LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 4 juillet 2019), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 22 novembre 2018, pourvoi n° 18-20.546), N... est né le [...] à Tokyo (Japon) de l'union de M. B... et de Mme X.... Celle-ci est revenue en France avec l'enfant le 17 juillet 2017 pour un séjour temporaire, puis a déposé, le 14 septembre 2017, une requête en divorce devant le juge aux affaires familiales.
2. Soutenant qu'elle avait déplacé leur fils de façon illicite en France, M. B... a saisi l'autorité centrale japonaise d'une demande de retour au Japon sur le fondement de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Mme X... fait grief à l'arrêt d'ordonner le retour de l'enfant au Japon alors :
1°/ qu' « il résulte de l'article 13, b, de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants qu'il peut être fait exception au retour immédiat de l'enfant s'il existe un risque grave que ce retour expose l'enfant à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière le place dans une situation intolérable de danger grave ou de création d'une situation intolérable ; qu'il appartient aux juges du fond, pour apprécier l'existence d'un tel risque, de déterminer quelle pourra être la situation de l'enfant dans le pays où son retour est sollicité ; qu'en affirmant, pour ordonner le retour de l'enfant N... au Japon, que cet Etat a signé la Convention de La Haye et qu'il « ne saurait être préjugé, à ce stade de la procédure, de la situation juridique susceptible d'être créée par une instance en divorce au Japon », quand il appartenait précisément à la Cour, au contraire, de se prononcer, pour apprécier l'existence d'un risque de danger physique ou psychique pour l'enfant en cas de retour, sur la situation concrète qui pourrait être la sienne, au Japon, en cas de divorce de ses parents, la cour a méconnu son office et violé l'article 13 b précité ; »
2°/ qu' « il résulte de l'article 13, b, de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants qu'il peut être fait exception au retour immédiat de l'enfant s'il existe un risque de danger grave ou de création d'une situation intolérable ; que, dans l'appréciation de ces circonstances, les autorités judiciaires ou administratives doivent tenir compte des informations fournies par l'autorité centrale ou toute autre autorité compétente quant à la situation concrète qui sera celle de l'enfant en cas de retour ; qu'en l'espèce, il ressortait des conclusions du ministère public que si Mme X... était amenée à retourner au Japon et à y demander le divorce, la garde de l'enfant et l'autorité parentale seraient indiscutablement confiées au père, qu'elle se trouverait privée de ses droits parentaux et de tout contact avec son fils et qu'elle serait dans l'impossibilité d'obtenir un visa permanent qui lui permettrait de demeurer à proximité de son fils ; qu'en ordonnant le retour de l'enfant au Japon sans prendre en considération ces informations, la cour d'appel a violé l'article 13 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 ; »
3°/ que « les dispositions de l'article 13 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 doivent être examinées à la lumière de l'intérêt de l'enfant et du droit à une vie familiale normale protégée par l'article 8 la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'une telle prise en compte requiert un examen approfondi de la situation familiale et une détermination concrète de la situation prévisible en cas de retour de l'enfant dans son pays d'origine ; qu'en se bornant, pour ordonner le retour de l'enfant N..., à retenir qu' « il ne saurait être préjugé, à ce stade de la procédure, de la situation juridique susceptible d'être créée par une instance en divorce au Japon » (arrêt p. 8 alinéa 5), sans rechercher, comme il lui était demandé, au regard des données connues et communiquées, si, en cas de retour de la mère avec l'enfant au Japon, cette dernière n'allait pas se trouver privée de ses droits parentaux, exposant ainsi son fis N..., âgé de quatre ans et ayant toujours vécu auprès d'elle, à un risque grave de danger psychologique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 13 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; »
4°/ qu' « en se bornant à affirmer que Mme X... ne démontrait pas qu'elle se trouvait dans l'impossibilité de séjourner au Japon, sans rechercher si les règles d'admission au séjour en vigueur au Japon n'excluaient pas, notamment en cas de divorce, qu'elle y demeure durablement et ne soit ainsi exposée au risque de devoir abandonner son enfant au Japon sans possibilité d'exercer pratiquement l'autorité parentale dont elle est titulaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 13 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés ».
Réponse de la Cour
4. Il résulte de l'article 13, b, de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants qu'il ne peut être fait exception au retour immédiat de l'enfant que s'il existe un risque de danger grave ou de création d'une situation intolérable. Dans l'appréciation de ces circonstances, les autorités judiciaires ou administratives doivent tenir compte des informations fournies par l'autorité centrale ou toute autre autorité compétente de l'Etat de la résidence habituelle de l'enfant sur sa situation sociale. Selon l'article 3, § 1, de la Convention de New York du 20 novembre 1989, les exceptions au retour doivent être appréciées en considération primordiale de l'intérêt supérieur de l'enfant.
5. L'arrêt relève que N... est né au Japon et y a toujours vécu, avec ses deux parents jusqu'au mois de juillet 2017, de sorte qu'il ne saurait y avoir pour lui de traumatisme psychologique à retourner dans le pays où il habitait et où demeure sa famille paternelle et observe que la rupture brutale de toute relation avec son père, particulièrement dommageable pour le mineur, a été totalement niée par sa mère.
6. Il ajoute que le Japon a signé et ratifié la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 le 13 avril 2014, que cette ratification a été acceptée sans réserve par la France et qu'il existe en droit de la famille japonais des procédures de médiation, ainsi qu'une procédure de divorce par consentement mutuel. Il retient qu'il ne peut être préjugé de la situation juridique susceptible d'être créée par une instance en divorce au Japon.
7. Enfin, il estime que Mme X... ne justifie pas qu'elle ne pourrait plus séjourner au Japon alors que M. B... formule diverses propositions amiables pour qu'elle puisse y résider avec l'enfant.
8. En l'état de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel, qui a procédé aux recherches prétendument omises, a statué en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant, justifiant ainsi légalement sa décision.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Rejette les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné le retour immédiat au Japon de l'enfant N... B... X..., d'AVOIR dit que le retour aura lieu dans un délai de un mois à compter de la décision, d'AVOIR dit que si l'enfant n'est pas retourné au Japon dans le délai de un mois à compter de la présente décision, Monsieur Y... B... est autorisé à venir chercher l'enfant sur le territoire français pour le ramener au Japon et d'AVOIR condamné Madame X... à payer diverses sommes à Monsieur B... sur le fondement de l'article 26 de la convention de La Haye ;
AUX MOTIFS QUE «Mme X... n'a jamais déposé plainte pour les violences qu'elle prétend avoir subies, ni fait établir le constat de ses blessures par un médecin. La production d'attestations de ses parents qui auraient aperçu les traces de ses blessures par skype ne prouve pas la matérialité de ces faits. De même le courriel dont elle se prévaut de la part de son mari adressé à ses parents le 23 septembre 2017 déclarant " S... m'a parlé que c'était une autre fois que je l'ai tapé cela aussi c'était absolument accidentel" doit être restitué dans l'ensemble de ce que M. B... a alors voulu exprimer. Il explique par la suite que " au lundi 18 ou S... m'a expliqué une raison pour le divorce, je l'ai tapé une fois et le jeudi 21 S... m'a dit "des fois". Souvent je laisse les autres panser à moi n'importe comment même si négative. Maintenant je trouve que je dois pas laisser la déformation comme ça depuis le 18 septembre et je dois montrer mon vrai sentiment" continuant ensuite à expliquer qu'ils avaient été un couple uni pendant 9 ans et qu'il comprenait que son épouse était triste "toujours à la base en quittant France sans vous". Un tel courriel ne constitue pas un aveu de M. B... dès lors qu'il fait uniquement référence à un épisode relaté par son épouse et qu'il n'exprime pas clairement une reconnaissance des faits de sa part au vu de l'absence de maîtrise de la langue française telle qu'elle résulte de ces messages. De même, les avis rendus par le docteur A..., psychiatre et Mme F..., psychologue, à partir des seules informations rapportées par Mme X... au cours d'une unique consultation, dans un contexte de rupture conjugale, témoignent certes de la détresse psychologique de leur patiente, mais ce ressenti, si douloureux soit-t-il ne permet pas d'établir de manière objective les traits de personnalité attribués à M. B..., dans les termes d'emprise, de perversion narcissique, ou manipulatrice. Enfin aucune violence n'est alléguée à l'encontre de l'enfant. Mme X... soutient par ailleurs que le très jeune âge de l'enfant qui vient d'avoir trois ans et le fait qu'il ait été élevé au quotidien au contact de sa mère contre indiquent le retour au Japon chez son père qui ne s'en est jamais occupé sauf à exposer sa santé à un risque grave de danger psychologique. Elle produit à cet effet le certificat médical établi par le docteur A... le 16 avril 2018, psychiatre. Or ce certificat médical préconise une expertise de l'enfant avant de statuer sur son retour chez son père car " à cet âge de trois ans il est généralement considéré que la préservation du lien mère-enfant est nécessaire à un développement psychoaffectif harmonieux." Il ne s'agit donc pas précisément de la situation de N... mais de considérations plus générales qui n'établissent pas spécifiquement un danger pour cet enfant. N... est né au Japon et y a toujours vécu, avec ses deux parents jusqu'au mois de juillet 2017, date à laquelle sa mère l'a illicitement déplacé. Il a donc intégré la culture de son pays d'origine où se trouve toute sa famille paternelle et, nécessairement a commencé l'apprentissage de la langue dans ce pays. Il avait également construit des repères identitaires en France où sa mère justifie l'avoir emmené en vacances dans sa famille maternelle de sorte que l'enfant est inscrit dans ces deux cultures. Il ne saurait donc y avoir pour lui de "choc" psychologique à retourner dans le pays où il habitait, où il est né et où demeure sa famille paternelle alors que tout au contraire la rupture brutale de toute relation avec son père, particulièrement dommageable pour l'enfant a été totalement niée par Mme X.... Le Japon a signé et ratifié la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 le 13 avril 2014, ratification acceptée sans réserve par la France et il ne saurait être préjugé, à ce stade de la procédure, de la situation juridique susceptible d'être créée par une instance en divorce au Japon et ce d'autant plus qu'un préalable de médiation existe dans une telle procédure qui connaît également la possibilité d'organiser un divorce par consentement mutuel. Mme X... ne justifie pas qu'elle ne pourrait plus séjourner au Japon et M. B... forme diverses propositions amiables pour qu'elle puisse y résider avec l'enfant. L'ordonnance attaquée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a ordonné le retour immédiat de N... dans l'état de sa résidence habituelle, en l'espèce le Japon » ;
1°) ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte de l'article 13, b, de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants qu'il peut être fait exception au retour immédiat de l'enfant s'il existe un risque grave que ce retour expose l'enfant à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière le place dans une situation intolérable de danger grave ou de création d'une situation intolérable ; qu'il appartient aux juges du fond, pour apprécier l'existence d'un tel risque, de déterminer quelle pourra être la situation de l'enfant dans le pays où son retour est sollicité ; qu'en affirmant, pour ordonner le retour de l'enfant N... au Japon, que cet Etat a signé la Convention de La Haye et qu'il « ne saurait être préjugé, à ce stade de la procédure, de la situation juridique susceptible d'être créée par une instance en divorce au Japon », quand il appartenait précisément à la Cour, au contraire, de se prononcer, pour apprécier l'existence d'un risque de danger physique ou psychique pour l'enfant en cas de retour, sur la situation concrète qui pourrait être la sienne, au Japon, en cas de divorce de ses parents, la Cour a méconnu son office et violé l'article 13 b précité ;
2°) ALORS, D'AUTRE PART, QU'il résulte de l'article 13, b, de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants qu'il peut être fait exception au retour immédiat de l'enfant s'il existe un risque de danger grave ou de création d'une situation intolérable ; que, dans l'appréciation de ces circonstances, les autorités judiciaires ou administratives doivent tenir compte des informations fournies par l'autorité centrale ou toute autre autorité compétente quant à la situation concrète qui sera celle de l'enfant en cas de retour ; qu'en l'espèce, il ressortait des conclusions du Ministère public que si Mme X... était amenée à retourner au Japon et à y demander le divorce, la garde de l'enfant et l'autorité parentale seraient indiscutablement confiées au père, qu'elle se trouverait privée de ses droits parentaux et de tout contact avec son fils et qu'elle serait dans l'impossibilité d'obtenir un visa permanent qui lui permettrait de demeurer à proximité de son fils ; qu'en ordonnant le retour de l'enfant au Japon sans prendre en considération ces informations, la cour d'appel a violé l'article 13 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 ;
3°) ALORS, DE TROISIEME PART, QUE les dispositions de l'article 13 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 doivent être examinées à la lumière de l'intérêt de l'enfant et du droit à une vie familiale normale protégée par l'article 8 la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'une telle prise en compte requiert un examen approfondi de la situation familiale et une détermination concrète de la situation prévisible en cas de retour de l'enfant dans son pays d'origine ; qu'en se bornant, pour ordonner le retour de l'enfant N..., à retenir qu' « il ne saurait être préjugé, à ce stade de la procédure, de la situation juridique susceptible d'être créée par une instance en divorce au Japon » (arrêt p. 8 alinéa 5), sans rechercher, comme il lui était demandé, au regard des données connues et communiquées, si, en cas de retour de la mère avec l'enfant au Japon, cette dernière n'allait pas se trouver privée de ses droits parentaux, exposant ainsi son fis N..., âgé de quatre ans et ayant toujours vécu auprès d'elle, à un risque grave de danger psychologique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 13 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4°) ALORS, ENFIN, QU'en se bornant à affirmer que Madame X... ne démontrait pas qu'elle se trouvait dans l'impossibilité de séjourner au Japon, sans rechercher si les règles d'admission au séjour en vigueur au Japon n'excluaient pas, notamment en cas de divorce, qu'elle y demeure durablement et ne soit ainsi exposée au risque de devoir abandonner son enfant au Japon sans possibilité d'exercer pratiquement l'autorité parentale dont elle est titulaire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 13 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.