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13/11/2019 | FRANCE | N°18-13296

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 novembre 2019, 18-13296


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 février 2018), que M. S... a été engagé par la société Laboratoire Knoll France en qualité de directeur commercial des génériques ; qu'il a été nommé directeur général, puis président-directeur général de la société GNR Pharma, dont le nom commercial est aujourd'hui Sandoz, à laquelle son contrat de travail a été transféré ; qu'il a été mis à pied à titre conservatoire le 8 septembre 2006, révoqué de son mandat social le 19 septembre 2006 et l

icencié pour faute lourde le 16 octobre 2006 ;

Sur les deuxième et troisième moyens :...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 février 2018), que M. S... a été engagé par la société Laboratoire Knoll France en qualité de directeur commercial des génériques ; qu'il a été nommé directeur général, puis président-directeur général de la société GNR Pharma, dont le nom commercial est aujourd'hui Sandoz, à laquelle son contrat de travail a été transféré ; qu'il a été mis à pied à titre conservatoire le 8 septembre 2006, révoqué de son mandat social le 19 septembre 2006 et licencié pour faute lourde le 16 octobre 2006 ;

Sur les deuxième et troisième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié diverses sommes au titre de la mise à pied et des congés payés y afférents, du préavis et des congés payés y afférents, de l'indemnité de congés payés, des RTT sur congés payés et des RTT non pris, de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité contractuelle de licenciement, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de la perte de chance d'exercer les stock-options et actions gratuites alors, selon le moyen :

1°/ qu'en ne s'expliquant pas sur le descriptif du poste de directeur commercial Pays occupé par le salarié dont il ressortait qu'il devait veiller « à ce que les rapports commerciaux et financiers soient en conformité avec la réglementation de la société et la loi, analysant les chiffres et décidant d'agir de façon efficace en cas d'anomalies et/ou de désastres », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ;

2°/ qu'en décidant que « des reproches semblent davantage dirigés contre le salarié en tant que président de cette société », sans s'expliquer plus précisément sur les griefs qui relèveraient des fonctions commerciales du salarié et ceux qui ne concerneraient que ses fonctions de président de la société Sandoz SAS, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ;

3°/ qu'en décidant qu'il ne serait pas possible de reprocher au salarié la sous-évaluation des remises accordées aux pharmaciens dès lors que « ce montant "était transmis par Sandoz France à Sandoz international et Novartis via les reportings FRS mensuels" », sans s'expliquer sur le fait que les reportings FRS contenaient de fausses indications, ainsi que cela ressortait du rapport d'audit interne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ;

4°/ qu'en décidant qu'il ne serait pas possible de reprocher au salarié la sous-évaluation des remises accordées aux pharmaciens tout en relevant qu'il ressortait de l'attestation de Monsieur Y... que le salarié avait connaissance des difficultés concernant la coopération commerciale dès le mois de décembre 2005, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1232-1 du code du travail ;

5°/ qu'en décidant qu'il ne serait pas possible de reprocher au salarié la sous-évaluation des remises accordées aux pharmaciens et la production de comptes sociaux erronés tout en relevant que « la seule certitude [est] que des marges arrières correspondant à des ventes réalisées en 2005 n'ont pas été comptabilisées à fin 2005 mais l'ont été en 2006 », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1232-1 du code du travail ;

6°/ qu'en décidant que ne serait pas établi le grief selon lequelle salarié n'aurait pris aucune mesure appropriée tandis qu'il était informé de la sur-évaluation des stocks et du non-paiement des remises par plusieurs salariés, tout en relevant qu'il ressortait de l'attestation de M. L..., directeur industriel, l'existence d'une « différence significative entre le prix moyen des boites vendues et le prix moyen des boites en stock » de sorte qu'il avait « pris la décision d'en informer oralement le salarié » dans le courant de l'année 2005, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1232-1 du code du travail ;

7°/ qu'il résulte des termes clairs et précis de la lettre de licenciement que « plusieurs salariés vous ont alerté par écrit à plusieurs reprises afin de vous mettre en garde contre la sur-évaluation des stocks et le non-paiement des remises [
] Pour autant, vous n'avez pris aucune des mesures appropriées qui relevaient pourtant de vos responsabilités et n'en avez même pas informé vos supérieurs hiérarchiques au niveau des fonctions commerciales du groupe » ; qu'en décidant cependant de rejeter ce grief au regard du fait que rien ne démontre que « le salarié aurait sciemment décidé de gonfler artificiellement la valeur du stock », la cour d'appel a
- dénaturé les termes clairs et précis de la lettre de licenciement du 16 octobre 2006 et violé le principe faisant interdiction au juge de dénaturer les documents de la cause ;
- en conséquence privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1332-1 du code du travail ;

8°/ qu'il était reproché au salarié la production de comptes sociaux erronés depuis 2003, pratique qui s'était poursuivie jusque dans le courant de l'année 2006 et avait été découverte au plus tôt le 31 août 2006 ; qu'en décidant cependant que les pratiques comptables irrégulières qui avaient débuté en 2003 et 2004 seraient prescrites, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 1332-4 du code du travail ;

9°/ que la lettre de licenciement reprochait très clairement au salarié d'avoir provoqué une perte de clientèle « à cause des retards de paiement des remises » aux pharmacies ; qu'en décidant cependant que le grief ne serait pas établi sans s'expliquer sur les retards de paiement des remises, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ;

10°/ qu'en décidant que le grief tenant au versement tardif des remises dans le courant de l'année 2006 ne serait pas établi tout en relevant que « la seule certitude [est] que des marges arrières correspondant à des ventes réalisées en 2005 n'ont pas été comptabilisées à fin 2005 mais l'ont été en 2006 », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1232-1 du code du travail ;

11°/ que l'exposante avait versé aux débats un procès-verbal de synthèse établi par la brigade financière de la police judiciaire qui concluait à l'existence d'irrégularités comptables avérées ; qu'en décidant cependant que la société Sandoz ne produisait aucun document justifiant des procédures conduites par les services de police, sans s'expliquer sur ce procès-verbal de synthèse, la cour d'appel
- a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
- et ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ;

12°/ que l'exposante versait également aux débats un rapport établi par le cabinet Price Waterhouse Cooper, commissaire aux comptes, dont il ressortait que « les contrôles effectués en août 2006 ont permis d'identifier de graves irrégularités dont l'objectif était de masquer la réalité de la performance financière de l'entreprise » ; qu'en décidant cependant que la société Sandoz ne démontrerait pas que la pratique serait répréhensible, sans s'expliquer sur le rapport du commissaire aux comptes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code de travail ;

Mais attendu que sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi et de défaut de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de preuve qui lui étaient soumis, au terme de laquelle elle a estimé, hors toute dénaturation et sans être tenue de s'expliquer sur des pièces qu'elle écartait ou des éléments que ses énonciations rendaient inopérants, que les faits reprochés au salarié en sa qualité de directeur commercial et tenant à la sous-évaluation des remises accordées aux pharmaciens, au défaut de mesures appropriées, à la production de comptes sociaux erronés et à la perte de clientèle, soit n'étaient pas établis, soit ne lui étaient pas imputables ; que le moyen, qui en ses deuxième et huitième branches critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Sandoz aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. S... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la société Sandoz

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
(Sur la motivation du licenciement)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Sandoz SAS à payer à Monsieur X... S... 31 428,57 euros bruts au titre de la mise à pied outre 3 142,86 euros au titre des congés payés y afférents, 56 584 euros bruts au titre du préavis outre 5 658,40 euros au titre des congés payés y afférents, 8 529,09 euros aux titres de l'indemnité de congés payés, des RTT sur congés payés et des RTT non pris, 99 512,90 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, 329 999,94 euros au titre de l'indemnité contractuelle de licenciement, 350 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et 205 000,00 euros au titre de la perte de chance d'exercer les stock-options et actions gratuites,

AUX MOTIFS D'UNE PART QUE la lettre de licenciement associe à des reproches adressés à M. S... en tant que directeur commercial de la société Sandoz, des reproches qui semblent davantage dirigés contre M. S... en tant que président de cette société. La Société écrit d'ailleurs dans ses conclusions : "...la politique de coopération commerciale est importante pour la Société. En sa double qualité de Président et de Directeur commercial, Monsieur S... en avait la maîtrise absolue : - il en déterminait et arrêtait les principes en sa qualité de Président ; - il la mettait en oeuvre et la supervisait en sa qualité de Directeur commercial". Il est juste, cependant, de noter ici que M. S..., dans ses conclusions, tend lui-même à jouer de son double titre, au risque qu'un désaccord puisse exister entre le directeur commercial, qui ne connaît que de son domaine, lequel serait restreint, et le président qui ne serait pas toujours informé de l'action du directeur commercial. D'autre part, certains reproches semblent être formulés non par l'employeur de M. S..., la société Sandoz SAS, mais par la ‘division Sandoz', c'est à dire la société Novartis. (arrêt, p.9),

1/ ALORS QU'en ne s'expliquant pas sur le descriptif du poste de directeur commercial Pays occupé par Monsieur S... dont il ressortait qu'il devait veiller « à ce que les rapports commerciaux et financiers soient en conformité avec la règlementation de la société et la loi, analysant les chiffres et décidant d'agir de façon efficace en cas d'anomalies et/ou de désastres » (conclusions d'appel de l'exposante, p.23), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ;

2/ ALORS QU'en décidant que « des reproches semblent davantage dirigés contre M. S... en tant que président de cette société », sans s'expliquer plus précisément sur les griefs qui relèveraient des fonctions commerciales de Monsieur S... et ceux qui ne concerneraient que ses fonctions de président de la société Sandoz SAS, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ;

AUX MOTIFS DE DEUXIEME PART QUE Grief 1 : surestimation des ventes et sous-estimation des remises dues aux pharmaciens pour un montant de 40 à 50 millions d'euros : De fait, les fiches de validation produites, qui concernent les mois de mars à décembre 2005, portent trois signatures, dont celles de MM. K... et S..., et font état de remises de coopération commerciale à un taux compris entre 36 et 42%. La cour relève que la Société n'est pas fondée à invoquer le caractère frauduleux du montant de la remise, dès lors qu'il résulte de ses propres écritures que ce montant "était transmis par Sandoz France à Sandoz international et Novartis via les reportings FRS mensuels". Le débat ne peut porter ici que sur la comptabilisation de ces remises. La réponse apportée à cette question par l'audit interne n'est pas claire, tout étant évidemment une question de présentation. De ce que la Société cite, la cour peut retenir que seulement 30% des remises aurait été comptabilisées et payées en 2005, avec pour résultat le report sur l'année suivante d'une somme de 33 millions d'euros (que la Société compare au chiffre d'affaires 2005 d'un montant de 209 millions d'euros). Cela étant, si ce taux de 30% est exact, il n'est pas possible de considérer, comme l'a fait le rapport d'audit, que 44% de commissions auraient été payées aux pharmaciens en 2005, puisque, selon les écritures mêmes de la Société, les marges arrières auraient été, au mieux, de 50%. Quoi qu'il en soit, la cour souligne que, dans sa présentation, la Société n'apporte pas d'élément de contestation sérieux à opposer à l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour de céans (autrement composée), laquelle a notamment discuté, dans la partie intitulée " Sur l'absence de provisions sur les coopérations commerciales", la circulaire du 16 mai 2003 (relative à la négociation commerciale entre fournisseurs et distributeurs, applicable en 2005) et la loi du 2 août 2005 ‘Dutreil', applicable à compter du 1er janvier 2006, ayant donné une nouvelle définition du seuil de revente à perte, comme indiqué plus haut) pour relever que "il n'est pas contesté que les lois (Dutreil et de financement de la sécurité sociale) avaient rendu moins attrayante la rémunération des pharmaciens qui de ce fait avaient cherché à profiter au maximum des avantages de l'ancienne réglementation avant son changement annoncé ; qu'ainsi la fin de l'année 2005 a donné lieu à des pics de vente inattendus liés au stockage dans les pharmacies mais également chez les grossistes". L'attestation de M. Y..., directeur des opérations, licencié en mai 2006 pour suppression de poste, permet de noter que c'est M. S... qui avait demandé, le 9 décembre 2005, une réflexion pour améliorer le processus des coopérations commerciales et qu'il lui avait répondu que le problème ne venait pas du processus lui-même "mais de l'interruption de celui-ci à la demande de Monsieur K... (...) interruption qui mécontentait notre clientèle". Il résulte des termes mêmes de cette attestation que M. S... aurait ignoré les difficultés éventuelles concernant les coopérations commerciales avant décembre 2005, qu'elles auraient en tout état de cause pour origine une décision de M. K... et non de M. S.... Au demeurant, la Société ne produit pas d'élément, autres que ses propres audits et évaluations, quant au fait que les ventes auraient été surestimées. (arrêt, p.10 à 12)

ET AUX MOTIFS DE TROISIEME PART QUE Grief 2 : production depuis 2004, voire 2003, de comptes sociaux erronés desquels étaient exclus des montants significatifs de remises : Il est au demeurant acquis que toutes les décisions relevant de la procédure dite des ‘termes de référence' en vigueur au sein du groupe Novartis devaient être soumises à Sandoz puis à Novartis, notamment "la structuration du système comptable et du contrôle financier, (...) les contrats avec les clients, les fournisseurs (..) et généralement tous les contrats supérieurs" à un montant qui est, en pratique, très faible au regard du chiffre d'affaires réalisé par la Société. En d'autres termes, Novartis, associé unique de Sandoz, ne peut prétendre ignorer l'absence de provisions en fin d'exercice sur le poste des coopérations commerciales. En d'autres termes, la Société ne peut reprocher à M. S... d'avoir appliqué une politique qu'elle avait agréée et qui était agréée par l'actionnaire unique, d'autant moins qu'elle ne soumet pas d'élément qui permettrait de considérer qu'il y ait eu volonté de dissimuler, à l'actionnaire, aux administrations en général et à l'administration fiscale en particulier, tout ou partie de la comptabilité. (arrêt, p.12)

3/ ALORS QU'en décidant qu'il ne serait pas possible de reprocher à Monsieur S... la sous-évaluation des remises accordées aux pharmaciens dès lors que « ce montant "était transmis par Sandoz France à Sandoz international et Novartis via les reportings FRS mensuels" », sans s'expliquer sur le fait que les reportings FRS contenaient de fausses indications (cf. conclusions d'appel des exposants, p.16), ainsi que cela ressortait du rapport d'audit interne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail;

4/ ALORS QU'en décidant qu'il ne serait pas possible de reprocher à Monsieur S... la sous-évaluation des remises accordées aux pharmaciens tout en relevant qu'il ressortait de l'attestation de Monsieur Y... que Monsieur S... avait connaissance des difficultés concernant la coopération commerciale dès le mois de décembre 2005 (arrêt, p.11), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1232-1 du code du travail ;

5/ ALORS QU'en décidant qu'il ne serait pas possible de reprocher à Monsieur S... la sous-évaluation des remises accordées aux pharmaciens et la production de comptes sociaux erronés tout en relevant que « la seule certitude [est] que des marges arrières correspondant à des ventes réalisées en 2005 n'ont pas été comptabilisées à fin 2005 mais l'ont été en 2006 » (arrêt, p.14), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1232-1 du code du travail ;

AUX MOTIFS DE QUATRIEME PART QUE Grief 1 : surestimation des ventes et sous-estimation des remises dues aux pharmaciens pour un montant de 40 à 50 millions d'euros : S'agissant de la sur-évaluation des stocks, la présentation que fait la Société de l'attestation de M. L..., directeur industriel, ne correspond pas à son contenu réel. En effet, M. L..., s'il confirme bien avoir constaté une difficulté concernant les stocks, indique d'abord que le problème lui a été signalé par M. K..., en août 2005, lequel disait que l'écart (4 millions d'euros environ) serait rectifié lors de la clôture de fin septembre 2005. M. L... ajoute qu'il avait constaté que l'écart avait perduré, qu'il avait alerté le responsable ‘Achats et Logistique', que ce dernier lui faisait part d'un écart de 6 millions d'euros (10 octobre 2005). M. L... explique ensuite qu'il a constaté une "différence significative entre le prix moyen des boîtes vendues et le prix moyen des boîtes en stock", qu'il a demandé des explications à M. K..., qu'il n'a pas eu de réponse, qu'il a "pris la décision d'en informer oralement Monsieur S..." et qu'il avait été "informé plusieurs semaines plus tard" que M. S... avait "adressé un mail de remontrances à M. K...". La cour ne peut que constater que cette attestation ne démontre en rien que M. S... aurait sciemment décidé de gonfler artificiellement la valeur du stock. De même, l'attestation de M. I..., chef de projet, placé sous la subordination directe de M. K..., indique que c'est ce dernier qui lui avait demandé "à de nombreuses reprises lors des clôtures mensuelles de revoir la valeur du stock et d'en augmenter les coûts indirects sur la base des allocations effectuées par lui-même" et qu'il avait assisté à des échanges entre M. K... et Mme V... "pour que des charges liées aux achats de stock soit différés" (sic). Cette attestation ne met pas en cause M. S... quant à l'évaluation des stocks. (arrêt p. 10 à 12) ;

ET AUX MOTIFS DE CINQUIEME PART QUE Grief 2 : et là encore, la société peut d'autant moins adresser ce reproche à M. S... et le retenir comme constitutif d'une faute lourde que, comme indiqué plus haut, elle ne pouvait ignorer la pratique comptable suivie et ce, selon les termes mêmes du grief, depuis 2004 "voire 2003" ce qui aurait pour conséquence que ce grief serait, en tout état de cause, atteint par la prescription. (arrêt, p.12)

6/ ALORS QU'en décidant que ne serait pas établi le grief selon lequel Monsieur S... n'aurait pris aucune mesure appropriée tandis qu'il était informé de la sur-évaluation des stocks et du non-paiement des remises par plusieurs salariés, tout en relevant qu'il ressortait de l'attestation de Monsieur L..., directeur industriel, l'existence d'une « différence significative entre le prix moyen des boites vendues et le prix moyen des boites en stock » de sorte qu'il avait « pris la décision d'en informer oralement Monsieur S... » dans le courant de l'année 2005 (arrêt, p.11), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1232-1 du code du travail ;

7/ ALORS QU'il résulte des termes clairs et précis de la lettre de licenciement que « plusieurs salariés vous ont alerté par écrit à plusieurs reprises afin de vous mettre en garde contre la sur-évaluation des stocks et le non-paiement des remises [
] Pour autant, vous n'avez pris aucune des mesures appropriées qui relevaient pourtant de vos responsabilités et n'en avez même pas informé vos supérieurs hiérarchiques au niveau des fonctions commerciales du groupe » ; qu'en décidant cependant de rejeter ce grief au regard du fait que rien ne démontre que « M. S... aurait sciemment décidé de gonfler artificiellement la valeur du stock » (arrêt, p.11), la cour d'appel a

- dénaturé les termes clairs et précis de la lettre de licenciement du 16 octobre 2006 et violé le principe faisant interdiction au juge de dénaturer les documents de la cause ;

- en conséquence privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1332-1 du code du travail ;

8/ ALORS QU'il était reproché à Monsieur S... la production de comptes sociaux erronés depuis 2003, pratique qui s'était poursuivie jusque dans le courant de l'année 2006 et avait été découverte au plus tôt le 31 août 2006 (cf. arrêt, p.7) ; qu'en décidant cependant que les pratiques comptables irrégulières qui avaient débuté en 2003 et 2004 seraient prescrites, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 1332-4 du code du travail ;

AUX MOTIFS DE SIXIEME PART QUE Grief 3: perte de 1 500 clients et paiement de remises au-delà du seuil autorisé par la loi Dutreil : la question du paiement de remises au-delà du seuil autorisé par la loi Dutreil a déjà été débattue plus haut (pour être écartée). Quant à la perte de 1 500 clients, la Société l'établit exclusivement par la présentation d'un tableau sur l'évolution des parts de marché de la Société entre 2006 et 2016, qui voit cette part baisser de 12,5% an 2006 à 5,4 en 2010, pour remonter progressivement à 11,2% en 2016, courbe que la société explique par la perte de confiance des pharmaciens suite aux ‘agissements' de M. S... et à la difficulté qu'il y a eu à renouer un lien de confiance. Il pourrait être observé que la chute de la part de marché correspond avec le départ de M. S.... Surtout, la Société, qui pourtant se gausse de ce que M. S... s'en "attribue tout le mérite", ne conteste en rien que, de 18 millions d'euros en 1999, le chiffre d'affaires de Sandoz est passé à 240 millions d'euros en 2006 et que, de la sixième place, Sandoz soit passée à la 3ème place des laboratoires de médicaments génériques. En l'absence de démonstration pertinente, la cour ne peut réconcilier ces indicateurs chiffrés, a priori peu compatibles entre eux. Mais c'est à l'employeur de caractériser la faute du salarié et la cour dira donc ce grief non établi. (arrêt, p.12 et 13) ;

9/ ALORS QUE la lettre de licenciement reprochait très clairement à Monsieur S... d'avoir provoqué une perte de clientèle « à cause des retards de paiement des remises » aux pharmacies ; qu'en décidant cependant que le grief ne serait pas établi sans s'expliquer sur les retards de paiement des remises, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ;

10/ ALORS QU'en décidant que le grief tenant au versement tardif des remises dans le courant de l'année 2006 ne serait pas établi tout en relevant que « la seule certitude [est] que des marges arrières correspondant à des ventes réalisées en 2005 n'ont pas été comptabilisées à fin 2005 mais l'ont été en 2006 » (arrêt, p.14), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1232-1 du code du travail ;

AUX MOTIFS DE SEPTIEME PART QUE d'une manière générale, la cour ne peut que constater que si la Société fournit de nombreuses attestations, un rapport d'audit interne et un rapport d'audit externe (à propos duquel la chambre de l'instruction a formulé des observations que la cour de céans partage entièrement), elle ne fournit pas d'éléments chiffrés permettant d'effectuer une comparaison ni même une vérification, au moins sommaire, des faits dénoncés, la seule certitude étant que des ‘marges arrières' correspondant à des ventes réalisées en 2005 n'ont pas été comptabilisées à fin 2005 mais l'ont été en 2006. S'agissant d'une dette de la Société à l'égard des pharmaciens, la perception est celle d'une manoeuvre qui permettrait de présenter artificiellement, pour 2005, des résultats meilleurs qu'il n'auraient dû l'être si la ‘charge' représentée par ces marges arrières avaient été intégralement prises en compte. Mais, comme indiqué plus haut, cette charge n'avait pas à être provisionnée, dès lors qu'elle est directement liée aux ventes effectuées et que, pour critiquable qu'elle puisse paraître, cette pratique était ancienne au point de constituer une décision de gestion régulière. La cour souligne d'ailleurs que la Société, qui invoque à plusieurs reprises des procédures qui auraient été conduites par l'administration fiscale, la DGCCRF ou les services de police, ne produit aucun document révélant que cette pratique a été considérée comme répréhensible. (arrêt, p.14)

11/ ALORS QUE l'exposante avait versé aux débats un procès-verbal de synthèse établi par la brigade financière de la police judiciaire qui concluait à l'existence d'irrégularités comptables avérées (cf. conclusions d'appel de l'exposante, p.29) ; qu'en décidant cependant que la société Sandoz ne produisait aucun document justifiant des procédures conduites par les services de police, sans s'expliquer sur ce procès-verbal de synthèse, la cour d'appel

-a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

-et ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ;

12/ ALORS QUE l'exposante versait également aux débats un rapport établi par le cabinet Price Waterhouse Cooper, commissaire aux comptes, dont il ressortait que «les contrôles effectués en août 2006 ont permis d'identifier de graves irrégularités dont l'objectif était de masquer la réalité de la performance financière de l'entreprise » (cf. conclusions d'appel de l'exposante, p.20) ; qu'en décidant cependant que la société Sandoz ne démontrerait pas que la pratique serait répréhensible, sans s'expliquer sur le rapport du commissaire aux comptes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1232-1 du code de travail ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
( Sur l'indemnisation de la perte de chance)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Sandoz SAS à payer à Monsieur X... S... la somme de 205 000,00 euros au titre de la perte de chance d'exercer les stock-options et actions gratuites,

AUX MOTIFS QUE Sur les dommages intérêts au titre de la perte de chance d'exercer les stock-options et actions gratuites : Il est constant que l'indemnisation du préjudice sollicitée ici est celle d'une perte de chance. Par définition, le montant de l'indemnisation ne peut donc pas être égale à la valeur des actions/options en cause dès lors qu'il faut tenir compte, au moins, de l'évolution du cours de l'action au fil du temps, du taux de change, du moment où M. S... aurait choisi d'exercer ses droits ou de céder ses actions. A cet égard, la cour estime pertinente la remarque de la Société que M. S... n'a pas souhaité céder ou exercer les stock-options ‘Novas 11' dont il disposait, ce qui ne peut que limiter la perte de chance qu'il allègue s'agissant des stockoptions. S'agissant des actions gratuites (‘restricted stock units'), il est constant que M. S... en a reçu 2070 le 6 juin 2005 et qu'elles étaient indisponibles jusqu'au 17 mai 2008. Le plan relatif à ces actions prévoit expressément qu'elles sont définitivement perdues pour le bénéficiaire s'il ne se trouve plus employé par la Société, quel qu'en soit le motif. La cour considère ainsi que M. S... peut alléguer une perte de chance au regard de ces actions gratuites, compte tenu du laps de temps séparant son licenciement de la date de disponibilité de ces actions. Il a évalué les 2 070 actions gratuites reçues à la somme totale de 94 954,73 euros sur la base d'un cours de 72,95 francs suisses par action et d'un taux de change de 1,5903 franc suisse pour un euro. La date retenue par M. S... est celle du 16 octobre 2006, à laquelle il n'aurait pas pu procéder à la vente de ces actions. M. S... ne fournit aucun élément par rapport à la valeur théorique de l'action au 17 mai 2008. De plus, au fil du temps, la valeur du franc suisse a eu tendance à s'apprécier au regard de l'euro. Dans ces conditions, la cour évalue la perte de chance de M. S..., s'agissant des actions gratuites, à la somme de 85 000 euros. M. S... ne peut, en revanche, alléguer qu'il a perdu la chance de bénéficier d'autres actions gratuites, compte tenu du caractère éminemment aléatoire s'attachant à la distribution de telles actions, outre que les documents produits par M. S... lui-même montrent qu'il a pu préférer ne recevoir que des stock-options (plan Novas15). S'agissant des stock-options, la présentation retenue par M. S... lui-même rend malaisée l'appréciation du préjudice allégué, dès lors que lui-même ne choisit pas entre deux options, selon la date de valorisation. L'évaluation est rendue d'autant plus complexe que M. S... ne soumet aucun élément d'appréciation pour évaluer l'évolution du cours de l'action au fil du temps, à partir de la date du licenciement. Le préjudice apparaît d'autant plus limité que M. S... a choisi de ne pas exercer ses droits en ce qui concerne les actions ‘Novas11' alors qu'il lui était loisible de le faire. La cour fixera donc le préjudice subi ici à la somme de 120 000 euros. La société Sandoz sera ainsi condamnée à payer à M. S..., au titre de la perte de chance d'exercer les stock-options et actions gratuites la somme totale de 205 000 euros. (arrêt, p.20),

ALORS QU'en décidant d'octroyer en équité la somme forfaitaire de 205 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance d'exercer les stock-options et actions gratuites, tout en relevant que « Monsieur S... ne soumet aucun élément pour évaluer l'évolution du cours de l'action au fil du temps » ou qu'il « ne fournit aucun élément par rapport à la valeur théorique de l'action au 17 mai 2008 », la cour d'appel a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice subi sans perte ni profit .

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(Sur la condamnation à publication)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR ordonné la publication, aux frais de la société Sandoz SAS, dans deux revues spécialisées et deux quotidiens, au choix de M. S... quant au titre et à la date de parution, mais dans le délai maximum de trois mois de la date du présent d'arrêt, d'un communiqué dont le titre sera laissé à son libre choix, à ceci près qu'il devra comporter la mention "Par arrêt en date du 22 février 2018, la cour d'appel de Versailles a statué dans le litige prud'homal opposant M. X... S... à la société Sandoz SAS dans les termes suivants" et dont le contenu sera, exclusivement, sans commentaire préalable ou postérieur, le dispositif du présent arrêt ; et ce, dans la limite d'un coût à la charge de la société Sandoz SAS de 8 000 euros par publication,

AUX MOTIFS QUE La cour considère toutefois, au vu de l'ensemble des éléments de la procédure et des coupures de presse ou extraits de consultation de site internet, qu'à une époque où la médiatisation tend, quel que soit le jugement que l'on porte à cet égard, à prendre une place prépondérante, notamment sur la ‘toile', celui qui s'estime victime d'un traitement inapproprié peut rechercher une indemnisation complémentaire sous la forme d'un communiqué de presse, quand bien même non diffusé sur la ‘toile'. En l'espèce, la cour considère qu'il n'y a pas de raison de s'opposer à la demande de M. S..., compte tenu de son niveau de responsabilité, passé ou présent, et du caractère éminemment international et spécialisé dans lequel il intervient. Cette demande doit, cependant, être limitée en volume et dans le temps afin de conserver un équilibre. Pour ces raisons, la cour ordonnera la publication, aux frais de la société Sandoz, dans deux revues spécialisées et deux quotidiens, au choix de M. S... quant au titre et à la date de parution, mais dans le délai maximum de trois mois du présent d'arrêt, d'un communiqué dont le titre sera laissé à son libre choix, à ceci près qu'il devra comporter la mention "Par arrêt en date du 22 février 2018, la cour d'appel de Versailles a statué dans le litige prud'homal opposant M. X... S... à la société Sandoz SAS dans les termes suivants" et dont le contenu sera, exclusivement, sans commentaire préalable ou postérieur, le dispositif du présent arrêt ; et ce, dans la limite d'un coût supporté par Sandoz de 8 000 euros par publication (arrêt, p.18 et 19),

1/ ALORS QUE la cassation de l'arrêt au titre des précédents moyens entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt, en ce qu'il a ordonné la publication du dispositif de l'arrêt attaqué ;

2/ ALORS QU'en ordonnant la publication du dispositif de son arrêt sans caractériser l'existence du préjudice subi par Monsieur S..., la cour d'appel a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil ensemble de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-13296
Date de la décision : 13/11/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 22 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 nov. 2019, pourvoi n°18-13296


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Briard, SCP Marc Lévis

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.13296
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