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06/11/2019 | FRANCE | N°17-86902

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 novembre 2019, 17-86902


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. B... H...,
- Mme L... X..., épouse H...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-12, en date du 17 octobre 2017, qui, pour fraude fiscale, les a condamnés, chacun, à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, à 150 000 euros d'amende et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 25 septembre 2019 où étaient présents dans la formation prévue

à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : Mme de la Lance, conseiller le plus an...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. B... H...,
- Mme L... X..., épouse H...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-12, en date du 17 octobre 2017, qui, pour fraude fiscale, les a condamnés, chacun, à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, à 150 000 euros d'amende et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 25 septembre 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : Mme de la Lance, conseiller le plus ancien non empêché, faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. d'Huy, conseiller rapporteur, Mme Planchon, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard;

Sur le rapport de M. le conseiller d' HUY, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général VALAT ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la convention européenne des droits de l'homme, 321-1 du code pénal, 1741 du code général des impôts, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. B... H... et Mme L... X..., épouse H..., coupables de fraude fiscale ;

1°) alors qu'il résulte des constatations figurant dans le rapport de la commission d'enquête sénatoriale relatées par l'arrêt attaqué que M. S... V..., auteur du vol ou du détournement des données informatiques au préjudice de la banque HSBC de Genève entendu sous serment par cette commission était en relation « dès l'origine » - c'est à dire dès juin 2008 et au plus tard en décembre 2008 - avec les services de l'administration fiscale (française – DNEF) comme avec les autorités judiciaires françaises et qu'il résulte que cette administration a été associée à l'appropriation des preuves de la fraude fiscale reprochée à M. et Mme H... bien avant la communication officielle qui lui a été faite par le procureur de la République de Nice en application de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales des éléments en sa possession à la suite de la perquisition effectuée le 20 janvier 2009 au domicile de M. V... et qu'en refusant de tirer les conséquences de cette constatation mettant en évidence que la perquisition au domicile de l'auteur du vol ou du détournement des fichiers informatiques n'était qu'un stratagème destiné à masquer la collaboration constante des autorités publiques et notamment de l'administration fiscale dans l'obtention des preuves, la cour d'appel a méconnu tant le principe de loyauté qui s'impose à l'administration fiscale et au ministère public que les textes susvisés ;

2°) alors que le fait de faire office d'intermédiaire afin de transmettre une chose en sachant qu'elle provient d'un crime ou d'un délit est un recel et que dès lors qu'il résulte des termes de la déposition de M. V... devant la commission d'enquête sénatoriale que l'administration fiscale, même si elle n'a pas participé directement au vol ou au détournement des fichiers informatiques base des poursuites, a fait office d'intermédiaire dès avant la perquisition du 20 janvier 2009, la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, rejeter le moyen de défense des prévenus faisant valoir que l'administration fiscale avait pour le moins indirectement participé à l'obtention des fichiers en qualité de receleur ;

3°) alors qu'en tout état de cause que l'exploitation par l'administration fiscale de documents obtenus de manière illicite en connaissance de leur origine illicite est assimilable à un recel et constitue donc un procédé déloyal de sorte que ces documents doivent être écartés des débats ;

4°) alors que dès lors qu'ils constatent dans leur décision que la poursuite pour fraude fiscale est fondée sur des fichiers informatiques qui ont été détournés et ont dès lors une origine frauduleuse, les juges correctionnels ont l'obligation de vérifier par des motifs suffisants que la partie poursuivante rapporte la preuve qui lui incombe de la conformité du contenu de ces fichiers au contenu des fichiers en possession de leur légitime propriétaire ; qu'il ne résulte d'aucun motif de l'arrêt attaqué que la cour d'appel ait, comme elle en avait l'obligation, vérifié la conformité des fichiers informatiques détournés saisis lors de la perquisition au domicile de M. V... et exploités par l'administration fiscale avec les fichiers informatiques en possession de la banque HSBC de Genève, leur légitime propriétaire, et que dès lors, faute de vérification, la cour d'appel ne pouvait affirmer, par un motif purement hypothétique procédant d'un renversement de la charge de la preuve, que les fichiers base de la poursuite ne revêtaient intrinsèquement aucun caractère frauduleux ni illicite les privant de toute valeur probante" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la convention européenne des droits de l'homme, 121-1 du code pénal, 1741 du code général des impôts, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme L... X..., épouse H..., coupable de fraude fiscale ;

1°) alors que le délit de fraude fiscale est un délit intentionnel et que dès lors, la seule constatation d'une omission déclarative ne suffit pas à justifier une décision de condamnation ;

2°) alors que le délit de fraude fiscale par omission de déclarer une partie des revenus ou du patrimoine suppose pour être punissable que le contribuable ait eu connaissance de l'existence de ces revenus ou de ces éléments de patrimoine et que la cour d'appel, qui n'a relevé aucun indice que Mme X..., épouse H..., ait eu connaissance de l'existence des avoirs détenus par le couple à l'étranger, n'a pas légalement justifié sa déclaration de culpabilité à son encontre ;

3°) alors que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; que les liens du mariage ne créent aucune présomption de culpabilité y compris en matière fiscale et que dès lors, les énonciations de l'arrêt relatives aux relations prétendues de M. H... avec l'établissement bancaire helvétique dépositaire des avoirs du couple ne permettent pas de caractériser l'élément intentionnel du délit de fraude fiscale à l'encontre de son épouse" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que sur la validité des éléments de preuve, l'arrêt énonce que ne peut s'analyser comme une confection d'éléments de preuve par une autorité publique, le rapprochement et la transcription de données informatiques par l'administration fiscale dans des fiches de synthèse ayant pour seul objet d'en matérialiser le contenu ; que les juges retiennent que les allégations de vol ou de recel de données par l'administration fiscale, la police française et les services spéciaux se fondant sur les seules déclarations prêtées à M. S... V... qu'aucun autre élément tant technique que factuel ne vient étayer, ne sauraient suffire à établir que l'administration soit intervenue dans l'élaboration ou l'obtention des éléments de preuve contestés avant que ceux-ci ne soient appréhendés lors de la perquisition puis exploités dans le cadre de l'enquête ; que la cour d'appel en déduit que l'administration fiscale ne saurait se voir reprocher un quelconque manquement au principe de loyauté de la preuve, les fichiers HSBC ne revêtant intrinsèquement aucun caractère frauduleux ni illicite les privant de toute valeur probante ;

Attendu que, pour confirmer le jugement sur la déclaration de culpabilité, l'arrêt retient que les recherches effectuées notamment sur les identités, l'adresse commune et les signatures montrent que les titulaires des comptes ouverts dans les livres de la HSBC Private Bank à Genève étaient bien, depuis au moins 2005, M. H... et Mme X..., son épouse ; que les juges relèvent que ces derniers n'ont mentionné ni dans leurs déclarations de revenus relatives aux années 2007 à 2010, ni dans leurs déclarations au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune, les avoirs qu'ils détenaient sur ces comptes à l'étranger ;

Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que ne constitue pas une preuve illicite un document élaboré par voie de rapprochement et de décryptage de données informatiques, la cour d'appel, qui a caractérisé les éléments tant matériel qu'intentionnel du délit reproché à chacun des prévenus, a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la convention européenne des droits de l'homme, 132-1 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. H... et Mme X..., épouse H..., à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, ainsi qu'à une amende de 150 000 euros ;

1°) alors que la décision sur la peine doit, pour respecter les dispositions impératives de l'article 132-1 du code pénal, préciser les éléments de la personnalité du prévenu qui justifient le prononcé de celle-ci et qu'en se bornant à faire état de manière vague et abstraite des éléments de la personnalité des prévenus sans autre précision, la cour d'appel a privé sa décision de motif ;

2°) alors qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur en tenant compte de ses ressources et de ses charges et qu'en prononçant par les motifs susvisés sans s'exprimer in concreto sur les charges des prévenus qu'elle devait prendre en considération pour fonder sa décision, la cour d'appel ne l'a pas justifiée" ;

Attendu que pour condamner les prévenus à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et 150 000 euros d'amende chacun, l'arrêt indique que M. H..., né le [...] à Casablanca au Maroc, est de nationalité française et domicilié avec son épouse [...], qu'il est retraité depuis 2010 et perçoit une pension de 2 500 euros mensuels, que depuis deux ans, il fait l'objet d'un suivi médical nécessitant des hospitalisations régulières, qu'en 2016, il a déclaré 45 000 euros de revenus et qu'en 2013 il a fait donation à ses enfants d'une maison et d'un magasin ;

Que, s'agissant de Mme X..., épouse de M. H..., l'arrêt mentionne qu'elle est née le [...] à Naharia en Israël et possède la nationalité française et israélienne, qu'actuellement au chômage, elle est en recherche d'emploi en qualité de secrétaire et perçoit entre 1 200 et 1 300 euros au titre des prestations ;

Que l'arrêt ajoute que les époux H... ont quatre enfants dont l'un est décédé en [...] :

Que les juges précisent en outre que le casier judiciaire de M. H... porte mention de deux condamnations, en 1998 pour transport de marchandise réputée importée en contrebande et en 2004, pour exportation ou importation d'ouvrages contrefaits et atteinte volontaire aux droits d'un créateur de dessin ou de modèle, tandis que le casier judiciaire de Mme X... ne porte mention d'aucune condamnation ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui a pris en considération de manière suffisamment précise et concrète les éléments de la personnalité de chacun des prévenus ainsi que leurs ressources et leurs charges, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;
FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. B... H... et Mme L... X..., épouse H..., devront payer à l'administration fiscale, en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six novembre deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-86902
Date de la décision : 06/11/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 17 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 nov. 2019, pourvoi n°17-86902


Composition du Tribunal
Président : Mme de la Lance (conseiller le plus ancien non empêché, faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.86902
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