LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 242-1, alinéa 6, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses ;
Attendu selon ce texte, que sont exclues de l'assiette des cotisations sociales les contributions des employeurs au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance, lorsqu'elles revêtent un caractère obligatoire et bénéficient à titre collectif à l'ensemble des salariés ou à une partie d'entre eux ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'un contrôle de la société ECS 80, établissement de Dury, (la société) portant sur les années 2011 à 2013, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Picardie (l'URSSAF) a réintégré dans l'assiette des cotisations des sommes versées au titre d'un contrat de prévoyance complémentaire souscrit par la société ; qu'après mise en demeure, cette dernière a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que, pour valider partiellement le chef de redressement n° 3 en excluant de l'assiette des cotisations et contributions le financement patronal du contrat de prévoyance complémentaire au titre l'année 2011, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'un contrat de frais de santé a été mis en place par décision unilatérale de l'employeur avec effet au 1er septembre 2009 ; que, lors du contrôle, il a été constaté que l'acte de mise en place ne prévoyait pas, pour les salariés en contrat à durée déterminée et les apprentis ayant plus de douze mois d'ancienneté, l'obligation de justifier d'une couverture individuelle souscrite pour le même type de garantie ; que l'URSSAF ne peut invoquer ni les dispositions de la circulaire n° 2009/32 du 30 janvier 2009, faisant obligation à l'employeur de produire les documents justificatifs des cas de dispense, à défaut de justifier de son opposabilité au regard du décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 ni celles du décret n° 2012-25 du 9 janvier 2012 entré en vigueur le 12 janvier 2012 ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les salariés en contrat à durée déterminée et apprentis de plus de douze mois étaient dispensés d'adhérer au contrat de prévoyance complémentaire, de sorte que celui-ci ne revêtait pas un caractère obligatoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne la société ECS 80 aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société ECS 80 et la condamne à payer à l'URSSAF de Picardie la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Picardie
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a validé partiellement le chef de redressement n°3 des cotisations de la société ECS 80 par l'URSSAF Picardie, dit que devait être exclu de l'assiette de cotisations et de contributions le financement patronal de l'année 2011 et débouté l'URSSAF Picardie de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la Sarl ECS 80 a fait l'objet d'un contrôle d'assiette sur les années 2011 à 2013 ; à la suite de ce contrôle, l'URSSAF de Picardie a adressé à la SARL ECS 80 une lettre d'observations le 10 septembre 2014, aux fins de notifier à celle-ci un redressement de 86764 euros de cotisations, concernant l'établissement de Dury ; le 19 novembre 2014, l'URSSAF de Picardie a mis en demeure la SARL ECS 80 (établissement de Dury) de payer la somme de 57485 euros correspondant à l'ensemble des chefs de redressement, majorations afférentes incluses ; après saisine de la commission de recours amiable de contestations portant sur les chefs de redressement n° 3et 6, la SARL ECS 80 a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Amiens, qui a statué comme indiqué précédemment ; pour conclure à l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il n'a validé que partiellement le chef de redressement n°3, et à la validation en son intégralité de ce chef de redressement, l'URSSAF de Picardie fait valoir que : la loi n°2003-775 du 21 aout 2003, portant réforme des retraites prévoit le principe d'une exonération de cotisations de sécurité sociale plafonnée et sous certaines conditions, des contributions patronales destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance, - cependant l'exonération de cotisations est limitée aux seuls régimes remplissant les conditions liées notamment au caractère collectif et obligatoire, afin que les régimes financés par l'employeur bénéficient de façon générale et impersonnelle à l'ensemble du personnel salarié ou à une des catégories objectives de salariés, - le caractère obligatoire du régime implique une affiliation automatique par l'employeur de toutes les personnes juridiquement salariés au régime de prévoyance institué dans l'entreprise, sauf dispense d'adhésion ne remettant pas en cause le bénéfice de l'exemption d'assiette, - ainsi les salariés en CDD de plus de douze mois d'ancienneté peuvent être dispensés d'adhésion, à condition pour l'employeur de justifier par écrit d'une couverture à titre individuel pour les mêmes garanties, la dispense d'affiliation étant de droit pour les salariés bénéficiant d'un CDD de moins de douze mois, -lors du contrôle, l'inspecteur de l'URSSAF a constaté qu'un contrat frais de santé avait été mis en place dans l'entreprise le 1er septembre 2009 par décision unilatérale de l'employeur, mais ce contrat de ne prévoyait pas pour les salariés en CDD de plus de douze mois l'obligation de justifier d'une couverture individuelle souscrite par ailleurs pour le même type de garanties ; en toute état de cause, l'intégralité des courriers de refus des salariés n'a pas été fournie, -les conditions d'exonération relatives notamment au caractère obligatoire du régime mis en place n'étaient pas réunies, et le financement patronal devait de ce fait être soumis à cotisations, -l'obligation de produire tous les documents justificatifs incombait à l'employeur dès la circulaire du janvier 2099, contrairement à ce qu'a retenu la juridiction de première instance ; la SARL ECS 80 conclut au rejet des demandes de l'URSSAF de Picardie et à l'annulation du chef de redressement n°3 pour l'ensemble de la période contrôlée au motif qu'elle s'est conformée à ses obligations quant au caractère obligatoire du régime de frais de santé mis en place ; elle indique qu'elle n'a jamais eu la volonté d'exclure les contrats à durée déterminée de plus de douze mois d'ancienneté du bénéfice de la mutuelle mise en place, et que le cas de dispense des contrats à durée déterminée est inscrit dans la décision unilatérale de l'employeur ; elle précise que ce cas regroupe l'ensemble des contrats à durée déterminée, peu important leur durée et qu'il est expressément prévu dans l'acte unilatérale l'employeur ; elle précise que ce cas regroupe l'ensemble des contrats à durée déterminée, peu important leur durée et qu'il est expressément prévu dans l'acte que les salariés seront tenus de cotiser au régime lorsqu'ils cesseront de justifier de leur situation ; elle estime avoir rempli son obligation en prévoyant la dispense de tous les contrats à durée déterminée à condition de justifier de leur situation et indique avoir fourni l'ensemble des courriers des salariés ayant choisi de refuser la mutuelle lors du contrôle ; elle souligne que les conditions liées au caractère collectif et obligatoire du contrat ont été profondément modifiées par un décret du 9 janvier 2012, qu'une circulaire du 25 septembre 2013 a reporté au 30 juin 2014 la date butoir pour se mettre en conformité avec la nouvelle réglementation, que dès lors , l'URSSAF ne pouvait se fonder sur les conditions énoncées dans le nouveau décret pour sanctionner l'employeur ; a titre subsidiaire, la Sarl ECS 80 soutient que le redressement est à minima infondé pour le financement de l'année 2011 dans la mesure où il revient à ajouter des conditions d'exonération non prévues à l'article L242-1 et D 242-1 dans leur version applicable à cet exercice annuel ; elle ajoute que la circulaire du 30 janvier 2009 n'est pas opposable aux cotisants dès lors qu'elle n'a pas été publiée sur le site visé au décret n°2008-1281 du 8 décembre 2008 ; sur le chef de redressement n°3 : prévoyance complémentaire-non-respect du caractère obligatoire- contrat de mutuelle ; l'article L242-1 du code de la sécurité sociale dispose notamment ; «
pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérés comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature
» le régime social de faveur des contributions patronales des régimes de protection sociale complémentaires est subordonné à leur mise en place par décision de l'employeur avec effet au 1er septembre 2009 ; lors du contrôle, l'inspecteur du recouvrement a constaté que l'acte de mise en place ne prévoyait pas pour les salariés en CDD et les apprentis ayant plus de douze mois d'ancienneté, l'obligation de justifier d'une couverture individuelle souscrite pour le même type de garanties, ce qui constituait selon lui un non-respect de l'article 1er du décret 2012-25 du 9 janvier 2012 et de l'article R 242-1-6 du code de la sécurité sociale ; toutefois, ainsi que l'on relevé à juste titre les premiers juges, l'URSSAF ne saurait invoquer les dispositions de la circulaire n°2009/32 du 30 janvier 2009 faisant obligation à l'employeur de produire tous les documents justificatifs de la couverture souscrite par ailleurs pour les salariés en CDD et les apprentis ayant lus de douze mois d'ancienneté pour le même type de garanties, dès lors qu'il n'est pas justifié de l'opposabilité de la circulaire aux cotisants suivant les modalités prévues par le décret n°2008-1281 du 8 décembre 2008. En outre, le décret 2012-25 du 9 janvier 2012 n'est entré en vigueur que le 12 janvier 2012 ; il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que le redressement opéré de ce chef était infondé s'agissant de l'année 2011 ; la décision déférée sera confirmée de ce chef ; pour le surplus, il apparait que le contrat « frais de santé » ne prévoit pas pour les salariés en contrat à durée déterminée et les apprentis ayant plus de douze mois d'ancienneté, dispensés d'adhésion, l'obligation de justifier de l'existence d'une couverture individuelle souscrite par ailleurs pour le même type de garantie, alors que cette obligation résulte du décret 2012-25 du 9 janvier 2012 ; c'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que les conditions d'exonération n'étaient pas réunies, et que le financement patronal devait être soumis à cotisation sociales au titre des années 2012 et 2013, de sorte que le redressement n°3 était justifié pour les années 2012 et 2013 ; la décision déférée sera confirmée de ce chef ; sur le surplus des dispositions de la décision référée : elles seront confirmées en l'absence de critique des parties ; sur l'article 700 du code de procédure civile ; les premiers juges ont fait une exacte appréciation de l'article 700 du code de procédure civile ; la décision déférée sera confirmée ; en considération de l'équité, les parties seront déboutées de leurs demandes respectives faites sur le même fondement s'agissant des frais irrépétibles d'appel » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'article L242-1 alinéa 1er du code de la sécurité sociale dispose que ‘pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salariés ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire. La compensation salariale d'une perte de rémunération induite par une mesure de réduction du temps de travail est également considérée comme une rémunération, qu'elle prenne la forme, notamment, d'un complément différentiel de salaire ou d'une hausse du taux de salaire horaire' sur le chef de redressement n°3 : prévoyance complémentaire- non-respect du caractère obligatoire-contrat de mutuelle - le régime social de faveur des contributions patronales des régimes de protection sociale complémentaire est subordonné à leur mise en place selon un des dispositifs prévus par l'article L911-1 du code de la sécurité sociale et à leur caractère collectif et obligatoire ; l'inspecteur du recouvrement a constaté qu'un contrat frais de santé avait été mis en place par décision unilatérale de l'employeur avec effet au 1er septembre 2009 ; il a décidé de réintégrer dans l'assiette de cotisations le financement patronal de ce contrat au titre des années 2011, 2012 et 2013 en considérant : - que l'acte de mise en place ne prévoyait pas pour les salariés en contrat à durée déterminée et les apprentis ayant plus de 12 mois d'ancienneté, l'obligation de justifier d'une couverture individuelle souscrite pour le même type de garanties, ce qui constituait selon lui une violation de l'article 1er du décret 2012-25 du 9 janvier 2012 et de l'article R242-1-6 du code de la sécurité sociale, -qu'il n'avait pas été destinataire de l'ensemble des courriers de refus d'adhésion des salariés (Messieurs Q... et A...), -qu'il n'avait pas été destinataire de l'ensemble des justificatifs démontrant que le salariés ayant plus de 12 mois d'ancienneté disposaient d'une garantie équivalente ; or l'article R.242-1-6 du code de la sécurité sociale créé par le décret n°2012-25 du 9 janvier 2012 n'est entré en vigueur que le 12 janvier 2012 (lendemain de la publication au journal officiel) ; c'est à bon droit que la société ECS 80 oppose que le redressement est à minima infondé pour le financement de l'année 2011 dans la mesure où il revient à ajouter des conditions d'exonération non prévues par les articles L242-1 et D.242-1 dans leur version applicable à cet exercice annuel, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Picardie ne peut en outre se prévaloir des termes de la circulaire DSS/5B/2009/32 du 30 janvier 2009 qui ajoutent aux textes législatifs et réglementaires des dispositions qu'ils ne contiennent pas ; en revanche, c'est à juste titre que l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Picardie fait grief à la décision unilatérale de mise en place de ne pas avoir prévu pour la dispense des salariés en CDD et apprentis ayant plus de 12 mois d'ancienneté, dispensés d'adhésion, de justifier de l'exercice d'une couverture individuelle identique ; cette faculté de dispense, initialement uniquement prévue par l'article R242-1-6 aux garanties mise en place par accord collectif ou ratification des salariés a été étendue, avant la généralisation du décret 2014-786 du 8 juillet 2014, aux décisions unilatérales par les inspecteurs du recouvrement (lettre-circ. ACOSS n°2014-0000002, du 4 févr. 2014, QR 25 ; circ. DSS n° DSS/SD5B/2013/344, 25 septembre 2013) ; la société ECS 80 ne justifiant pas cette exigence pour bénéficier de cette tolérance administrative, il convient de maintenir le redressement pour les années 2012 et 2013 ; sur le chef de redressement n°6 : Réduction Fillon-règles générales il convient au vu de l'accord des parties d'annuler partiellement le redressement concernant la situation du salarié M... W... ; en revanche, la société ECS 80 ne conteste pas que son effectif était sur l'année 2013 d'au moins 20 salariés et qu'elle avait, concernant le salarié I... J..., appliqué à tort la réduction majorée des entreprises de moins de 20 salariés (0,281 au lieu de 0,26) ; il convient donc de valider le chef de redressement sur ce point ; sur la demande de remise des majorations de retard ; enfin, la demande de remise des majorations de retard sera rejetée dans la mesure où elle doit préalablement faire l'objet d'une demande distincte auprès de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Picardie une fois le litige au principal clos et réglé ; sur les demandes accessoires il sera rappelé que la procédure ne comprend pas de dépens ; il n'est pas inéquitable de dire n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile » ;
ALORS QUE les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance sont exclues de l'assiette des cotisations sociales seulement lorsqu'elles revêtent un caractère collectif et obligatoire, c'est-à-dire lorsqu'elles s'imposent sans exception à la totalité des salariés de l'entreprise ; qu'en l'espèce, il était constant qu'au cours de l'année 2011 tous les salariés de la société ECS 80 n'avaient pas été affiliés au régime de protection sociale complémentaire mis en place par l'employeur ; que la cour d'appel a, par ailleurs, constaté qu'à cette période ni la circulaire du 30 janvier 2009, ni le décret du 9 janvier 2012, seuls textes à avoir prévu des dispenses d'affiliation au profit de certains salariés, n'étaient applicables ; qu'en retenant cependant que, s'agissant de l'année 2011, le redressement opéré au titre du non-respect du caractère obligatoire du contrat mutuelle mis en place dans l'entreprise était infondé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et violé les articles L.242-1 et D.242-1 du code de la sécurité sociale ;