La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/11/2019 | FRANCE | N°18-17967

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 14 novembre 2019, 18-17967


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 26 février 2018), que le groupement agricole d'exploitation en commun P... (le GAEC), titulaire d'un bail rural sur la parcelle [...] appartenant à MM. U..., K... et R... N... (les consorts N...), a demandé au tribunal paritaire des baux ruraux de dire que ce bail inclut la parcelle [...] et subsidiairement que lui-même bénéficie d'un bail rural verbal sur cette parcelle ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles 1156, devenu 1188, et 1134, devenu

1103, du code civil ;

Attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt retie...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 26 février 2018), que le groupement agricole d'exploitation en commun P... (le GAEC), titulaire d'un bail rural sur la parcelle [...] appartenant à MM. U..., K... et R... N... (les consorts N...), a demandé au tribunal paritaire des baux ruraux de dire que ce bail inclut la parcelle [...] et subsidiairement que lui-même bénéficie d'un bail rural verbal sur cette parcelle ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles 1156, devenu 1188, et 1134, devenu 1103, du code civil ;

Attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt retient que les mentions claires du bail et des avenants permettent de considérer que seule la parcelle [...] est concernée par le bail à ferme ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, s'il ne résultait pas de la commune intention des parties que la parcelle [...] était nécessairement comprise dans le bail, alors que seule celle-ci bordait la propriété de Mme R... X..., indiquée dans le bail comme constituant la limite nord de la parcelle louée, et si la parcelle [...] ne pouvait représenter à elle seule la surface donnée à bail, alors qu'il était invoqué l'existence d'un bail consenti à un tiers sur partie de cette parcelle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation prononcée sur le premier moyen entraîne l'annulation, par voie de conséquence, des dispositions qui sont critiquées par ce moyen ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis, autrement composée ;

Condamne MM. U..., K... et R... N... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de MM. U..., K... et R... N... et les condamne à payer au GAEC P... la somme globale de 3 000 euros;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour le GAEC P...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la parcelle [...] commune du Tampon n'est pas l'objet du bail à ferme consenti au Gaec P... par les époux N..., d'AVOIR débouté le Gaec P... de sa demande tendant à voir dire qu'il est titulaire d'un bail verbal sur la parcelle [...], d'AVOIR dit que le Gaec P... est occupant sans droit ni titre sur cette parcelle et dit que ce dernier devra libérer les lieux sous un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 € par jour de retard passé ce délai, dans la limite de trois mois et ordonné son expulsion dans un délai de six mois à compter de la notification de l'arrêt, avec, en cas de besoin, le concours de la force publique et d'AVOIR dit que le Gaec P... devra remettre en état la parcelle [...] en l'état et « procéder à la démolition de la retenue d'eau collinaire », dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt, à peine d'astreinte de 150 € par jour de retard passé ce délai et dans la limite de trois mois ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'acte sous seing privé signé le 31 octobre 1999, les époux B... N... et Marie X... tous deux décédés, aux droits desquels viennent M. K... N..., M. U... N..., M. R... N..., héritiers, ont donné à bail à ferme au Gaec P... une portion de terrain située commune du Tampon lieu dit [...] cadastrée [...] délimité ainsi qu'il suit :
Nord : Mme R... X...
M... : partie par chemin N... et partie par le fils du bailleur ( à 70 mètres de sa maison d'habitation)
Est : Bras de la Plaine Ouest : Philippe W...
d'une contenance totale d'environ 30 ha à prendre sur totalité de 43 ha 22 a 32 ca ;
Que l'acte précise clairement que le bail à ferme est consenti sur une portion de terrain de la parcelle cadastrée [...] commune du Tampon lieu dit [...], d'une contenance d'environ 30 ha à prendre sur la totalité de 43 ha 22 a 32 ca ;
Qu'aucun plan n'est annexé à l'acte et il est avéré que les parties n'ont pas procédé à un état des lieux d'entrée ;
Que les avenants au bail successivement conclus le 13 mars 2003 et le 1er octobre 2007 entre les époux N... et L... P... n'ont pas affecté la désignation cadastrale de la parcelle objet du bail, à savoir la parcelle [...] commune du Tampon, seule la surface du terrain donné à bail étant modifiée pour atteindre successivement 40 ha puis 43 ha sur une contenance totale de 43ha 22 a 32 ca ;
Qu'il résulte d'un document d'arpentage établi le 5 mai 2003, que les parcelles [...] et [...] figuraient au cadastre de la commune du Tampon, et les consorts N... font justement valoir que ce document d'arpentage, produit par le Gaec, mentionnait la parcelle [...] d'une superficie de 13 ha 42 a et 10 ca, et envisageait la division de la parcelle [...] en deux parcelles [...] et [...] ;
Qu'il apparaît que seule la parcelle [...] a fait l'objet d'un bail consenti au Gaec P... par les époux N..., ainsi que le soutiennent les appelants, aucune référence n'étant faite à la parcelle [...] propriété de M. B... N... ;
Que l'emprise du bail sur la parcelle [...] , d'une contenance totale de 43 ha 22 a 32 ca a été fixée à 30 hectares lors de la conclusion du bail, puis successivement étendue par avenants du 13 mars 2003 et 1er octobre 2007 dans la limite de 40 ha ;
Que les mentions claires du bail et avenants permettent de retenir que seule la parcelle [...] est affectée par le bail à ferme ;
Que, concernant l'existence d'un bail verbal, invoqué et contesté aucune des pièces produites par le Gaec ne permet de caractériser un consentement de M. B... N... propriétaire de la parcelle [...] à son occupation par le Gaec P... ou un de ses associés ;
Que les attestations de témoins MM. G..., V..., D... et de Mme V... qui indiquent dans des termes différents, avoir vu M. Franck P... exploiter le terrain de M. N... borné au Nord par Mme R... X... ou que M. N... a donné en location son terrain borné au Nord par Mme R... X..., sans la moindre référence cadastrale, ne sont pas probantes d'une occupation de la parcelle [...] avec l'accord du bailleur ;
Que l'autorisation de travaux qui a été consentie par écrit le 12 décembre 2005 au Gaec P... par M. B... N... vise la seule parcelle [...] ;
Que l'autorisation délivrée le 31 août 2012 par M. B... N... au Gaec P... de procéder aux travaux nécessaires à la réparation de la retenue collinaire ne porte aucune mention de son lieu d'implantation ;
Que le pré-rapport établi le 11 janvier 2014 par M. H..., expert d'assurance, mandaté par l'assureur du Gaec, ne permet pas de retenir l'existence d'un bail consenti par M. B... N... sur la parcelle [...] au Gaec P... ;
Que le rapport relève qu'une confusion procédant de l'indication dans les actes depuis 1992 d'une limite Nord de la parcelle [...] constituée par Mme R... X..., alors que la propriété de Mme R... X... constituerait la limite Nord de la parcelle [...], aurait induit le Gaec en erreur, ce qui est inopérant à démontrer un accord de M. N... à l'occupation par le Gaec de la parcelle [...] ;
Que le Gaec, qui soutient avoir ignoré jusqu'en octobre 2013, qu'il occupait la parcelle [...] persuadé qu'il s'agissait de la parcelle [...] , ne peut exciper d'un consentement exempt d'erreur à la conclusion d'un bail sur sa parcelle ;
Que le Gaec P... qui ne disconvient pas que M. B... N... a refusé de signer un avenant au bail, portant sur la parcelle [...], ne peut davantage invoquer le consentement de ce dernier à son occupation ;

1°) ALORS QUE selon l'article 1156 du code civil en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, le juge doit rechercher la commune intention des parties plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes de la convention ; qu'au cas présent, la cour d'appel a affirmé que seule la parcelle [...] avait fait l'objet d'un bail consenti au Gaec P... par les époux N..., au motif « qu'aucune référence (n'est) faite à la parcelle [...] propriété de M. B... N... » ; qu'en se bornant à cette affirmation sommaire, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la commune intention des parties n'était pas d'inclure également la parcelle [...] au bail rural, dès lors que les termes de ce bail mentionnaient expressément que les terres louées étaient bordées au Nord par « Mme R... X... », qui confrontait exclusivement la parcelle [...], et que seule la réunion des parcelles [...] et [...] correspondait à la surface de 43 ha mentionnée au dernier avenant du bail, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1156 devenu 1188 du code civil, ensemble l'article 1134 alinéa 1er devenu 1103 du même code ;

2°) ALORS QUE lorsqu'une clause du contrat est ambiguë, le juge est tenu de l'interpréter en recherchant la commune intention des parties ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si la clause de désignation cadastrale contenue au bail rural n'était pas ambiguë, en ce que seule la parcelle [...] était mentionnée, quand la limite Nord des terres louées, soit « Mme R... X... », correspondait exclusivement à la situation de la parcelle [...] et que seule la réunion des parcelles [...] et [...] correspondait à la surface de 43 ha mentionnée à l'avenant du 1er octobre 2007, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1134 alinéa 1er, devenu 1103 et 1156 devenu 1188 du code civil ;

3°) ALORS QUE le juge ne peut statuer par des motifs contradictoires ; qu'en affirmant que les avenants au bail successivement conclus le 13 mars 2003 et le 1er octobre 2007 avaient modifié la surface du terrain donné à bail « pour atteindre successivement 40 ha puis 43 ha sur une contenance totale de 43 ha 22 a 32 ca », puis que « l'emprise du bail sur la parcelle [...] , d'une contenance totale de 43 ha 22 a 32 ca a été fixée à 30 ha lors de la conclusion du bail, puis successivement étendue par avenants du 13 mars 2003 et 1er octobre 2007 dans la limite de 40 ha », la cour a statué par des motifs contradictoires et, partant, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS, subsidiairement QUE l'existence d'un bail verbal peut être rapportée par tous moyens ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté qu'une autorisation de travaux avait été consentie le 31
août 2012 par M. B... N... au Gaec P... « de procéder aux travaux nécessaires à la réparation de la retenue collinaire » et constaté que cette « retenue collinaire » était située sur la parcelle [...]; qu'en refusant d'en déduire l'existence d'un bail à tout le moins verbal, la cour d'appel a violé l'article L.411-1 du code rural et de la pêche maritime.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné le Gaec P... à payer la somme de 18.000 € à titre de dommages et intérêts à MM. K..., U... et R... N..., ayants droits de M. B... N... ;

AUX MOTIFS QUE l'occupation sans droit ni titre par le Gaec P... de la parcelle [...], propriété de M. B... N... aux droits duquel viennent M. K... N..., M. U... N..., M. R... N... a occasionné un préjudice résultant de l'empiétement qui sera réparé par l'allocation de la somme de 18 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

1°) ALORS QUE par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen du pourvoi, dirigé à l'encontre du chef du dispositif ayant dit que la parcelle [...] commune du Tampon n'est pas l'objet du bail à ferme consenti au Gaec P... par les époux N..., et que le Gaec P... est occupant sans droit ni titre de cette parcelle, entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef du dispositif de l'arrêt ayant condamné l'exposant à payer aux consorts N... la somme de 18.000€ à titre de dommages et intérêts, avec lequel elle est dans un lien de dépendance nécessaire ;

2°) ALORS QUE la mise en jeu de la responsabilité civile suppose l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre ces deux éléments ; que la cour d'appel, qui a constaté qu'une autorisation écrite avait été donné par le bailleur pour faire réaliser des travaux sur la parcelle [...], ne pouvait affirmer que cette parcelle avait été occupée sans droit ni titre ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constations et violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;

3°) ALORS QU'à supposer même l'empiètement établi, l'occupation sans droit ni titre d'une parcelle durant près de 36 ans résulte nécessairement et à tout le moins d'une erreur commune et ne peut dès lors être considéré comme fautive ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;

4°) ALORS QUE le propriétaire d'une parcelle qui néglige de faire valoir ses droits durant près de 36 ans ne peut prétendre avoir subi un préjudice du fait de cette occupation, fut-elle « sans droit ni titre » ; qu'en décidant le contraire, pour allouer aux consorts N... la somme de 18.000 €, la cour a encore violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-17967
Date de la décision : 14/11/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 26 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 14 nov. 2019, pourvoi n°18-17967


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.17967
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award