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23/10/2019 | FRANCE | N°18-19971

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 octobre 2019, 18-19971


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. D... et vingt-six autres salariés du GIE commercial Guilbert, estimant être liés par un contrat de travail avec la société Guilbert France devenue la société Office dépôt BS aux droits de laquelle est venue la société Office dépôt France ( la société), membre du GIE, l'ont fait assigner devant le tribunal de grande instance aux fins de paiement de leurs droits à participation sur la période 1989-2001 ; que, par un arrêt en date du 26 octobre 2010 devenu irrévoca

ble, la cour d'appel qui par une première décision du 5 juin 2008 leur avai...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. D... et vingt-six autres salariés du GIE commercial Guilbert, estimant être liés par un contrat de travail avec la société Guilbert France devenue la société Office dépôt BS aux droits de laquelle est venue la société Office dépôt France ( la société), membre du GIE, l'ont fait assigner devant le tribunal de grande instance aux fins de paiement de leurs droits à participation sur la période 1989-2001 ; que, par un arrêt en date du 26 octobre 2010 devenu irrévocable, la cour d'appel qui par une première décision du 5 juin 2008 leur avait reconnu la qualité de salariés de la société a rejeté leur demande en paiement au motif que l'effectif de la société n'atteignait pas le seuil de cinquante salariés ; que par un jugement en date du 9 août 2011 le tribunal de grande instance a reconnu l'existence d'un contrat de travail entre la même société et vingt-trois autres salariés du GIE ; que, invoquant un fait juridique nouveau, M. D... et ses collègues ont par acte du 4 juin 2013 à nouveau fait assigner la société en rappel de participation ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire l'action des consorts D... et autres recevable, alors, selon le moyen :

1°/ que seul un fait nouveau qui modifie la situation antérieurement reconnue en justice prive un jugement de l'autorité de la chose jugée à l'égard d'une seconde instance ; que la production d'une offre de preuve nouvelle portant sur un fait ancien n'est pas de nature à modifier la situation antérieurement reconnue en justice ; qu'en l'espèce, par un arrêt du 26 octobre 2010, la cour d'appel d'Amiens a confirmé le jugement du 8 novembre 2005 qui avait débouté M. D... et consorts de leur demande tendant à la condamnation de la société Guilbert France à leur payer un rappel de participation sur les bénéfices réalisés pour la période courant de 1989 à 2001 ; qu'il résulte des motifs de cet arrêt, qui éclairent la portée de son dispositif, que la cour d'appel a considéré que les demandeurs n'étaient pas fondés à réclamer un droit à participation, faute d'établir que l'effectif de la société Guilbert France atteignait le seuil de cinquante salariés ; que postérieurement à cet arrêt, le tribunal de grande instance de Senlis a dit, par jugement du 9 août 2011, que vingt-trois autres personnes étaient également salariées de la société Guilbert France entre 1989 et 2001 ; que cette reconnaissance judiciaire d'un fait antérieur à l'arrêt du 26 octobre 2010 constituait un simple élément de preuve d'un fait ancien et non un fait nouveau modifiant la situation reconnue par cet arrêt ; qu'en affirmant cependant que le rattachement judiciaire de vingt-trois autres anciens salariés du GIE Commercial Guilbert à la société Office Dépôt BS constituait un fait juridique nouveau rendant recevable une nouvelle action des consorts D... et autres, la cour d'appel a violé l'article 1351 (devenu l'article 1355) du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 480 du code de procédure civile ;

2°/ que le caractère nouveau de l'événement permettant d'écarter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ne peut résulter de ce que la partie qui l'invoque a négligé d'accomplir une diligence en temps utile ; qu'en l'espèce, il résulte des motifs de l'arrêt du 26 octobre 2010 que M. D... et consorts avaient invoqué l'existence d'une procédure de même nature intentée par d'autres salariés du groupe représentés par le même avocat, et pendante devant le tribunal de grande instance Senlis, sans former de demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal sur cette demande ; qu'en considérant cependant que le jugement du tribunal de grande instance de Senlis du 9 août 2011, qui a constaté le rattachement de vingt-trois autres salariés du GIE Commercial Guilbert à la société Guilbert France postérieurement à l'arrêt du 26 octobre 2010 constituait un fait juridique nouveau rendant recevable leur action, sans que puisse leur être opposée leur prétendue négligence pour n'avoir pas sollicité un sursis à statuer alors que rien n'établit qu'ils étaient en mesure de justifier devant la cour de cette autre instance dont ils avaient connaissance, cependant qu'il résulte des mentions de l'arrêt du 26 octobre 2010 et du jugement du 9 août 2011, que le même avocat représentait les salariés dans ces deux instances, la cour d'appel a violé les articles 1351 (devenu l'article 1355) du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 et 480 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que la reconnaissance à d'autres travailleurs, dans une instance distincte, de la qualité de salarié constitue, pour le calcul de l'effectif de l'entreprise au regard de l'obligation de l'employeur de constituer une réserve de participation, la circonstance nouvelle au sens de l'article 1315 devenu l'article 1355 du code civil, privant de l'autorité de chose jugée l'arrêt du 26 octobre 2010 en ce qu'il rejette la demande des salariés en paiement de leur droit à participation ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel a exactement décidé qu'il ne peut être reproché aux intéressés qui n'étaient pas parties à cette instance distincte de ne pas avoir sollicité le sursis à statuer et d'avoir ainsi commis une négligence ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi des salariés :

Attendu que les salariés font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande de participation au titre des exercices 1989 à 1993, et subsidiairement de leur demande à titre de dommages-intérêts pour cette même période alors, selon le moyen :

1°/ que les entreprises employant habituellement au moins cinquante salariés garantissent le droit de leurs salariés à participer aux résultats de l'entreprise ; que si le droit du salarié de participer aux résultats de l'entreprise prend la forme d'une participation financière à effet différé, calculée en fonction du bénéfice net de l'entreprise, constituant la réserve de participation, il résulte de l'article D. 3324-12 du code du travail que le montant des droits susceptibles d'être attribués à un même salarié ne peut pour un même exercice excéder une somme égale aux trois quarts du montant du plafond prévu à l'article D. 3324-10 ; que lorsque l'employeur ne fournit pas les liasses fiscales des exercices considérés nécessaires à la détermination des droits à participation, l'expert chargé de déterminer ces droits est en droit de retenir comme base de calcul les plafonds de sécurité sociale de chacune des années concernées ; qu'en rejetant la demande des salariés se référant à la troisième méthode de calcul préconisée par l'expert, faute pour l'employeur d'avoir communiqué des éléments au cours des opérations d'expertise et notamment les liasses fiscales des exercices 1989 à 1993, s'appuyant forfaitairement sur le plafond de sécurité sociale et ayant retenu la moitié de ce plafond, soit une somme équivalente à 37,50 % du plafond de la sécurité sociale de chaque année concernée, aux seuls motifs que les sommes ainsi réclamées par les salariés en référence au plafond fixé à l'article D. 3324-12 du code du travail qui ne fait que fixer un plafond aux participations salariales ne sont pas conformes au mode légal de calcul de la réserve de participation dont découlent leurs droits ni même ne respectent l'esprit de la loi en ce qu'elles ne sont pas basées sur les bénéfices réalisés par l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles précités ;

2°/ que le juge doit trancher le litige qui lui est soumis sans refuser son examen au motif qu'il lui manquerait des éléments de preuve ; qu'en déclarant l'action des consorts D... et autres recevable en ce qu'elle tendait à leur voir reconnaître la qualité de salariés de la société Guilbert et à leur voir allouer diverses sommes au titre de la réserve spéciale de participation, tout en en rejetant leur demande au titre des années 1989 à 1993 au seul motif que l'évaluation forfaitaire proposée par l'expert sur la base du plafond fixé à l'article D. 3324-12 du code du travail n'était pas conforme en ce qu'elle n'était pas basée sur les bénéfices réalisés par la société Guilbert France, cependant qu'ainsi qu'indiqué par l'expert l'impossibilité de procéder à un autre mode de calcul était uniquement imputable à l'employeur qui n'avait fourni aucun élément comptable ou autres pour cette période de 1989 à 1993, la cour d'appel qui a refusé de reconstituer la réserve de participation revenant aux consorts D... et autres, au besoin en ordonnant toute autre mesure d'instruction, bien qu'elle avait reconnu dans son principe leur droit à la réserve de participation pour cette période, a violé l'article 4 du code civil ;

3°/ que débiteur envers ses salariés de l'obligation de versement de la réserve spéciale de participation lorsque les conditions fixées par le code du travail sont réunies, l'employeur engage sa responsabilité pour n'avoir pas conservé les documents comptables à l'expiration du délai pendant lequel il est tenu de les conserver, empêchant ainsi la reconstitution de la réserve de participation due aux salariés embauchés artificiellement par des structures qu'il a créées et finalement rattachés à l'entreprise suite à de nombreux contentieux judiciaires menés sur de longues années ; qu'en rejetant la demande indemnitaire des exposants en estimant que la faute de la société Office dépôt Bs n'était pas rapportée dans le fait qu'elle n'était pas en mesure de produire les liasses fiscales pour les années 1989-1993 et que les premières réclamations des consorts D... et autres remontaient à 2004, soit quinze ans après l'exercice le plus ancien pour lequel elles étaient formulées et onze ans après le plus récent et qu'elle avait en outre, fait toutes diligences pour tenter de récupérer les liasses manquantes, cependant que la reconnaissance de la qualité de salariés de la société Guilbert France de personnes embauchées de manière artificielle par le deux Gie créés par cette dernière faisait suite à une demande qui n'était pas prescrite et à un contentieux qui avait duré sur plusieurs années et dont la responsabilité incombait exclusivement à la société Guilbert France de sorte qu'elle aurait dû se prémunir de toute action et conserver les documents afférents à cette période même au-delà du délai pendant lequel elle était tenue de les conserver et qu'elle seule devait supporter le risque qu'elle avait créé, la cour d'appel qui a rejeté toute indemnisation pour cette période, a violé l'article 1240 du code civil dans sa version résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Mais attendu en premier lieu qu'il résulte des articles 8 et 17 de l'ordonnance n° 86-1134 du 21 octobre 1986 relative à l'intéressement et à la participation des salariés aux résultats de l'entreprise et à l'actionnariat des salariés, alors applicable, qu'en l'absence de conclusion d'un accord de participation, seul le régime légal de participation est applicable ; qu'une entreprise occupant habituellement au moins cinquante salariés n'est légalement tenue de constituer une réserve spéciale de participation qu'autant que le bénéfice de l'exercice réalisé en France métropolitaine et dans les départements d'Outre-mer, tel qu'il est retenu pour être imposé au taux de droit commun de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu, excède, après déduction de l'impôt correspondant, la rémunération au taux de 5 % des capitaux propres de l'entreprise ;

Attendu en second lieu que la cour d'appel a fait ressortir que les salariés ne faisaient pas la preuve, pour les exercices considérés, de ce qu'ils auraient été en droit de percevoir une participation et auraient ainsi subi un préjudice ;

D'où il suit que le moyen inopérant en sa troisième branche n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le second moyen du pourvoi principal de l'employeur :

Vu les articles L. 442-1, L. 442-2 et R. 442-2 du code du travail devenus les articles L. 3322-4, L. 3324-1 et D. 3324-1 de ce code ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que les rémunérations des travailleurs qui ne sont pas sous la subordination effective de l'employeur, n'ont pas à être prises en compte pour le calcul de la réserve de participation ;

Attendu que, pour inclure dans le calcul de la réserve de participation de la société les rémunérations de l'ensemble des salariés des deux GIE dont la société était membre, et absorbés par elle en 2001, l'arrêt retient que selon l'expert la prise en compte des seuls salariés judiciairement rattachés à la société aboutissait à attribuer à quelques cinquante à soixante personnes les substantiels bénéfices réalisés par l'entreprise (représentant mille quatre-cent-treize salariés en 2001) et générait des participations tout à fait disproportionnées par rapport au taux moyen des participations distribuées sur le territoire français (de l'ordre, plus ou moins, d'un mois de salaire selon les statistiques relatives aux années considérées), que les salariés judiciairement rattachés à la société ne seraient plus en position de profiter seuls des fruits de l'entreprise auxquels ils n'étaient pas les seuls à avoir contribué et se voyaient attribuer une participation proportionnelle à leur salaire brut annuel, que cette prise en compte économique de la plus-value apportée par le « personnel extérieur » aux résultats n'induisant aucun rattachement juridique de l'ensemble des salariés concernés à l'entreprise (étant rappelé qu'un certain nombre de salariés ont obtenu la reconnaissance judiciaire de droits à participation sur les modestes bénéfices réalisés par le GIE Groupe Guilbert en 1991, 1992 et 1995) et permettant de relativiser le montant des participations à l'aune du nombre de personnes ayant contribué aux résultats, des charges sociales qu'elles ont générées, de l'impact de celles-ci sur la valeur ajoutée, elle-même constituant l'un des paramètres du calcul de la réserve, que la société avait convenu que le personnel intérimaire n'était pas significatif, de sorte que l'impact de cette prise en compte n'était pas démontré ;

Qu'en statuant ainsi alors que seule la rémunération des personnels liés par un contrat de travail avec l'entreprise entre dans le calcul de la réserve de participation, et alors qu'il résultait de ses constatations que l'ensemble des personnels des deux GIE n'étaient devenus salariés de la société que postérieurement aux périodes concernées par la demande, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il entérine la méthodologie numéro 2 proposée par l'expert judiciaire M. CA... au terme de son rapport d'expertise déposé le 3 juillet 2013 dans l'instance opposant la société Office dépôt BS aux consorts O... et autres (rapport, page 41), et en ce qu'il désigne à nouveau M. CA... qui aura pour mission, les parties présentes ou appelées et connaissance prise du dossier de déterminer, à partir de la réserve spéciale de participation calculée selon la méthode admise, pour chacun des exercices courus de 1994 à 2001, les droits à participation des salariés rattachés à la société Guilbert France, l'arrêt rendu le 29 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président et M. Rinuy, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Office dépôt France

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il a dit irrecevables les demandes des consorts D... et autres et les a condamnés au paiement d'une indemnité de procédure et d'AVOIR dit l'action des consorts D... et autres recevable ;

AUX MOTIFS QUE « Les consorts D... et autres, qui rappellent que leur précédente action a échoué à défaut pour eux d'établir que l'effectif de la société Guilbert France à laquelle ils avaient obtenu leur rattachement atteignait le seuil de 50 salariés conditionnant l'ouverture de leur droit à participation prévu à l'article L 3322-2 du code du travail, estiment que constitue un fait nouveau, rendant recevable leur présente action, le jugement précité du 9 août 2011 qui a reconnu à 23 autres employés du GIE Commercial Guilbert (ci-après désignés les consorts "O... et autres") la qualité de salariés de la société Guilbert France (devenue Office Dépôt BS) pour la période 1989 - 2001. La société Office Dépôt BS, qui souligne l'identité de parties, de prétentions et de cause entre la présente instance et celle de 2004, objecte que les appelants ne se prévalent pas d'un fait juridique nouveau mais invoquent, par le biais de ce jugement, un nouvel élément de preuve que l'arrêt antérieur leur reprochait de ne pas justifier ni même d'offrir d'établir, ne serait-ce que par la voie d'un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de cette autre instance pendante devant le Tribunal de Grande Instance de Senlis. Il est constant que : - déboutés par le Tribunal de Grande Instance de Senlis (jugement du 8 novembre 2005) de leurs demandes de participation formée à l'encontre des sociétés Guilbert et Guilbert France, dont ils se prétendaient les salariés nonobstant un rattachement fictif au GIE Commercial Guilbert, les consorts D... et autres ont obtenu, par arrêt mixte du 5 juin 2008, la reconnaissance de leur qualité de salariés de la société Guilbert France SA ainsi qu'une mesure d'expertise judiciaire pour déterminer les sommes devant être, le cas échéant, affectées à la réserve spéciale de participation des salariés en application des dispositions de l'article L 442-2 du code du travail dans sa version applicable, compte-tenu des bénéfices réalisés par la société Guilbert France et calculer leur créance éventuelle de participation sur l'attribution de laquelle il était sursis à statuer ; - sur reprise d'instance, l'arrêt du 26 octobre 2010, constatant que, selon le rapport d'expertise judiciaire, l'effectif de la société Guilbert France n'avait jamais excédé 2 salariés en sorte qu'en ajoutant les 26 salariés que l'arrêt du 5 juin 2008 avait déclarés salariés de Guilbert France, l'effectif de cette dernière n'atteignait pas le seuil légal de 50 salariés, a confirmé le jugement du 8 novembre 2005 "en toutes ses dispositions" (se contredisant au demeurant en ce qu'il admettait dans ses motifs le caractère définitif de l'arrêt du 5 juin 2008 ayant reconnu aux consorts D... et autres la qualité de salariés de Guilbert France que le jugement n'avait pas admise). La cour considère, au contraire du Tribunal, que le rattachement judiciaire, postérieurement à l'arrêt déboutant les consorts D... et autres de leurs demandes, de 23 autres anciens salariés du GIE Commercial Guilbert à la société Office Dépôt BS, ayant pour effet d'assujettir celle-ci à la législation relative à la participation salariale, constitue un fait juridique nouveau rendant recevable une nouvelle action des consorts D... et autres sans que puisse leur être opposée leur prétendue négligence pour n'avoir pas pu prouver en 2008 l'inclusion d'autres salariés dans l'effectif d'Office Dépôt BS que seule une décision judiciaire pouvait ordonner ou n'avoir pas sollicité un sursis à statuer alors que rien n'établit qu'ils étaient en mesure de justifier devant la cour de cette autre instance dont ils avaient connaissance. Le jugement sera donc infirmé de ce chef et la fin de non-recevoir rejetée » ;

1. ALORS QUE seul un fait nouveau qui modifie la situation antérieurement reconnue en justice prive un jugement de l'autorité de la chose jugée à l'égard d'une seconde instance ; que la production d'une offre de preuve nouvelle portant sur un fait ancien n'est pas de nature à modifier la situation antérieurement reconnue en justice ; qu'en l'espèce, par un arrêt du 26 octobre 2010, la cour d'appel d'Amiens a confirmé le jugement du 8 novembre 2005 qui avait débouté M. D... et consorts de leur demande tendant à la condamnation de la société Guilbert France à leur payer un rappel de participation sur les bénéfices réalisés pour la période courant de 1989 à 2001 ; qu'il résulte des motifs de cet arrêt, qui éclairent la portée de son dispositif, que la cour d'appel a considéré que les demandeurs n'étaient pas fondés à réclamer un droit à participation, faute d'établir que l'effectif de la société Guilbert France atteignait le seuil de 50 salariés ; que postérieurement à cet arrêt, le tribunal de grande instance de Senlis a dit, par jugement du 9 août 2011, que vingt-trois autres personnes étaient également salariées de la société Guilbert France entre 1989 et 2001 ; que cette reconnaissance judiciaire d'un fait antérieur à l'arrêt du 26 octobre 2010 constituait un simple élément de preuve d'un fait ancien et non un fait nouveau modifiant la situation reconnue par cet arrêt ; qu'en affirmant cependant que le rattachement judiciaire de 23 autres anciens salariés du GIE Commercial Guilbert à la société Office Dépôt BS constituait un fait juridique nouveau rendant recevable une nouvelle action des consorts D... et autres, la cour d'appel a violé l'article 1351 (devenu l'article 1355) du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 480 du code de procédure civile ;

2. ALORS QUE le caractère nouveau de l'évènement permettant d'écarter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ne peut résulter de ce que la partie qui l'invoque a négligé d'accomplir une diligence en temps utile ; qu'en l'espèce, il résulte des motifs de l'arrêt du 26 octobre 2010 que M. D... et consorts avaient invoqué l'existence d'une procédure de même nature intentée par d'autres salariés du groupe représentés par le même avocat, et pendante devant le tribunal de grande instance Senlis, sans former de demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal sur cette demande ; qu'en considérant cependant que le jugement du tribunal de grande instance de Senlis du 9 août 2011, qui a constaté le rattachement de vingt-trois autres salariés du GIE Commercial Guilbert à la société Guilbert France postérieurement à l'arrêt du 26 octobre 2010 constituait un fait juridique nouveau rendant recevable leur action, sans que puisse leur être opposée leur prétendue négligence pour n'avoir pas sollicité un sursis à statuer alors que rien n'établit qu'ils étaient en mesure de justifier devant la cour de cette autre instance dont ils avaient connaissance, cependant qu'il résulte des mentions de l'arrêt du 26 octobre 2010 et du jugement du 9 août 2011, que le même avocat représentait les salariés dans ces deux instances, la cour d'appel a violé les articles 1351 (devenu l'article 1355) du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 et 480 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
, SUBSIDIAIRE

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR entériné la méthodologie numéro 2 proposée par l'expert judiciaire M. CA... au terme de son rapport d'expertise déposé le 3 juillet 2013 dans l'instance opposant la société Office Dépôt aux consorts O... et autres et d'AVOIR désigné à nouveau M. CA... en qualité d'expert avec mission de déterminer, à partir de la réserve spéciale de participation calculée selon la méthode admise par la cour, pour chacun des exercices courus de 1994 à 2001, les droits à participation des salariés rattachés à la société Guilbert France ;

AUX MOTIFS QUE « Les consorts D... et autres fondent leurs réclamations sur le rapport d'expertise judiciaire établi par M. CA... le 3 juillet 2013 dans le cadre de l'instance initiée par les consorts O... et autres qu'ils estiment transposable à la présente instance dès lors que l'expert a, sur la base de la seconde méthode de calcul proposée défini la participation annuelle des salariés aux bénéfices réalisés par l'entreprise entre 1994 et 2001 en pourcentage du salaire brut annuel perçu par les salariés qu'il évalue à 15,82% pour 1994, 15,03% pour 1995, 15,70% pour 1996 etc..., et pour la période 1989-1993 sur le calcul forfaitaire retenu par M. CA... à partir des plafonds de sécurité sociale à défaut de pouvoir disposer des laisses fiscales de la société pour cette période. La société Office Dépôt BS s'oppose à l'application aux consorts D... et autres des propositions de M. CA... qui n'était pas chargé de déterminer une formule de calcul générale applicable à tout salarié de la société Guilbert France mais de se prononcer sur les seules réclamations des consorts O... et autres, conteste en tout état de cause l'inclusion dans la masse salariale de la société Guilbert France du "personnel extérieur", à savoir les salariés du GIE Commercial Guilbert et du GIE Groupe Guilbert, de même que le personnel intérimaire mis à disposition par entreprises de travail temporaire, équivalant à un rattachement collectif du personnel des GIE à la société Guilbert France que seule une décision judiciaire pouvait prescrire et contraire au rattachement individuel de salariés opéré au cas par cas par les jugements incriminés ayant exclu les demandes de certains salariés des GIE. Le fait que les consorts D... et autres n'aient pas été parties à l'expertise judiciaire confiée à M. CA... ne leur interdit pas de se référer aux conclusions de ce dernier, chargé de déterminer la réserve spéciale de participation que la société Guilbert France était tenue de constituer sur la même période que celle visée par les consorts D... et autres (1989-2001) et les droits éventuels de salariés rattachés comme eux à la société Guilbert France. La cour observe que M. CA... s'est trouvé confronté à deux séries de difficultés : - la première tenant à l'insuffisance de pièces justificatives relatives à la période 1989-1993 pour laquelle la société Office Dépôt BS s'est dite dans l'incapacité de produire les liasses fiscales dont elle a vainement sollicité un exemplaire auprès des services fiscaux, ce qui a conduit M. CA... à distinguer les périodes 1989-1993 (pour laquelle il ne disposait pas d'éléments lui permettant de calculer la réserve spéciale de participation destinée à la participation salariale) et 1994-2001 (pour laquelle il était en mesure de la calculer), - la seconde relative à la détermination de la réserve spéciale de participation dont on sait qu'elle est fixée selon une base de calcul fixée par décret, notamment en fonction de l'effectif de l'entreprise, de la masse salariale (à savoir les salaires bruts versés et les charges sociales correspondantes), M. CA..., s'interrogeant sur l'effectif à prendre en compte dès lors que la société Guilbert France n'avait jamais déclaré plus de 3 salariés, que le jugement le désignant rattachait 23 salariés à la société Guilbert France mais qu'il était acquis que les consorts D... et autres, voire d'autres salariés, étaient susceptibles d'être inclus dans l'effectif des salariés bénéficiaires. M. CA... relevait ensuite que la prise en compte de l'ensemble des seuls salariés judiciairement rattachés à la société Guilbert France aboutissait à attribuer à quelques 50 à 60 salariés les substantiels bénéfices réalisés par la société Guilbert France (représentant 1413 salariés en 2001) et générait des participations tout à fait disproportionnées par rapport au taux moyen des participations distribuées sur le territoire français (de l'ordre, plus ou moins, d'un mois de salaire selon les statistiques relatives aux années considérées). L'expert estimait critiquable la méthode alternative proposée par les intimés reposant sur la mise en oeuvre des dispositions de l'article D 3324-12 du code du travail fixant le plafond des participations exigibles par les salariés, auquel ils proposaient d'appliquer un coefficient, cette méthode aboutissant selon M. CA... au calcul d'une participation forfaitaire, déconnectée des résultats financiers de l'entreprise et donc contraire à la lettre comme à l'esprit de la loi. Il contestait de même la proposition de la société Office Dépôt BS de fixer la réserve de participation sur la base d'une quote-part du bénéfice de l'entreprise, calculée au prorata du nombre de salariés rattachés par rapport à l'effectif de l'entreprise, du fait de l'impossibilité selon lui de "proratiser" les autres paramètres de calcul de la réserve, notamment le montant des capitaux propres ayant contribué à la réalisation des bénéfices, estimant dans ces conditions qu'une telle option serait un non sens économique et priverait de sens les critères de déclenchement de la réserve. Recherchant une méthodologie qui respecte l'esprit de la loi et ayant relevé la particularité de l'organisation du groupe Guilbert composée de deux GTF, créés en 1978 puis 1988 et absorbés en 2001 par la société Guilbert France, et rappelant le mécanisme de refacturation à la société Guilbert France de leurs prestations, cette refacturation étant l'une des composantes des charges d'exploitation, M. CA... a fait observer que les personnels de ces deux structures avaient eux-mêmes, depuis la création des GIE, contribué aux résultats de la société Guilbert France, suggérant, par suite, de les inclure dans l'effectif pris en compte pour le calcul de la réserve de participation, cette solution lui paraissant la seule acceptable au plan économique, financier et comptable dans la mesure où les salariés judiciairement rattachés à Guilbert France ne se trouvaient plus en position de profiter seuls des fruits de l'entreprise qu'ils n'avaient pas seuls contribué à réaliser et se voyaient ainsi attribuer une participation proportionnelle à leur salaire brut annuel. La cour estime que ce faisant, M. CA... n'a pas, contrairement à ce que prétend la société Office Dépôt BS, indûment statué sur une question de droit, cette prise en compte économique de la plus-value apportée par le "personnel extérieur" aux résultats de Guilbert France n'induisant aucun rattachement juridique de l'ensemble des salariés concernés à Guilbert France (la cour rappelle d'ailleurs qu'un certain nombre de salariés ont obtenu la reconnaissance judiciaire de droits à participation sur les modestes bénéfices réalisés par le GIE Groupe Guilbert en 1991, 1992 et 1995) et permettant de relativiser le montant des participations à l'aune du nombre de personnes ayant contribué aux résultats de Guilbert France, des charges sociales qu'elles ont générées, de l'impact de celles-ci sur la valeur ajoutée, elle-même constituant l'un des paramètres du calcul de la réserve. La société Office Dépôt BS, qui avait d'emblée objecté à l'expert que les salariés rattachés à Guilbert France ne pouvaient se voir attribuer les résultats bénéficiaires de l'entreprise et ainsi être gratifiés de participations hors du commun alors que la réserve devait bénéficier à tous les salariés ayant contribué aux résultats, s'insurge contre cette méthodologie proposée par M. CA... mais ne suggère aucune autre méthode comptable plus conforme à la lettre et l'esprit de la loi sur les participations, se contentant d'affirmer que tout calcul de réserve et toute distribution de participation sont impossibles et doivent aboutir au rejet des demandes adverses alors même que plus de 60 de ses anciens salariés constituant, selon ses dires, la "force de vente" du groupe, n'ont perçu dix années durant aucune participation aux résultats bénéficiaires qu'elle a réalisés. Elle dénonce encore la prise en compte illicite, par cette méthode de M. CA..., d'un personnel intérimaire dont elle avait pourtant convenu avec l'expert judiciaire qu'il n'était pas significatif, l'impact de cette prise en compte étant loin d'être démontré, et alors que l'article L 1111-2 du code du travail autorise la prise en compte dans l'effectif de la société de ces travailleurs sous condition d'une durée de présence dont Office Dépôt BS ne prétend pas ni ne justifie qu'elle ne serait pas remplie pour certains salariés temporairement mis à sa disposition. La cour entend donc valider, comme le Tribunal, la méthodologie adoptée par l'expert judiciaire pour déterminer la réserve spéciale de participation sur la période 1994-2001 mais estime toutefois qu'une nouvelle mesure d'expertise judiciaire est nécessaire afin que M. CA... puisse calculer, au contradictoire de tous les salariés désormais rattachés à la société Guilbert France, et sous réserve d'un éventuel rattachement d'autres salariés dans le cadre des instances actuellement pendantes devant la cour, les participations auxquelles ils peuvent prétendre pour la période considérée 1994-2001 » ;

1. ALORS QUE sauf accord dérogatoire, seuls les salariés de l'entreprise peuvent bénéficier d'un droit à participation aux résultats de l'entreprise ; que selon les articles L. 3324-1 et D. 3324-1 du code du travail, la réserve spéciale de participation est calculée en fonction des salaires qui correspondent aux rémunérations au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ; qu'il en résulte que seuls les salaires versés aux salariés de l'entreprise, à l'exclusion des charges d'exploitation correspondant aux salaires des personnels extérieurs, doivent être pris en compte pour le calcul de la réserve spéciale de participation ; qu'en l'espèce, il est constant que le groupe Guilbert était composé, entre 1989 et 2001, de plusieurs sociétés, dont la société Guilbert France, et de deux groupements d'intérêt économique, les GIE Groupe Guilbert et Commercial Guilbert, et que seuls une soixantaine de salariés du GIE Commercial Guilbert ont obtenu, dans le cadre de divers contentieux, la reconnaissance judiciaire d'un lien de subordination juridique avec la société Guilbert France, d'autres salariés du même GIE et des salariés du GIE Groupe Guilbert ayant été définitivement déboutés de prétentions identiques ; que, dans le cadre de ces contentieux, il a été définitivement jugé que la constitution des deux GIE ne présentait pas un caractère frauduleux et que ces deux GIE n'étaient pas fictifs ; qu'en entérinant cependant la méthode numéro 2 de calcul des droits à participation proposée par l'expert, qui consiste à calculer le montant de la réserve spéciale de participation dégagée par la société Guilbert France en assimilant à des salaires versés par cette société les charges d'exploitation correspondant au « personnel extérieur » et notamment aux salaires du personnel des deux GIE, tout en expliquant que cette méthode de calcul n'induisait aucun rattachement juridique de l'ensemble des salariés des deux GIE à la société Guilbert France, la cour d'appel a validé une méthode de calcul non-conforme à la méthode légale et violé les articles L. 442-2 (devenu l'article L. 3324-1) et R. 442-2 (devenu l'article D. 3324-1) du code du travail ;

2. ALORS QUE les travailleurs intérimaires ne bénéficient pas de la participation dans l'entreprise utilisatrice, de sorte que leur salaire n'a pas à être pris en compte dans le calcul de la réserve spéciale de participation de l'entreprise utilisatrice ; que les charges d'exploitation correspondant au « personnel extérieur à l'entreprise », figurant au compte 621 du plan comptable général incluent notamment les charges correspondant au personnel intérimaire ; qu'en considérant cependant que la société Office Dépôt dénonçait vainement la prise en compte des charges correspondant au personnel intérimaire dans le calcul de la réserve spéciale de participation, aux motifs inopérants que l'impact de cette prise en charge n'était pas démontré et que l'article L. 1111-2 du code du travail, dans sa version postérieure à la période litigieuse, autorise la prise en compte dans l'effectif de la société des travailleurs intérimaires sous condition de présence, la cour d'appel a encore violé les articles L. 442-2 (devenu l'article L. 3324-1) et R. 442-2 (devenu l'article D. 3324-1) du code du travail.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. D... et vingt-six autres salariés

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les Consorts D... et autres de leur demande de participation au titre des exercices 1989 à 1993, et subsidiairement de leur demande à titre de dommages et intérêts pour cette même période,

AUX MOTIFS PROPRES QUE

S'agissant de la période 1989-1993 :

Il est constant que la société Office Dépôt BS n'a pas été en mesure de produire les liasses fiscales indispensables à l'expert judiciaire pour déterminer l'existence d'une éventuelle réserve de participation ouvrant droit à participation au profit des salariés.

Le Tribunal a rejeté la réclamation des salariés tendant à se voir attribuer une participation forfaitaire calculée eu référence aux dispositions de l'article D 3324-12 du code du travail qu'ils proposaient de fixer à la moitié du montant maximum de participation admis par la loi dont M. CA... a souligné qu'elle aboutissait à une estimation forfaitaire, sans lien avec les résultats financiers de l'entreprise et que les premiers juges ont à juste titre estimé dépourvue de toute base légale lorsque le texte invoqué ne fait que fixer un plafond de participation et n'offre pas une alternative au mode légal de fixation des participations.

Les intimés réitèrent leurs demandes en appel et demandent à la cour de tirer toutes conséquences de la défaillance de la société Office Dépôt BS à produire les documents fiscaux sollicités, constitutive selon eux d'une faute dès lors que la société restait exposée à d'éventuelles réclamations tant que l'action des salariés n'était pas prescrite et se devait de conserver tous les documents requis alors surtout que ses résultats étaient largement bénéficiaires sur la période considérée.

La société Office Dépôt BS se défend de toute faute aux motifs que son obligation de conserver ses livres, registres et tous documents soumis à contrôle de l'administration, n'excédait pas six ans (article L 102B du Livre des procédures fiscales) tandis que l'obligation de conserver ses documents comptables expirait au bout de dix ans (article L 123-22 du code de commerce) et rappelle que dès 2009 elle avait, à la faveur du contentieux l'opposant aux les consorts D... et autres, interpellé en vain le centre des impôts de Senlis pour tenter d'obtenir les liasses fiscales manquantes.

La cour estime justifiée l'objection du Tribunal tenant au fait que les sommes ainsi réclamées par les intimés en référence au plafond fixé à l'article D 3324- 12 du code du travail qui ne fait que fixer un plafond aux participations salariales ne sont pas conformes au mode légal de calcul de la réserve de participation dont découlent leurs droits ni même ne respectent l'esprit de la loi en ce qu'elles ne sont pas fonction des bénéfices réalisés par l'entreprise.

N'est pas non plus caractérisée, au regard notamment des délais légaux de conservation ci-dessus rappelés, la faute reprochée à la société Office Dépôt BS alors que celle-ci a été en mesure de justifier des documents afférents à la période 1994-2001, que les premières réclamations des consorts D... et autres remontent à 2004, soit 15 ans après l'exercice le plus ancien pour lequel elles étaient formulées et 11 ans après le plus récent et qu'elle a, en outre, fait toutes diligences pour tenter de récupérer les liasses manquantes,

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE

Sur la demande relative à l'intéressement de vingtsept salariés sur la période 1989 à 1993

Attendu que l'expert indique ne pas avoir obtenu de la société OFFICE DEPÔT BS les documents nécessaires pour calculer ta créance d'intéressement sur la période courant de l'exercice 1989 à l'exercice 1993 ; qu'en vain, la société OFFICE DEPÔT BS fait état de ce qu'elle n'était pas tenue, au sens de la législation fiscale ou de la législation commerciale et comptable, de conserver les documents nécessaires ; qu'en effet, dès lors que l'action en demande de paiement d'une créance d'intéressement n'était pas prescrite et pouvait donc être formée à son encontre, il lui appartenait de conserver les éléments, qu'elle détenait et dont ne pouvaient disposer les créanciers, de nature à calculer le montant de cette créance ;

Attendu cependant que, pour obvier à cette absence des éléments propres à établir le montant des créances - et sans pour autant former une action en responsabilité civile aux fins d'indemniser le préjudice qu'ils connaîtraient à raison de la carence qu'aurait commise l'employeur dans la conservation desdits éléments - les demandeurs élaborent une troisième méthode de calcul préconisée par l'expert, qui s'appuie forfaitairement sur le plafond de sécurité sociale, mais ne se fonde sur aucun texte légal ou réglementaire et notamment sur les articles 2 de l'ordonnance du 17 août 1967 ni sur l'article L. 3324-I du Code du travail ; que rien ne permet de substituer aux critères légaux de calcul de la créance d'autres critères arbitrairement choisis ; que ce chef de demande est dépourvu de toute base légale et ne pourra qu'être rejeté,

1° ALORS QUE les entreprises employant habituellement au moins cinquante salariés garantissent le droit de leurs salariés à participer aux résultats de l'entreprise ; que si le droit du salarié de participer aux résultats de l'entreprise prend la forme d'une participation financière à effet différé, calculée en fonction du bénéfice net de l'entreprise, constituant la réserve de participation, il résulte de l'article D.3324-12 du code du travail que le montant des droits susceptibles d'être attribués à un même salarié ne peut pour un même exercice excéder une somme égale aux trois quarts du montant du plafond prévu à l'article D.3324-10 ; que lorsque l'employeur ne fournit pas les liasses fiscales des exercices considérés nécessaires à la détermination des droits à participation, l'expert chargé de déterminer ces droits est en droit de retenir comme base de calcul les plafonds de sécurité sociale de chacune des années concernées ; qu'en rejetant la demande des salariés se référant à la troisième méthode de calcul préconisée par l'expert, faute pour l'employeur d'avoir communiqué des éléments au cours des opérations d'expertise et notamment les liasses fiscales des exercices 1989 à 1993, s'appuyant forfaitairement sur le plafond de sécurité sociale et ayant retenu la moitié de ce plafond, soit une somme équivalente à 37,50 % du plafond de la sécurité sociale de chaque année concernée, aux seuls motifs que les sommes ainsi réclamées par les salariés en référence au plafond fixé à l'article D. 3324-12 du code du travail qui ne fait que fixer un plafond aux participations salariales ne sont pas conformes au mode légal de calcul de la réserve de participation dont découlent leurs droits ni même ne respectent l'esprit de la loi en ce qu'elles ne sont pas basées sur les bénéfices réalisés par l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles précités,

2° ALORS QUE le juge doit trancher le litige qui lui est soumis sans refuser son examen au motif qu'il lui manquerait des éléments de preuve ; qu'en déclarant l'action des Consorts D... et autres recevable en ce qu'elle tendait à leur voir reconnaître la qualité de salariés de la société Guilbert et à leur voir allouer diverses sommes au titre de la réserve spéciale de participation, tout en en rejetant leur demande au titre des années 1989 à 1993 au seul motif que l'évaluation forfaitaire proposée par l'expert sur la base du plafond fixé à l'article D. 3324-12 du code du travail n'était pas conforme en ce qu'elle n'était pas basée sur les bénéfices réalisés par la société Guilbert France, cependant qu'ainsi qu'indiqué par l'expert l'impossibilité de procéder à un autre mode de calcul était uniquement imputable à l'employeur qui n'avait fourni aucun élément comptable ou autres pour cette période de 1989 à 1993, la cour d'appel qui a refusé de reconstituer la réserve de participation revenant aux Consorts D... et autres, au besoin en ordonnant toute autre mesure d'instruction, bien qu'elle avait reconnu dans son principe leur droit à la réserve de participation pour cette période, a violé l'article 4 du code civil,

3° ALORS QUE débiteur envers ses salariés de l'obligation de versement de la réserve spéciale de participation lorsque les conditions fixées par le code du travail sont réunies, l'employeur engage sa responsabilité pour n'avoir pas conservé les documents comptables à l'expiration du délai pendant lequel il est tenu de les conserver, empêchant ainsi la reconstitution de la réserve de participation due aux salariés embauchés artificiellement par des structures qu'il a créées et finalement rattachés à l'entreprise suite à de nombreux contentieux judiciaires menés sur de longues années ; qu'en rejetant la demande indemnitaire des exposants en estimant que la faute de la société Office Dépôt Bs n'était pas rapportée dans le fait qu'elle n'était pas en mesure de produire les liasses fiscales pour les années 1989-1993 et que les premières réclamations des consorts D... et autres remontaient à 2004, soit 15 ans après l'exercice le plus ancien pour lequel elles étaient formulées et 11 ans après le plus récent et qu'elle avait en outre, fait toutes diligences pour tenter de récupérer les liasses manquantes, cependant que la reconnaissance de la qualité de salariés de la société Guilbert France de personnes embauchées de manière artificielle par le deux Gie créés par cette dernière faisait suite à une demande qui n'était pas prescrite et à un contentieux qui avait duré sur plusieurs années et dont la responsabilité incombait exclusivement à la société Guilbert France de sorte qu'elle aurait dû se prémunir de toute action et conserver les documents afférents à cette période même au-delà du délai pendant lequel elle était tenue de les conserver et qu'elle seule devait supporter le risque qu'elle avait créé, la cour d'appel qui a rejeté toute indemnisation pour cette période, a violé l'article 1240 du code civil dans sa version résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-19971
Date de la décision : 23/10/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 29 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 oct. 2019, pourvoi n°18-19971


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.19971
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