LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles 447 et 458 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il appartient aux juges, devant lesquels l'affaire a été débattue, d'en délibérer ; qu'il s'ensuit que le magistrat chargé du rapport qui tient seul l'audience pour entendre les plaidoiries doit appartenir à la formation qui délibère de l'affaire ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué et du registre d'audience communiqué par le greffe de la cour d'appel que l'affaire a été débattue devant un seul magistrat, chargé du rapport, qui n'a pas participé au délibéré ;
Qu'il s'ensuit que la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour M. C....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand du 10 septembre 2015 en ce qu'il avait débouté M. C... de sa demande de résiliation du contrat de travail et, y ajoutant, d'avoir décidé que le licenciement de M. C... reposait sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir débouté de l'ensemble de ses demandes à ce titre ;
AUX MOTIFS QUE sur la résiliation du contrat de travail : M. C... fonde sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail uniquement sur des faits de harcèlement moral dont il soutient avoir été victime de la part de son employeur. A ce titre, il produit aux débats, outre des pièces médicales, cinq attestations. Seule l'une d'elles, émanant de M. B... J..., était produite en première instance. M. B... J..., chef de chantier de l'entreprise, atteste être au courant du harcèlement subi par M. C... de la part de la gérante, Mme J... et de son époux et avoir constaté à plusieurs reprises le manque de respect subi par ce collègue. Cette attestation s'avère toutefois trop imprécise quant aux faits et aux circonstances pour être pleinement probante. M. F..., technicien GRDF, indique avoir été témoin, lors des visites de chantier, des agissements de M. J..., époux de la gérante, et l'avoir entendu proférer des injures raciales en reprochant à M. C... de faire du « travail d'arabe ». Ce témoin, extérieur à l'entreprise, ne précise pas toutefois à quelle occasion il aurait entendu de tels propos. Datée du 21 mai 2014, cette attestation n'était pourtant pas produite aux débats devant le conseil de prud'hommes, ce qui induit un doute sur sa sincérité. Il en va de même de l'attestation de M. X... datée du 3 mai 2014 produite devant la cour. Au demeurant, ce témoin qui indique avoir effectué des heures supplémentaires non réglées, se plaint d'agissements de la gérante dont lui-même était victime mais n'évoque pas M. C.... L'attestation de M. S... formule également des griefs à l'encontre de Mme J... mais ne cite aucunement M. C... comme victime. Quant à l'attestation de M. K..., non datée, elle émane d'un ancien salarié, associé de la SCOP, qui indique avoir constaté à plusieurs reprises le comportement des époux J... à l'égard de M. C..., lui mettant quotidiennement la pression, proférant des insultes telle que « bras cassé » et menaces à son encontre et exprimant leur souhait de ne plus voir « d'arabe » dans l'entreprise. Ce témoin n'apporte toutefois aucune précision de date sur les faits qu'il relate et ce alors même qu'il apparaît du registre d'entrée du personnel qu'il avait quitté l'entreprise le 7 février 2014. Ces attestations se trouvent contredites par celles produites aux débats par la société qui émanent de salariés de l'entreprise tels que M. P... et M. M... , indiquent n'avoir jamais entendu Mme J... ou tout autre personne avoir un comportement irrespectueux à l'égard de M. C... mais soulignent le comportement difficile de celui-ci perturbant le bon fonctionnement des équipes. Par ailleurs, le courrier adressé par le médecin du travail le 1er octobre 2013 à la direction de l'entreprise fait suite à la plainte de M. C... concernant ses relations conflictuelles avec le service administratif mais ne comporte aucune précision sur les faits dénoncés par ce salarié. A cette date, si M. C... évoquait une souffrance psychologique importante, il ne faisait pour autant l'objet d'aucun suivi. Le médecin du travail certifie de plus, le 12 mars 2015, que M. J... a pris contact avec lui en suite de ce courrier pour une recherche de solution. Les pièces médicales produites attestant d'un suivi médical par un médecin psychiatre s'est mis en place en avril 2014 ne peuvent être suffisantes pour relier cette pathologie dépressive à une situation de harcèlement au sein de l'entreprise. Il en résulte que les éléments avancés par le salarié pris tant isolément que dans leur ensemble ne peuvent suffire à établir la matérialité de faits précis et concordants, de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement. Sur le licenciement : M. C... a été déclaré inapte à tous postes dans l'entreprise par avis unique du médecin du travail du 6 novembre 2014. Sur la demande de la société, le médecin du travail a précisé le 17 novembre 2014 qu'après visite de l'entreprise le 10 novembre 2014, aucun poste de l'entreprise ne pouvait lui être proposé, même dans le cadre d'un aménagement. Le registre d'entrée du personnel démontre au demeurant qu'aucun poste n'était disponible. La société qui n'appartient à aucun groupe a néanmoins entrepris des démarches auprès d'entreprises ayant une activité similaire à la sienne afin de tenter de rechercher un reclassement à M. C.... Il résulte de ces éléments que la société a accompli des démarches réelles et sérieuses en vue du reclassement de son salarié. Le licenciement doit donc être considéré comme justifié (arrêt attaqué pp. 5-6-7-8) ;
ALORS QU' il appartient aux juges devant lesquels l'affaire a été débattue d'en délibérer ; que le magistrat chargé du rapport qui tient seul l'audience pour entendre les plaidoiries doit faire partie de la formation qui délibère ; que l'arrêt attaqué mentionne que la cour d'appel comprenait, lors du délibéré : « Monsieur Yves Rouquette-Dugaret, Président, Madame Hélène Boutet, conseiller et Madame Laurence Bedos, conseiller », mais qu'il résulte de ces mêmes mentions qu'un seul magistrat, « Madame Y... », a assisté à l'audience des débats ; qu'il résulte ainsi des mentions de l'arrêt attaqué que le conseiller devant lequel l'affaire a été débattue n'a pas participé au délibéré ; qu'ainsi la cour d'appel a violé les articles 447 et 945-1 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand du 10 septembre 2015 en ce qu'il avait débouté M. C... de sa demande de résiliation du contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE sur la résiliation du contrat de travail : M. C... fonde sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail uniquement sur des faits de harcèlement moral dont il soutient avoir été victime de la part de son employeur. A ce titre, il produit aux débats, outre des pièces médicales, cinq attestations. Seule l'une d'elles, émanant de M. B... J..., était produite en première instance. M. B... J..., chef de chantier de l'entreprise, atteste être au courant du harcèlement subi par M. C... de la part de la gérante, Mme J... et de son époux et avoir constaté à plusieurs reprises le manque de respect subi par ce collègue. Cette attestation s'avère toutefois trop imprécise quant aux faits et aux circonstances pour être pleinement probante. M. F..., technicien GRDF, indique avoir été témoin, lors des visites de chantier, des agissements de M. J..., époux de la gérante, et l'avoir entendu proférer des injures raciales en reprochant à M. C... de faire du « travail d'arabe ». Ce témoin, extérieur à l'entreprise, ne précise pas toutefois à quelle occasion il aurait entendu de tels propos. Datée du 21 mai 2014, cette attestation n'était pourtant pas produite aux débats devant le conseil de prud'hommes, ce qui induit un doute sur sa sincérité. Il en va de même de l'attestation de M. X... datée du 3 mai 2014 produite devant la cour. Au demeurant, ce témoin qui indique avoir effectué des heures supplémentaires non réglées, se plaint d'agissements de la gérante dont lui-même était victime mais n'évoque pas M. C.... L'attestation de M. S... formule également des griefs à l'encontre de Mme J... mais ne cite aucunement M. C... comme victime. Quant à l'attestation de M. K..., non datée, elle émane d'un ancien salarié, associé de la SCOP, qui indique avoir constaté à plusieurs reprises le comportement des époux J... à l'égard de M. C..., lui mettant quotidiennement la pression, proférant des insultes telle que « bras cassé » et menaces à son encontre et exprimant leur souhait de ne plus voir « d'arabe » dans l'entreprise. Ce témoin n'apporte toutefois aucune précision de date sur les faits qu'il relate et ce alors même qu'il apparaît du registre d'entrée du personnel qu'il avait quitté l'entreprise le 7 février 2014. Ces attestations se trouvent contredites par celles produites aux débats par la société qui émanent de salariés de l'entreprise tels que M. P... et M. M... , indiquent n'avoir jamais entendu Mme J... ou tout autre personne avoir un comportement irrespectueux à l'égard de M. C... mais soulignent le comportement difficile de celui-ci perturbant le bon fonctionnement des équipes. Par ailleurs, le courrier adressé par le médecin du travail le 1er octobre 2013 à la direction de l'entreprise fait suite à la plainte de M. C... concernant ses relations conflictuelles avec le service administratif mais ne comporte aucune précision sur les faits dénoncés par ce salarié. A cette date, si M. C... évoquait une souffrance psychologique importante, il ne faisait pour autant l'objet d'aucun suivi. Le médecin du travail certifie de plus, le 12 mars 2015, que M. J... a pris contact avec lui en suite de ce courrier pour une recherche de solution. Les pièces médicales produites attestant d'un suivi médical par un médecin psychiatre s'est mis en place en avril 2014 ne peuvent être suffisantes pour relier cette pathologie dépressive à une situation de harcèlement au sein de l'entreprise. Il en résulte que les éléments avancés par le salarié pris tant isolément que dans leur ensemble ne peuvent suffire à établir la matérialité de faits précis et concordants, de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement (arrêt attaqué pp. 5-6-7) ;
ALORS QUE le harcèlement moral suppose des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que saisis d'une demande tendant à voir reconnaître l'existence d'un harcèlement moral, les juges doivent se prononcer sur l'ensemble des éléments invoqués par le salarié et dire au terme de cet examen si les éléments matériellement établis pris en leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un tel harcèlement ; que si tel est le cas, il appartient à l'employeur de prouver que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement ; qu'en déboutant M. C... de sa demande de résiliation du contrat de travail en raison d'un harcèlement moral, au motif qu'il n'établissait pas la matérialité de faits précis et concordants, de nature à laisser présumer l'existence d'un tel harcèlement, tout en constatant que le salarié produisait aux débats plusieurs attestations confirmant la réalité des actes de harcèlement moral qu'il invoquait, d'où il résultait qu'une présomption de harcèlement moral était établie et qu'il appartenait à la société STPS de démontrer que ces faits étaient étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel, qui a fait peser sur M. C... la charge de démontrer dès le principe l'existence des actes de harcèlement moral qu'il alléguait, a violé les articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail, ensemble l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance nº 2016-131 du 10 février 2016.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le licenciement de M. C... reposait sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir débouté de l'ensemble de ses demandes à ce titre ;
AUX MOTIFS QUE Sur le licenciement : M. C... a été déclaré inapte à tous postes dans l'entreprise par avis unique du médecin du travail du 6 novembre 2014. Sur la demande de la société, le médecin du travail a précisé le 17 novembre 2014 qu'après visite de l'entreprise le 10 novembre 2014, aucun poste de l'entreprise ne pouvait lui être proposé, même dans le cadre d'un aménagement. Le registre d'entrée du personnel démontre au demeurant qu'aucun poste n'était disponible. La société qui n'appartient à aucun groupe a néanmoins entrepris des démarches auprès d'entreprises ayant une activité similaire à la sienne afin de tenter de rechercher un reclassement à M. C.... Il résulte de ces éléments que la société a accompli des démarches réelles et sérieuses en vue du reclassement de son salarié. Le licenciement doit donc être considéré comme justifié (arrêt attaqué pp. 7-8) ;
ALORS QU' avant de procéder au licenciement du salarié déclaré inapte par le médecin du travail, l'employeur doit chercher à assurer le reclassement de ce salarié au sein de l'entreprise ou, le cas échéant, au sein du groupe ; que ce reclassement peut être assuré par des mesures telles que la transformation d'un poste de travail ou l'aménagement du temps de travail ; qu'en considérant que la société STPS avait satisfait à son obligation de reclassement à l'égard de M. C..., sans constater l'existence de recherches concrètes effectuées par l'employeur au sein de l'entreprise en vue d'assurer le reclassement du salarié inapte, par le moyen notamment de la transformation d'un poste de travail existant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1226-2 du code du travail.