LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 84 du code de la nationalité, dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le ministère public a assigné Mme V..., originaire de Côte d'Ivoire, à qui un certificat de nationalité française a été délivré le 8 juillet 2003 sur le fondement de l'effet collectif attaché à la déclaration de nationalité française souscrite le 5 décembre 1991 par M. E... K... V... dont elle se dit la fille, pour faire constater son extranéité ;
Attendu que, pour rejeter l'action négatoire du ministère public, après avoir énoncé que l'article 84 du code de la nationalité, selon lequel l'enfant mineur de 18 ans, légitime, naturel ou ayant fait l'objet d'une adoption plénière, dont l'un des parents acquiert la nationalité française, devient français de plein droit, ne formule pas de condition quant à l'établissement de la filiation de l'enfant avant la souscription de la déclaration de nationalité par son père, l'arrêt relève que Mme V..., qui produit un acte de reconnaissance par M. V... dressé le 6 septembre 2002, justifie de l'établissement de son lien de filiation paternelle pendant sa minorité et en déduit qu'elle est bien fondée à revendiquer la nationalité française ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'acte de reconnaissance de Mme V... par son père, s'il établissait sa filiation à l'égard de celui-ci pendant sa minorité, ne lui permettait pas de revendiquer la nationalité française acquise par son auteur avant sa reconnaissance, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne Mme V... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par le procureur général près la cour d'appel de Rennes
II est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris qui a dit que Mme F... V... est de nationalité française de même que ses deux enfants H... V... et R... V..., et d'avoir ordonné la transcription de l'acte de naissance de Mme F... V... sur les registres de l'état civil français,
Aux motifs que :
"Le ministère public soutient que le jugement supplétif d'acte de naissance n'a pas été fourni par l'intéressée alors qu'elle est tenue de justifier de son état civil et que la valeur probante d'un acte d'état civil dressé à l'étranger, dès lors qu'il résulte de la transcription d'un jugement étranger, est subordonnée au contrôle impératif de la régularité internationale de cette décision. Il ajoute que M. V... ayant reconnu l'intéressée le 6 septembre 2002 à Colombes et donc postérieurement à l'acquisition de la nationalité française par M. V..., le 5 décembre 1991, aucun effet collectif vis à vis de l'intéressée n'est attaché à l'acquisition de la nationalité française de M. E... K... V....
Mme V... soutient que le ministère public ne fait état d'aucun élément établissant que son acte de naissance serait irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Elle ajoute que son acte de naissance comme le jugement supplétif d'acte de naissance font état de son lien de filiation avec M. V... dès sa naissance ce dont il résulte qu'elle doit bénéficier de l'effet collectif de la déclaration de nationalité française souscrite par son père. A titre subsidiaire, elle fait valoir que si le jugement supplétif n'établit pas son lien de filiation, il demeure que celui-ci a été établi par l'acte de reconnaissance dressé à Colombes le 6 septembre 2002, pendant sa minorité.
Aux termes de l'article 30 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité française incombe à celui dont la nationalité est en cause. Toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité délivré conformément aux articles 31 et suivants.
Selon l'article 84 du code de la nationalité française, dans sa rédaction de la loi du 9 janvier 1973, l'enfant mineur de dix huit ans, légitime, naturel ou ayant fait l'objet d'une adoption plénière, dont l'un des parents acquiert la nationalité française, devient français de plein droit.
Aucune autre condition n'est formulée par l'article 84 et en particulier, il n'est pas précisé que la filiation de l'enfant doit avoir été établie avant la souscription de la déclaration de nationalité par le père de l'enfant.
Il est établi que M. E... K... V... a acquis la nationalité française suivant déclaration souscrite le 5 décembre 1991.
Pour établir son lien de filiation, Mme V... a produit un acte de naissance dressé le 3 novembre 2000 sous le numéro 483 dans les registres de la commune de Buyo (Côte d'Ivoire) en exécution d'un jugement supplétif d'acte de naissance n° 183 rendu le 18 septembre 2000 par le tribunal de première instance de Daloa, qui a dit que le 6 février 1985, est née à Buyo (Côte d'Ivoire) un enfant de sexe féminin ayant pour nom V... et pour prénoms F... B... W..., fille de E... K... né [...] à Blizeoua et de U... Q... J... née [...] à Madia/Issia.
En application de l'article 21 de l'accord de coopération en matière de justice, conclu le 24 avril 1961 entre le France et la Côte d'Ivoire, les actes d'état civil de l'un des États sont admis sur le territoire de l'autre état sans légalisation.
En l'absence de tout élément intrinsèque ou extrinsèque susceptible de remettre en cause la valeur probante de l'acte de naissance de l'intimée, il ne peut être exigé de Mme V... qu'elle produise la copie intégrale du jugement supplétif d'acte de naissance qui a été transcrit par les autorités ivoiriennes, alors que le ministère public a la charge de la preuve en application de l'article 30 du code civil et qu'en application de l'article 18 de l'accord du 24 avril 1961, les autorités françaises disposent des moyens leur permettant de procéder auprès des autorités ivoiriennes aux vérifications qu'elles pourraient estimer utiles.
En application de l'article 19 du code civil ivoirien, la filiation paternelle hors mariage ne peut être établie que par reconnaissance ou jugement.
Sans qu'il y a lieu de se prononcer sur les conséquences du jugement déclaratif au regard de la filiation, il apparaît que M. E... V... a, par acte dressé en la mairie de Colombes (Hauts de Seine), reconnu pour sa fille Mme F... B... W... V..., née le [...] à Buyo (Côte d'Ivoire) de Mme U... Q... J..., ce dont il résulte que le lien de filiation paternelle ayant été établi pendant la minorité de Mme V..., celle-ci est fondée à voir constater qu'elle a acquis la nationalité française par l'effet collectif attaché à la déclaration de réintégration souscrite par son père le 5 décembre 1991.
Le jugement dont appel sera en conséquence confirmé à ce titre de même qu'en ce qui concerne la nationalité des deux enfants de Mme V... nés le [...] , à Colombes, sans filiation paternelle établie, sur le fondement de l'article 18 du code civil.
Mme V... étant française, il convient en application de l'article 98 du code civil d'ordonner la transcription de son acte de naissance sur les registres de l'état civil français."
1/ Alors que selon l'article 84 du code de la nationalité française, dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, l'enfant mineur de dix-huit ans, légitime, naturel ou ayant fait l'objet d'une adoption plénière, dont l'un des deux parents acquiert la nationalité française, devient français de plein droit ; que l'effet collectif résultant de ce texte suppose que la filiation de l'enfant ait été légalement établie avant l'acquisition par son auteur de la nationalité française ; qu'en jugeant que Mme V... avait bénéficié de l'effet collectif attaché à la déclaration de réintégration souscrite par son père le 5 décembre 1991 sans que sa filiation paternelle n'ait à être établie avant la souscription de la déclaration, la cour d'appel a violé l'article 84 du code de nationalité française ;
2/ Alors que lorsque le certificat de nationalité française dont se prévaut celui qui revendique la qualité de Français a perdu sa force probante pour avoir été délivré de manière erronée, il appartient à l'intéressé d'établir qu'il est de nationalité française ; qu'en l'état d'un certificat de nationalité française dépourvu de force probante pour avoir été délivré au visa du seul acte de naissance étranger dressé en exécution d'un jugement supplétif étranger mais sans aucun visa dudit jugement, la cour d'appel ne pouvait, sans violer ensemble les articles 30 et 31-2 du code civil, retenir que la charge de la preuve incombait au ministère public de sorte qu'il n'y avait pas lieu d'exiger de Mme V... la production du jugement supplétif étranger en vertu duquel son acte de naissance avait été dressé ;