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21/11/2019 | FRANCE | N°18-22152

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 21 novembre 2019, 18-22152


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, qu'à compter de 2011, la société Q... H... a confié différents dossiers à Mme T... (l'avocat) aux fins de recouvrement d'impayés ; qu'il a été mis un terme à ces relations en 2015 ; que le 27 décembre 2016, l'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre en fixation de ses honoraires ; que, par décision du 23 mai 2017, celui-ci a fixé le solde des honoraires dus par la société Q...

H... , qui a formé un recours contre cette décision ;

Attendu que, pour fixer les h...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, qu'à compter de 2011, la société Q... H... a confié différents dossiers à Mme T... (l'avocat) aux fins de recouvrement d'impayés ; qu'il a été mis un terme à ces relations en 2015 ; que le 27 décembre 2016, l'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre en fixation de ses honoraires ; que, par décision du 23 mai 2017, celui-ci a fixé le solde des honoraires dus par la société Q... H... , qui a formé un recours contre cette décision ;

Attendu que, pour fixer les honoraires qui étaient dus à l'avocat, l'ordonnance énonce qu'il est constant que le dossier le plus ancien date du 23 mai 2012, date de la réclamation faite par l'avocat et dès lors que le délai de cinq ans partait de cette date, sachant que nécessairement, pour les autres dossiers, à défaut de connaître la date de clôture, il est établi qu'aucun acte n'a été conclu plus de cinq ans avant la saisine du bâtonnier ; qu'en conséquence, en saisissant le bâtonnier le 27 décembre 2016, l'action introduite par l'avocat n'était pas prescrite ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la société Q... H... soutenait à l'appui de la fin de non-recevoir tirée de la prescription qu'elle soulevait, que le seul fait qu'un des dossiers n'ait été clos que le 23 mai 2012 ne permettait aucunement de justifier que les autres n'étaient pas clos précédemment à cette date, ce dont il se déduisait qu'elle contestait que le dossier du 23 mai 2012 fût le plus ancien, le premier président, en tenant ce fait pour constant, a méconnu les termes du litige et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 3 juillet 2018, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne Mme T... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Q... H... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour la société Q... H...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

La société Q... H... fait grief à l'ordonnance attaquée DE L'AVOIR déboutée de sa demande tendant à constater la prescription de l'action de Me T... et, en conséquence, de l'avoir condamnée à verser à Me L... T... la somme de 30 196,94 euros outre intérêts au taux légal,

AUX MOTIFS QUE « la prescription quinquennale prévue par l'article 2224 du code civil est applicable en matière de fixation d'honoraire d'avocat dirigé contre une personne physique si cette dernière a eu recours aux services de celui-ci dans le cadre de son activité professionnelle ; que tel est le cas en l'espèce ; qu'il est constant que le dossier le plus ancien date du 23 mai 2012 (dossier le relax), date de la réclamation faite par Me T... et dès lors le délai de cinq ans partait de cette date, sachant que nécessairement, pour les autres dossiers, à défaut de connaître la date de clôture, il est établi qu'aucun acte n'a été conclu plus de cinq ans avant la saisine du bâtonnier ; qu'en conséquence, en saisissant le bâtonnier le 27 décembre 2016, l'action introduite par Me T... n'était pas prescrite » ;

ALORS QUE devant le premier président de la cour d'appel, la société Q... H... faisait valoir que « le seul fait qu'un des dossiers n'ait été clos que le 23 mai 2012 ne permet aucunement de justifier que les autres n'étaient pas clos précédemment à cette date » (concl., p.7) ; qu'en retenant toutefois, pour écarter la prescription de l'action en taxation d'honoraires formée par Me T... le 27 décembre 2016, qu'il était constant que le dossier le plus ancien datait du 23 mai 2012, pour en déduire qu'à défaut de connaître la date de clôture, il était établi qu'aucun acte n'a été conclu plus de cinq ans avant la saisine du bâtonnier, quand la date des autres dossiers était contestée par la société Q... H... et ne pouvait donc constituer un fait constant, le premier président de la cour d'appel, a dénaturé les termes du litige et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

La société Q... H... fait grief à l'ordonnance attaquée

DE L'AVOIR condamnée à verser à Me T... la somme de 30 196,94 euros, outre intérêts au taux légal ;

AUX MOTIFS QUE « selon l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 « les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais occasionnés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci. Toute fixation d'honoraires qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire est interdite » ; que la sarl Q... H... soutient que pour les prestations postérieures au 8 août 2015, une convention d'honoraires entre l'avocat et son client était obligatoire et qu'en l'absence d'une telle convention, Me T... n'est pas fondée à réclamer d'honoraires ; qu'il est vrai que, selon un mail du 4 avril 2015, il est indiqué que M. H... « aimerait récupérer ceux pour lesquels l'assignation n'a pas été lancée ou ceux qui n'ont pas encore été traités » ; que dès lors, il est établi qu'il n'y a pas eu de nouveaux dossiers à la suite de ce mail ; que par ailleurs, il n'est pas justifié de prestations assurées par Me T... postérieurement au 8 août 2018 ; qu'il résulte des pièces versées qu'il n'y a pas eu de convention d'honoraires conclue entre les parties et que selon les courriers produits en date du 17 novembre 2015, et 25 janvier 2017, il avait été convenu de frais d'honoraires fixes attribués à l'ouverture de dossier et ensuite un honoraire de résultat de 30% des sommes récupérées en cas de jugement favorable ; que pour autant, Me T... a renoncé à l'application des honoraires de résultat et, dans sa demande, a fait le choix d'un honoraire forfaitaire de 500 euros pour l'ouverture du dossier pour les réclamations, 1 500 euros pour une action introduire devant la juridiction compétence ; qu'elle verse, à l'appui, des fixes détaillées de prestations effectuées qui respectent, contrairement aux critiques de la sarl Q... H... les dispositions de l'article 12 du décret du 12 juillet 2005 celles-ci recevant application « sauf en cas de forfait global » ; que tel est le cas en l'espèce, les fiches produites détaillant les diligences effectuées par l'avocat ; que compte tenu des diligences effectuées et justifiées par les pièces produites aux débats et sans qu'il puisse être reproché valablement un défaut de conseil de la part de Me T..., il apparaît que la somme de 40 280,18 euros retenus par M. Le Bâtonnier est justifiée compte tenu du nombre de dossiers concernés – soit au total 31 – et du nombre d'heures consacrées à chacun d'eux, selon que ces dossiers aient été orientés vers la juridiction ou traités hors procédure ; qu'ainsi, après déduction faite des sommes déjà versées par la sarl Q... H... , la somme arrêtée ç hauteur de 30 196 ;94 euros est conforme au vu des diligences accomplies par le conseil et aux frais exposés ; qu'en conséquence, il y a lieu de confirmer l'ordonnance rendue par le bâtonnier en date du 23 mai 2017 et de condamner la sarl Q... H... à régler à Me T... la somme de 30 196,94 euros, outre intérêts au taux légal sans retenir de pénalités égales à une fois et demi le taux de l'intérêt légal en vigueur ; que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que l'exécution provisoire n'a pas été réclamée ; que les dépens seront supportés par la sarl Q... H... , celle-ci succombant » ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « les honoraires ayant fait l'objet d'une facturation après la prestation et réglée par le client ne peuvent plus faire l'objet d'une contestation ; qu'en conséquence, la somme de 10 142,37 euros est définitivement acquise à Me T... ; que les honoraires réclamés doivent correspondre à la nature et l'importance des intérêts en cause, à la difficulté du litige, au temps consacré à l'affaire, à la notoriété de l'avocat et aux frais généraux du cabinet ; que le client n'a fourni aucun élément sur sa situation de fortune ; qu'il doit être également tenu compte des accords entre les parties ; qu'en l'espèce, les parties s'accordent sur le fait qu'un honoraire d'ouverture de dossier était convenu à hauteur de 600 euros TTC ; qu'il ressort des tableaux concordants fournit par les parties que 31 dossiers font l'objet d'une contestation ; que la provision d'ouverture de dossier due est en conséquence de 18 600 euros ; que la sarl Q... H... ne peut soutenir que les dossiers ayant fait l'objet d'un simple courrier de relance devaient être traités à titre gratuit faute de preuve d'un tel accord ; que de surcroit, il est manifeste que l'ouverture d'un dossier et la rédaction d'un courrier de relance sont des diligences effectives qui doivent être rétribuées ; que Me T... justifie de 3 768,08 euros de débours qui ne sont pas contestés ; que cette somme est donc en conséquence due ; que concernant l'honoraire de résultat, il résulte de l'article 10 alinéa 3, de la loi du 31 décembre 1971 qu'aucun honoraire de résultat n'est dû s'il n'a pas été expressément stipulé dans une convention préalablement conclue entre l'avocat et son client ; que si cette convention n'est soumise à aucune forme particulière et si elle peut seulement déterminer le principe d'un tel honoraire, il appartient cependant à l'avocat qui s'en prévaut de rapporter la preuve de son existence ; que le client reconnaît l'existence d'un honoraire de résultat, mais prétend qu'il était dû sur les sommes réellement encaissées et non sur les condamnations définitives obtenues ; qu'une convention d'honoraires contenant un honoraire de résultat prévoit généralement que l'honoraire de résultat n'est dû par le client à son avocat que lorsqu'il a été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable ; que tel est bien le cas en l'espèce puisque l'avocat a obtenu des décisions judiciaires irrévocables, comme le reconnait le client ; que si la sarl Q... H... fait état de certaines situations définitivement compromises, ce n'est pas le cas pour les dossiers A Palomba, Auberge De Canneda, La Farera, V... S..., Le Zelos, Les deux mats, Bindi, pour un total de 93 517,55 euros ; qu'en tout état de cause, l'honoraire de résultat s'applique à ces sommes étant précisé que la sarl H... ne nie pas avoir recouvré ces sommes ou pouvoir le faire ; que l'honoraire de résultat s'établit donc sur celles-ci à 28 055,27 euros ; qu'en conséquence, les sommes dues s'établissent à la somme de 50 424,35 euros ; qu'il convient de déduire de cette somme les sommes déjà payées par le client et acquises de manière incontestable par l'avocat, soit un solde de 40 281,18 euros, somme inférieur à la somme réclamée par l'avocat ; que subsidiairement, en dehors de toute application de la convention d'honoraire, Me T... soutient que les honoraires facturés correspondent au travail qu'elle a effectué, à la complexité des dossiers, au temps consacré aux dossiers et aux frais généraux du cabinet ; que les dossiers en litige sont au nombre de 32 dont 13 ayant fait l'objet d'une procédure ; que si l'on considère qu'en moyenne l'avocat a consacré 5 heures à chaque dossier, ce qui est très sous-estimé concernant les dossiers ayant fait l'objet d'une procédure, que compte tenu de ces éléments, le coût horaire de l'avocat s'établit à 250 euros ce qui est compatible avec les éléments visés à l'alinéa 4 de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 » ;

1°) ALORS QUE, les honoraires tiennent compte selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais occasionnés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; qu'en se bornant à retenir, de manière générale et vague, que les diligences effectuées par Me T... justifiaient la fixation de ses honoraires à la somme de 40 280,18 euros, sans préciser la teneur et l'ampleur exactes de ces diligences, le premier président de la cour d'appel, qui n'a pas permis à la Cour de cassation d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ;

2°) ALORS QUE, les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais occasionnés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; qu'en fixant le montant total des honoraires de Me T... à la somme de 40 280,18 euros sans préciser le raisonnement lui permettant de retenir une telle somme, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ;

3°) ALORS QUE les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais occasionnés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; qu'en se fondant, pour fixer à la somme de 40 280,18 euros le montant des honoraires de Me T... sur les diligences accomplies et le nombre d'heures consacrées à chacun des 31 dossiers qui lui étaient confiés sans rechercher, comme il y était invité, si le montant des honoraires sollicités par Me T... n'était pas excessif compte tenu du faible degré de difficulté des dossiers, de leur similitude et des démarches préalables accomplies par la société Q... H... aux fins de faciliter leur traitement par Me T..., le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ;

4°) ALORS QUE, à supposer adoptés les motifs de l'ordonnance rendue par le Bâtonnier, que les honoraires tiennent compte selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais occasionnés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; qu'en retenant que Me T... avait, au minimum, consacré en moyenne 5 heures à chaque dossier de sorte que la fixation de ses honoraires à la somme de 40 281,18 euros permettait de fixer le coût horaire de l'avocat à la somme de 250 euros, sans préciser la teneur et l'ampleur exactes des diligences effectuées pour chaque dossier, le premier président de la cour d'appel n'a pas permis à la Cour de cassation de s'assurer que le montant des honoraires était conforme au service rendu et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ;

5°) ALORS QUE les motifs hypothétiques équivalent à un défaut de motifs ; qu'en énonçant, pour fixer les honoraires, que « si l'on considère qu'en moyenne l'avocat a consacré 5 heures à chaque dossier», son coût horaire serait alors de 250 euros, le premier président de la cour d'appel, qui a statué par des motifs hypothétiques, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°) ALORS QUE, en tout état de cause, les juges doivent viser et analyser, fut-ce sommairement les éléments de preuve sur lesquels ils se fondent ; qu'en énonçant que Me T... avait, au minimum, consacré en moyenne 5 heures à chaque dossier sans viser, ni analyser, fut-ce sommairement, les éléments de preuve sur lesquels elle s'est fondée pour parvenir à cette conclusion, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-22152
Date de la décision : 21/11/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 03 juillet 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 21 nov. 2019, pourvoi n°18-22152


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Zribi et Texier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.22152
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