause limitative de garantie, la cour d'appel a violé les articles 1643 et 1645 du code civil ;

8°/ que, si le vendeur professionnel peut opposer à son acheteur professionnel, qui a la même spécialité que lui, et donc au sous-acquéreur qui exerce l'action du vendeur intermédiaire, une clause limitant l'étendue de la garantie des vices cachés qu'il lui doit, c'est à la condition que l'acheteur professionnel puisse raisonnablement déceler ce vice au moment de la vente ; que tel n'est pas le cas s'il lui faut réaliser des investigations approfondies ; que la cour d'appel a constaté que, selon l'expert judiciaire, l'enchevêtrement de câbles électriques sous tension traversant le bloc moteur pour relier les batteries, situées à l'arrière droit, au coupe-batterie, situé à gauche à proximité de la cabine de conduite, avec des tuyaux inflammables, était constitutif d'un vice de conception, la moindre détérioration de l'isolant du câble électrique devant produire un court-circuit, que le manuel d'instructions préconisait de « vérifier l'état des durites de carburant et des flexibles hydrauliques en vous assurant qu'ils ne sont ni en contact avec d'autres éléments, ni usés », alors que l'absence de contact était impossible à obtenir de par la conception même de la machine, et que la vérification de l'usure des flexibles était malaisée dans la zone difficilement accessible où s'était produit le court-circuit ; qu'en décidant que la clause limitant la garantie du fabricant à la restitution du prix, à l'exclusion de tous autres dommages, devait recevoir application, cependant qu'il résultait de ses propres constatations qu'au moment de la vente, le vendeur ne pouvait déceler le vice caché affectant la machine vendue sans procéder à des investigations particulièrement poussées, la cour d'appel a violé les articles 1643 et 1645 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, que le fabricant n'étant présumé connaître les vices affectant la chose vendue qu'à l'égard de l'acquéreur profane, une clause limitative ou exclusive de garantie des vices cachés est opposable à un acheteur professionnel de même spécialité que celui qui lui vend la chose, sauf pour le premier à rapporter la preuve que le second avait une connaissance effective du vice relevant de la mauvaise foi ;

Attendu, ensuite, qu'ayant relevé que le fabricant produisait des machines destinées aux exploitants forestiers et que le vendeur était spécialisé dans le commerce de ce type de matériels dont il assurait l'entretien, la cour d'appel en a souverainement déduit que ces deux sociétés étaient des professionnels de même spécialité ;

Attendu, enfin, qu'après avoir exactement énoncé que, l'action engagée par l'acheteur final à l'encontre du fabricant étant de nature contractuelle, ce dernier est fondé à opposer au premier les moyens de défense dont il peut se prévaloir envers le vendeur intermédiaire, elle a relevé que la simple ouverture du capot du compartiment moteur permettait de constater un enchevêtrement de câbles et de tuyaux révélant, pour un professionnel, une conception très spécifique ; qu'elle en a justement déduit que la clause limitative de garantie devait recevoir application, dans les rapports entre le fabricant, le vendeur et l'acquéreur ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa troisième branche comme étant nouveau et mélangé de fait en ce que ni le vendeur et son assureur, ni l'acquéreur et son assureur n'ont soutenu en cause d'appel que le fabricant aurait eu une connaissance effective du vice affectant la machine, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident formé par l'acquéreur et son assureur :

Attendu que l'acquéreur et son assureur font grief à l'arrêt de condamner in solidum le vendeur et son assureur à payer à l'assureur de l'acquéreur une indemnité limitée à la somme de 57 300 euros au titre des frais de gardiennage de la machine, outre intérêts au taux légal, alors, selon le moyen, que le juge doit, en toutes circonstances, faire respecter et respecter lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, la société Groupama a demandé, au titre des frais de gardiennage de la machine, le versement d'une somme de 62 110,80 euros pour les frais arrêtés au 31 août 014, et une somme complémentaire de 43 032 euros pour les frais engagés du 1er septembre 2014 au 18 avril 2016 ; qu'aucune partie n'a contesté le tarif journalier des frais pratiqués par la société Gest Lease, ni son augmentation pour la période postérieure au 1er septembre 2012 ; qu'en opposant, néanmoins, à la demande à ce titre l'absence de toute explication à l'augmentation des frais de gardiennage pratiqués par la société Gest Lease et l'absence de tout justificatif d'une acceptation des tarifs de cette société par l'acquéreur, autant d'éléments qui n'avaient pas été discutés, sans avoir préalablement invité les parties à formuler leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en procédant souverainement, au vu des éléments de fait qui étaient dans le débat, à l'évaluation du préjudice résultant des frais de gardiennage de la machine, c'est sans méconnaître le principe de la contradiction que la cour d'appel a retenu qu'en l'absence de toute explication à l'augmentation des frais pratiqués par la société de gardiennage et de tout justificatif d'une acceptation des tarifs de cette société par l'acquéreur, l'indemnisation devait être limitée à la somme de 30 euros hors taxes par jour ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi principal et les pourvois incidents ;

Condamne la société Forêt matériel service et les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Forêt matériel service et les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD, demanderesses au pourvoi principal.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résolution de la vente de l'abatteuse forestière conclue le 9 août 2007 entre la société Forêt matériel service et M. H... Q... et condamné in solidum la société Forêt matériel service et les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD à payer, au titre de la restitution du prix de vente, la somme de 293 000 euros à la société Groupama Grand Est et celle de 176 878,50 euros à M. H... Q..., avec intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2015,

Aux motifs que « sur, la résolution de la vente et la restitution du prix, en première instance, M. Q... et la société Groupama sollicitaient la condamnation de la société FMS, de son assureur et de la société Logset Oy à "réparer les conséquences du sinistre", en leur payant des sommes de 383 966 euros pour la société Groupama et 108 848 euros pour M. Q..., soit au total 492 814 euros ; qu'en allouant aux demandeurs des sommes d'un montant total de 698 228,10 euros, ainsi qu'en ordonnant à la société FMS, qui plus est sous astreinte, de reprendre possession de l'abatteuse, alors que la résolution de la vente n'était pas demandée, le tribunal a incontestablement statué ultra petita ; que, cette situation peut donner lieu soit à rectification du jugement, sur le fondement de l'article 464 du code civil, soit à annulation du jugement pour excès de pouvoir, en cas de dénaturation des conclusions des parties ou de méconnaissance des termes du litige ; qu'en l'espèce, l'annulation du jugement n'est demandée par aucune partie ; que le jugement déféré devrait dès lors être infirmé en ses dispositions excédant les prétentions des demandeurs en première instance ; que, toutefois, M. Q... et la société Groupama modifient leurs prétentions, pour le cas où il serait jugé que le premier juge a statué ultra petita, et sollicitent dans cette hypothèse la résolution de la vente et la restitution du prix ; que l'option offerte à l'acquéreur par l'article 1644 du code civil, en cas de vice caché, de demander ou non la résolution de la vente, peut être exercée tant qu'il n'a pas été statué sur ses prétentions par une décision passée en force de chose jugée ; qu'il s'ensuit qu'en l'espèce M. Q... est recevable à solliciter, en cause d'appel, la résolution de la vente, et la restitution du prix qui en est la conséquence, quand bien même il n'avait demandé en première instance que l'indemnisation de son préjudice ; que, compte tenu de la gravité du vice caché affectant la machine vendue, il convient d'accueillir la demande de résolution de la vente entre la société FMS et M. Q..., sollicitée par celui-ci en cause d'appel, et, par voie de conséquence, d'ordonner la restitution par la société FMS du prix de cette vente, soit la somme de 469 878,50 euros, à répartir entre la société Groupama, subrogée dans les droits de M. Q..., à concurrence de l'indemnité 293 000 euros qu'elle a versée à son assuré, le surplus, soit 176 878,50 euros revenant à M. Q.... Ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du jugement déféré, qui en a ordonné le paiement ; que, s'agissant de la demande formée par M. Q... et la société Groupama contre la société Logset Oy, cette dernière fait valoir à bon droit qu'elle ne peut être tenue, au titre de la restitution du prix, au paiement d'une somme supérieure au montant du prix qu'elle-même a perçu de la société FMS, soit la somme de 284 012 euros. La société Logset Oy sera donc condamnée in solidum avec la société FMS à restituer le prix de vente, mais dans la limite de 284 012 euros » ;

Alors que, aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; qu'aux termes de l'article 565 du même code, les demandes ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que M. Q... et son assureur avaient seulement, devant le premier juge, demandé la condamnation du revendeur français et du fabricant finlandais, à « réparer les conséquences du sinistre », sans demander la résolution de la vente ; que, pour déclarer une telle demande recevable devant elle, la cour d'appel a relevé que le premier juge avait statué ultra petita, sans que la nullité du jugement ne soit demandée, et a énoncé que l'option offerte à l'acquéreur par l'article 1644 du code civil, en cas de vice caché, de demander ou non la résolution de la vente, peut être exercée tant qu'il n'a pas été statué sur ses prétentions par une décision passée en force de chose jugée ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations d'où il s'évinçait que la demande en résolution de la vente était nouvelle en cause d'appel, et s'est déterminée par des motifs inopérants, tirés de ce que le premier juge a statué ultra petita et de ce que l'acheteur serait admis à exercer l'option de l'article 1644 du code civil en cause d'appel, a violé les dispositions susvisées.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir seulement condamné la société Logset Oy à garantir la société Forêt matériel service et les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD de la condamnation au titre de la restitution du prix de vente, à concurrence de 284 012 euros,
Aux motifs que « (
) sur l'existence d'un vice caché et la cause de l'incendie, se fondant sur ses propres constatations, sur des photographies produites par les parties, et sur les résultats d'analyses de prélèvements effectués en cours d'expertise, l'expert a, d'une part, localisé le départ de feu dans le compartiment moteur, au niveau du chevauchement du câble positif de la batterie et d'un tuyau de gasoil, et, d'autre part, décrit le scénario ayant provoqué le court-circuit à l'origine de l'incendie, du fait de l'usure des gaines isolantes sous l'effet des vibrations du moteur ; que, selon l'expert judiciaire, l'enchevêtrement de câbles électriques sous tension traversant le bloc moteur pour relier les batteries, situées à l'arrière droit, au coupe-batterie, situé à gauche à proximité de la cabine de conduite, avec des tuyaux inflammables, est constitutif d'un vice de conception, la moindre détérioration de l'isolant du câble électrique devant produire un court-circuit ; que l'expert a relevé que le manuel d'instructions préconise de "vérifier l'état des durites de carburant et des flexibles hydrauliques en vous assurant qu'ils ne sont ni en contact avec d'autres éléments, ni usés" alors que l'absence de contact est impossible à obtenir de par la conception même de la machine, et que la vérification de l'usure des flexibles est malaisée dans la zone difficilement accessible où s'est produit le court-circuit ; qu'en considération de ces éléments, l'existence d'un vice caché, consistant en la présence, dans le compartiment moteur, d'un câble électrique en permanence sous tension, "quasi collé ", selon l'expert, à un tuyau de gasoil, est établie ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu de retenir, comme le demande subsidiairement la société Logset Oy, que des manquements imputables soit à la société FMS, soit à M. Q..., auraient également contribué à la survenance de l'incendie ; qu'en effet, l'expert n'a relevé aucun défaut d'entretien de la machine. En outre, seul le remplacement du câble électrique dont l'isolant était usé par frottement aurait pu empêcher l'incendie. Or, l'usure du câble dans une zone difficile d'accès n'était pas facilement décelable et le manuel d'instructions ne préconisait pas le remplacement du câble après seulement trois années (2 900 heures) d'utilisation ; qu'enfin, il a été vu ci-dessus que le fait pour M. Q... d'entreposer des tuyaux flexibles dans le parechoc creux de la machine, non destiné à cet usage, n'a joué aucun rôle dans la survenance de l'incendie ; qu'il convient donc de retenir que le vice caché affectant la machine a été l'unique cause de l'incendie ; que, sur les conséquences du vice caché, sur l'application de la clause limitative de garantie, les conditions générales de vente de la société Logset Oy, qui ne sont produites qu'en langue anglaise, contiennent une clause limitative de garantie, dont les parties s'accordent pour admettre qu'elle limite la garantie du vendeur à la restitution du prix, à l'exclusion de tous autres dommages, sauf "extrême négligence" (gross negligence en anglais) du vendeur ; que le vice de conception affectant la machine litigieuse ne peut être assimilé à un cas d'extrême négligence, de sorte que la clause a vocation à s'appliquer ; que, si la clause ne figurait pas sur la facture d'achat de la machine, elle était stipulée dans la "price sheet", c'est-à-dire le bon de commande approuvé par l'acheteur selon courrier du 25 avril 2007. De plus, cette "price sheet" était établie à l'occasion de chaque commande et il existait un courant d'affaires important entre la société Logset Oy et la société FMS, de 11 millions d'euros entre 2002 et 2007, la seconde étant le revendeur exclusif en France des machines fabriquées par la première ; que, dès lors, la clause limitative de garantie avait nécessairement été acceptée par la société FMS ; que, par ailleurs, la société Logset Oy et la société FMS sont des professionnels de la même spécialité, la société Logset Oy étant un fabricant de machines destinées aux exploitants forestiers et la société FMS un vendeur spécialisé dans le commerce de ce type de matériel, dont il assure en outre l'entretien ; que la société FMS n'est pas fondée à prétendre que la clause lui serait néanmoins inopposable en raison du caractère indécelable pour elle du vice. En effet, il résulte du rapport d'expertise que la simple ouverture du capot du compartiment moteur permettait de constater un enchevêtrement de câbles et de tuyaux révélant, pour un professionnel, une conception très spécifique ; que, de surcroît, un professionnel pouvait déceler la contradiction entre cette conception et la notice d'entretien, qui spécifiait la nécessité de vérifier l'absence de contacts des durites de carburant et flexibles hydrauliques avec d'autres éléments ; que, pas plus qu'il n'est constitutif d'une "extrême négligence" du fabricant, le vice de conception de la machine ne peut être qualifié de faute lourde de nature à interdire au fabricant de se prévaloir de la clause limitative de garantie ; qu'enfin, cette clause, librement convenue entre professionnels, ne crée pas de déséquilibre significatif entre eux, le fabricant demeurant tenu à garantie à concurrence du prix de la machine ; que la clause limitative de garantie doit donc recevoir application, non seulement dans les rapports entre la société Logset Oy et la société FMS, mais aussi, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, dans les rapports entre la société Logset Oy et M. Q..., car l'action du sous-acquéreur contre le fabricant est de nature contractuelle, le second étant dès lors fondé à opposer au premier tous les moyens de défense qu'il peut opposer à son propre cocontractant » ;

Alors 1°) que le fabricant n'ayant pas le droit d'ignorer les défauts de la chose qu'il fabrique ne peut se prévaloir envers son revendeur d'une clause limitant l'étendue de la garantie des vices cachés qu'il lui doit ; qu'en décidant cependant que la clause limitant la garantie du fabricant à la restitution du prix, à l'exclusion de tous autres dommages devait recevoir application, la cour d'appel a violé les articles 1643 et 1645 du code civil ;

Alors 2°) et en toute hypothèse que le fabricant d'une machine n'a pas la même spécialité que son revendeur ; que, pour décider que la clause limitant la garantie du fabricant à la restitution du prix, à l'exclusion de tous autres dommages devait recevoir application, la cour d'appel a énoncé que le fabricant finlandais et le revendeur français sont des professionnels de la même spécialité, la société Logset Oy étant un fabricant de machines destinées aux exploitants forestiers et la société FMS un vendeur spécialisé dans le commerce de ce type de matériel, dont il assure en outre l'entretien ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que le fabricant finlandais de l'abatteuse et son revendeur français étaient des professionnels de même spécialité, et donc que la clause de limitation de responsabilité pouvait être opposée par le première au second, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1643 et 1645 du code civil ;

Alors 3°) et en toute hypothèse que, si le vendeur professionnel peut opposer à l'acheteur, ayant la même spécialité que lui, une clause limitant l'étendue de la garantie des vices cachés qu'il lui doit, c'est à la condition qu'il ait ignoré le vice affectant la chose vendue ; que la cour d'appel a constaté que, selon l'expert judiciaire, l'enchevêtrement de câbles électriques sous tension traversant le bloc moteur pour relier les batteries, situées à l'arrière droit, au coupe-batterie, situé à gauche à proximité de la cabine de conduite, avec des tuyaux inflammables, est constitutif d'un vice de conception, la moindre détérioration de l'isolant du câble électrique devant produire un court-circuit, l'expert ayant encore relevé que l'absence de contact est impossible à obtenir de par la conception même de la machine, et que la vérification de l'usure des flexibles est malaisée dans la zone difficilement accessible où s'est produit le court-circuit, de sorte que l'existence d'un vice caché, consistant en la présence, dans le compartiment moteur, d'un câble électrique en permanence sous tension, "quasi collé", selon l'expert, à un tuyau de gasoil, est établie ; qu'en décidant que la clause limitant la garantie du fabricant à la restitution du prix, à l'exclusion de tous autres dommages devait recevoir application, cependant qu'il résultait de ses propres constatations qu'au moment de la vente, la société Logset, en sa qualité de fabricant, ne pouvait avoir ignoré le vice caché affectant la conception même de la machine vendue, de sorte qu'elle ne pouvait se prévaloir de la clause limitative de garantie, la cour d'appel a violé les articles 1643 et 1645 du code civil ;

Alors 4°) et en toute hypothèse que, si le vendeur professionnel peut opposer à l'acheteur, ayant la même spécialité que lui, une clause limitant l'étendue de la garantie des vices cachés qu'il lui doit, c'est à la condition que l'acheteur professionnel puisse raisonnablement déceler ce vice au moment de la vente, ce qui n'est pas le cas s'il lui faut réaliser des investigations approfondies ; que la cour d'appel a constaté que, selon l'expert judiciaire, l'enchevêtrement de câbles électriques sous tension traversant le bloc moteur pour relier les batteries, situées à l'arrière droit, au coupe-batterie, situé à gauche à proximité de la cabine de conduite, avec des tuyaux inflammables, est constitutif d'un vice de conception, la moindre détérioration de l'isolant du câble électrique devant produire un court-circuit, l'expert ayant relevé que le manuel d'instructions préconise de "vérifier l'état des durites de carburant et des flexibles hydrauliques en vous assurant qu'ils ne sont ni en contact avec d'autres éléments, ni usés" alors que l'absence de contact est impossible à obtenir de par la conception même de la machine, et que la vérification de l'usure des flexibles est malaisée dans la zone difficilement accessible où s'est produit le court-circuit ; qu'en décidant que la clause limitant la garantie du fabricant à la restitution du prix, à l'exclusion de tous autres dommages devait recevoir application, cependant qu'il résultait de ses propres constatations qu'au moment de la vente, la société FMS ne pouvait déceler le vice caché affectant la machine vendue sans procéder à des investigations particulièrement poussées, la cour d'appel a violé les articles 1643 et 1645 du code civil. Moyens produits par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour M. Q... et la société Groupama Grand Est, demandeurs au pourvoi incident.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné in solidum les sociétés FMS, MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, à verser à la société Groupama une indemnité limitée à la somme de 57 300 euros au titre des frais de gardiennage de la machine, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt,

Aux motifs que l'abatteuse est stationnée depuis le 18 février 2011 sur le parc sécurisé de la société Gest Lease, qui a facturé des frais de gardiennage à hauteur de 30 euros hors taxes par jour jusqu'au 1er septembre 2012, puis à hauteur de 45 euros hors taxes par jour jusqu'au 23 janvier 2014, et enfin à hauteur de 55 euros hors taxes par jour à compter de cette date jusqu'au 11 mai 2016, date à laquelle la machine a été reprise par la société FMS ; que la société Groupama demande que la somme de 62 110,80 euros retenue par les premiers juges au titre des frais de gardiennage arrêtés au 31 août 2014 lui soit allouée en totalité et elle réclame une somme complémentaire de 43 032 euros pour les frais de gardiennage du 1er septembre 2014 au 18 avril 2016 ; que la société FMS conteste devoir supporter ces frais postérieurement au 31 août 2012, date du rapport d'expertise, au motif que la nécessité de conserver la machine après cette date résultait exclusivement de la demande de contre-expertise formée par la société Logset Oy ; que la conservation de la machine litigieuse postérieurement à l'expertise judiciaire a été rendue nécessaire non seulement par la demande de la société Logset Oy tendant à ce que soit ordonnée une nouvelle expertise, mais aussi par la résistance de la société FMS et de son assureur aux prétentions de M. Q... et de la société Groupama, et au fait qu'elles se sont associées aux moyens développés par la société Logset Oy pour contester l'origine du sinistre déterminée par l'expert judiciaire ; qu'en l'absence de toute explication à l'augmentation des frais de gardiennage pratiqués par la société Gest Lease et de tout justificatif d'une acceptation des tarifs de cette société par M. Q..., l'indemnisation du gardiennage de la machine doit être limitée à la somme de 30 euros hors taxes par jour, soit, du 18 février 2011 au 11 mai 2016 : 30 x 1910 = 57 300 hors taxes,

Alors que le juge doit, en toutes circonstances, faire respecter et respecter lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, la société Groupama a demandé, au titre des frais de gardiennage de la machine, le versement d'une somme de 62 110,80 euros pour les frais arrêtés au 31 août 2014, et une somme complémentaire de 43 032 euros pour les frais engagés du 1er septembre 2014 au 18 avril 2016 ; qu'aucune partie n'a contesté le tarif journalier des frais pratiqués par la société Gest Lease, ni son augmentation pour la période postérieure au 1er septembre 2012 ; qu'en opposant néanmoins à la demande à ce titre l'absence de toute explication à l'augmentation des frais de gardiennage pratiqués par la société Gest Lease et l'absence de tout justificatif d'une acceptation des tarifs de cette société par M. Q..., autant d'éléments qui n'avaient pas été discutés, sans avoir préalablement invité les parties à formuler leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt d'avoir limité la condamnation de la société Logset Oy à l'égard de M. Q... et de la société Groupama, in solidum avec les sociétés FMS, MMA Iard et MMA Iard Assurances mutuelles, à la restitution du prix de vente, à concurrence de 284 012 euros,

Aux motifs que sur l'existence d'un vice caché et la cause de l'incendie, se fondant sur ses propres constatations, sur des photographies produites par les parties, et sur les résultats d'analyses de prélèvements effectués en cours d'expertise, l'expert a, d'une part, localisé le départ de feu dans le compartiment moteur, au niveau du chevauchement du câble positif de la batterie et d'un tuyau de gasoil, et, d'autre part, décrit le scénario ayant provoqué le court-circuit à l'origine de l'incendie, du fait de l'usure des gaines isolantes sous l'effet des vibrations du moteur ; que, selon l'expert judiciaire, l'enchevêtrement de câbles électriques sous tension traversant le bloc moteur pour relier les batteries, situées à l'arrière droit, au coupe-batterie, situé à gauche à proximité de la cabine de conduite, avec des tuyaux inflammables, est constitutif d'un vice de conception, la moindre détérioration de l'isolant du câble électrique devant produire un court-circuit ; que l'expert a relevé que le manuel d'instructions préconise de « vérifier l'état des durites de carburant et des flexibles hydrauliques en vous assurant qu'ils ne sont ni en contact avec d'autres éléments, ni usés », alors que l'absence de contact est impossible à obtenir de par la conception même de la machine, et que la vérification de l'usure des flexibles est malaisée dans la zone difficilement accessible où s'est produit le court-circuit ; qu'en considération de ces éléments, l'existence d'un vice caché, consistant en la présence, dans le compartiment moteur, d'un câble électrique en permanence sous tension, « quasi collé », selon l'expert, à un tuyau de gasoil, est établie ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu de retenir, comme le demande subsidiairement la société Logset Oy, que des manquements imputables soit à la société FMS, soit à M. Q..., auraient également contribué à la survenance de l'incendie ; qu'en effet, l'expert n'a relevé aucun défaut d'entretien de la machine ; qu'en outre, seul le remplacement du câble électrique dont l'isolant était usé par frottement aurait pu empêcher l'incendie ; qu'or, l'usure du câble dans une zone difficile d'accès n'était pas facilement décelable et le manuel d'instructions ne préconisait pas le remplacement du câble après seulement trois années (2 900 heures) d'utilisation ; qu'enfin, il a été vu ci-dessus que le fait pour M. Q... d'entreposer des tuyaux flexibles dans le parechoc creux de la machine, non destiné à cet usage, n'a joué aucun rôle dans la survenance de l'incendie ; qu'il convient donc de retenir que le vice caché affectant la machine a été l'unique cause de l'incendie ; que, sur les conséquences du vice caché, sur l'application de la clause limitative de garantie, les conditions générales de vente de la société Logset Oy, qui ne sont produites qu'en langue anglaise, contiennent une clause limitative de garantie, dont les parties s'accordent pour admettre qu'elle limite la garantie du vendeur à la restitution du prix, à l'exclusion de tous autres dommages, sauf « extrême négligence » (gross negligence en anglais) du vendeur ; que le vice de conception affectant la machine litigieuse ne peut être assimilé à un cas d'extrême négligence, de sorte que la clause a vocation à s'appliquer ; que, si la clause ne figurait pas sur la facture d'achat de la machine, elle était stipulée dans la « price sheet », c'est-à-dire le bon de commande approuvé par l'acheteur selon courrier du 25 avril 2007 ; que de plus, cette « price sheet » était établie à l'occasion de chaque commande et il existait un courant d'affaires important entre la société Logset Oy et la société FMS, de 11 millions d'euros entre 2002 et 2007, la seconde étant le revendeur exclusif en France des machines fabriquées par la première ; que, dès lors, la clause limitative de garantie avait nécessairement été acceptée par la société FMS ; que, par ailleurs, la société Logset Oy et la société FMS sont des professionnels de la même spécialité, la société Logset Oy étant un fabricant de machines destinées aux exploitants forestiers et la société FMS un vendeur spécialisé dans le commerce de ce type de matériel, dont il assure en outre l'entretien ; que la société FMS n'est pas fondée à prétendre que la clause lui serait néanmoins inopposable en raison du caractère indécelable pour elle du vice ; qu'en effet, il résulte du rapport d'expertise que la simple ouverture du capot du compartiment moteur permettait de constater un enchevêtrement de câbles et de tuyaux révélant, pour un professionnel, une conception très spécifique ; que, de surcroît, un professionnel pouvait déceler la contradiction entre cette conception et la notice d'entretien, qui spécifiait la nécessité de vérifier l'absence de contacts des durites de carburant et flexibles hydrauliques avec d'autres éléments ; que, pas plus qu'il n'est constitutif d'une « extrême négligence » du fabricant, le vice de conception de la machine ne peut être qualifié de faute lourde de nature à interdire au fabricant de se prévaloir de la clause limitative de garantie ; qu'enfin, cette clause, librement convenue entre professionnels, ne crée pas de déséquilibre significatif entre eux, le fabricant demeurant tenu à garantie à concurrence du prix de la machine ; que la clause limitative de garantie doit donc recevoir application, non seulement dans les rapports entre la société Logset Oy et la société FMS, mais aussi, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, dans les rapports entre la société Logset Oy et M. Q..., car l'action du sous-acquéreur contre le fabricant est de nature contractuelle, le second étant dès lors fondé à opposer au premier tous les moyens de défense qu'il peut opposer à son propre cocontractant,

Alors, d'une part, que le sous-acquéreur, qui dispose d'une action contractuelle directe à l'encontre du fabricant de la chose vendue, au titre de la garantie des vices cachés, ne peut se voir opposer par le fabricant que les moyens de défense que celui-ci peut opposer à son propre co-contractant ; que le fabricant, qui ne peut ignorer les défauts de la chose qu'il fabrique, ne peut se prévaloir envers son revendeur, ou le sous-acquéreur qui exerce l'action appartenant à ce dernier, d'une clause limitant l'étendue de la garantie des vices cachés qu'il lui doit ; qu'en décidant cependant que la clause limitant la garantie du fabricant à la restitution du prix, à l'exclusion de tous autres dommages, devait recevoir application, la cour d'appel a violé les articles 1643 et 1645 du code civil,

Alors, d'autre part, qu'en toute hypothèse, le sous-acquéreur, qui dispose d'une action contractuelle directe à l'encontre du fabricant de la chose vendue, au titre de la garantie des vices cachés, ne peut se voir opposer par le fabricant que les moyens de défense que celui-ci peut opposer à son propre co-contractant ; que si la validité des clauses qui limitent la garantie des vices cachés ne peut être admise qu'entre professionnels de même spécialité, tel n'est pas le cas du fabricant d'une machine, qui n'a pas la même spécialité que son revendeur ; que, pour décider que la clause limitant la garantie du fabricant à la restitution du prix, à l'exclusion de tous autres dommages, devait recevoir application, la cour d'appel a énoncé que le fabricant finlandais et le revendeur français sont des professionnels de la même spécialité, la société Logset Oy étant un fabricant de machines destinées aux exploitants forestiers et la société FMS un vendeur spécialisé dans le commerce de ce type de matériel, dont il assure en outre l'entretien ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que le fabricant finlandais de l'abatteuse et son revendeur français étaient des professionnels de même spécialité, et donc que la clause limitative de responsabilité et de garantie pouvait être opposée par la société Logset Oy à M. Q... et à la société Groupama, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1643 et 1645 du code civil,

Alors, par ailleurs, qu'en toute hypothèse, si le vendeur professionnel peut opposer à son acheteur professionnel, qui a la même spécialité que lui, et donc au sous-acquéreur qui exerce l'action du vendeur intermédiaire, une clause limitant l'étendue de la garantie des vices cachés qu'il lui doit, c'est à la condition qu'il ait ignoré le vice affectant la chose vendue ; que la cour d'appel a constaté que, selon l'expert judiciaire, l'enchevêtrement de câbles électriques sous tension traversant le bloc moteur pour relier les batteries, situées à l'arrière droit, au coupe-batterie, situé à gauche à proximité de la cabine de conduite, avec des tuyaux inflammables, était constitutif d'un vice de conception, la moindre détérioration de l'isolant du câble électrique devant produire un court-circuit, que l'absence de contact était impossible à obtenir de par la conception même de la machine, et que la vérification de l'usure des flexibles était malaisée dans la zone difficilement accessible où s'était produit le court-circuit, de sorte que l'existence d'un vice caché, consistant en la présence, dans le compartiment moteur, d'un câble électrique en permanence sous tension, « quasi collé », selon l'expert, à un tuyau de gasoil, était établie ; qu'en décidant que la clause limitant la garantie du fabricant à la restitution du prix, à l'exclusion de tous autres dommages, devait recevoir application, cependant qu'il résultait de ses propres constatations qu'au moment de la vente, la société Logset Oy, en sa qualité de fabricant, n'avait pas pu ignorer le vice caché affectant la conception même de la machine vendue, en sorte qu'elle ne pouvait se prévaloir de la clause limitative de garantie, la cour d'appel a violé les articles 1643 et 1645 du code civil,

Alors, enfin, qu'en toute hypothèse, si le vendeur professionnel peut opposer à son acheteur professionnel, qui a la même spécialité que lui, et donc au sous-acquéreur qui exerce l'action du vendeur intermédiaire, une clause limitant l'étendue de la garantie des vices cachés qu'il lui doit, c'est à la condition que l'acheteur professionnel puisse raisonnablement déceler ce vice au moment de la vente ; que tel n'est pas le cas s'il lui faut réaliser des investigations approfondies ; que la cour d'appel a constaté que, selon l'expert judiciaire, l'enchevêtrement de câbles électriques sous tension traversant le bloc moteur pour relier les batteries, situées à l'arrière droit, au coupe-batterie, situé à gauche à proximité de la cabine de conduite, avec des tuyaux inflammables, était constitutif d'un vice de conception, la moindre détérioration de l'isolant du câble électrique devant produire un court-circuit, que le manuel d'instructions préconisait de « vérifier l'état des durites de carburant et des flexibles hydrauliques en vous assurant qu'ils ne sont ni en contact avec d'autres éléments, ni usés », alors que l'absence de contact était impossible à obtenir de par la conception même de la machine, et que la vérification de l'usure des flexibles était malaisée dans la zone difficilement accessible où s'était produit le court-circuit ; qu'en décidant que la clause limitant la garantie du fabricant à la restitution du prix, à l'exclusion de tous autres dommages, devait recevoir application, cependant qu'il résultait de ses propres constatations qu'au moment de la vente, la société FMS ne pouvait déceler le vice caché affectant la machine vendue sans procéder à des investigations particulièrement poussées, la cour d'appel a violé les articles 1643 et 1645 du code civil. Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Logset Oy, demandereresse au pourvoi incident.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la résolution de la vente de l'abatteuse forestière conclue le 9 août 2007 entre la société FORET MATÉRIEL SERVICE et M. Q..., et d'AVOIR condamné la société LOGSET OY, dans la limite de 284.012 €, à payer, au titre de la restitution du prix de vente la somme de 293.000 € à la société GROUPAMA GRAND EST et la somme de 176.878,50 € à M. Q..., avec intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2015 ;

AUX MOTIFS QUE « sur, la résolution de la vente et la restitution du prix, en première instance, M. Q... et la société Groupama sollicitaient la condamnation de la société FMS, de son assureur et de la société Logset Oy à "réparer les conséquences du sinistre", en leur payant des sommes de 383.966 euros pour la société Groupama et 108.848 euros pour M. Q..., soit au total 492.814 euros ; qu'en allouant aux demandeurs des sommes d'un montant total de 698.228,10 euros, ainsi qu'en ordonnant à la société FMS, qui plus est sous astreinte, de reprendre possession de l'abatteuse, alors que la résolution de la vente n'était pas demandée, le tribunal a incontestablement statué ultra petita ; que, cette situation peut donner lieu soit à rectification du jugement, sur le fondement de l'article 464 du code civil, soit à annulation du jugement pour excès de pouvoir, en cas de dénaturation des conclusions des parties ou de méconnaissance des termes du litige ; qu'en l'espèce, l'annulation du jugement n'est demandée par aucune partie ; que le jugement déféré devrait dès lors être infirmé en ses dispositions excédant les prétentions des demandeurs en première instance ; que, toutefois, M. Q... et la société Groupama modifient leurs prétentions, pour le cas où il serait jugé que le premier juge a statué ultra petita, et sollicitent dans cette hypothèse la résolution de la vente et la restitution du prix ; que l'option offerte à l'acquéreur par l'article 1644 du code civil, en cas de vice caché, de demander ou non la résolution de la vente, peut être exercée tant qu'il n'a pas été statué sur ses prétentions par une décision passée en force de chose jugée ; qu'il s'ensuit qu'en l'espèce M. Q... est recevable à solliciter, en cause d'appel, la résolution de la vente, et la restitution du prix qui en est la conséquence, quand bien même il n'avait demandé en première instance que l'indemnisation de son préjudice ; que, compte tenu de la gravité du vice caché affectant la machine vendue, il convient d'accueillir la demande de résolution de la vente entre la société FMS et M. Q..., sollicitée par celui-ci en cause d'appel, et, par voie de conséquence, d'ordonner la restitution par la société FMS du prix de cette vente, soit la somme de 469.878,50 euros, à répartir entre la société Groupama, subrogée dans les droits de M. Q..., à concurrence de l'indemnité 293.000 euros qu'elle a versée à son assuré, le surplus, soit 176.878,50 euros revenant à M. Q... ; que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du jugement déféré, qui en a ordonné le paiement ; que, s'agissant de la demande formée par M. Q... et la société Groupama contre la société Logset Oy, cette dernière fait valoir à bon droit qu'elle ne peut être tenue, au titre de la restitution du prix, au paiement d'une somme supérieure au montant du prix qu'elle-même a perçu de la société FMS, soit la somme de 284.012 euros ; que la société Logset Oy sera donc condamnée in solidum avec la société FMS à restituer le prix de vente, mais dans la limite de 284.012 euros » ;

ALORS QU'aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; qu'aux termes de l'article 565 du même code, les demandes ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que M. Q... et son assureur avaient seulement, devant le premier juge, demandé la condamnation du revendeur français et du fabricant finlandais, à « réparer les conséquences du sinistre », sans demander la résolution de la vente ; que, pour déclarer une telle demande recevable devant elle, la cour d'appel a relevé que le premier juge avait statué ultra petita, sans que la nullité du jugement ne soit demandée, et a énoncé que l'option offerte à l'acquéreur par l'article 1644 du code civil, en cas de vice caché, de demander ou non la résolution de la vente, peut être exercée tant qu'il n'a pas été statué sur ses prétentions par une décision passée en force de chose jugée ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations d'où il s'évinçait que la demande en résolution de la vente était nouvelle en cause d'appel, et s'est déterminée par des motifs inopérants, tirés de ce que le premier juge a statué ultra petita et de ce que l'acheteur serait admis à exercer l'option de l'article 1644 du code civil en cause d'appel, a violé les dispositions susvisées.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-18402
Date de la décision : 27/11/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 08 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 27 nov. 2019, pourvoi n°18-18402


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Delvolvé et Trichet, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.18402
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