LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° M 18-85.688 F-D
N° 2208
SM12
14 NOVEMBRE 2019
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
M. C... D... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 25 juillet 2018, qui, pour infractions à la législation sur les stupéfiants et détention de marchandises dangereuses pour la santé, l'a condamné à trente mois d'emprisonnement, cinq ans d'interdiction du territoire français, et a prononcé une mesure de confiscation.
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 octobre 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Maréville ;
Sur le rapport de M. le conseiller DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU, les observations de la société civile professionnelle GARREAU, BAUER-VIOLAS et FESCHOTTE-DESBOIS, la société civile professionnelle BORÉ, SALVE DE BRUNETON et MÉGRET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SALOMON ;
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 13 février 2017, les agents de la brigade des douanes de Thionville ont contrôlé un autobus venant de Valence en Espagne, dans lequel ils ont découvert une quantité de 57,3 kg d'herbe de cannabis, dissimulée dans une cavité située sous le plancher du couloir central du véhicule. Trois personnes seulement étaient présentes à bord, M. D... , son conducteur, M. H..., un autre conducteur, et M. I..., guide.
3. A l'issue de l'information ouverte sur ces faits, tous trois ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel de Thionville par le juge d'instruction pour détention de marchandises dangereuses pour la santé publique, transport, détention et importation sans autorisation de stupéfiants.
4. Par jugement du 22 mai 2018, le tribunal correctionnel de Thionville a prononcé la relaxe de M. H... et déclaré coupables M. D... et M. I... des infractions qui leur sont reprochées. En répression, sur l'action publique, le tribunal les a condamnés, chacun, à trente mois d'emprisonnement avec maintien en détention, à l'interdiction du territoire français pendant cinq ans et a ordonné la confiscation des scellés. Sur l'action douanière, le tribunal a prononcé sur les demandes de l'administration.
5. Cette décision a été frappée d'appel par M. D... et par le ministère public.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 2 du protocole additionnel n°7 à la Convention, 343 du code des douanes, préliminaire, 502, 503, 509, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation de la loi.
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué :" en ce qu'il a constaté que l'appel de M. D... était limité aux dispositions pénales du jugement et qu'elle n'était pas saisie d'un appel régulier et recevable portant sur les dispositions douanières du jugement et a déclaré M. D... coupable des délits de transport, détention et importation illicites de stupéfiants" :
"1°) alors que l'action pour l'application des sanctions fiscales, exercée par l'administration des douanes ou par le ministère public accessoirement à l'action publique, a le caractère d'une action publique ; que l'appel interjeté par le prévenu des dispositions pénales et civiles d'un jugement comportant des condamnations de droit commun et des condamnations douanières englobe nécessairement les condamnations douanières ; qu'en retenant qu'elle n'était pas saisie d'un appel régulier et recevable portant sur les dispositions douanières lorsqu'elle a constaté que M. D... , a, par déclaration au greffe de la maison d'arrêt le 28 mai 2018, formé appel du jugement du tribunal correctionnel de Thionville en date du 22 mai 2018 en ce qui concerne les dispositions pénales et les dispositions civiles, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisé ;
"2°) alors que l'affaire est dévolue dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant ; qu'en retenant que l'appel de M. D... sur les dispositions pénales et civiles du jugement ne saisissait pas la cour d'un appel régulier et recevable sur les dispositions douanières du jugement et en en déduisant qu'elle n'était pas saisie des poursuites du chef du délit douanier d'importation en contrebande de stupéfiants, lorsque le jugement a, dans son dispositif « sur l'action publique», « déclar(é) D... C... coupable des faits qui lui sont reprochés : Pour les faits de détention de marchandise dangereuse pour la santé publique (stupéfiant) sans document justificatif régulier : fait réputé importation en contrebande commis le 13 février 2017 à Zoufftgen » (jugement p. 10), puis a déclaré M. D... coupable du même délit douanier dans son dispositif « sur l'action douanière » (jugement p. 12), de sorte que les appels de M. D... et du Parquet sur les « dispositions pénales » du jugement ont nécessairement saisi la cour des poursuites du chef du délit douanier d'importation en contrebande de stupéfiants, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés ;
3°) alors que procède d'un formalisme excessif et porte une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge la limitation de l'étendue d'un appel, ayant pour effet de priver le justiciable d'une voie de recours sur la déclaration de culpabilité du chef d'un délit douanier et les sanctions douanières prononcées en répression, déduite de l'absence de respect d'une formalité non prévue par la loi et d'origine jurisprudentielle consistant à imposer au justiciable, qui n'est pas un professionnel du droit, de préciser dans le détail les dispositions du jugement dont il souhaite faire appel dans sa déclaration d'appel en distinguant les « dispositions pénales » et les « dispositions douanières » parmi les différents délits pour lesquels une condamnation a été prononcée à son encontre par les premiers juges, de surcroît lorsque le jugement dont appel mentionne la déclaration de culpabilité du chef du délit douanier à la fois dans le dispositif du jugement « sur l'action publique » et dans le dispositif du jugement « sur l'action douanière » ; qu'en retenant que l'appel de M. D... sur les dispositions pénales et civiles du jugement ne saisissait pas la cour d'un appel régulier et recevable sur les dispositions douanières du jugement et en s'estimant non saisie des poursuites du chef du délit douanier d'importation en contrebande au motif que M. D... , incarcéré au moment de la déclaration d'appel, comprenait et lisait parfaitement le français et avait signé le formulaire qu'il n'avait pas lui-même renseigné mais qu'il était en mesure de compléter, la cour d'appel, qui a porté une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, a méconnu les textes et le principe susvisé".
Réponse de la Cour
8. La cour d'appel, pour estimer qu'elle n'était pas saisie des dispositions du jugement portant sur l'action douanière, a relevé que M. D... avait exercé son recours en remplissant un acte d'appel constitué d'un formulaire comprenant trois cases à cocher, la première, portant sur les dispositions pénales du jugement, la deuxième, sur les dispositions civiles, la troisième, sur les dispositions fiscales ou douanières, et qu'il avait coché seulement les deux premières. La cour d'appel a précisé que M. D... , qui déclare avoir travaillé en France pendant dix ans comme expert-comptable, parle parfaitement le français.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a fait application de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, qui estime que la juridiction du second degré doit apprécier l'étendue de sa saisine au vu du seul acte d'appel, et que, lorsque, sur l'imprimé de déclaration d'appel comportant trois cases, dont une réservée aux dispositions fiscales, le prévenu coche les seules cases relatives aux dispositions pénales et aux dispositions civiles, les dispositions douanières du jugement ne sont pas visées par son recours (Crim. 16 mai 1994, n°92-85.626 ; Crim. 2 juin 1999, n°98-82.807 ; Crim. 22 novembre 2017, n°17-80.063).
10. Il n'apparaît pas que M. D... ait prétendu, devant la cour d'appel, que l'obligation de préciser la portée de son recours en relevant appel d'un jugement procédait d'un formalisme excessif. Ce grief est donc irrecevable, car soulevé pour la première fois devant la Cour de cassation.
11. Le moyen ne peut donc être admis.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
12. Le moyen est pris de la violation des articles 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 111-3, 121-1, 121-3, 222-36, 222-37 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, insuffisance de motifs, contradiction de motifs, violation de la loi.
13. Le moyen critique l'arrêt attaqué : "en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. D... coupable de transport, détention et importation non autorisées de stupéfiants D... (arrêt p. 5-12)" :
"1°) alors que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à l'absence de motifs ; que les délits intentionnels de transport et détention illicites de produits stupéfiants et d'importation illicite de produits stupéfiants requièrent, pour leur caractérisation, que le prévenu ait volontairement transporté, détenu et importé des stupéfiants ; qu'en retenant, pour établir que M. D... avait connaissance de ce que le bus qu'il conduisait transportait des stupéfiants, d'abord que le prévenu, qui a toujours déclaré que le voyage avait pour objet d'acheminer un bus vide de Valence à la gare de Bruxelles-Midi où il devait prendre en charge des passagers et des bagages, avait eu un rôle prépondérant dans l'organisation d'un voyage dont il connaissait en réalité le véritable objet, à savoir le transport de stupéfiants, et la destination exacte, les Pays-Bas (arrêt p. 10-11), puis ensuite qu'en tant qu'ancien chef d'entreprise dans le domaine du transport et travaillant notamment au Maroc, M. D... avait été rendu particulièrement sensible aux questions de trafics illicites et aurait dû, de ce fait, réaliser des vérifications élémentaires dans le bus à son départ de Valence de sorte qu'il ne pouvait prétendre avoir ignoré la présence de stupéfiants à bord du véhicule (arrêt p. 11-12), la cour d'appel, qui ne pouvait reprocher en même temps au prévenu d'avoir joué un rôle prépondérant dans l'organisation en pleine connaissance de cause d'un transport de stupéfiants à destination des Pays-Bas et une négligence fautive consistant à avoir manqué de vérifier au départ de Valence le bus qu'il acheminait pour charger des passagers et des bagages à Bruxelles, n'a pas justifié légalement sa décision au regard des textes susvisés ;
"2°) alors que l'insuffisance de motifs équivaut à l'absence de motifs ; que les délits intentionnels de transport et détention illicites de produits stupéfiants et d'importation illicite de produits stupéfiants requièrent, pour leur caractérisation, que le prévenu ait volontairement transporté, détenu et importé des stupéfiants ; qu'en reconnaissant la crédibilité des déclarations de M. D... , qui a constamment déclaré que le voyage avait été organisé à la demande d'un certain « T... » l'ayant contacté du Maroc quelques jours plus tôt, par le constat répété dans les motifs de l'arrêt que le prévenu avait réceptionné la commande du dénommé « T... » (arrêt p. 10 § 4, p. 10 § 5 et p. 11 § 1) tout en déniant toute crédibilité aux mêmes déclarations du prévenu mentionnant la gare de Bruxelles-midi comme destination du bus, pour retenir comme destination réelle les Pays-Bas sur la seule base de l'indication d'un GPS n'appartenant pas au prévenu (arrêt p. 10), sur lequel il n'a jamais été établi qu'il aurait enregistré la destination des Pays-Bas (arrêt p. 10) et ne comportant pas d'horodatage et donc pas de date certaine d'enregistrement de cette destination comme l'a fait valoir M. D... dans ses conclusions (conclusions d'appel p. 16), la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;
"3°) alors que l'insuffisance de motifs équivaut à l'absence de motifs ; que les délits intentionnels de transport et détention illicites de produits stupéfiants et d'importation illicite de produits stupéfiants requièrent, pour leur caractérisation, que le prévenu ait volontairement transporté, détenu et importé des stupéfiants ; qu'en reconnaissant la crédibilité des déclarations de M. D... , qui a constamment déclaré que le voyage avait été organisé à la demande d'un certain « T... » l'ayant contacté du Maroc quelques jours plus tôt, par le constat répété dans les motifs de l'arrêt que le prévenu avait réceptionné la commande du dénommé « T... » (arrêt p. 10 § 4 , p. 10 § 5 et p. 11 § 1) tout en déniant toute crédibilité aux mêmes déclarations du prévenu mentionnant que le but du trajet était le chargement de passagers et de bagages en gare de Bruxelles-midi après prise d'instructions sur place auprès des agences de voyage situées autour de la gare aux motifs que n'ayant pas le numéro de téléphone du dénommé « T... », M. D... n'aurait pas pu prendre d'instructions du client pour la prise en charge des passagers et des bagages et n'aurait pas pu le prévenir en cas de retard ou incident (arrêt p. 11), éléments qui, tout au plus, établissaient la mauvaise organisation de la prise en charge à Bruxelles sans démontrer l'inexistence de cette prise en charge, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;
"4°) alors que les délits intentionnels de transport et détention illicites de produits stupéfiants et d'importation illicite de produits stupéfiants requièrent, pour leur caractérisation, que le prévenu ait volontairement transporté, détenu et importé des stupéfiants ; qu'il appartient aux juges d'ordonner les mesures d'instruction dont ils reconnaissent la nécessité ; que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier le dispositif ; que l'insuffisance de motifs équivaut à l'absence de motifs ; qu'en retenant à plusieurs reprises dans ses motifs que M. D... avait réceptionné par téléphone la commande du ressortissant marocain dénommé « T... » (arrêt p. 10 § 4 , p. 10 § 5 et p. 11 § 1) sans rechercher, y compris en ordonnant un supplément d'information aux fins d'identifier et d'auditionner ce commanditaire, si cette commande, dont elle a constaté elle-même l'existence, n'avait pas pour réel objet le chargement de passagers et de bagages en gare de Bruxelles-midi après prise d'instructions sur place auprès des agences de voyage situées autour de la gare comme l'a constamment fait valoir le prévenu, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;
"5°) alors que la contradiction de motifs équivaut à l'absence de motifs ; que les délits intentionnels de transport et détention illicites de produits stupéfiants et d'importation illicite de produits stupéfiants requièrent, pour leur caractérisation, que le prévenu ait volontairement transporté, détenu et importé des stupéfiants ; qu'en retenant que la défense du prévenu, en faisant valoir que seul M. H... était chargé de la préparation du bus, s'appesantissait vainement sur la préparation du bus préalablement au voyage (arrêt p. 9-1) tout en reprochant à M. D... , en tant qu'ancien chef d'entreprise dans le domaine du transport particulièrement sensibilisé aux questions de trafics illicites, de ne pas avoir procédé à des vérifications simples sur le bus préalablement au trajet, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;
"6°) alors que les délits intentionnels de transport et détention illicites de produits stupéfiants et d'importation illicite de produits stupéfiants requièrent, pour leur caractérisation, que le prévenu ait volontairement transporté, détenu et importé des stupéfiants ; qu'une simple négligence fautive ne saurait caractériser l'élément intentionnel de ces délits ; qu'en reprochant à M. D... de ne pas avoir procédé à des vérifications sur le bus au départ de Valence lorsqu'une simple négligence fautive ne saurait caractériser l'élément intentionnel des délits de transport, détention et importations illicites de produits stupéfiants, la cour d'appel a violé les articles 121-3, 222-36 et 222-37 du code pénal ;
"7°) alors que l'insuffisance de motifs équivaut à l'absence de motifs ; que les délits intentionnels de transport et détention illicites de produits stupéfiants et d'importation illicite de produits stupéfiants requièrent, pour leur caractérisation, que le prévenu ait volontairement transporté, détenu et importé des stupéfiants ; qu'en reprochant à M. D... de ne pas avoir procédé à des vérifications sur le bus au départ de Valence lorsqu'il ressort des constatations de l'arrêt que M. H... a reconnu avoir effectué seul le nettoyage du bus avant le départ de Valence lors de sa confrontation avec M. D... (arrêt p. 7), affirmant « j'ai effectivement récupéré le bus pour le préparer, le réparer et le nettoyer » (D744 conclusions d'appel du prévenu p. 11), lorsque le manquement par le prévenu à son obligation de ne pas travailler pendant un arrêt maladie est sans rapport avec une quelconque obligation de vérification préalable du bus à la charge de celui-ci et lorsque la conversation téléphonique visée dans l'arrêt ne fait état ni d'un trafic de stupéfiants ni même d'un trafic illicite auquel le prévenu aurait été « particulièrement sensibilisé », la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;
"8°) alors que nul n'est pénalement responsable que de son propre fait ; tout doute doit profiter à l'accusé ; que les délits intentionnels de transport et détention illicites de produits stupéfiants et d'importation illicite de produits stupéfiants requièrent, pour leur caractérisation, que le prévenu ait volontairement transporté, détenu et importé des stupéfiants ; qu'en déclarant coupable des délits de transport, détention et importation illicites de stupéfiants M. D... , qui s'est borné à conduire un bus lequel s'est avéré transporter des stupéfiants, lorsqu'il ressortait des constatations de l'arrêt que, d'une part, la préparation du bus incombait uniquement à M. H... (arrêt p. 7) et que le GPS retrouvé dans le véhicule mentionnant une destination aux Pays-Bas appartenait à ce dernier (arrêt p. 6) qui, pourtant, a bénéficié d'une décision définitive de relaxe au bénéfice du doute là où M. D... a été condamné et, d'autre part, que le carnet comportant diverses annotations et croquis d'une cavité du bus appartenait à M. I... (arrêt p. 7), coprévenu présentant des antécédents en matière de stupéfiants et définitivement condamné, lequel a été de surcroît mis en cause par M. H... pour avoir présenté un comportement étrange au cours du trajet et pour avoir menacé celui-ci quand il l'avait interrogé sur la présence éventuelle de stupéfiants à bord (arrêt p. 7), la cour d'appel, qui n'a établi aucun lien entre la présence des stupéfiants dans le bus et une action personnelle imputable au prévenu démontrant qu'il connaissait cette présence, a violé les textes et les principes susvisés".
Réponse de la Cour
14. Pour déclarer M. D... coupable des infractions qui lui sont reprochées, la cour d'appel relève qu'il travaille, comme comptable et chauffeur, dans la société Europabus, située en Espagne, qu'il a reçu la commande d'un transport, venant d'un homme qu'il n'a pu identifier que par son prénom, pour se rendre, depuis Valence en Espagne, jusqu'à la gare de Bruxelles, pour y prendre en charge des passagers et des bagages, et qu'il a recruté deux autres personnes pour constituer, avec lui, l'équipage de cet autobus, qu'il devait conduire, ainsi qu'un autre de ses équipiers. La cour d'appel énonce que le prévenu s'est contredit, indiquant bien connaître son commanditaire, après avoir déclaré qu'il n'avait traité qu'une seule fois avec lui cinq ans auparavant. La cour d'appel ajoute que les conversations téléphoniques du prévenu, de même que les invraisemblances et les incohérences de ses déclarations établissent qu'il était au fait du but du voyage et de sa destination exacte. L'arrêt en déduit que M D... a eu un rôle moteur et déterminant dans l'organisation du voyage et ne pouvait que connaître la présence de stupéfiants à bord de l'autobus contrôlé.
15. En l'état de ces motifs résultant de son appréciation souveraine, et dès lors que la nécessité d'ordonner un supplément d'information est une question de fait qui ne relève pas du contrôle de la Cour de cassation, la cour d'appel a justifié sa décision.
16. Ainsi, ce moyen ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
17. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 130-1, 132-1, 132-19, 132-24, 222-36, 222-37 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation de la loi.
18. Le moyen critique l'arrêt : "en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a condamné M. D... à une peine de trente mois d'emprisonnement, alors qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère inadéquat de toute autre sanction ; qu'en condamnant M. D... à une peine de trente mois d'emprisonnement sans sursis, sans s'expliquer sur les éléments de la personnalité du prévenu qu'elle a pris en considération pour fonder sa décision, la seule référence à l'absence d'antécédent judiciaire étant insuffisante à satisfaire à cette obligation, et sur le caractère inadéquat de toute autre sanction rendant nécessaire une peine d'emprisonnement sans sursis, la cour d'appel a méconnu les textes et les principes susvisés".
Réponse de la Cour :
19. Selon l'article 132-19 du code pénal, en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate.
20. Pour prononcer, à l'encontre de M. D... , une peine d'emprisonnement sans sursis, la cour d'appel relève qu'en dépit de son absence d'antécédent judiciaire, son rôle prépondérant dans l'organisation du trafic, la quantité de drogue transportée, et son taux de THC significatif imposent de le sanctionner avec une particulière sévérité, seule une peine d'emprisonnement étant de nature à le sanctionner à la mesure de la gravité des infractions commises. La cour d'appel ajoute que le prévenu est espagnol, demeure en Espagne, qu'il est père de deux enfants majeurs, qu'il est diabétique, une expertise médicale établissant la compatibilité de son état de santé avec la détention.
21. En l'état de cette motivation, la cour d'appel a justifié, au regard des exigences de l'article 132-19 précité, la peine d'emprisonnement sans sursis qu'elle a prononcée.
22. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
23.Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 130-1, 132-1, 222-44, 222-48, 222-49 du code pénal, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale, insuffisance de motifs.
24. Le moyen critique l'arrêt : "en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a condamné M. D... à une peine d'interdiction du territoire français pour une durée de cinq ans et a ordonné la confiscation des scellés" :
"1°) alors que en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle ; qu'en retenant, pour prononcer à l'encontre de l'exposant une peine d'interdiction du territoire d'une durée de cinq ans, qu'au regard de la toxicité et de la dangerosité pour la santé publique du cannabis transporté mis en évidence par les analyses précitées, c'est à juste titre que les premiers juges ont prononcé à l'égard du prévenu une interdiction du territoire français pour une durée de 5 ans sans s'expliquer sur la personnalité du prévenu et sur sa situation personnelle, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;
"2°) alors que en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle ; qu'en ordonnant la confiscation des scellés sans motiver sa décision au regard de la gravité des faits, de la personnalité du prévenu et de sa situation personnelle, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;
"3°) alors que en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle ; qu'à supposer les motifs relatifs à la peine d'emprisonnement ferme communs à la peine d'interdiction du territoire et à la confiscation des scellés, en se bornant à faire référence à l'absence d'antécédent judiciaire du prévenu sans mieux s'expliquer sur sa personnalité, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision".
Réponse de la Cour
25. Toute peine prononcée doit être motivée au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur. Toutefois, lorsque plusieurs peines sont prononcées, la Cour de cassation estime que le juge peut adopter une motivation commune à celles-ci (Crim. 27 juin 2018, n°16-87.009, Bul. n°128).
26. En l'espèce, la motivation de la cour d'appel, citée au paragraphe 21 du présent arrêt, commune aux différentes peines, justifie, du point de vue de la personnalité de leur auteur, aussi bien le prononcé de l'emprisonnement sans sursis que l'interdiction du territoire français et la confiscation.
27. Ainsi, le moyen ne peut être admis.
28. De plus, l'arrêt attaqué est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour,
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze novembre deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.