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14/11/2019 | FRANCE | N°18-22500

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 14 novembre 2019, 18-22500


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 9 juillet 2018), qu'à la suite d'une vérification de comptabilité qui s'est déroulée du 6 janvier au 27 avril 2016, pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, étendue jusqu'au 30 septembre 2015 au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), l'administration fiscale, après avoir notifié à la société Atlassib Franta (la société) une proposition de rectification mettant à sa charge des rappels de TVA et d'impôt

sur les sociétés, a sollicité d'un juge de l'exécution l'autorisation de prendre ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 9 juillet 2018), qu'à la suite d'une vérification de comptabilité qui s'est déroulée du 6 janvier au 27 avril 2016, pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, étendue jusqu'au 30 septembre 2015 au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), l'administration fiscale, après avoir notifié à la société Atlassib Franta (la société) une proposition de rectification mettant à sa charge des rappels de TVA et d'impôt sur les sociétés, a sollicité d'un juge de l'exécution l'autorisation de prendre des mesures conservatoires sur le patrimoine de cette société ; que par une ordonnance du 27 octobre 2016, le juge de l'exécution a autorisé le comptable public à procéder à une saisie conservatoire des sommes inscrites sur tous les comptes bancaires ouverts au nom de la société, d'un certain nombre de véhicules automobiles et de biens placés dans des coffres-forts ; que la société a notamment saisi un juge de l'exécution en mainlevée de ces saisies conservatoires ; que par un jugement du 31 mai 2017, cette demande a été rejetée ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la débouter, par confirmation du jugement entrepris, de ses contestations dirigées contre les saisies conservatoires des 4 et 20 janvier 2017, de rejeter la demande de mainlevée de la saisie conservatoire du véhicule Peugeot immatriculé [...] et de la condamner au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en jugeant qu'il ne peut être sérieusement contesté que l'administration fiscale est fondée, comme tout créancier justifiant d'une créance qui paraît fondée en son principe, à solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement, cependant que les dispositions spéciales du livre des procédures fiscales autorisant les comptables publics à prendre des mesures conservatoires sans disposer d'un titre exécutoire constatant et authentifiant la créance d'impôt sont limitatives et chassent l'application des dispositions générales du code des procédures civiles d'exécution, la cour d'appel a violé l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution par fausse application ;

2°/ qu'il appartient au juge de l'exécution saisi en application de l'article L. 512-1 du même code d'une demande du contribuable tendant à la mainlevée des mesures conservatoires qu'il a précédemment autorisées d'apprécier concrètement, au vu des énonciations de l'administration figurant dans les actes de la procédure de rectification contradictoire, des réponses du contribuable et, plus généralement, des écritures des parties dans le cadre de la procédure de mainlevée, si les allégations de l'administration sont suffisamment solides pour justifier l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe ; qu'en se défaussant en l'espèce de tout contrôle, aux motifs que l'administration avait suffisamment justifié d'une créance fondée en son principe par la seule production de la proposition de rectification et des observations du service en réponse aux observations du contribuable et que le caractère vraisemblable de la créance alléguée n'était pas remis en cause par la réponse des autorités fiscales roumaines à la demande d'assistance administrative de l'administration fiscale dont il appartiendrait à cette dernière d'apprécier l'incidence sur la procédure de rectification contradictoire, la cour d'appel a violé les articles L. 511-1 et L. 512-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

3°/ que, statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité présentement soulevée par la société, le Conseil constitutionnel jugera qu'à défaut de ménager, en faveur du contribuable à l'encontre duquel le comptable public a pris des mesures conservatoires, une faculté équivalente à celle prévue à l'article L. 277 du livre des procédures fiscales de demander au juge de l'exécution la mainlevée totale ou partielle de ces mesures en considération des conséquences difficilement réparables que ces mesures conservatoires pourraient produire à son égard, les dispositions des articles L. 511-1 et L. 512-1 du code des procédures civiles d'exécution portent atteinte aux droits et libertés garantie par la Constitution ; que la décision du Conseil constitutionnel aura pour conséquence de priver de tout fondement juridique l'arrêt attaqué, par lequel la cour d'appel a débouté la société de ses contestations dirigées contre les saisies conservatoires des 4 et 20 janvier 2017 et rejeté la demande de mainlevée de la saisie conservatoire du véhicule Peugeot immatriculé [...] ;

Mais attendu qu'ayant exactement énoncé que l'administration fiscale peut faire pratiquer, après avoir obtenu une autorisation à cet effet, une saisie conservatoire sur les biens de son débiteur sur le fondement de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution et retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que l'administration justifiait, en l'espèce, d'une créance paraissant fondée dans son principe à l'encontre de la société débitrice au vu de la proposition de rectification notifiée le 24 mai 2016, puis confirmée après observations écrites de ladite société en date du 30 août 2016, le caractère vraisemblable de la créance n'étant pas remis en cause par la réponse des autorités fiscales roumaines à la demande d'assistance administrative qui leur avait été adressée, c'est sans encourir les griefs de violation des articles L. 511-1 et L. 512-2 du code des procédures civiles d'exécution que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait ;

Et attendu ensuite que le moyen, pris en sa troisième branche, est devenu sans portée à la suite de l'arrêt de cette Cour du 14 mars 2019, disant n'y avoir lieu à renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité présentée par la société ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Atlassib Franta aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Atlassib Franta ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Atlassib Franta

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, par confirmation du jugement entrepris, débouté la SARL Atlassib Franta de ses contestations dirigées contre les saisies conservatoires des 4 et 20 janvier 2017, d'AVOIR rejeté la demande de mainlevée de la saisie conservatoire du véhicule Peugeot immatriculé [...] et d'AVOIR condamné la SARL Atlassib Franta au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

AUX MOTIFS QU'« en vertu de l'article L511-1 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur sans commandement préalable, si elle justifie des circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement. Il ne peut être sérieusement contesté que l'administration fiscale comme tout créancier, peut faire pratiquer, après avoir obtenu autorisation à cet effet, des saisies conservatoires sur les biens de ses débiteurs apparents, sur le fondement de ce texte et c'est bien vainement que la société appelante fait valoir que les saisies litigieuses seraient hors loi civile. Curieusement, la société appelante fait plaider que le juge de l'exécution n'aurait pas statué sur la recevabilité de sa saisine directe alors que l'obligation de recours hiérarchique est un préalable obligatoire pour tout recours concernant le recouvrement de la créance. Cependant, les dispositions de l'article L.281 du livre des procédures ne sont pas applicables en matière de saisie conservatoire. En l'espèce, l'administration justifie d'une créance fondée en son principe au vu de la proposition de rectification notifiée le 24 mai 2016 à la société appelante, puis confirmée par l'administration fiscale après observations écrites du contribuable en date du 30 août 2016, pour un montant de 2.473.173 €. Le caractère vraisemblable de la créance n'est pas remis en cause par le procès-verbal du 17 février 2017, établi par deux inspecteurs supérieurs à la direction générale régionale des finances publiques roumaines dont il appartiendra à l'administration fiscale d'apprécier l'incidence sur la procédure de vérification, étant néanmoins mentionné par l'autorité compétente que plusieurs factures ont été émises par la société Atlassib Franta pour Posta Atlassib Curier Rapid en 2014 et en 2013 sans qu'un contrat ait été conclu entre les deux sociétés commerciales. La société appelante ne peut pas prétendre que les mesures conservatoires prises seraient caduques faute pour l'administration fiscale d'avoir introduit une procédure aux fins d'obtenir un titre exécutoire dans le délai d'un mois. En effet, comme le rappelle à juste titre le premier juge, il est de droit constant qu'un avis de vérification de comptabilité constitue le début d'une procédure visant à l'obtention d'un titre exécutoire de sorte qu'en l'espèce, la procédure visant à obtenir un titre exécutoire a été mise en oeuvre dès le 16 décembre 2015, préalablement à la demande d'autorisation de pratiquer des saisies conservatoires et à la mise en oeuvre de ces mesures. L'appelante fait valoir que la caducité est encourue compte-tenu de la spécificité de la procédure fiscale, chaque fois que le comptable public procède à des saisies conservatoires de créances en application des dispositions de l'article L.511-1 du code des procédures civiles d'exécution ; qu'en effet, trente jours après la commission de l'exécution autorisée, il n'y aurait que deux alternatives :
- soit la procédure d'assiette n'est pas close : dans ce cas, il ne s'est produit aucun événement nouveau qui justifie la levée de la condition suspensive posée par la loi ;
- ou bien la procédure est close et le créancier dispose d'un titre exécutoire qu'il a lui-même commis.
Cette argumentation, qui consiste à dire que la saisie deviendrait caduque faute d'élément particulier survenu dans le mois de la date à laquelle elle a été opérée, est dépourvue du moindre fondement. Par ailleurs, l'appelante ne peut pas soutenir que la procédure est restée en l'état puisqu'elle a elle-même usé de la garantie ouverte à l'article L.59 du livre des procédures fiscales en saisissant le 21 septembre 2016, la commission départementale ou nationale des impôts directs et que cette commission, qui est présidée par le président du tribunal administratif ou par un membre du tribunal désigné par lui ou par un membre de la cour administrative d'appel désigné, à la demande du président du tribunal, par celui de la cour est indépendante de l'administration fiscale. Enfin, la société appelante ne conteste nullement qu'il existe des menaces sur le recouvrement de la créance, ainsi que l'avait à bon droit relevé le juge de l'exécution dans sa décision du 27 octobre 2016, en faisant valoir d'une part l'importance des rappels de TVA et d'impôt sur les sociétés et d'autre part le tait que l'activité menée par cette société était exercée sans comptabilité transparente et avec recours à des salariés détachés, comportement fiscal, nécessairement intentionnel, laissant craindre des difficultés majeures de recouvrement, ce qui est confirmé par le fait que la société appelante n'a pas été à même de consigner la moindre somme que ce soit pour tenter d'échapper à la mesure conservatoire. Il convient donc de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions sans qu'il y ait motif à ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire du véhicule Peugeot immatriculé [...] » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « sur la demande de jonction, que s'agissant de recours effectivement identiques, mais formés après rejet des trois recours hiérarchiques introduit auprès de l'Administration fiscale, il convient de procéder à la jonction de ces trois instances n°11 17 1009, 1010 et 1011 avec l'instance n°11-17.423 ; que la contestation de la Sarl Atlassib Franta est de ce fait recevable puisque le recours hiérarchique a été régularisé et a fait l'objet d'une décision de rejet ; sur le bien-fondé des saisies-conservatoires des 4 et 20 janvier 2017, que l'article L.511-1 du Code des procédures civiles d'exécution ne fait pas de distinction entre les créanciers ; que le fait que l'Administration fiscale dispose de son droit propre ne lui interdit pas de recourir à des procédures civiles de droit commun dès lors qu'il n'existe pas de procédure fiscale spécifique - ce qui est le cas pour les mesures conservatoires de créances ; sur l'obtention du titre exécutoire prévue par l'article L.511-4 du Code des procédures civiles d'exécution, dans le délai d'un mois suivant l'article R.511-7, que ce dernier article prévoit que le créancier introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire ; qu'en l'espèce, s'agissant d'une procédure fiscale dans le cadre de laquelle l'Administration fiscale se délivre à elle-même son propre titre, force est de constater que M. le Comptable des Finances Publiques du Service des Impôts des Entreprises de Strasbourg-Ouest poursuit l'accomplissement des formalités propres à la procédure fiscale en suivant les étapes prévues entre la vérification fiscale et l'avis de mise en recouvrement telles qu'énoncées par la Sarl Atlassib Franta elle-même ; qu'à cet égard, il est rappelé à juste titre par M. le Comptable des Finances Publiques du Service des Impôts des Entreprises de Strasbourg-Ouest que la Cour de Cassation admet que l'envoi d'un avis de vérification de comptabilité constitue le début de la procédure visant à obtenir un titre exécutoire et qu'il a été depuis suivi par toutes les étapes nécessaires ; qu'en conséquence, la Sarl Atlassib Franta sera déboutée de sa contestation » ;

1. ALORS QU'EN jugeant qu'il ne peut être sérieusement contesté que l'administration fiscale est fondée, comme tout créancier justifiant d'une créance qui paraît fondée en son principe, à solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement, cependant que les dispositions spéciales du livre des procédures fiscales autorisant les comptables publics à prendre des mesures conservatoires sans disposer d'un titre exécutoire constatant et authentifiant la créance d'impôt sont limitatives et chassent l'application des dispositions générales du code des procédures civiles d'exécution, la cour d'appel a violé l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution par fausse application.

2. ALORS, en toute hypothèse, QU'IL appartient au juge de l'exécution saisi en application de l'article L. 512-1 du même code d'une demande du contribuable tendant à la mainlevée des mesures conservatoires qu'il a précédemment autorisées d'apprécier concrètement, au vu des énonciations de l'administration figurant dans les actes de la procédure de rectification contradictoire, des réponses du contribuable et, plus généralement des écritures des parties dans le cadre de la procédure de mainlevée, si les allégations de l'administration sont suffisamment solides pour justifier l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe ; qu'en se défaussant en l'espèce de tout contrôle, aux motifs que l'administration avait suffisamment justifié d'une créance fondée en son principe par la seule production de la proposition de rectification et des observations du service en réponse aux observations du contribuable et que le caractère vraisemblable de la créance alléguée n'était pas remis en cause par la réponse des autorités fiscales roumaines à la demande d'assistance administrative de l'administration fiscale dont il appartiendrait à cette dernière d'apprécier l'incidence sur la procédure de rectification contradictoire, la cour d'appel a violé les articles L. 511-1 et L. 512-1 du code des procédures civiles d'exécution.

3. ALORS QUE, statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité présentement soulevée par la société Atlassib Franta, le Conseil constitutionnel jugera qu'à défaut de ménager en faveur du contribuable à l'encontre duquel le comptable public a pris des mesures conservatoires une faculté équivalente à celle prévue à l'article L. 277 du livre des procédures fiscales de demander au juge de l'exécution la mainlevée totale ou partielle de ces mesures en considération des conséquences difficilement réparables que ces mesures conservatoires pourraient produire à son égard, les dispositions des articles L. 511-1 et L. 512-1 du code des procédures civiles d'exécution portent atteinte aux droits et libertés garantie par la Constitution ; que la décision du Conseil constitutionnel aura pour conséquence de priver de tout fondement juridique l'arrêt attaqué, par lequel la cour d'appel a débouté la SARL Atlassib Franta de ses contestations dirigées contre les saisies conservatoires des 4 et 20 janvier 2017 et rejeté la demande de mainlevée de la saisie conservatoire du véhicule Peugeot immatriculé [...].


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-22500
Date de la décision : 14/11/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 09 juillet 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 14 nov. 2019, pourvoi n°18-22500


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.22500
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