LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur, ci-après annexé :
Attendu que sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de défaut de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation des éléments de fait et de preuve par les juges du fond, qui, sans relever un moyen d'office, ont retenu qu'en se bornant à adresser au salarié une liste de postes correspondant à des besoins d'emploi et en se réservant la possibilité d'étudier leur compatibilité avec les compétences professionnelles de l'intéressé, l'employeur n'avait pas formulé des offres de reclassement personnalisées et précises et ainsi satisfait à son obligation de reclassement ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;
Condamne la société Graphito création aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Graphito création à payer à M. S... la somme de 1 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Graphito création (demanderesse au pourvoi principal).
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement économique de M. S... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et, en conséquence, d'AVOIR condamné la société Graphito Création à lui verser les sommes de 26 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 15 246 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1 524 euros au titre des congés payés afférents, de lui AVOIR enjoint de remettre à M. S... le bulletin de salaire du mois de juillet 2014 et l'attestation Pôle Emploi rectifiés conformément à l'arrêt, et de l'AVOIR condamnée, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, à rembourser à l'organisme intéressé, dans la limite de six mois, les indemnités chômage versées au salarié, du jour de son licenciement à celui de l'arrêt, sous déduction de la contribution prévue à l'article L. 1233-69 du code du travail ;
AUX MOTIFS QU'à supposer que le motif économique tiré de la réorganisation de la société pour sauvegarder la compétitivité de la société soit avéré, l'employeur n'établit pas avoir satisfait à son obligation de reclassement, telle que prévue à l'article L. 1233-4 du code du travail ; que c'est à tort en effet que la SARL Graphito Création considère avoir proposé au salarié des offres de reclassement précises, ce que conteste au demeurant M. K... S... ; qu'en effet, dans le courrier adressé au salarié le 13 juin 2014, à l'exception du poste de responsable de zone sur Avignon qui lui avait déjà été proposé le 26 mars 2014 dans le cadre de l'article L. 1222-6 du code du travail et qu'il lui offre de nouveau, l'employeur dit tout au plus informer le salarié de besoins d'emploi sur une liste de postes – 7 dont 5 à Avignon, 1 en Home Office et 1 en Home Office en Île-de-France – et que si l'un de ces postes l'intéresse, il devra bien clairement l'en informer par écrit afin qu'il étudie la compatibilité de ses compétences professionnelles avec ses besoins ; que les postes listés sont donc assortis de réserves ; qu'un des besoins d'emploi concerne ensuite un « poste de cadre technicocommercial itinérant en Home Office pour région Île-de-France, le lieu de travail étant l'Île-de-France » ; que le lieu de travail n'est pas suffisamment précis pour permettre au salarié de mesurer si un tel poste nécessitera de sa part, alors qu'il est domicilié à [...], un déménagement et donc de se prononcer utilement ; que, dans ces conditions, à défaut pour la SARL Graphito Création d'avoir satisfait à son obligation de reclassement, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
1° ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer luimême le principe de la contradiction ; qu'en se fondant, en l'espèce, pour juger que la société Graphito Création avait manqué à son obligation de reclassement, sur les réserves qui auraient assorti les postes proposés à M. S..., sans avoir invité préalablement les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2° ALORS QU'en toute hypothèse, l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur lui impose de proposer au salarié dont le licenciement économique est envisagé l'ensemble des postes disponibles susceptibles de lui correspondre, ce qui inclut les postes assortis d'éventuelles réserves ; qu'en se fondant, en l'espèce, pour juger que l'exposante avait manqué à son obligation de reclassement, sur les réserves qui auraient assorti les postes proposés à M. S..., sans rechercher si ces réserves n'étaient pas justifiées par l'obligation faite à l'employeur de proposer au salarié l'ensemble des postes disponibles, au besoin en le faisant bénéficier d'une formation d'adaptation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-3 et L. 1233-4 du code du travail ;
3° ALORS QU'en toute hypothèse, satisfait à son obligation de reclassement l'employeur qui soumet au salarié des offres de reclassement écrites et précises ; qu'en se fondant, pour juger que l'exposante avait manqué à son obligation de reclassement, sur le caractère insuffisamment précis de la localisation du poste de cadre technico-commercial, quand elle constatait que ce poste était un poste itinérant, exercé en « Home Office » et qu'il précisait la région dans laquelle s'effectueraient les déplacements, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 1233-4 du code du travail.
Moyen produit par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour M. S... (demandeur au pourvoi incident).
M. S... fait grief à l'arrêt attaqué :
DE L'AVOIR débouté de sa demande en rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées de septembre 2010 à juillet 2014, ainsi que de ses demandes en dommages et intérêts pour travail dissimulé et défaut d'information et de notification des droits obligatoires à repos en découlant ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« il appartient à M. S... qui réclame la condamnation de la SARL Graphito Création à lui payer un rappel d'heures supplémentaires d'étayer sa demande, en application de l'article L 3171-4 du code du travail, par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'or à l'appui de sa demande, M. S... produit :- trois attestations, aux termes desquelles deux collègues qui ont quitté les effectifs de la SARL Graphito Création au mois d'avril et août 2012 déclarent pour l'un que M. S... avait de longues journées de travail (départ de chez lui vers 6h du matin pour des retours vers 20h) et pour l'autre qu'il travaillait quotidiennement 12 heures. ; qu'aux termes de la troisième attestation, qui émane d'un conseiller prévention-sécurité-santé, celui-ci indique que M. S... pouvait débuter ses journées à 7 heures et les terminer à 23 heures, - un écrit qu'il a établi de septembre 2010 à juillet 2014 et sur lequel il indique avoir effectué 44 heures par semaine, soit 5 heures supplémentaires par semaine, comptabilisant de la sorte les sommes qu'il réclame ; au regard de leur imprécision, les éléments produits ne sont pas de nature à étayer la demande » ;
Et AUX MOTIFS ADOPTES QU'« à l'appui de sa demande en paiement de la somme de 23 975,77 euros au titre des heures supplémentaires, S... invoque qu'il travaillait en moyenne 44 heures hebdomadaires, effectuant donc 5 heures supplémentaires au-delà des 39 heures par semaine prévues contractuellement dans son contrat de travail ; que ce faisant, le conseil observe qu'il procède par voie d'affirmation à une évaluation forfaitaire de sa durée hebdomadaire du travail, sans produire aucun relevé précis des horaires qu'il soutient avoir effectués semaine par semaine ; qu'en cours de délibéré et s'étant rendu compte de cette difficulté, le conseil demandait par courrier du 2 mars 2016 à la société Graphito, avec copie à M. S..., de produire sur la période considérée, le document mensuel qu'il était censé communiquer au siège social, s'agissant de la déclaration des horaires de travail de l'ensemble des salariés de l'agence de Reims, y compris donc les siens propres ; qu'en retour par courrier du 9 mars 2016 avec copie à M. S..., la société Graphito expliquait au conseil, qu'en réalité ce document mensuel n'existait pas en tant que tel, précisant dixit « qu'en pratique, ces transmissions ne concernaient que les évènements exceptionnels pouvant affecter la paye (heures supplémentaires, congés payés, primes) sachant que si aucun événement n'affectait la paye, celle-ci était établie sur la base d'un salaire normal conforme au contrat de travail » ; que pour information dans ce même courrier, la société Graphito communiquait dixit : « copie des mails émanant de M. S... à destination du siège social de la société, concernant les évènements exceptionnels pouvant affecter l'établissement de la paye pour chacun des salariés concernés » ; qu'ainsi et selon pièce n° 62, le conseil prenait connaissance du mode opératoire réel tel qu'il s'exécutait, s'agissant effectivement de la validation de fiches de congés de salariés, ou encore de la prise d'une demi-journée pour l'une, ou de deux jours pour une autre salariée, mais rien en ce qui concernait M. S... ; qu'il se déduit du tout, qu'aucun élément précis ne vient étayer la demande d'heures supplémentaires sollicitées par M. S..., d'autant que celui-ci n'a jamais une seule fois, réclamé quoique ce soit en ce domaine auprès de sa direction ; qu'en conséquence, le conseil ne fera pas droit à celle demande en rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires dont la justification n'est pas établie par le salarié » ;
1°) ALORS QU' en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient seulement au salarié de produire des éléments de nature à étayer sa demande, à charge, pour l'employeur de justifier des horaires réellement accomplis ; qu'en retenant que les éléments produits par M. S... n'étaient pas de nature à étayer sa demande, après avoir constaté qu'il produisait, d'une part, trois attestations relatives à la réalité des heures supplémentaires effectuées par M. S... et, d'autre part, un écrit, comptabilisant le nombre d'heures effectuées entre septembre 2010 et juillet 2014 à raison de 5 heures supplémentaires par semaine, ce dont il se déduisait qu'avait été produit un décompte précis permettant à l'employeur d'y répondre, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L 3171-4 du code du travail ;
2°) ALORS, à tout le moins, QUE les juges ont l'obligation de ne pas dénaturer les documents qui leur sont soumis ; qu'en retenant que le décompte établi entre septembre 2010 et juillet 2014 était imprécis, quand il ressortait de ce document que M. S... avait établi un décompte mentionnant mois par mois le nombre d'heures supplémentaires qu'il estimait avoir effectuées, la cour d'appel l'a dénaturé ainsi violé le principe susvisé ;
3°) ALORS QUE les juges ne peuvent rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis ; qu'en retenant que M. S... ne produisait à l'appui de sa demande en paiement d'heures supplémentaires que trois attestations, deux émanant de collègues et l'une d'un conseiller prévention-sécurité-santé soit les attestations de M. E..., Mme A... et M. W..., quand il produisait également les attestations de Mme J..., directrice commerciale, Mme C... assistante commerciale et M. H..., cadre commercial, la cour d'appel, qui n'a pas examiné ces trois autres attestations, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
4°) ALORS QUE la censure à intervenir du chef des heures supplémentaires entraînera, par voie de conséquence, l'annulation du chef de l'arrêt ayant rejeté les demandes de M. S... en dommages et intérêts au titre du travail dissimulé et défaut d'information et de notification des droits obligatoires à repos, qui en découlaient, par application des articles 624 et 625 du code de procédure civile.