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06/11/2019 | FRANCE | N°18-19853

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 novembre 2019, 18-19853


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 1315, devenu l'article 1353 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. F..., soutenant avoir été salarié de la société Fiduciaire comptable des bords de Marne depuis le 1er janvier 2014, a saisi la juridiction prud'homale pour réclamer diverses sommes ;

Attendu que pour refuser de reconnaître à M. F... la qualité de salarié, l'arrêt retient que les bulletins de salaire qu'il produit aux débats, à compter

de janvier 2015 sur lesquels figuraient des prélèvements sociaux à compter de février 2...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 1315, devenu l'article 1353 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. F..., soutenant avoir été salarié de la société Fiduciaire comptable des bords de Marne depuis le 1er janvier 2014, a saisi la juridiction prud'homale pour réclamer diverses sommes ;

Attendu que pour refuser de reconnaître à M. F... la qualité de salarié, l'arrêt retient que les bulletins de salaire qu'il produit aux débats, à compter de janvier 2015 sur lesquels figuraient des prélèvements sociaux à compter de février 2015, sont insuffisants pour établir l'existence d'un contrat de travail et ne remettent pas en cause l'absence de consentement de l'intéressé à la signature d'un contrat de travail ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. F... produisait des bulletins de salaire, ce dont il résultait l'existence d'un contrat de travail apparent, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne la société Fiduciaire comptable des bords de Marne aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Fiduciaire comptable des bords de Marne à payer à M. F... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. F...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que M. F... n'était pas lié à la société FIDUCIAIRE COMPTABLE DES BORDS DE MARNE par un contrat de travail et, par conséquent, d'AVOIR dit la juridiction prud'homale incompétente pour trancher le litige opposant les parties et d'AVOIR dit le tribunal commerce de Reims compétent pour statuer sur les demandes de M. F... ;

Aux motifs qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1221-3 du code du travail, le contrat de travail est en principe rédigé par écrit. Toutefois, aux termes des dispositions de l'article L. 1221-1 du même code, en l'absence d'écrit, il incombe à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence. La notion de salarié suppose que soient réunies trois conditions : le développement d'une activité, en contrepartie d'une rémunération, au profit d'un employeur dans le cadre d'un lien de subordination. En l'espèce, aux termes de la lettre recommandée qu'il a adressée à la SA Fiduciaire Comptable des Bords de Marne le 17 juin 2015, W... F... a écrit au président de la SA Fiduciaire Comptable des Bords de Marne, Monsieur E... : « Fin 2013, nous nous sommes mis d'accords sur un projet d'association alors que j'exerçais déjà une activité libérale en tant qu'expert-comptable dans ma structure REFLEXERT à ÉPERNAY. Vous m'avez présenté à tous les collaborateurs et clients du cabinet en qualité d'associé. À ce titre, je vous ai apporté d'une part mon réseau et d'autre part ma clientèle sans aucune contrepartie financière et vous m'avez nommé aux fonctions de Directeur Général non salarié à partir du 1er janvier 2014. Pour des raisons qui vous sont propres, et alors que mon travail vous donnait a priori toute satisfaction puisque j'ai réussi à restructurer le cabinet avec les actions suivantes : - recrutement de salariés, - management des équipes (réunions hebdomadaires, plan de formation), mise en place d'un nouvel outil informatique performant, - respect des différentes obligations légales et déontologiques. Vous m'avez très clairement informé verbalement, que vous n'entendez plus respecter vos engagements verbaux et plus aucun projet d'association n'est envisageable. Il fallait même que je prenne mes dispositions pour partir au plus tôt. Toujours dans cet état d'esprit, vraisemblablement pour tenter de capter la clientèle que je vous avais apportée, vous avez pris la décision unilatérale de tenter de modifier mon statut avec une régularisation de cotisations sur 14 mois pour les cotisations auprès de POLE EMPLOI étant précisé qu'aucun contrat de travail n'a été rédigé et par définition je n'ai donc aucune clause de non-concurrence. J'ai également constaté que vous tentez de bloquer mon accès auprès de mes clients et des bureaux du cabinet. Ainsi, à titre d'exemple, vous avez demandé au personnel de ne plus me passer les communications téléphoniques des clients qui souhaitaient me parler. Je n'ai plus accès au logiciel comptable et vous m'imposez de ne plus signer les dossiers concernant mes clients. Je constate également que mes frais de déplacement pour me rendre en clientèle n'ont jamais été pris en charge et à ce titre, je joins un décompte dans lequel votre structure me doit 20 145 euros au titre de mes indemnités kilométriques. Je vous mets en demeure de régler ces frais. En conséquence, compte tenu de cette situation de blocage qui vous est directement et personnellement imputable et de l'absence de règlement de mes frais professionnels, j'ai pris la décision, conformément à votre souhait, de quitter la FCBM à compter du mardi 30 juin au soir et je vous joins à la présente la liste de mes clients ». Il y a lieu de rappeler que sur le plan ordinal, W... F... et Monsieur E... relèvent de l'ordre des experts-comptables de Champagne. Il résulte des termes du courrier ci-dessus rapporté que les parties n'entendaient pas conclure un contrat de travail, alors que celui-ci, comme tout contrat synallagmatique, suppose, pour être valable, la réunion de deux consentements. Pour prétendre se voir reconnaître la qualité de salarié, W... F... fait état des prélèvements de cotisations sociales ordonnés par Monsieur E..., qui se réservait compétence pour valider les payes, en effectuant un rappel sur quatorze mois, à compter du mois de février 2015. Hormis le caractère insuffisant des bulletins de salaire produits aux débats, à compter de janvier 2015, des prélèvements sociaux y figurant à compter de février 2015, pour établir l'existence d'un contrat de travail, ces éléments ne remettent pas en cause au 17 juin 2015, l'absence de consentement d'W... F... à la signature d'un contrat de travail, exprimée dans le courrier ci-dessus rappelé, en mentionnant que la SA Fiduciaire Comptable des Bords de Marne a unilatéralement « tenté de modifier mon statut » ; Il a été ci-dessus rappelé que le statut de salarié suppose que soient réunies trois conditions : - l'exécution d'une activité, ce qui en l'espèce, n'est pas contestée, - en contrepartie d'une rémunération, dont aucun élément produit aux débats ne permet à la cour de déterminer qu'elle aurait été versée, pour la période antérieure à janvier 2015, - dans le cadre d'un lien de subordination. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail, sous l'autorité d'un employeur, qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. En l'espèce, les rares mails produits aux débats par W... F... sont insuffisants à établir que celui-ci travaillait, dans le cadre d'un lien de subordination, auprès de la SA Fiduciaire Comptable des Bords de Marne. La décision déférée sera en conséquence infirmée, qui a reconnu à W... L. la qualité de salarié et renvoyé l'affaire au fond, pour examen. Au contraire, il y a lieu de déclarer incompétente matériellement la juridiction prud'homale, sur le fondement des dispositions d'ordre public de l'article L. 1411-1 du code du travail et de désigner comme matériellement et territorialement compétent le tribunal de commerce de Reims, auquel le dossier de la présente instance sera transmis (arrêt, pages 3 à 5) ;

1°/ Alors qu'en présence d'un contrat de travail apparent, caractérisé - notamment - par la délivrance de bulletins de paie, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve ;
Qu'en l'espèce, pour écarter l'existence d'un contrat de travail entre les parties et, partant, dire la juridiction prud'homale incompétente pour statuer sur les demandes de M. F..., la cour d'appel a relevé d'une part le caractère insuffisant des bulletins de salaire de l'exposant produits au débat à compter de janvier 2015, d'autre part que les rares mails produits par M. F... sont insuffisants à établir que celui-ci travaillait dans le cadre d'un lien de subordination auprès de la SA FIDUCIAIRE COMPTABLE DES BORDS DE MARNE ;
Qu'en statuant ainsi, tout en relevant qu'au soutien de ses demandes, l'exposant produisait au débat des bulletins de salaire, ce qui était de nature à caractériser l'existence d'un contrat de travail apparent, de sorte qu'il appartenait en cet état à la société FIDUCIAIRE COMPTABLE DES BORDS DE MARNE d'en démontrer le caractère fictif, la cour d'appel, qui a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil, ensemble l'article L 1221-1 du Code du travail ;

2°/ Alors, subsidiairement, que le contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention mais des conditions dans lesquelles la prestation de travail s'est exécutée ;

Que, dès lors, en retenant qu'il résulte de la lettre de M. F... en date du 17 juin 2015 l'absence de consentement de l'intéressé à la signature d'un contrat de travail, pour en déduire que l'exposant ne démontre pas qu'il travaillait auprès de la société FIDUCIAIRE COMPTABLE DES BORDS DE MARNE dans le cadre d'un lien de subordination, la cour d'appel, qui s'est déterminée par une motivation inopérante, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L 1221-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-19853
Date de la décision : 06/11/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 30 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 nov. 2019, pourvoi n°18-19853


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.19853
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