LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1244-2, alinéa 2, du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article 16-II de la convention collective nationale des remontées mécaniques et domaines skiables du 15 mai 1968, étendue par arrêté du 3 février ;
Attendu, d'abord, que selon le premier de ces textes, une convention ou un accord collectif peut prévoir que tout employeur ayant occupé un salarié dans un emploi à caractère saisonnier doit lui proposer, sauf motif réel et sérieux, un emploi de même nature, pour la même saison de l'année suivante ; que selon le second, qui se rapporte à la reconduction des contrats saisonniers, les salariés ayant déjà effectué une ou plusieurs saisons au service de l'entreprise se verront proposer un emploi saisonnier de même nature à condition qu'ils fassent acte de candidature, la non-reconduction à l'initiative de l'employeur pour un motif réel et sérieux entraînant le versement à l'agent d'une indemnité de non-reconduction ;
Attendu, ensuite, que la reconduction de contrats saisonniers en application du mécanisme conventionnel prévu par les dispositions susvisées n'a pas pour effet d'entraîner la requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée ; qu'il en résulte qu'en cas de non-reconduction du dernier contrat saisonnier sans motif réel et sérieux, seuls des dommages-intérêts réparant le préjudice subi par le salarié peuvent être octroyés par le juge ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. L... a été employé à compter du mois de février 1978, en qualité de chauffeur d'engin de damage par la Régie d'exploitation des équipements sportifs de Monetier-les-bains, aux droits de laquelle vient la société Serre Chevalier Vallée domaine skiable, suivant une succession de contrats à durée déterminée saisonniers, soumis à la convention collective des remontées mécaniques et domaines skiables du 15 mai 1968 ; que, le 9 mars 2015, il a reçu notification de la non-reconduction de son dernier contrat pour motif réel et sérieux ; que, le 16 novembre 2015, il a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la requalification de ses contrats en un contrat à durée indéterminée et l'allocation d'une indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que pour requalifier les contrats à durée déterminée saisonniers du salarié en un contrat à durée indéterminée et condamner l'employeur au paiement d'un complément d'indemnité légale de licenciement, l'arrêt retient que l'article 16-II de la convention collective nationale des téléphériques et engins de remontées mécaniques prévoit que les saisonniers ayant déjà effectué une ou plusieurs saisons au service de l'entreprise se verront proposer un emploi saisonnier de même nature, sauf motif réel et sérieux, que cette clause intitulée "reconduction des contrats saisonniers" qui n'est applicable qu'aux entreprises de plus de vingt salariés et ne présentant pas un chiffre d'affaires d'une grande variabilité, met à la charge de l'employeur une obligation de réemploi du salarié sauf motif réel et sérieux, qu'il est constant entre les parties que depuis le mois de février 1978 date de son premier engagement le salarié a bénéficié de contrats à durée déterminée saisonniers successifs reconduits d'année en année, sans interruption, en vertu de ces dispositions, qu'il en résulte que, du fait des renouvellements intervenus sur le fondement d'une clause de reconduction, ces contrats successifs constituent un ensemble à durée indéterminée, même si chaque période de travail n'est garantie que pour la saison, dont la rupture est soumise à l'exigence d'une cause réelle et sérieuse et équivaut de la part de l'employeur à un licenciement ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Gap du 16 novembre 2015 en ce qu'il a dit que la succession de contrats à durée déterminée saisonniers de M. L... ne valait pas contrat à durée indéterminée, dit que la non-reconduction du contrat de travail saisonnier de M. L... reposait sur des motifs réels et sérieux, débouté M. L... de sa demande en paiement d'un solde d'indemnité de licenciement et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il requalifie les contrats de travail à durée déterminée ayant lié M. L... à la société Serre Chevalier Vallée domaine skiable en contrat de travail à durée indéterminée et condamne cette société à verser à M. L... la somme de 2 225,12 euros au titre du solde d'indemnité légale de licenciement et la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 23 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute M. L... de sa demande de requalification de ses contrats à durée déterminée saisonniers en un contrat à durée indéterminée et de sa demande en paiement d'un complément d'indemnité ;
Condamne M. L... aux dépens, en ce compris les dépens d'appel ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société Serre Chevalier Vallée domaine skiable
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la succession de contrats à durée déterminée saisonniers de M. L... ne valait pas contrat à durée indéterminée, et que la non-reconduction du contrat de travail saisonnier de M. L... reposait sur des motifs réels et sérieux et l'a débouté de sa demande en paiement d'un solde d'indemnité de licenciement, D'AVOIR, statuant à nouveau, requalifié les contrats de travail à durée déterminée ayant lié M. L... à la société Serre Chevalier Vallée Domaine Skiable en contrat de travail à durée indéterminée et D'AVOIR condamné la société Serre Chevalier Vallée Domaine Skiable à verser à M. G... L... la somme de 2.225,12 € au titre du solde d'indemnité légale de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE l'article L. 1244-2, alinéa 2, dispose qu'une convention ou un accord collectif peut prévoir que tout employeur ayant occupé un salarié dans un emploi à caractère saisonnier doit lui proposer, sauf motif réel et sérieux, un emploi de même nature, pour la même saison de l'année suivante ; que l'article 16-II de la convention collective nationale des téléphériques et engins de remontées mécaniques prévoit que les saisonniers ayant déjà effectué une ou plusieurs saisons au service de l'entreprise se verront proposer un emploi saisonnier de même nature, sauf motif réel et sérieux ; que cette clause intitulée : « reconduction des contrats saisonniers » qui n'est applicable qu'aux entreprises de plus de 20 salariés et ne présentant pas un chiffre d'affaires d'une grande variabilité, met à la charge de l'employeur une obligation de réemploi du salarié sauf motif réel et sérieux ; que le dernier contrat de travail signé le 11 décembre 2014 comporte dans son article 7 une clause accordant expressément au salarié le bénéfice des dispositions conventionnelles relatives à la reconduction de son contrat ; qu'il est constant entre les parties que depuis le mois de février 1978 date de son premier engagement par la Régie d'Exploitation des Equipements Sportifs de Monetier les Bains devenue la société SCV Domaine Skiable, M. L... a bénéficié de contrats à durée déterminé saisonnier successifs reconduits d'année en année, sans interruption, en vertu de ces dispositions ; qu'il en résulte que, du fait des renouvellements intervenus sur le fondement d'une clause de reconduction, ces contrats successifs constituent un ensemble à durée indéterminée, même si chaque période de travail n'est garantie que pour la saison, dont la rupture est soumise à l'exigence d'une cause réelle et sérieuse et équivaut de la part de l'employeur à un licenciement ; qu'en conséquence, il y a lieu de faire droit à la demande de requalification des contrats de travail successifs en contrat à durée indéterminée ; que le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a dit que la succession des contrats à durée déterminée saisonniers ne valait pas contrat à durée indéterminée ; que, sur l'annulation de la sanction disciplinaire du 12 février 2013, par lettre du 12 février 2013, l'employeur a notifié à M. L... sa mutation disciplinaire à un poste de chauffeur d'engin de damage, le rétrogradant ainsi de ses fonctions de responsable d'équipe damage ; que les motifs de cette sanction sont énoncés ainsi qu'il suit : « le vendredi 28 décembre 2012, vous étiez en poste, au damage du front de neige à Monétier. Vous avez endommagé le boudin gonflable de la piste de luge, ce qui a entraîné l'impossibilité d'utiliser cette installation pendant cette période très chargée les vacances scolaires et des frais de réparation de 2500 € » ; que M. L... conteste avoir été en mesure d'éviter l'incident, l'équipement gonflable n'étant pas balisé et se trouvant recouvert par 40 cm de neige, circonstances que l'employeur ne conteste pas ; que, pour autant, le salarié, employé sur le domaine skiable depuis plus de 35 ans et en ayant acquis une connaissance parfaite pour l'avoir parcouru au volant d'un engin de damage, ne saurait sérieusement prétendre d'une part avoir ignoré l'emplacement de la piste de luge et de ses équipements, d'autre part que seul l'absence de balisage de l'équipement est à l'origine de l'accident, quand bien même ce dernier s'est produit de nuit lors des opérations de damage ; qu'à l'époque de la sanction, le salarié avait déjà fait l'objet d'un rappel à l'ordre le 6 février 2012 sur la bonne utilisation du matériel qui lui était confié, après une avarie grave de la machine ayant entrainé de lourdes réparations ; qu'il lui était reproché d'avoir continué à faire circuler l'engin malgré une perte d'huile et ce au mépris des systèmes d'alarme ; que si M. L... conteste aujourd'hui sa responsabilité dans cet événement, suggérant un dysfonctionnement des systèmes visuels et sonores d'alarme, il résulte de l'attestation de M. K... qu'il avait été constaté le fonctionnement de ces systèmes, le blocage des freins et la dégradation de l'intégralité du système hydraulique, signes que la dameuse a continué à rouler sans huile ; que le témoin ajoute qu'en raison du coût des réparations (40 000 euros) la machine est restée immobilisée pendant toute la saison ; que, compte tenu de ce précédent, la rétrogradation sanctionnant des faits répétés de négligence conduisant à la détérioration de matériels de l'employeur, n'apparaît pas disproportionnée, ce d'autant qu'elle n'a pas donné lieu à une baisse de rémunération ; que la demande d'annulation de cette sanction, nouvellement formulée en appel, ne peut donc prospérer et que M. L... en sera débouté ; que, sur la rupture du contrat de travail, les contrats successifs constituant un ensemble à durée indéterminée, la rupture est soumise à l'exigence d'une cause réelle et sérieuse ; (...) que, sur l'indemnité de licenciement, en application des dispositions de l'article 16-II de la convention collective, M. L... a perçu une indemnité de non reconduction du contrat de travail de 10 642,63 euros ; que, sous le bénéfice de la requalification en licenciement de la rupture de son contrat de travail, M. L... se prévaut d'une ancienneté de 37 ans et deux mois pour solliciter le versement sur le fondement de l'article R. 1234-2 du code du travail d'un solde d'indemnité légale de licenciement ; que l'employeur conteste le calcul considérant que l'ancienneté retenue est erronée au regard des dispositions de l'article 22 de la convention collective des téléphériques et engins de remontées mécaniques, qui prévoit que l'ancienneté des saisonniers s'entend du temps pendant lequel le salarié a été inscrit sur les registres de l'entreprise d'une façon continue ou non, et se détermine en tenant compte de la durée des contrats de travail successifs, ce qui correspond au terme de l'article L. 1244-2 du code du travail ; qu'il résulte des dispositions de l'article R. 1234-1 du code du travail que l'indemnité de licenciement est calculée par année de service dans l'entreprise, et non d'ancienneté, ce qui conduit à déduire les périodes de suspension du contrat, sauf accord conventionnel contraire, seules les périodes de suspension assimilées à un temps de travail étant prises en considération ; qu'en conséquence, par application des dispositions combinées des articles L. 1244-2, R. 1234-1 du code du travail, 22 de la convention collective des téléphériques et engins de remontées mécaniques, et de l'accord d'entreprise du 4 septembre 2013, le temps de service dans l'entreprise de M. L... qui doit être retenu pour le calcul de l'indemnité de licenciement est de 19 ans et 9 mois, à raison de 17 ans acquis entre 1978 et 2012, de neuf mois acquis au titre de la saison 2012/2013, est de deux ans au titre des saisons 2013 à 2015 ; que l'indemnité légale de licenciement due à M. L... s'établit donc à 12 867,75 euros, somme sur laquelle l'employeur reste devoir 2225,12 euros ; que la décision de première instance qui a rejeté toute demande du salarié de ce chef sera infirmée et que la société SCV Domaine Skiable sera condamnée à verser à M. L... le complément de l'indemnité de licenciement de 2225,12 euros ;
ALORS QUE si, aux termes de l'article L. 1244-2, alinéa 2, du code du travail, une convention ou un accord collectif peut prévoir que tout employeur ayant occupé un salarié dans un emploi à caractère saisonnier doit lui proposer, sauf motif réel et sérieux, un emploi de même nature, pour la même saison de l'année suivante, une telle clause, qui a seulement pour effet d'imposer à l'employeur une priorité d'emploi en faveur du salarié, ne peut être assimilée à la clause contractuelle prévoyant la reconduction automatique du contrat de travail pour la saison suivante et n'a pas, en toute hypothèse, pour effet de transformer la relation de travail à durée déterminée en une relation à durée indéterminée ; que l'article 16-II de la convention collective nationale des remontées mécaniques et domaines skiables institue seulement une priorité de réembauchage au profit des les saisonniers ayant déjà effectué une ou plusieurs saisons au sein de l'entreprise en prévoyant qu'ils se « verront proposer un emploi saisonnier de même nature à condition qu'ils fassent acte de candidature avant le 15 septembre pour la saison d'hiver et le 15 avril pour la saison d'été » ; qu'en affirmant que l'article 16-II de la convention collective nationale des téléphériques et engins de remontées mécaniques met à la charge de l'employeur, une obligation de réemploi du salarié, sauf motif réel et sérieux, en tant qu'il prévoit que les saisonniers ayant déjà effectué une ou plusieurs saisons au service de l'entreprise se verront proposer un emploi de même nature, sauf motif réel et sérieux, pour en déduire que du fait des renouvellements intervenus sur le fondement d'une clause de reconduction, ces contrats successifs constituent un ensemble à durée indéterminée, même si chaque période de travail n'est garantie que pour la saison dont la rupture est soumise à l'exigence d'une cause réelle et sérieuse et équivaut de la part de l'employeur à un licenciement, la cour d'appel a violé les dispositions et stipulations précitées.