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20/11/2019 | FRANCE | N°17-19918

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 novembre 2019, 17-19918


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'André V... et sa soeur, Mme V..., ont créé, sous le régime de la tontine, la société civile immobilière Excalibur, ayant pour objet principal l'acquisition de biens immobiliers, notamment celle d'un ensemble immobilier situé à Fontenailles ; que par une convention du 27 juillet 2000, la société Galaad Inc. (la société Galaad) a prêté à la société Excalibur la somme de 304 898,03 euros en vue de l'acquisition de cet ensemble immobilier ; que le 31 décembre 2011,

cette convention, initialement prévue pour une durée de cinq ans, a fait l'...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'André V... et sa soeur, Mme V..., ont créé, sous le régime de la tontine, la société civile immobilière Excalibur, ayant pour objet principal l'acquisition de biens immobiliers, notamment celle d'un ensemble immobilier situé à Fontenailles ; que par une convention du 27 juillet 2000, la société Galaad Inc. (la société Galaad) a prêté à la société Excalibur la somme de 304 898,03 euros en vue de l'acquisition de cet ensemble immobilier ; que le 31 décembre 2011, cette convention, initialement prévue pour une durée de cinq ans, a fait l'objet d'un avenant prorogeant son terme jusqu'au 31 décembre 2014 ; que, le 13 mars 2013, la société Galaad a assigné la société Excalibur en paiement de la somme de 2 378 084,19 euros et aux fins d'obtenir le transfert à son profit des parts sociales détenues par André V... et Mme V... ; qu'André V... étant décédé le [...] , Mme V... est devenue l'unique associée de la société Excalibur ;

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu que Mme V... et la société Excalibur font grief à l'arrêt de les condamner, in solidum, à payer à la société Galaad la somme de 1 558 026,10 euros avec intérêts au taux de 6 % à compter du 31 décembre 2014 et capitalisation alors, selon le moyen :

1°/ que dans leurs conclusions d'appel déposées et notifiées le 16 décembre 2015, Mme V... et la SCI Excalibur ont soutenu que la cour d'appel devait distinguer entre la partie de la dette à laquelle il convenait d'appliquer le taux d'intérêt contractuel de 6 % fixé par la convention d'ouverture de crédit du 27 juillet 2000 et celle qui, faute d'entrer dans le cadre de cette convention, ne pouvait se voir appliquer ce taux ; que la cour d'appel a décidé que l'intégralité de la condamnation prononcée devait être majorée du taux de 6 % ; qu'en statuant ainsi, sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge doit respecter les conventions des parties et ne peut étendre les obligations qui y sont stipulées ; qu'en appliquant explicitement le taux d'intérêt de 6 % issu de la convention de 2000 notamment aux « charges courantes d'entretien de l'ensemble immobilier », sans constater que ces charges entraient bien dans le cadre du prêt ayant fait l'objet de la convention du 27 juillet 2000 et accordé en vue de l'acquisition de l'ensemble immobilier et non de son entretien, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à la cause ;

Mais attendu qu'ayant, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, arrêté la dette de la société Excalibur envers la société Galaad au titre de la convention du 27 juillet 2000 à la somme de 1 558 026,10 euros, comprenant notamment le paiement des charges courantes de l'ensemble immobilier, l'arrêt retient qu'il convient d'appliquer à cette somme le taux d'intérêt contractuel de 6 % stipulé par cette convention ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a ainsi répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées, a légalement justifié sa décision ;

Et sur le moyen, pris en sa première branche :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour ordonner à Mme V..., à défaut de s'être acquittée du remboursement de sa dette, de transférer l'ensemble de ses parts à la société Galaad en garantie de la dette résultant de la convention du 27 juillet 2000 dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte, l'arrêt retient que l'article 5 de cette convention stipule que la société Excalibur devra s'acquitter du remboursement de sa dette dans le mois de l'arrêté de compte et qu'à défaut de ce remboursement à bonne date et jusqu'à ce que celui-ci soit intervenu, la société Galaad pourra exiger le transfert à son profit d'une fraction des parts constituant le capital de la société Excalibur ;

Qu'en statuant ainsi, alors que Mme V... n'avait signé la convention du 27 juillet 2000 qu'en qualité de gérante de la société Excalibur, de sorte qu'elle n'y avait pas consenti en son nom personnel et que cette clause du contrat lui était inopposable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne à Mme V..., à défaut de s'être acquittée du remboursement de sa dette, de transférer l'ensemble de ses parts à la société Galaad en garantie de la dette résultant de la convention d'ouverture du 27 juillet 2000 dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai et, ce, pendant un délai de trois mois, l'arrêt rendu le 27 avril 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Galaad Inc. aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Mme V... et à la société Excalibur la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour Mme V... et la société Excalibur.

Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Excalibur et Mme H... V..., in solidum, à verser à la société Galaad la somme de 1.558.026,10 euros avec intérêts au taux de 6 % à compter du 31 décembre 2014, capitalisés, jusqu'à parfait paiement ;

Aux motifs qu'aux termes de l'article 1 de la convention du 27 juillet 2000 portant ouverture de crédit par la société Galaad, Les appels de fonds à Galaad pourront prendre la forme de demandes de chèques ou virements, soit à l'ordre de la SCI Excalibur soit au profit de tous tiers désignés par elle, comme encore des demandes de sa part de paiements directs à toutes personnes physiques ou morales désignées par elle ou même la présentation au paiement par des tiers de billets acceptés par Excalibur, le tout sans que Galaad ait à se préoccuper de la réalité et du bien fondé de la dette alléguée ; ces mises à dispositions devront intervenir au plus tard sous huitaine de la demande qui en sera faite ; qu'aux termes de l'article 4 de la même convention, les mises à disposition faites par Galaad se trouveront valablement constatées par leur simple inscription au débit des comptes financiers de Galaad avec la seule indication de l'identité des bénéficiaires et le document émanant de la SCI Excalibur demandant l'opération ; de même, les versements de la SCI Excalibur seront valablement constatés par leur inscription au crédit des comptes ; la créance sera suffisamment établie par ces comptes qui vaudront titre contre la débitrice ; qu'aux termes de l'article 5 de ladite convention, A l'échéance de la présente ouverture de crédit, il sera établi le compte des mouvements intervenus entre Galaad et la SCI Excalibur au choix de Galaad qui devra notifier ce choix à la présentation du compte, les montants ainsi constatés seront affectés, soit d'un intérêt calculé au taux de six pour cent l'an (6 %) soit d'une revalorisation en fonction des variations qu'aura alors subi l'indice du coût de la construction (
) ;
que la société Excalibur et H... V... soutiennent que, en s'abstenant de verser au débat ses comptes financiers et les documents par lesquels la société Excalibur aurait sollicité les sommes litigieuses, la société Galaad n'apporte pas la preuve que ces sommes lui auraient été versées dans le cadre de la convention du 27 juillet 2000, laquelle, en tout état de cause, ne constitue pas un titre pour la société Galaad, mais un simple droit de tirage au bénéfice de la société Excalibur ;
qu'il résulte des stipulations des articles 4 et 5 de la convention du 27 juillet 2000 que la créance sera suffisamment établie par les comptes de la société Galaad qui vaudront titre contre la débitrice ;

qu'en l'espèce, il est constant que, pour financer l'acquisition de l'ensemble immobilier sis à Fontenailles, la société Excalibur a bénéficié d'une ouverture de crédit consentie le 27 juillet 2000 par la société Galaad d'un montant initial de 304 898 euros, puis de plusieurs versements par l'intermédiaire de la société Crédit industriel et commercial qui se sont échelonnés entre juillet 2000 et janvier 2013 ; que les virements effectués par la société Galaad, qui sont établis par les attestations de la société Crédit industriel et commercial en date des 22 janvier 2013 et 30 janvier 2013, ont principalement servi au remboursement d'un prêt contracté par la société Excalibur ;
que, sur la base de ces documents, les premiers juges ont estimé qu'il était établi que la société Galaad avait, pour le compte de la société Excalibur, payé une somme globale de 1 536 464,50 euros correspondant, à la date du 31 décembre 2014, à l'apport initial, aux échéances mensuelles de l'emprunt, au remboursement anticipé d'une partie de l'emprunt et aux charges courantes d'entretien de l'ensemble immobilier ;
qu'ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la créance en principal de la société Galaad était, tant dans son principe que dans son quantum, établie ;
qu'en appel, la société Galaad établit que, à la date de la dernière échéance de l'emprunt, en juillet 2015, le montant de la créance en principal s'élevait à un montant de 1 558 026,10 euros :
qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande de la société Galaad et de condamner in solidum la société Excalibur et H... V... à lui rembourser la somme totale de 1 558 026,10 euros (arrêt p. 5 etamp; 6) ;

1/ Alors que le juge doit procéder à une analyse des documents qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, l'arrêté de compte entre la société Galaad et la SCI Excalibur, régulièrement produit, précisait que la dette de la seconde à l'égard de la première « ne saurait à la date du 31 décembre 2011 dépasser la somme de QUATRE CENT QUARANTE HUIT MILLE QUATRE CENT SOIXANTE DIX HUIT EUROS ET QUATRE VINGT UN CENTIMES (448.478,81 €) » (p. 2, in fine) ; qu'en retenant néanmoins une dette de 1.558.026,10 euros à la charge de la SCI Excalibur, sans s'expliquer sur l'arrêté de compte adopté entre les parties en litige qui limitait pourtant le montant de la dette pour toute la période allant jusqu'au 31 décembre 2011, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2/ Alors que dans leurs conclusions d'appel déposées et notifiées le 16 décembre 2015 (p. 9, pénultième §), Madame V... et la SCI Excalibur ont soutenu que la cour d'appel devait distinguer entre la partie de la dette à laquelle il convenait d'appliquer le taux d'intérêt contractuel de 6 % fixé par la convention d'ouverture de crédit du 27 juillet 2000 et celle qui, faute d'entrer dans le cadre de cette convention, ne pouvait se voir appliquer ce taux ; que la cour d'appel a décidé que l'intégralité de la condamnation prononcée devait être majorée du taux de 6 % ; qu'en statuant ainsi, sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3/ Alors que le juge doit respecter les conventions des parties et ne peut étendre les obligations qui y sont stipulées ; qu'en appliquant explicitement le taux d'intérêt de 6 % issu de la convention de 2000 notamment aux « charges courantes d'entretien de l'ensemble immobilier » (arrêt p. 6, § 4 et 5, et dispositif p. 9, pénultième §), sans constater que ces charges entraient bien dans le cadre du prêt ayant fait l'objet de la convention du 27 juillet 2000 et accordé en vue de l'acquisition de l'ensemble immobilier et non de son entretien, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à la cause.

Le second moyen de cassation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné à Mme H... V..., à défaut de s'être acquittée du remboursement de sa dette, de transférer l'ensemble de ses parts à la société Galaad en garantie de la dette résultant de la convention d'ouverture du 27 juillet 2000 dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai et, ce, pendant un délai de trois mois ;

Aux motifs qu' aux termes de l'article 5 de la convention du 27 juillet 2000 portant ouverture de crédit par la société Galaad, la SCI Excalibur devra s'acquitter du remboursement de sa dette dans le mois de l'arrêté de compte ainsi effectué ; à défaut de remboursement à bonne date et jusqu'à ce que celui-ci soit intervenu, Galaad pourra exiger le transfert à son profit d'une fraction des parts constituant le capital de la SCI Excalibur calculée au prorata du montant de sa créance en principal rapporté à la somme de quatre millions cinq cent vingt cinq mille francs (4.525.000,00 F., soit 689.831,80 euros) ;
qu'il est constant que, à la date de l'arrêté de compte, la société Excalibur ne s'est pas acquittée de sa dette à l'égard de la société Galaad ; que le montant de cette dette est supérieur au montant du capital social de la société Excalibur ;
que, dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont refusé de faire droit à la demande de la société Galaad tendant au transfert des parts sociales ;
qu'il y a lieu, en conséquence, d'infirmer le jugement sur ce point et d'ordonner à H... V..., à défaut de s'être acquittée du remboursement de sa dette, de transférer, dans un délai d'un mois, l'ensemble de ses parts à la société Galaad en garantie de la dette résultant de la convention d'ouverture du 27 juillet 2000 ; qu'il y a lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, et, ce, pendant un délai de trois mois ;

1/ Alors que les conventions n'engagent que les parties contractantes et ne nuisent point aux tiers ; qu'un contrat ne peut rendre un tiers débiteur, fût-il un associé de la personne morale partie à ce contrat, si ce tiers n'a pas accepté expressément l'engagement ; que, faute d'acceptation de leur part, les associés d'une société civile ne sauraient être tenus directement envers le créancier de la société au titre d'une convention à laquelle ils ne sont pas parties ; qu'en l'espèce, pour ordonner à Madame V... de transférer toutes ses parts en garantie à la société Galaad, la cour d'appel s'est fondée sur la clause d'un engagement qui liait exclusivement la société Galaad et la SCI Excalibur, auquel les associés de la SCI n'étaient pas parties ; qu'en statuant ainsi, cependant que la clause n'était pas opposable à Madame V..., tiers à la convention, la cour d'appel a violé l'article 1165 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à la cause ;

2/ Alors que les conventions ne peuvent déroger aux règles qui intéressent l'ordre public ; qu'est privée de validité la convention qui, hors du cadre des transferts fiduciaires organisés par la loi, réalise un transfert de propriété à titre de garantie jusqu'au complet paiement de la dette ; que les dispositions relatives aux sociétés civiles immobilières ne permettent pas la cession des parts sociales à titre fiduciaire ; qu'en ordonnant à Madame V... de transférer ses parts de la SCI Excalibur à la société Galaad à titre de garantie, la cour d'appel a violé les articles 6 et 1866 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-19918
Date de la décision : 20/11/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 avril 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 20 nov. 2019, pourvoi n°17-19918


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Boulloche

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.19918
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