LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. P... et trente-quatre autres salariés du GIE commercial Guilbert, estimant être liés par un contrat de travail avec la société Guilbert France devenue la société Office dépôt BS aux droits de laquelle est venue la société Office dépôt France (la société), membre du GIE, l'ont par acte du 6 août 2009 fait assigner devant le tribunal de grande instance aux fins de paiement de leurs droits à participation ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident des salariés :
Attendu que les salariés font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande de participation au titre des exercices 1989 à 1993, et subsidiairement de leur demande à titre de dommages-intérêts pour cette même période, alors, selon le moyen :
1°/ que les entreprises employant habituellement au moins cinquante salariés garantissent le droit de leurs salariés à participer aux résultats de l'entreprise ; que si le droit du salarié de participer aux résultats de l'entreprise prend la forme d'une participation financière à effet différé, calculée en fonction du bénéfice net de l'entreprise, constituant la réserve de participation, il résulte de l'article D. 3324-12 du code du travail que le montant des droits susceptibles d'être attribués à un même salarié ne peut pour un même exercice excéder une somme égale aux trois quarts du montant du plafond prévu à l'article D. 3324-10 ; que lorsque l'employeur ne fournit pas les liasses fiscales des exercices considérés nécessaires à la détermination des droits à participation, l'expert chargé de déterminer ces droits est en droit de retenir comme base de calcul les plafonds de sécurité sociale de chacune des années concernées ; qu'en rejetant la demande des salariés se référant à la troisième méthode de calcul préconisée par l'expert, faute pour l'employeur d'avoir communiqué des éléments au cours des opérations d'expertise et notamment les liasses fiscales des exercices 1989 à 1993, s'appuyant forfaitairement sur le plafond de sécurité sociale et ayant retenu la moitié de ce plafond, soit une somme équivalente à 37,50 % du plafond de la sécurité sociale de chaque année concernée, aux seuls motifs que les sommes ainsi réclamées par les salariés en référence au plafond fixé à l'article D. 3324-12 du code du travail qui ne fait que fixer un plafond aux participations salariales ne sont pas conformes au mode légal de calcul de la réserve de participation dont découlent leurs droits ni même ne respectent l'esprit de la loi en ce qu'elles ne sont pas basées sur les bénéfices réalisés par l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles précités ;
2°/ que le juge doit trancher le litige qui lui est soumis sans refuser son examen au motif qu'il lui manquerait des éléments de preuve ; qu'en déclarant l'action des consorts P... et autres recevable en ce qu'elle tendait à leur voir reconnaître la qualité de salariés de la société Guilbert et à leur voir allouer diverses sommes au titre de la réserve spéciale de participation, tout en rejetant leur demande au titre des années 1989 à 1993 au seul motif que l'évaluation forfaitaire proposée par l'expert sur la base du plafond fixé à l'article D. 3324-12 du code du travail n'était pas conforme en ce qu'elle n'était pas basée sur les bénéfices réalisés par la société Guilbert France, cependant qu'ainsi qu'indiqué par l'expert l'impossibilité de procéder à un autre mode de calcul était uniquement imputable à l'employeur qui n'avait fourni aucun élément comptable ou autres pour cette période de 1989 à 1993, la cour d'appel qui a refusé de reconstituer la réserve de participation revenant aux consorts P... et autres, au besoin en ordonnant toute autre mesure d'instruction, bien qu'elle avait reconnu dans son principe leur droit à la réserve de participation pour cette période, a violé l'article 4 du code civil ;
3°/ que débiteur envers ses salariés de l'obligation de versement de la réserve spéciale de participation lorsque les conditions fixées par le code du travail sont réunies, l'employeur engage sa responsabilité pour n'avoir pas conservé les documents comptables à l'expiration du délai pendant lequel il est tenu de les conserver, empêchant ainsi la reconstitution de la réserve de participation due aux salariés embauchés artificiellement par des structures qu'il a créées et finalement rattachés à l'entreprise suite à de nombreux contentieux judiciaires menés sur de longues années ; qu'en rejetant la demande indemnitaire des exposants en estimant que la faute de la société Office Dépôt Bs n'était pas rapportée dans le fait qu'elle n'était pas en mesure de produire les liasses fiscales pour les années 1989-1993 et que les premières réclamations des consorts P... étaient intervenues en août 2009, soit vingt ans après l'exercice le plus ancien pour lequel elles étaient formulées et quinze ans après le plus récent et qu'elle avait en outre, fait toutes diligences pour tenter de récupérer les liasses manquantes, cependant que la reconnaissance de la qualité de salariés de la société Guilbert France de personnes embauchées de manière artificielle par le deux Gie créés par cette dernière faisait suite à une demande qui n'était pas prescrite et à un contentieux qui avait duré sur plusieurs années et dont la responsabilité incombait exclusivement à la société Guilbert France de sorte qu'elle aurait dû se prémunir de toute action et conserver les documents afférents à cette période même au-delà du délai pendant lequel elle était tenue de les conserver et qu'elle seule devait supporter le risque qu'elle avait créé, la cour d'appel qui a rejeté toute indemnisation pour cette période, a violé l'article 1240 du code civil dans sa version résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Mais attendu en premier lieu qu'il résulte des articles 8 et 17 de l'ordonnance n° 86-1134 du 21 octobre 1986 relative à l'intéressement et à la participation des salariés aux résultats de l'entreprise et à l'actionnariat des salariés, alors applicable, qu'en l'absence de conclusion d'un accord de participation, seul le régime légal de participation est applicable ; qu'une entreprise occupant habituellement au moins cinquante salariés n'est légalement tenue de constituer une réserve spéciale de participation qu'autant que le bénéfice de l'exercice réalisé en France métropolitaine et dans les départements d'Outre-mer, tel qu'il est retenu pour être imposé au taux de droit commun de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu, excède, après déduction de l'impôt correspondant, la rémunération au taux de 5 % des capitaux propres de l'entreprise ;
Attendu en second lieu que la cour d'appel a fait ressortir que les salariés ne faisaient pas la preuve, pour les exercices considérés, de ce qu'ils auraient été en droit de percevoir une participation et auraient ainsi subi un préjudice ;
D'où il suit que le moyen inopérant en sa troisième branche n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal de l'employeur :
Vu l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Attendu que pour retenir l'existence d'un contrat de travail entre six des trente-cinq salariés et la société, l'arrêt retient que, dans un litige identique opposant la société à vingt-sept autres représentants du GIE, cette cour, dans un arrêt définitif, a conclu que cette société assurait seule le pouvoir de direction et de contrôle des commerciaux dont elle fixait les objectifs, les secteurs d'intervention, les rémunérations, les primes, sur lesquels elle exerçait les pouvoirs disciplinaires et dont elle agréait l'embauche ou le licenciement, ajoutant que tous les documents émanant de la direction du GIE étaient établis sur papier à en-tête de la société Guilbert France, que l'absence de caractère fictif du GIE n'exclut pas qu'il puisse être démontré que l'activité de ses salariés, parce qu'ils constituaient la 'force de vente' du groupe, était dirigée, organisée par la société mère et que les intéressés, placés dans un rapport de subordination par rapport à cette dernière, puissent être considérés comme ses salariés, que la reconnaissance judiciaire de la qualité de salariés de la société de quelques cinquante-six représentants, VRP, chefs de vente, 'commerciaux' du GIE fait présumer que les intéressés étaient également salariés de la société sauf la faculté pour celle-ci d'établir qu'ils ne faisaient pas partie du personnel de vente et relevaient d'un statut distinct ce qu'elle ne démontre pas ;
Qu'en statuant ainsi alors que c'est à celui qui s'en prévaut d'établir l'existence d'un contrat de travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen du pourvoi principal de l'employeur :
Vu les articles L. 442-1, L. 442-2 et R. 442-2 du code du travail devenus les articles L. 3322-4, L. 3324-1 et D. 3324-1 de ce code ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que les rémunérations des travailleurs qui ne sont pas sous la subordination effective de l'employeur, n'ont pas à être prises en compte pour le calcul de la réserve de participation ;
Attendu que, pour inclure dans le calcul de la réserve de participation de la société les rémunérations de l'ensemble des salariés des deux GIE dont la société était membre, et absorbés par elle en 2001, l'arrêt retient que selon l'expert la prise en compte des seuls salariés judiciairement rattachés à la société aboutissait à attribuer à quelques cinquante à soixante personnes les substantiels bénéfices réalisés par l'entreprise (représentant mille quatre-cent-treize salariés en 2001) et générait des participations tout à fait disproportionnées par rapport au taux moyen des participations distribuées sur le territoire français (de l'ordre, plus ou moins, d'un mois de salaire selon les statistiques relatives aux années considérées), que les salariés judiciairement rattachés à la société ne seraient plus en position de profiter seuls des fruits de l'entreprise auxquels ils n'étaient pas les seuls à avoir contribué et se voyaient attribuer une participation proportionnelle à leur salaire brut annuel, que cette prise en compte économique de la plus-value apportée par le 'personnel extérieur' aux résultats n'induisant aucun rattachement juridique de l'ensemble des salariés concernés à l'entreprise (étant rappelé qu'un certain nombre de salariés ont obtenu la reconnaissance judiciaire de droits à participation sur les modestes bénéfices réalisés par le GIE Groupe Guilbert en 1991, 1992 et 1995) et permettant de relativiser le montant des participations à l'aune du nombre de personnes ayant contribué aux résultats, des charges sociales qu'elles ont générées, de l'impact de celles-ci sur la valeur ajoutée, elle-même constituant l'un des paramètres du calcul de la réserve, que la société avait convenu que le personnel intérimaire n'était pas significatif, de sorte que l'impact de cette prise en compte n'était pas démontré ;
Qu'en statuant ainsi alors que seule la rémunération des personnels liés par un contrat de travail avec l'entreprise entre dans le calcul de la réserve de participation, et alors qu'il résultait de ses constatations que l'ensemble des personnels des deux GIE n'étaient devenus salariés de la société que postérieurement aux périodes concernées par la demande, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il reconnaît la qualité de salariés à MM. EN..., QR..., Q..., ZO... N..., IQ..., et Mme MJ... , en ce qu'il entérine la méthodologie numéro 2 proposée par l'expert judiciaire M. UY... au terme de son rapport d'expertise déposé le 3 juillet 2013 (rapport, page 41), et en ce qu'il désigne à nouveau M. UY... qui aura pour mission, les parties présentes ou appelées et connaissance prise du dossier de déterminer, à partir de la réserve spéciale de participation calculée selon la méthode admise, pour chacun des exercices courus de 1994 à 2001, les droits à participation des trente-cinq salariés ainsi rattachés à la société Guilbert France sans préjudice du calcul que pourrait se voir confier M. UY... pour d'autres salariés dans le cadre des autres instances pendantes devant cette cour, l'arrêt rendu le 29 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président et M. Rinuy, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile en remplacement du conseiller rapporteur empêché, en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Office dépôt France
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté le moyen tiré de l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 9 août 2011, d'AVOIR en conséquence déclaré recevable l'action exercée par MM. GJ..., WF..., QR..., T..., Q..., V..., D..., N... OR..., N... ZO... et de Mmes G..., MJ... et OE... et d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il reconnaît la qualité de salariés de la société Guilbert France devenue Office dépôt BS de 1989 à 2001 de ces douze salariés ;
AUX MOTIFS QUE « La société Office dépôt BS invoque encore l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 9 août 2011 qui a considéré que Messieurs EN..., QR..., T..., Q..., V..., D..., N... OR..., N... ZO..., IQ... et que Mesdames OE..., G... et MJ... ne pouvaient être considérés comme salariés de la société Guilbert France faute de pièces justificatives suffisantes pour certains ou parce qu'ils avaient été embauchés par le GIE Commercial Guilbert pour d'autres, reconnaissant par suite au terme du dispositif du jugement que seuls 23 salariés devaient être considérés comme salariés de la société Guilbert, dont découle, selon l'appelante, le rejet implicite des demandes des 12 salariés sus nommés. Les intimés le contestent, dans le silence du dispositif du jugement, dès lors que de jurisprudence constante les motifs d'un jugement, fussent-ils le soutien nécessaire à son dispositif, n'ont pas autorité de chose jugée. De principe constant l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui est tranché au dispositif, principe que la société Office dépôt BS a d'ailleurs fait sien pour à nouveau soulever en 2016 la prescription de l'action des salariés lorsque le dispositif du jugement de 2011 était taisant sur cette fin de non recevoir que ses motifs avaient rejetée. Or, si dans les motifs de son jugement de 2011 le Tribunal constatait que les 12 salariés désignés ne rapportaient pas la preuve de leur qualité de salariés de la société Guilbert, le dispositif du jugement ne faisait que déclarer salariés de la société Guilbert 23 personnes qu'il désignait. Le moyen sera donc rejeté et le jugement confirmé en ce qu'il dit leur demande recevable » ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE « Attendu que la défenderesse oppose à douze demandeurs l'autorité de la chose jugée le 9 août 2011, lorsque, par jugement mixte, la juridiction de céans a dit que, sur les trente-cinq demandeurs, vingt-trois avaient été salariés de la société "Guilbert France" ; Attendu que le dispositif dudit jugement, qui seul est revêtu de l'autorité de la chose jugée, « DIT que Monsieur P..., Monsieur LB..., Monsieur E..., Monsieur AO..., Monsieur B..., Monsieur U..., Monsieur L..., Monsieur S..., Monsieur O..., Monsieur K..., Monsieur F..., Monsieur A..., Monsieur KT..., Madame J..., Madame RU... , Madame X..., Madame M..., Madame C..., Madame F..., Madame W..., Madame PF..., Madame R..., Madame QK... étaient les salariés de la Société GUILBERT France sur la période 1989-2001 » ; qu'il ne dit pas que les douze autres salariés sont déboutés de leurs prétentions, et notamment de leur demande en paiement de l'intéressement, ni même ; indirectement, que toutes autres prétentions sont rejetées ; que plus généralement, il ne se prononce pas sur la situation des douze autres salariés ; que les motifs décisoires, qui ne sont pas revêtus de l'autorité de la chose jugée, indiquent uniquement qu'au jour qu'il est statué, ces douze autres salariés ne rapportent pas la preuve de leur qualité de salarié de la société sus-nommée sur la période susdite ; que, dans le silence du dispositif, il ne saurait être déduit qu'il a été définitivement tranché sur leurs prétentions ; qu'aussi, la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée sera rejetée » ;
ALORS QUE si l'autorité de la chose jugée n'a lieu à l'égard de ce qui a été tranché dans le dispositif du jugement, la portée du dispositif doit au besoin être éclairée par les motifs du jugement ; qu'en l'espèce, il est constant que le tribunal de grande instance de Senlis, qui était saisi par trente-cinq anciens salariés du GIE Commercial Guilbert de demandes identiques tendant à la condamnation de la société Office Dépôt, anciennement Guilbert France, en qualité d'employeur, à leur verser un rappel de participation, a, dans le dispositif de son jugement du 9 août 2011, dressé la liste des demandeurs auxquels il a reconnu la qualité de salariés de la société Guilbert France sur la période 1989-2001 et ordonné une mesure d'expertise aux fins de déterminer le montant des droits à participation de ces seuls demandeurs ; que, dans les motifs de sa décision, il avait expliqué que douze demandeurs « ne peuvent être considérés comme salariés de la SA Guilbert France » ; qu'en disant, dans le dispositif de son jugement, que seuls vingt-trois demandeurs étaient salariés de la société Guilbert France sur la période 1989-2001 et en ordonnant une mesure d'expertise visant à lui permettre de déterminer « les droits revenant à chacun des salariés ci-dessus désignés », le tribunal de grande instance a donc débouté les autres salariés de leurs demandes ; qu'en considérant cependant que, quels que soient les motifs du jugement, le dispositif du jugement qui ne faisait que déclarer salariés de la société Guilbert France 23 personnes qu'il désignait était seul revêtu de l'autorité de chose jugée et ne faisait pas obstacle à ce que les douze autres demandeurs forment une nouvelle demande tendant à voir constater leur qualité de salarié de la société Guilbert France et à voir la société Office Dépôt condamnée à leur verser un rappel de participation, la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et 480 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il reconnaît la qualité de salariés de la société Guilbert France devenue Office Dépôt BS de 1989 à 2001 de MM. EN..., QR..., Q..., IQ... et N... ZO..., et de Mme MJ... ;
AUX MOTIFS QUE « Se défendant d'une création frauduleuse du GIE dans le seul but d'éluder les droits salariaux (que les décisions antérieures ont écartée) et démentant le caractère "fictif' du GIE lorsque celui-ci regroupait une communauté de salariés avec laquelle avaient été notamment négociés un statut collectif des salariés et un accord d'intéressement en juin 2000, qui était pourvu d'un comité d'entreprise, d'un CHSCT, et au sein duquel les organisations syndicales disposaient de représentants, la société Office Dépôt BS fait valoir que les 12 salariés en cause ne peuvent revendiquer leur rattachement "automatique" à la société Guilbert mais doivent établir pour chacun d'entre eux leur subordination à cette société que contredisent l'ensemble des documents produits prouvant que leurs contrats de travail les liaient exclusivement au GIE et que leur activité professionnelle était déterminée et contrôlée par le personnel d'encadrement du GIE. Les intimés objectent, d'une part, que les salariés G..., T..., V..., D..., N... OR... et OE... produisent en appel un certain nombre de pièces propres à établir leur lien de subordination à l'égard de la société Guilbert France, d'autre part que les précédents judiciaires, notamment un arrêt de cette cour du 5 juin 2008 statuant sur l'action de 27 autres salariés du GIE, ont démontré que, si le GlE Commercial Guilbert s'était vu confier la gestion des contrats de travail des employés constituant le réseau commercial des sociétés qui le composaient, dont il facturait le coût à ces dernières, ne tirant par suite aucun bénéfice de cette activité, ces salariés travaillaient sous la direction et le contrôle de la société Guilbert France, leur véritable employeur, ce dont ils déduisent le bien fondé du rattachement des autres salariés intimés à la société Office Dépôt BS. Il sera rappelé que le GIE Commercial Guilbert, regroupant in fine 8 sociétés du Groupe Guilbert, a été créé en 1988 (statuts élaborés le 16 décembre 1988 et enregistrés le 10 mai 1989) afin : - de gérer les contrats de travail du personnel constituant le réseau commercial de ses membres, - de préparer les déclarations sociales ou fiscales y afférentes, - d'effectuer le règlement des cotisations correspondantes, - d'accomplir toute tâche administrative à la demande des adhérents et relatives à la gestion du personnel, - et généralement d'effectuer toutes opérations mobilières ou immobilières susceptibles d'aider à la réalisation de l'objet ci-dessus. Ainsi que le rappelle la société Office Dépôt BS elle-même, l'objectif de la création de GIE, était, selon la lettre et l'esprit de l'ordonnance du 23 septembre 1967, de permettre aux sociétés du groupe Guilbert de mettre en commun des moyens propres à faciliter ou développer leurs activités respectives, une première étape ayant consisté à créer le GIE, "Groupe Guilbert" afin de permettre aux sociétés adhérentes de "mutualiser" certaines opérations liées à la vente (achats, stockage de marchandises, préparation de commandes, facturation etc...), une seconde étape ayant consisté à "optimiser la gestion du personnel de vente" des sociétés du groupe en créant le GIE Commercial Guilbert auquel seront confiées les tâches induites par cette gestion du réseau de représentants, attachés commerciaux, chargés de clientèle (élaboration des contrats de travail, déclarations sociales ou fiscales, règlements de cotisations sociales etc...). La thèse d'Office Dépôt BS est que ce regroupement des équipes de vente au sein du GIE Commercial Guilbert a eu pour objet sinon pour effet de permettre au GIE de définir lui-même leurs missions et de les contrôler (choix de leur secteur géographique d'intervention, objectifs, contrôle de leurs résultats, pouvoir disciplinaire, etc..). Outre qu'une telle mission ne résulte pas des statuts qui confiaient au GIE Commercial Guilbert la seule gestion des contrats de travails et tâches administratives en découlant et serait contraire au cadre fixé par le législateur qui était de fournir aux entreprises une structure juridique leur permettant de mettre en oeuvre des outils communs destinés à faciliter ou développer l'exercice de leur activité et non pas de transférer aux GIE, une partie de leur activité économique, ce que la loi du 13 juin 1989 (article 14) a traduit par le caractère "auxiliaire" de l'activité des GIE par rapport à l'activité économique de leurs membres, les éléments communiqués sur le GIE, Commercial Guilbert viennent contredire cette thèse en ce que : - le jugement du 9 août 2011 ( sur ce point définitif), relevait que 23 salariés établissaient qu'il avaient tous été embauchés et leur candidature agréée par la société Guilbert "représentée par le GIE, Commercial Guilbert", ainsi présenté comme mandataire de l'employeur, que leur contrat de travail avait été modifié par la SA Guilbert laquelle définissait leur secteur d'activité et leurs objectifs (LB..., E..., X..., AO..., L...), décidait de l'octroi de primes, promotions ou commissions (AO..., B..., F..., R..., KT...), se chargeait des convocations aux entretiens préalables de licenciement, des licenciements ou des avertissements (X...,PF...), décidait de l'acceptation de démission ou de la renonciation à une clause de non concurrence (AO..., PF...) ou encore de la nomination de chef de ventes (K..., W...), ce dont il se déduisait que la société Guilbert assumait seule le pouvoir de direction et de contrôle sur ces salariés, - 6 autres salariés justifient en cause d'appel s'être trouvés dans la même situation. Ainsi, * Mme G... prouve qu'elle a été embauchée en tant que chef de vente par la société Guilbert France et son contrat signé avec cette dernière "représentée" par le GIE de même que des options de souscription d'actions lui ont été proposées par cette dernière, * M.T... établit que la société Guilbert, signataire de son avenant au contrat de travail 1999 et 2000, lui assignait ses secteurs de vente, ses missions et lui adressait le tableau des primes (cf l'additif à son contrat de travail du 2 avril 1993), * M. V... établit que l'avenant à son contrat de travail émanait de la société Guilbert (courrier du 15 avril 1997), * M. D... justifie de l'attribution de sa prime d'objectif 1991 par la société Guilbert sous la signature du président du Conseil de surveillance de la société Guilbert André Guilbert et du contrôle de ses missions effectué en 1993 sous la houlette de la société Guilbert représentée par M. MO... membre du directoire, * OR... N... établit que ses salaires étaient payés par la société Guilbert au sein de laquelle il était de membre du directoire (nomination pour 6 ans selon procès-verbal du conseil de surveillance du 16 juin 1992, renouvelée en 1998) * Mme OE... établit qu'à la suite de son intégration en tant que représentante elle s'était vue notifier en 1995 par la société Guilbert la liste des clients relevant de son champ d'intervention et signait avec cette dernière les avenants de son contrat de travail de mars 1998 et mars 1999. - dans un litige identique opposant Office Dépôt BS à 27 autres représentants du GIE Commercial Guilbert (les consorts "NC... et autres") cette cour dans un arrêt définitif du 5 juin 2008 a, au terme de l'examen de leur situation respective, conclu que la société Guilbert France assurait seule le pouvoir de direction et de contrôle des "commerciaux" (VRP, chefs de vente) dont elle fixait les objectifs, les secteurs d'intervention, les rémunérations, les primes, sur lesquels elle exerçait les pouvoirs disciplinaires et dont elle agréait l'embauche ou le licenciement, ajoutant que tous les documents émanant de la direction du GIE étaient établis sur papier à en-tête de la société Guilbert France. Elle en a déduit le caractère "artificiel" de l'embauche de ces salariés par le GIE (ou du transfert à son nom des contrats de travail) tant était évident le lien de subordination entre ces salariés et la société Guilbert France qui définissait la politique commerciale du groupe, estimant par suite inopérants les arguments de la société Office Dépôt BS, à nouveau soutenus dans la présente instance, destinés à établir que le GIE, Commercial Guilbert n'était pas "fictif' dans la mesure où il disposait conformément à la loi d'institutions représentatives du personnel, pouvait négocier des accords de participation (etc...). Il est évident que le GIE Commercial Guilbert n'avait aucun caractère fictif ; s'agissant d'une structure juridique assumant des missions, satisfaisant à la législation du travail, établissant des bilans (etc...) ce qui n'exclut pas qu'il puisse être démontré que l'activité de ses salariés, parce qu'ils constituaient la "force de vente" du groupe (selon l'expression de l'appelante), était dirigée, organisée par la société mère et que les intéressés, placés dans un rapport de subordination par rapport à cette dernière, puissent être considérés salariés de la société Guilbert France. A cet égard, la cour de céans estime que la reconnaissance judiciaire de la qualité de salariés de la société Office Dépôt BS de quelques 56 représentants, VRP, chefs de vente, "commerciaux" du GIE Commercial Guilbert (dont 50 par des décisions définitives) fait présumer que Messieurs Amel WF..., QR..., Q..., N... ZO..., IQ..., et que Mme MJ... étaient également salariés de la société Guilbert France sauf la faculté pour Office Dépôt BS d'établir qu'ils ne faisaient pas partie du personnel de vente et relevaient d'un statut distinct ce qu'elle ne démontre pas. Le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il ajoute aux 23 salariés retenus par le jugement du 9 août 2011 les 12 autres salariés appelants » ;
ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE « Attendu que la juridiction de céans a déjà reconnu que Mesdames J..., RU... , X..., M..., C..., F..., W..., PF..., R... et QK... et Messieurs P..., LB..., E..., AO..., B..., U..., L..., S..., O..., K..., F..., A... et KT..., étaient salariés de la société « Guilbert France » sur la période ici envisagée ; Attendu que Madame HI... G... (pièces en demande n° 102 à 104), Monsieur KD... T... (pièces n° 105 à 110), Monsieur PE... V... (pièce n° 112), Monsieur FE... D... (pièces n° 114 et 115), Monsieur OR... N... (pièces n° 116 à 120) et Madame GH... OE... (pièce n° 113) justifient avoir été salariés de la « société Guilbert France » sur la période litigieuse ; qu'au surplus, le GIE « Commercial Guilbert » avait pour objet de « gérer les contrats de travail du personnel constituant le réseau commercial de ses membres », le lien de subordination n'existant qu'à l'égard de la société « Guilbert France » et non vis-à-vis du GIE, qui, de fait, n'avait pas d'autre autorité vis-à-vis des salariés que n'en pouvait avoir un chef du personnel ou un directeur des ressources humaines relayant celle de la société « Guilbert France » ; qu'ainsi, Monsieur XL... EM..., Monsieur RL... QR..., Monsieur FV... Q..., Madame BZ... MJ... , Monsieur ZO... N... et Monsieur KD... IQ... doivent également être déclarés comme étant les salariés de cette société sur la période considérée ; qu'il s'ensuit que les trente-cinq demandeurs ont vocation à être créanciers d'intéressement sur la période courant de m'exercice 1994 à l'exercice 2001 » ;
ALORS QU' il appartient à celui qui invoque l'existence d'un contrat de travail d'en apporter la preuve ; que la reconnaissance d'un lien de subordination juridique entre certains salariés d'une entreprise et un autre employeur n'implique, ni ne permet de présumer que l'ensemble des salariés de cette entreprise sont pareillement placés en état de subordination juridique avec cet autre employeur ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que, sur un effectif d'environ 1.400 salariés, une cinquantaine de salariés du GIE Commercial Guilbert qui appartenaient à la force de vente de cette entreprise ont obtenu la reconnaissance de la qualité de salariés de la société Guilbert France, en démontrant l'existence d'un lien de subordination juridique avec cette dernière par la production de pièces propres à leur situation individuelle ; que six autres salariés du GIE Commercial Guilbert, qui revendiquaient également la qualité de salarié de la société Guilbert France, ne produisaient quant à eux aucun élément de preuve tendant à établir l'existence d'un lien de subordination juridique avec la société Guilbert France ; qu'en considérant, pour leur reconnaître néanmoins la qualité de salariés de la société Guilbert France, que la reconnaissance judiciaire de la qualité de salariés de la société Office Dépôt de quelques 56 représentants, VRP, chefs de vente et « commerciaux » du GIE Commercial Guilbert fait présumer que six autres salariés de ce GIE étaient également salariés de la société Guilbert France, sauf la faculté pour cette dernière d'établir qu'ils ne faisaient pas partie du personnel de vente et relevaient d'un statut distinct, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 et l'article L. 1221-1 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR entériné la méthodologie numéro 2 proposée par l'expert au terme de son rapport d'expertise déposé le 3 juillet 2013 (rapport, page 41) et d'AVOIR désigné à nouveau M. UY... pour déterminer, à partir de la réserve spéciale de participation calculée selon la méthode admise, les droits à participation des 35 salariés ainsi rattachés à la société Guilbert France pour chacun des exercices de 1994 à 2001, sans préjudice du calcul qu'il pourrait se voir confier pour d'autres salariés dans le cadre des autres instances pendantes devant cette cour ;
AUX MOTIFS QUE « Dans la mesure où l'arrêt précité du 5 juin 2008, devenu définitif, a reconnu à 27autres salariés du GIE Commercial Guilbert (les consorts NC... et autres) la qualité de salariés de la société Guilbert France, les conditions légales du droit à participation des intimés (qui suppose au sein de l'entreprise assujettie un effectif égal ou supérieur à 50 salariés) sont réunies, étant rappelé que l'octroi aux salariés d'une participation aux bénéfices de l'entreprise suppose que cette dernière atteigne un seuil de bénéfices lui permettant de constituer une réserve de participation calculée selon une base de calcul fixée par décret dont M. UY..., expert judiciaire désigné par le jugement du 9 août 2011 afin de déterminer la possibilité pour Guilbert France de constituer, pour les exercices 1989 à 2001, une réserve spéciale de participation et les droits en découlant pour les salariés, a rappelé les critères. Dans le cadre de ses investigations M. UY... s'est trouvé confronté à deux séries de difficultés : - la première tenant à l'insuffisance de pièces justificatives relatives à la période 1989-1993 pour laquelle la société Office Dépôt BS s'est dite dans l'incapacité de produire les liasses fiscales dont elle a vainement sollicité un exemplaire auprès des services fiscaux, ce qui a conduit M. UY... à distinguer les périodes 1989-1993 et 1994-2001, - la seconde liée au calcul de la créance participative des salariés dans la mesure où celle-ci est déterminée sur la base d'une réserve elle-même calculée en fonction de l'effectif de l'entreprise et que, dans la mesure où la société Guilbert France n'avait jamais déclaré plus de 3 salariés, M. UY... s'interrogeait sur l'effectif à prendre en compte et la possibilité d'y inclure dans le cadre de sa mission, outre les 23 salariés désignés par le jugement qui le missionnait, ceux admis dans le cadre de l'instance initiée par les consorts NC... et autres, voire d'autres salariés dont les actions étaient en cours. M.UY... a ensuite relevé que la prise en compte des seuls salariés judiciairement rattachés à la société Guilbert France aboutissait à attribuer à quelques 50 à 60 personnes les substantiels bénéfices réalisés par la société Guilbert France (représentant 1413 salariés en 2001) et générait des participations tout à fait disproportionnées par rapport au taux moyen des participations distribuées sur le territoire français (de l'ordre, plus ou moins, d'un mois de salaire selon les statistiques relatives aux années considérées). L'expert a estimé critiquable la méthode alternative proposée par les intimés reposant sur la mise en oeuvre des dispositions de l'article D 3324-12 du code du travail fixant le plafond des participations exigibles par les salariés, auquel ils proposaient d'appliquer un coefficient, cette méthode aboutissant selon M. UY... au calcul d'une participation forfaitaire, déconnectée des résultats financiers de l'entreprise et donc contraire à la lettre comme à l'esprit de la loi. Il a de même estimé inapplicable la proposition de la société Office Dépôt BS de fixer la réserve de participation à partir d'une quote-part du bénéfice de l'entreprise, proportionnelle au pourcentage de salariés rattachés par rapport à l'effectif de la société, du fait de l'impossibilité selon lui de "proratiser" les autres paramètres de calcul de la réserve, notamment le montant des capitaux propres ayant contribué à la réalisation des bénéfices, estimant dans ces conditions qu'une telle option serait un non-sens économique et priverait de sens les critères de déclenchement de la réserve.
Recherchant une méthodologie qui respecte l'esprit de la loi et ayant relevé la particularité de l'organisation du groupe Guilbert composée de deux GIE créés en 1978 puis 1988, absorbés en 2001 par la société Guilbert France, et rappelant le mécanisme de refacturation à la société Guilbert France de leurs prestations, cette refacturation étant l'une des composantes des charges d'exploitation, M. UY... a fait valoir que les personnels de ces deux structures avaient eux-mêmes, depuis la création des GIE, contribué aux résultats de la société Guilbert France, suggérant, par suite, de les inclure dans l'effectif pris en compte pour le calcul de la réserve de participation, cette solution lui paraissant la seule acceptable au plan économique, financier et comptable dans dans la mesure où, ainsi, les salariés judiciairement rattachés à Guilbert France ne seraient plus en position de profiter seuls des fruits de l'entreprise auxquels ils n'étaient pas les seuls à avoir contribué et se voyaient attribuer une participation proportionnelle à leur salaire brut annuel. La cour estime que ce faisant, M. UY... n'a pas, contrairement à ce que prétend la société Office Dépôt BS, indûment statué sur une question de droit, cette prise en compte économique de la plus-value apportée par le "personnel extérieur" aux résultats de Guilbert France n'induisant aucun rattachement juridique de l'ensemble des salariés concernés à Guilbert France (la cour rappelle d'ailleurs qu'un certain nombre de salariés ont obtenu la reconnaissance judiciaire de droits à participation sur les modestes bénéfices réalisés par le GIE Groupe Guilbert en 1991, 1992 et 1995) et permettant de relativiser le montant des participations à l'aune du nombre de personnes ayant contribué aux résultats de Guilbert France, des charges sociales qu'elles ont générées, de l'impact de celles-ci sur la valeur ajoutée, elle-même constituant l'un des paramètres du calcul de la réserve. La société Office Dépôt BS, qui avait d'emblée objecté à l'expert que les 26 salariés rattachés à Guilbert France par le jugement de 2011 ne pouvaient se voir attribuer les résultats bénéficiaires de l'entreprise et ainsi être gratifiés de participations hors du commun alors que la réserve devait répartie entre tous les salariés ayant contribué aux résultats, s'insurge contre cette méthodologie proposée par M. UY... mais ne suggère aucune autre méthode comptable plus conforme à la lettre et l'esprit de la loi sur les participations, se contentant d'affirmer que tout calcul de réserve et toute distribution de participation sont impossibles et doivent aboutir au rejet des demandes adverses alors même que plus de 60 de ses anciens salariés constituant, selon ses dires, la "force de vente" du groupe, n'ont perçu dix années durant aucune participation aux bénéfices qu'elle a réalisés. Elle dénonce encore la prise en compte illicite, par cette méthode de M. UY..., d'un personnel intérimaire dont elle avait pourtant convenu avec l'expert judiciaire qu'il n'était pas significatif, l'impact de cette prise en compte étant loin d'être démontré, alors que l'article L 1111-2 du code du travail autorise la prise en compte dans l'effectif de la société de ces travailleurs sous condition d'une durée de présence dont Office Dépôt BS ne prétend pas ni ne justifie qu'elle ne serait pas remplie pour certains salariés temporairement mis à sa disposition. La cour entend donc valider, comme le Tribunal, la méthodologie adoptée par l'expert judiciaire pour déterminer la réserve spéciale de participation sur la période 1994-2001 avec cette réserve qu'une nouvelle mesure d'expertise judiciaire s'impose dès lors que doivent être pris en compte par M. UY... les 62 salariés désormais rattachés à la société Guilbert France, sous réserve de ce que dira la cour dans les autres instances initiées par d'autres salariés » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « vu l'article 2 de l'ordonnance du 17 août 1967 et l'article L. 3324-1 du Code du travail ; que la société OFFICE DEPÔT BS affirme que l'expert a tranché une question de droit en tenant compte, dans son calcul, de salariés que le tribunal aurait jugé comme ne faisant pas partie du personnel à prendre en compte ; que cependant, non seulement la juridiction n'est pas liée par les conclusions de l'expert de sorte que, aurait-il apporté une réponse de droit que celle-ci ne s'imposerait pas au juge qui pourrait la reprendre comme la rejeter, mais encore, il a été vu que la juridiction n'avait pas statué sur la situation des douze salariés dont elle n'avait pas retenu qu'ils étaient ceux de la société « Guilbert France », tandis qu'elle statue aujourd'hui pour les prendre en compte dans le personnel de ladite société ; que l'argument est dès lors dénué de portée ; que la société OFFICE DEPÔT BS, qui ne propose aucune méthode de calcul, se contente d'affirmer qu'il ne peut y avoir de méthode parfaite pour en déduire qu'il n'y a pas lieu à créance de participation ; que sa seule contestation porte sur la méthode et la base de calcul retenues ; que l'expert judiciaire prend en compte ceux qu'il considère comme étant les salariés du GIE en tant qu'ils contribuent à l'activité de la société « Guilbert France » et participent aux résultats de celle-ci (cf. p. 28 à 30 et 36 et 37 de son rapport) ; que ce faisant, c'est à bon droit qu'il inclut dans les effectifs de la société « Guilbert France » les douze personnes dont il a été dit qu'elles en étaient les salariés, tandis qu'il respecte les critères de calcul de la créance de participation tels que posés au texte susvisé ; que ses calculs seront donc entérinés et précisés au dispositif de la présente décision » ;
1. ALORS QUE sauf accord dérogatoire, seuls les salariés de l'entreprise peuvent bénéficier d'un droit à participation aux résultats de l'entreprise ; que selon les articles L. 3324-1 et D. 3324-1 du code du travail, la réserve spéciale de participation est calculée en fonction des salaires qui correspondent aux rémunérations au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ; qu'il en résulte que seuls les salaires versés aux salariés de l'entreprise, à l'exclusion des charges d'exploitation correspondant aux salaires des personnels extérieurs, doivent être pris en compte pour le calcul de la réserve spéciale de participation ; qu'en l'espèce, il est constant que le groupe Guilbert était composé, entre 1989 et 2001, de plusieurs sociétés, dont la société Guilbert France, et de deux groupements d'intérêt économique, les GIE Groupe Guilbert et Commercial Guilbert, et que seuls une soixantaine de salariés du GIE Commercial Guilbert ont obtenu, dans le cadre de divers contentieux, la reconnaissance judiciaire d'un lien de subordination juridique avec la société Guilbert France, d'autres salariés du même GIE et des salariés du GIE Groupe Guilbert ayant été définitivement déboutés de prétentions identiques ; que, dans le cadre de ces contentieux, il a été définitivement jugé que la constitution des deux GIE ne présentait pas un caractère frauduleux et que ces deux GIE n'étaient pas fictifs ; qu'en entérinant cependant la méthode numéro 2 de calcul des droits à participation proposée par l'expert, qui consiste à calculer le montant de la réserve spéciale de participation dégagée par la société Guilbert France en assimilant à des salaires versés par cette société les charges d'exploitation correspondant au « personnel extérieur » et notamment aux salaires du personnel des deux GIE, tout en expliquant que cette méthode de calcul n'induisait aucun rattachement juridique de l'ensemble des salariés des deux GIE à la société Guilbert France, la cour d'appel a validé une méthode de calcul non-conforme à la méthode légale et violé les articles L. 442-2 (devenu l'article L. 3324-1) et R. 442-2 (devenu l'article D. 3324-1) du code du travail ;
2. ALORS QUE les travailleurs intérimaires ne bénéficient pas de la participation dans l'entreprise utilisatrice, de sorte que leur salaire n'a pas à être pris en compte dans le calcul de la réserve spéciale de participation de l'entreprise utilisatrice ; que les charges d'exploitation correspondant au « personnel extérieur à l'entreprise », figurant au compte 621 du plan comptable général incluent notamment les charges correspondant au personnel intérimaire ; qu'en considérant cependant que la société Office Dépôt dénonçait vainement la prise en compte des charges correspondant au personnel intérimaire dans le calcul de la réserve spéciale de participation, aux motifs inopérants que l'impact de cette prise en charge n'était pas démontré et que l'article L. 1111-2 du code du travail, dans sa version postérieure à la période litigieuse, autorise la prise en compte dans l'effectif de la société des travailleurs intérimaires sous condition de présence, la cour d'appel a encore violé les articles L. 442-2 (devenu l'article L. 3324-1) et R. 442-2 (devenu l'article D. 3324-1) du code du travail.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. P... et trente-quatre autres salariés
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les Consorts P... et autres de leur demande de participation au titre des exercices 1989 à 1993, et subsidiairement de leur demande à titre de dommages et intérêts pour cette même période,
AUX MOTIFS PROPRES QUE
S'agissant de la période 1989-1993 :
Il est constant que la société Office Dépôt BS n'a pas été en mesure de produire les liasses fiscales indispensables à l'expert judiciaire pour déterminer l'existence d'une éventuelle réserve de participation ouvrant droit à participation au profit des salariés.
Le Tribunal a rejeté la réclamation des salariés tendant à se voir attribuer une participation forfaitaire calculée eu référence aux dispositions de l'article D 3324-12 du code du travail qu'ils proposaient de fixer à la moitié du montant maximum de participation admis par la loi dont M. UY... a souligné qu'elle aboutissait à une estimation forfaitaire, sans lien avec les résultats financiers de l'entreprise et que les premiers juges ont à juste titre estimé dépourvue de toute base légale lorsque le texte invoqué ne fait que fixer un plafond de participation et n'offre pas une alternative au mode légal de fixation des participations.
Les intimés réitèrent leurs demandes en appel et demandent à la cour de tirer toutes conséquences de la défaillance de la société Office Dépôt BS à produire les documents fiscaux sollicités, constitutive selon eux d'une faute dès lors que la société restait exposée à d'éventuelles réclamations tant que l'action des salariés n'était pas prescrite et se devait de conserver tous les documents requis alors surtout que ses résultats étaient largement bénéficiaires sur la période considérée.
La société Office Dépôt BS se défend de toute faute aux motifs que son obligation de conserver ses livres, registres et tous documents soumis à contrôle de l'administration, n'excédait pas six ans (article L 102B du Livre des procédures fiscales) tandis que l'obligation de conserver ses documents comptables expirait au bout de dix ans (article L 123-22 du code de commerce) et rappelle que dès 2009 elle avait, à la faveur du contentieux l'opposant aux les consorts NC... et autres, interpellé en vain le centre des impôts de Senlis pour tenter d'obtenir les liasses fiscales manquantes.
La cour estime justifiée l'objection du Tribunal tenant au fait que les sommes ainsi réclamées par les intimés en référence au plafond fixé à l'article D 3324- 12 du code du travail qui ne fait que fixer un plafond aux participations salariales ne sont pas conformes au mode légal de calcul de la réserve de participation dont découlent leurs droits ni même ne respectent l'esprit de la loi en ce qu'elles ne sont pas basées sur les bénéfices réalisés par l'entreprise.
N'est pas non plus caractérisée, au regard notamment des délais légaux de conservation ci-dessus rappelés, la faute reprochée à la société Office Dépôt BS alors que celle-ci a été en mesure de justifier des documents afférents à la période 1994-2001, que les premières réclamations des consorts P... sont intervenues en août 2009, soit 20 ans après l'exercice le plus ancien pour lequel elles étaient formulées et 15 ans après le plus récent et qu'elle a, en outre, fait toutes diligences pour tenter de récupérer les liasses manquantes,
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
Sur la demande relative à l'intéressement de vingtsept salariés sur la période 1989 à 1993
Attendu que l'expert indique ne pas avoir obtenu de la société OFFICE DEPÔT BS les documents nécessaires pour calculer ta créance d'intéressement sur la période courant de l'exercice 1989 à l'exercice 1993 qu'en vain, la société OFFICE DEPÔT BS fait état de ce qu'elle n'était pas tenue, au sens de la législation fiscale ou de la législation commerciale et comptable, de conserver les documents nécessaires ; qu'en effet, dès lors que l'action en demande de paiement d'une créance d'intéressement n'était pas prescrite et pouvait donc être formée à son encontre, il lui appartenait de conserver les éléments, qu'elle détenait et dont ne pouvaient disposer les créanciers, de nature à calculer le montant de cette créance ;
Attendu cependant que, pour obvier à cette absence des éléments propres à établir le montant des créances - et sans pour autant former une action en responsabilité civile aux fins d'indemniser le préjudice qu'ils connaîtraient à raison de la carence qu'aurait commise l'employeur dans la conservation desdits éléments - les demandeurs élaborent une troisième méthode de calcul préconisée par l'expert, qui s'appuie forfaitairement sur le plafond de sécurité sociale, mais ne se fonde sur aucun texte légal ou réglementaire et notamment sur les articles 2 de l'ordonnance du 17 août 1967 ni sur l'article L. 3324-I du Code du travail ; que rien ne permet de substituer aux critères légaux de calcul de la créance d'autres critères arbitrairement choisis ; que ce chef de demande est dépourvu de toute base légale et ne pourra qu'être rejeté,
1° ALORS QUE les entreprises employant habituellement au moins cinquante salariés garantissent le droit de leurs salariés à participer aux résultats de l'entreprise ; que si le droit du salarié de participer aux résultats de l'entreprise prend la forme d'une participation financière à effet différé, calculée en fonction du bénéfice net de l'entreprise, constituant la réserve de participation, il résulte de l'article D.3324-12 du code du travail que le montant des droits susceptibles d'être attribués à un même salarié ne peut pour un même exercice excéder une somme égale aux trois quarts du montant du plafond prévu à l'article D.3324-10 ; que lorsque l'employeur ne fournit pas les liasses fiscales des exercices considérés nécessaires à la détermination des droits à participation, l'expert chargé de déterminer ces droits est en droit de retenir comme base de calcul les plafonds de sécurité sociale de chacune des années concernées ; qu'en rejetant la demande des salariés se référant à la troisième méthode de calcul préconisée par l'expert, faute pour l'employeur d'avoir communiqué des éléments au cours des opérations d'expertise et notamment les liasses fiscales des exercices 1989 à 1993, s'appuyant forfaitairement sur le plafond de sécurité sociale et ayant retenu la moitié de ce plafond, soit une somme équivalente à 37,50 % du plafond de la sécurité sociale de chaque année concernée, aux seuls motifs que les sommes ainsi réclamées par les salariés en référence au plafond fixé à l'article D.3324-12 du code du travail qui ne fait que fixer un plafond aux participations salariales ne sont pas conformes au mode légal de calcul de la réserve de participation dont découlent leurs droits ni même ne respectent l'esprit de la loi en ce qu'elles ne sont pas basées sur les bénéfices réalisés par l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles précités,
2° ALORS QUE le juge doit trancher le litige qui lui est soumis sans refuser son examen au motif qu'il lui manquerait des éléments de preuve ; qu'en déclarant l'action des Consorts P... et autres recevable en ce qu'elle tendait à leur voir reconnaître la qualité de salariés de la société Guilbert et à leur voir allouer diverses sommes au titre de la réserve spéciale de participation, tout en en rejetant leur demande au titre des années 1989 à 1993 au seul motif que l'évaluation forfaitaire proposée par l'expert sur la base du plafond fixé à l'article D. 3324-12 du code du travail n'était pas conforme en ce qu'elle n'était pas basée sur les bénéfices réalisés par la société Guilbert France, cependant qu'ainsi qu'indiqué par l'expert l'impossibilité de procéder à un autre mode de calcul était uniquement imputable à l'employeur qui n'avait fourni aucun élément comptable ou autres pour cette période de 1989 à 1993, la cour d'appel qui a refusé de reconstituer la réserve de participation revenant aux Consorts P... et autres, au besoin en ordonnant toute autre mesure d'instruction, bien qu'elle avait reconnu dans son principe leur droit à la réserve de participation pour cette période, a violé l'article 4 du code civil,
3° ALORS QUE débiteur envers ses salariés de l'obligation de versement de la réserve spéciale de participation lorsque les conditions fixées par le code du travail sont réunies, l'employeur engage sa responsabilité pour n'avoir pas conservé les documents comptables à l'expiration du délai pendant lequel il est tenu de les conserver, empêchant ainsi la reconstitution de la réserve de participation due aux salariés embauchés artificiellement par des structures qu'il a créées et finalement rattachés à l'entreprise suite à de nombreux contentieux judiciaires menés sur de longues années ; qu'en rejetant la demande indemnitaire des exposants en estimant que la faute de la société Office Dépôt Bs n'était pas rapportée dans le fait qu'elle n'était pas en mesure de produire les liasses fiscales pour les années 1989-1993 et que les premières réclamations des consorts P... étaient intervenues en août 2009, soit 20 ans après l'exercice le plus ancien pour lequel elles étaient formulées et 15 ans après le plus récent et qu'elle avait en outre, fait toutes diligences pour tenter de récupérer les liasses manquantes, cependant que la reconnaissance de la qualité de salariés de la société Guilbert France de personnes embauchées de manière artificielle par le deux Gie créés par cette dernière faisait suite à une demande qui n'était pas prescrite et à un contentieux qui avait duré sur plusieurs années et dont la responsabilité incombait exclusivement à la société Guilbert France de sorte qu'elle aurait dû se prémunir de toute action et conserver les documents afférents à cette période même au-delà du délai pendant lequel elle était tenue de les conserver et qu'elle seule devait supporter le risque qu'elle avait créé, la cour d'appel qui a rejeté toute indemnisation pour cette période, a violé l'article 1240 du code civil dans sa version résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.