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19/11/2019 | FRANCE | N°18-83722

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 novembre 2019, 18-83722


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. I... E...,
- La société E...herboristerie d'industrie,
et
- Le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ORLEANS, chambre correctionnelle, en date du 24 avril 2018, qui, pour infractions à la législation et à la réglementation sur la pharmacie et le médicament, a condamné le premier à huit mois d'emprisonnement avec sursis, 30 000 euros d'amende et cinq amendes de 300 euros chacune, la se

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. I... E...,
- La société E...herboristerie d'industrie,
et
- Le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'ORLEANS, chambre correctionnelle, en date du 24 avril 2018, qui, pour infractions à la législation et à la réglementation sur la pharmacie et le médicament, a condamné le premier à huit mois d'emprisonnement avec sursis, 30 000 euros d'amende et cinq amendes de 300 euros chacune, la seconde à 100 000 euros d'amende dont 20 000 euros avec sursis et cinq amendes de 1 000 euros chacune, a ordonné des mesures d'affichage et de confiscation, a prononcé sur les intérêts civils et a débouté le troisième de ses demandes après relaxe de Mme N... E...des chefs d'infractions à la législation et à la réglementation sur la pharmacie et le médicament ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 octobre 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Darcheux ;

Sur le rapport de M. le conseiller SAMUEL, les observations de la société civile professionnelle CÉLICE, SOLTNER, TEXIDOR et PÉRIER, de la société civile professionnelle MATUCHANSKY, POUPOT et VALDELIÈVRE, et de la société civile professionnelle MARLANGE et DE LA BURGADE, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général LE DIMNA ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme partiellement et des pièces de procédure qu'une perquisition effectuée dans le cadre d'une information judiciaire, le 2 octobre 2013 à Langeais, dans les locaux de la société E...herboristerie d'industrie (société E...) a permis de découvrir, d'une part, 77,5 tonnes de substances et plantes médicinales interdites par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), d'autre part, des éléments laissant notamment présumer la fabrication et la transformation de substances actives ainsi que la distribution en gros de plantes médicinales sans autorisation ; que les investigations menées dans le cadre de l'enquête de flagrance aussitôt ouverte ont révélé que la société E...fournissait plusieurs établissements pharmaceutiques élaborant des médicaments à usage humain ou vétérinaire ; qu'à l'issue de ces investigations, la société E...et M. E...ont été cités devant le tribunal correctionnel des chefs d'exercice illégal de la pharmacie, fabrication et distribution en gros de médicaments et de plantes médicinales inscrites à la pharmacopée, sans autorisation administrative, distribution en gros de médicament sans respecter les règles de bonnes pratiques définies par l'ANSM, distribution de matières premières à usage pharmaceutique sans autorisation de l'ANSM, détention, offre ou cession illicites de substances ou plantes inscrites sur les listes I et II des substances vénéneuses ou classées comme psychotropes ; que Mme E...a été également citée de ces chefs sauf la fabrication en gros de médicaments et plantes médicinales ; que la société E...et M. E...ont en outre été poursuivis des chefs d'exercice d'une activité de commerce et de transformation de plantes, sans avoir procédé à la déclaration obligatoire auprès de la Mutualité sociale agricole (MSA) ou de l'URSSAF concernant l'emploi de collecteurs-cueilleurs, vente de produits et prestation de service sans facture conforme et prestation de service sans facture conforme, outre du chef de cinq contraventions de production ou transformation de denrées alimentaires ou d'aliments destinés à des animaux producteurs de denrées alimentaires sans en assurer la traçabilité ; que le tribunal correctionnel a déclaré les prévenus coupables de l'ensemble de ces chefs, à l'exception du travail dissimulé ; que les prévenus, le ministère public et la partie civile ont relevé appel du jugement ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour la société E...et M. E..., pris de violation de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, du principe Ne bis idem, des articles 4 du Protocole additionnel n° 7 à la Convention des droits de l'homme, L. 4223-1 et L. 5423-3 du code de la santé publique, 132-2 du code pénal et 591 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société E...et M. E...coupables d'exercice illégal de la pharmacie et d'ouverture d'un établissement pharmaceutique sans autorisation, a prononcé sur les peines et sur les intérêts civils ;

"alors que des faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elle concomitantes ; que la société E...et M. E..., pour avoir procédé sans y être habilités à la vente en gros d'éphédra et de plantes médicinales ou parties de plantes médicinales inscrites à la pharmacopée, ont été déclarés coupables, non seulement d'exercice illégal de la pharmacie, mais encore d'ouverture d'un établissement pharmaceutique sans autorisation ; que la cour d'appel ne pouvait valablement appliquer ainsi cumulativement deux qualifications à des faits procédant de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable" ;

Attendu que, pour retenir le délit d'exercice illégal de la pharmacie, l'arrêt attaqué énonce que ce délit est constitué lorsqu'un produit pouvant recevoir la qualification de médicament est vendu en gros ou au détail par un non pharmacien ou qu'il contient certaines plantes médicinales inscrites à la pharmacopée ; que les juges constatent notamment que les prévenus se sont livrés, entre le 31 juillet 2012 et le 13 octobre 2014,à la vente en gros, d'une part, de la plante éphédra qui est un médicament par fonction, d'autre part, de plantes médicinales inscrites à la pharmacopée selon le tableau annexé à l'acte de poursuite, celles appartenant à la liste B ne pouvant être vendues au public, sans aucune dérogation possible, que par les pharmaciens en application de l'article L. 4211-1-5° du code de la santé publique ;

Que, pour retenir le délit d'ouverture sans autorisation d'un établissement pharmaceutique, l'arrêt attaqué énonce que M. E...a fait fonctionner en toute impunité un établissement assimilable à un établissement pharmaceutique sans en supporter les contraintes administratives, sanitaires et financières et que, en tant que gérant agissant pour le compte de la personne morale, il ne s'est pas préoccupé des obligations pouvant incomber à une société ayant pour objet l'acquisition, la transformation, la commercialisation et la distribution de plantes ayant des propriétés médicinales à des professionnels élaborant, notamment, des compléments alimentaires destinés à l'alimentation humaine ou animale ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui établissent que les faits poursuivis ne procédaient pas de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable, la cour d'appel n'a pas méconnu le principe ne bis in idem ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour la société E...et M. E..., pris de la violation des articles violation de l'article 1er, point 2, sous b), de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, de l'article 6 de la Convention des droits de l'homme, des articles L. 5111-1 et L. 5421-1 du code la santé publique, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société E...et M. E...coupables de cession ou distribution en gros de médicament sans respect des règles de bonnes pratiques dont la méconnaissance était de nature à entraîner un risque grave pour la santé publique, et a prononcé sur les peines ;

"1°) alors que, pour décider si un produit constitue un médicament par fonction, il convient de procéder à un examen global, tenant compte de l'ensemble des caractéristiques du produit, dont, notamment, sa composition, ses propriétés pharmacologiques, immunologiques ou métaboliques, telles qu'elles peuvent être établies en l'état actuel de la connaissance scientifique, ses modalités d'emploi, l'ampleur de sa diffusion, la connaissance qu'en ont les consommateurs et les risques que peut entraîner son utilisation ; que, pour qualifier l'éphédra de médicament par fonction, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'il s'agissait d'une plante médicinale inscrite sur la liste B de la pharmacopée, qu'elle contenait de l'éphédrine, substance active pouvant avoir une incidence sur les fonctions physiologiques, et que ses effets indésirables sur la santé avaient conduit l'AFSSAPS, par une décision du 8 octobre 2003, à interdire l'importation, la préparation, la prescription et la délivrance de produits composés de cette plante ; qu'en prononçant ainsi, sans tenir compte des modalités d'emploi de l'éphédra, ni de l'ampleur de sa diffusion, ni son degré de connaissance par les consommateurs, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"2°) alors que la notion de médicament par fonction suppose que le produit présente un effet bénéfique pour la santé, et même qu'il ait à proprement parler pour rôle de prévenir ou de guérir ; qu'en ne constatant pas que tel était le cas de l'éphédra, mais en se bornant à relever, au contraire, les effets indésirables de cette plante sur la santé, la cour d'appel n'a, de nouveau, pas justifié sa décision ;

"3°) alors que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ; que l'article L. 5421-1 du code de la santé publique incrimine le fait de ne pas respecter les règles de bonnes pratiques définies dans le cadre des décisions ou arrêtés pris en application de l'article L. 5121-5 du même code, dont la méconnaissance est de nature à entraîner un risque grave pour la santé publique ; que, pour retenir cette infraction, la cour d'appel, après avoir qualifié l'éphédra de médicament par fonction, s'est bornée à relever que l'inspection des locaux de l'entreprise avait mis en évidence des conditions de stockage des plantes non conformes et l'absence de documentation permettant de s'assurer de la traçabilité des produits vendus ; qu'en prononçant ainsi, sans indiquer précisément quelles étaient les règles de bonnes pratiques qui n'auraient pas été respectées, ni expliquer en quoi les règles méconnues étaient de celles dont l'inobservation était de nature à entraîner un risque grave pour la santé publique, la cour d'appel n'a, de plus fort, pas justifié sa décision" ;

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches :

Attendu que pour déclarer les prévenus coupables d'exercice illégal de la pharmacie par vente en gros d'éphédra et de distribution en gros sans autorisation de plante éphédra et de poudre de cette plante, l'arrêt énonce que les plantes classées dans la catégorie B de la pharmacopée ne peuvent être vendues au public que par les pharmaciens en application de l'article L. 4211-1, 5°, du code de la santé publique, que l'éphédra est une plante classée dans cette catégorie en ce qu'elle contient de l'éphédrine, substance pouvant avoir une incidence sur les fonctions physiologiques ; que, par motifs adoptés, la cour d'appel relève que la tige d'éphédra contient de l'éphédrine, structure chimique similaire aux amphétamines qui a une action cardiovasculaire et pulmonaire avec une fonction de stimulant, que ses effets secondaires (accident vasculaire cérébral, hypertension, arythmie) ont justifié la décision de l'AFSSAPS du 8 octobre 2003 d'interdire l'importation, la préparation, la prescription et la délivrance des préparations magistrales, officinales et hospitalières, y compris les préparations homéopathiques, contenant de l'éphédrine et de l'éphédra ou Ma-Huang ; que les juges ajoutent que l'interdiction s'applique aux produits composés d'éphédra, sans distinction entre la tige et la tête de la plante et en concluent que l'éphédra peut être qualifiée de médicament par fonction au sens de l'article L. 5111-1 du code de la santé publique ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que les juges n'avaient pas à se prononcer au regard de critères mentionnés dans la première branche du moyen, inopérants à l'égard d'une plante faisant l'objet d'une interdiction générale de la part de l'autorité sanitaire compétente, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que les griefs doivent être écartés ;

Sur le moyen, pris en sa troisième branche :

Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables de distribution en gros de médicaments sans respecter les règles de bonne pratique relatives à la conception, l'adaptation et l'entretien des locaux et du matériel de stockage et à l'élaboration d'une documentation permettant de retracer l'historique des opérations et à l'exécution de l'enregistrement des opérations de réception, définies par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et publiées au bulletin officiel spécial du Ministère de la santé, l'arrêt énonce que l'inspection des locaux de la société E...a permis de mettre en évidence l'absence de toute documentation permettant de s'assurer de la traçabilité et de l'identification du produit vendu en l'absence d'indication précise, sur les factures, du nom de la plante commercialisée et que Mme E...a reconnu les défaillances de l'organisation de la société ; que, par motifs adoptés, la cour d'appel ajoute que l'inspection des bâtiments des établissements E...a permis d'établir des conditions de stockage des plantes non conformes ainsi que le non respect des bonnes pratiques de distribution et de fabrication des plantes et que M. E...a reconnu un certain nombre de négligences ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, et dès lors que le non respect des bonnes pratiques ayant pour objet de "permettre d'assurer le contrôle de la chaîne de distribution et, en conséquence, de maintenir la qualité et l'intégrité des médicaments" emporte par lui-même un risque grave pour la santé publique, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Qu'ainsi le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen de cassation proposé pour la société E...et M. E..., pris de la violation de l'article 6 de la Convention des droits de l'homme, des articles L. 4223-1 du code de la santé publique, 130-1, 131-21, 131-39 et 132-1 du code pénal, préliminaire, 1er, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société E...au paiement d'une amende correctionnelle de 100 000 euros, assortie de sursis à hauteur de 20 000 euros, a ordonné l'affichage de la décision dans les locaux de la société pendant deux mois, a ordonné la confiscation des scellés 8, 9, 11, de la totalité des lots d'éphédra, des autres lots de plantes, à l'exception des lots de houblon, laurier, badiane, livèche, lin, serpolet, menyanthe, a ordonné la confiscation de la somme de 140 000 euros saisie sur le compte bancaire de la société et de la somme de 895 euros saisie en espèces ;

"1°) alors qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; que ces exigences s'imposent aux peines prononcées à l'encontre tant des personnes physiques que des personnes morales ; qu'en répression des délits retenus, la société E...a été condamnée à une peine principale d'amende ainsi qu'à des peines complémentaires d'affichage de la décision et de confiscation de biens ; que, pour prononcer ces peines, la cour d'appel s'est bornée à relever, d'une part, qu'elles étaient prévues par la loi, d'autre part, que la société E...n'avait pas d'antécédents judiciaires connus, que le dossier de plaidoirie déposé par son avocat ne comportait aucun élément quant à sa situation financière, qu'il était établi que, sur la période visée à la prévention, son chiffre d'affaires s'était élevé à la somme de 1 185 643 euros, avec une marge nette de 537 703 euros, et, s'agissant spécialement des sommes d'argent confisquées, que la preuve n'était pas rapportée de l'existence de fonds d'origine licite parmi ces sommes ; qu'en statuant ainsi, sans mieux s'expliquer tant sur les circonstances des infractions que sur la personnalité et la situation personnelle de la société E..., la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

"2°) alors que la peine complémentaire de confiscation des biens constituant le produit direct ou indirect de l'infraction suppose de constater l'origine illicite des biens confisqués ; que, pour confirmer la confiscation, en tant que produit supposé des infractions, de la somme de 140 000 euros saisie sur le compte bancaire de la société E...et de la somme de 895 euros saisie en espèces, la cour d'appel s'est bornée à relever que la preuve n'était pas rapportée de l'existence de fonds d'origine licite parmi ces sommes ; qu'en statuant ainsi, sans constater positivement que les fonds saisis constituaient le produit direct ou indirect des infractions retenues, la cour d'appel n'a, de plus fort, pas justifié sa décision ;

"3°) alors qu'il appartient à l'autorité de poursuite d'apporter la preuve de l'origine illicite des biens dont la confiscation est ordonnée en tant que produit direct ou indirect de l'infraction, et non à la personne poursuivie d'établir le contraire ; qu'en relevant, pour confirmer la confiscation, en tant que produit supposé des infractions, de la somme de 140 000 euros saisie sur le compte bancaire de la société E...et de la somme de 895 euros saisie en espèces, que la preuve n'était pas rapportée de l'existence de fonds d'origine licite parmi ces sommes, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve" ;

Sur le moyen, pris en ses deux dernières branches :

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour confirmer le jugement qui avait ordonné la confiscation, à l'encontre de la société E..., de la somme saisie de 140 000 euros, solde créditeur du compte considéré comme le produit des infractions, et de la somme de 895 euros saisie en espèces, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les dispositions légales autorisant la confiscation et notamment l'alinéa 3 de l'article 131-21 du code pénal, énonce que la présence de fonds d'origine licite dans le produit de l'infraction ne fait pas obstacle à la confiscation prévue par la loi, à défaut de preuve rapportée par la prévenue de l'existence de fonds d'origine licite parmi les sommes saisies ;

Mais attendu qu'en l'état de ces motifs, insuffisants à établir que les sommes saisies sont le produit direct ou indirect des infractions retenues à l'encontre de la société prévenue, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres branches du moyen ; qu'elle sera limitée aux peines, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure ;

Et sur le quatrième moyen de cassation proposé pour la société E...et M. E..., pris de la violation des articles 130-1 et 132-1 du code pénal, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. E...à une peine d'emprisonnement de huit mois avec sursis ainsi qu'au paiement d'une amende correctionnelle de 30 000 euros ;

"alors qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; que, pour prononcer les peines correctionnelles d'emprisonnement avec sursis et d'amende infligées à M. E..., la cour d'appel s'est fondée exclusivement sur le défaut de production, par ce prévenu, de justificatifs de ses revenus et de ses charges, sur son absence d'antécédent judiciaire et sur la gravité des faits retenus à son encontre ; qu'en statuant ainsi, sans mieux s'expliquer sur la personnalité et la situation personnelle du prévenu, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision" ;

Vu les articles 130-1, 132-1 et 132-20, alinéa 2, du code pénal, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur ; que le juge qui prononce une amende doit, en outre, motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du prévenu ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour confirmer à l'encontre de M. E...les peines de huit mois d'emprisonnement avec sursis et 30 000 euros d'amende, l'arrêt retient que le prévenu n'a pas justifié de sa situation matérielle en produisant devant la cour les justificatifs de ses revenus et charges, qu'il n'a jamais été condamné et que les peines prononcées par le tribunal sont proportionnées à la gravité des infractions, au regard des questions de santé publique qu'elles induisent et de la nécessité de prévenir le risque de récidive qui est aussi en lien avec le caractère lucratif de l'activité de la société E...implantée sur le marché très porteur des compléments alimentaires ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans mieux s'expliquer sur la personnalité du prévenu et sa situation personnelle, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est également encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée aux peines, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure ;

Et sur le moyen unique de cassation proposé pour le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, pris de la violation des articles L. 4211-1, L. 4221-1, L. 4223-1, L. 4231-2, L. 5121-5, L. 5132-1, L. 5132-6, L. 5132-7, L. 5138-1, L. 5421-1, L. 5432-2 et L. 5438-3 du code de la santé publique, 121-1 et 121-2 du code pénal, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a renvoyé Mme E..., épouse F..., des fins des poursuites des chefs d'exercice illégal de la profession de pharmacien, d'ouverture d'un établissement pharmaceutique sans autorisation, de cession ou distribution en gros de médicaments sans respect des bonnes pratiques de nature à entraîner un préjudice grave pour la santé publique, de distribution sans autorisation de substances actives à usage thérapeutiques, de détention illicite de substance, plante, préparation ou médicament inscrit sur les listes I et II ou classé comme psychotrope et de cession ou offre illicite de substance, plante, préparation ou médicament inscrit sur les listes I et II ou classé comme psychotrope ;

"1°) alors qu'en relevant, pour renvoyer Mme E...des fins de la poursuite, qu'elle n'accomplissait aucun acte de gestion pour le compte de la société E..., qu'elle n'avait pas le pouvoir d'engager celle-ci, qu'elle n'était titulaire d'aucune délégation de pouvoirs et ne s'était pas comportée comme gérant de fait, quand de tels motifs pouvaient seulement exclure que les actes de Mme E...engagent la responsabilité pénale de la société E...mais ne pouvaient justifier la relaxe de Mme E..., poursuivie personnellement des chefs d'exercice illégal de la profession de pharmacien, d'ouverture d'un établissement pharmaceutique sans autorisation, de cession ou distribution en gros de médicaments sans respect des bonnes pratiques de nature à entraîner un préjudice grave pour la santé publique, de distribution sans autorisation de substances actives à usage thérapeutiques, de détention illicite de substance, plante, préparation ou médicament inscrit sur les listes I et II ou classé comme psychotrope et de cession ou offre illicite de substance, plante, préparation ou médicament inscrit sur les listes I et II ou classé comme psychotrope, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"2°) alors que la cour d'appel qui constatait elle-même que Mme E...avait commis les faits qui lui étaient reprochés en « réalisant les achats et les ventes » de plantes médicinales inscrites à la pharmacopée, ne pouvait, sans violer les textes visés au moyen, retenir, pour la renvoyer des fins de la poursuite, qu'elle n'accomplissait aucun acte de gestion pour le compte de la société E..., n'avait pas le pouvoir d'engager celle-ci, n'était titulaire d'aucune délégation de pouvoirs et ne s'était pas comportée comme gérant de fait, motifs impropres à exclure qu'elle ait commis les infractions pour lesquelles elle était personnellement poursuivie" ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour infirmer le jugement et relaxer Mme E..., l'arrêt retient que la société E...a pour gérant M. E...qui est le fondateur de la structure commerciale et qui prend au sein de celle-ci l'ensemble des décisions relatives à la gestion financière et au choix des axes de développement, et que Mme E...avait la charge, au sein de cette société, du volet commercial et réalisait les achats et ventes ; que la cour d'appel précise que cette dernière n'accomplissait au sein de la société aucun acte de gestion positif, notamment d'ordre bancaire, qu'elle ne prenait aucune décision en matière financière pouvant engager la société et qu'elle n'était titulaire d'aucune délégation de pouvoir ; que les juges ajoutent qu'il n'est pas non plus allégué qu'elle se serait immiscée dans la gestion de la société ou qu'elle aurait exercé une activité positive de gestion ou de direction engageant la société aux lieu et place de son représentant légal, M. E...; qu'ils relèvent que le fait qu'elle ait été responsable du service commercial de la société ne suffit pas, faute de démonstration d'un pouvoir décisionnel excédant ce cadre, à établir qu'elle aurait exercé aux lieu et place du gérant de droit, en se comportant comme un dirigeant de fait, et qu'elle aurait engagé sa responsabilité pénale aux côtés de la personne morale, même en tant que personne physique ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle constatait que Mme E..., qui était poursuivie à titre personnel et non en tant que représentant ou organe de la société E..., réalisait les achats et ventes de plantes objet de la prévention, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'en l'absence de pourvoi du ministère public, elle sera limitée aux intérêts civils ;

Sur la demande présentée au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale :

Attendu que les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel ; que les dispositions condamnant M. E...et la société E...herboristerie d'industrie à payer certaines sommes au Conseil national des pharmaciens étant devenues définitives par suite du rejet de leurs premier et deuxième moyens, il y a lieu de faire droit partiellement à leur demande ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Orléans en date du 24 avril 2018, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées contre M. E...et la société E...herboristerie d'industrie et en ses seules dispositions civiles relatives à Mme N... E..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Orléans autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Orléans et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

FIXE à 2 500 euros la somme que la société E...herboristerie d'industrie et M. E...devront payer solidairement au Conseil national de l'ordre des pharmaciens en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf novembre deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-83722
Date de la décision : 19/11/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 24 avril 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 nov. 2019, pourvoi n°18-83722


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Marlange et de La Burgade, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.83722
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