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23/10/2019 | FRANCE | N°18-17024

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 23 octobre 2019, 18-17024


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un acte du 10 octobre 2008, la Caisse d'épargne et de prévoyance Bourgogne Franche-Comté (la Caisse) a consenti à la société Holding financière Q... (la société) un prêt de 200 000 euros, destiné à acquérir les parts d'une société Electro Vuillez, garanti par le cautionnement de M. Q..., à concurrence de 130 000 euros ; que la société ayant cessé de rembourser les échéances du prêt puis ayant été mise en sauvegarde, la Caisse a assigné en paiement la

caution, qui a invoqué la disproportion de son engagement ;

Sur le moyen unique,...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un acte du 10 octobre 2008, la Caisse d'épargne et de prévoyance Bourgogne Franche-Comté (la Caisse) a consenti à la société Holding financière Q... (la société) un prêt de 200 000 euros, destiné à acquérir les parts d'une société Electro Vuillez, garanti par le cautionnement de M. Q..., à concurrence de 130 000 euros ; que la société ayant cessé de rembourser les échéances du prêt puis ayant été mise en sauvegarde, la Caisse a assigné en paiement la caution, qui a invoqué la disproportion de son engagement ;

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner M. Q... à payer à la Caisse la somme de 80 537,54 euros avec les intérêts au taux contractuel, dans la limite de son engagement, l'arrêt retient qu'il ressort des pièces du dossier qu'au 10 octobre 2008, date de son engagement, M. Q... percevait annuellement un revenu d'environ 22 000 euros et son épouse 11 000 euros, le couple assumant la charge de deux enfants nés respectivement le [...] et le [...] , qu'il était propriétaire de 1000 parts sociales de la SARL Holding financière Q... d'une valeur unitaire pour le moins égale à 100 euros, qu'il était gérant et seul associé détenteur des 500 parts composant le capital social de 38 112 euros d'une SARLU V... F... immatriculée depuis le 10 janvier 1990, comprenant 6 à 9 salariés et ayant réalisé en 2015 un chiffre d'affaires de 974 200 euros, laquelle détenait encore 100 parts sociales de la SARL Holding financière Q..., et qu'il s'était engagé concomitamment auprès du Crédit agricole en qualité de caution de la SARL Holding financière Q... à hauteur de 100 000 euros ; qu'il en déduit que l'engagement de M. Q... à supporter seulement la moitié de l'encours, plafonné à la somme de 130 000 euros, du prêt contracté auprès de la Caisse par sa holding n'était pas manifestement disproportionné par rapport à ses biens et revenus ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. Q... qui soutenait avoir souscrit, en sus des engagements pris en considération par l'arrêt, un prêt d'honneur, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;

Attendu que pour condamner la caution à paiement, l'arrêt, après avoir relevé que la date de l'engagement de caution de M. Q... était le 10 octobre 2008, retient que ce dernier était gérant et seul associé détenteur des 500 parts composant le capital social de 38 112 euros d'une SARLU V... F... immatriculée depuis le 10 janvier 1990, comprenant 6 à 9 salariés et ayant réalisé en 2015 un chiffre d'affaires de 974 200 euros, laquelle détenait encore 100 parts sociales de la SARL Holding financière Q... ;

Qu'en statuant ainsi, en prenant en considération, notamment, l'activité en 2015 d'une société qui était susceptible de procurer des revenus à M. Q... qui en détenait la totalité du capital, alors qu'elle devait apprécier la disproportion manifeste de l'engagement de la caution par rapport à ses biens et revenus lors de la conclusion du cautionnement, en 2008, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 624 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. Q... à payer à la société Caisse d'épargne et de prévoyance Bourgogne Franche-Comté la somme de 80 537,54 euros avec les intérêts au taux contractuel de 5,70 % l'an à compter du 5 septembre 2017, et ce dans la limite de son engagement de caution de 130 000 euros, en ce qu'il dit que l'exécution de cette condamnation est suspendue pendant toute la durée du plan de sauvegarde accordé à la Sarl Holding Q..., ou jusqu'à sa résolution, ou jusqu'à la mise en liquidation judiciaire de cette dernière, en ce qu'il condamne M. Q... aux frais d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire et définitive, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 7 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

Condamne la société Caisse d'épargne et de prévoyance Bourgogne Franche-Comté aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. Q... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille dix-neuf et signé par lui et Mme Labat, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. Q...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. Q... à payer à la SA Caisse d'épargne et de prévoyance de Bourgogne Franche-Comté la somme de 80.537,54 € avec les intérêts au taux contractuel de 5,70 % l'an à compter du 5 septembre 2017, et ce dans la limite de son engagement de caution de 130.000 € ;

AUX MOTIFS QUE M. Q... ne conteste pas s'être engagé au profit de la caisse, selon acte sous seing privé signé le 10 octobre 2008, en qualité de caution solidaire, pour garantir à hauteur de 50 % et dans la limite de 130.000 €, le remboursement d'un prêt de 200.000 € contracté le même jour par la SARL Holding Financière X
;que cette société bénéficiant d'un plan de sauvegarde, c'est à tort que les premiers juges se sont, au visa de l'article L.622-28 du code de commerce, bornés à prononcer la suspension des poursuites à l'encontre de M. Q... alors qu'il leur appartenait de statuer sur la demande de la caisse, laquelle ayant inscrit une hypothèque provisoire sur les biens immeubles de son débiteur, était tenue, par application de l'article R.511-7 du code des procédures civiles d'exécution, à peine de caducité de cette mesure conservatoire, d'introduire une procédure ou d'accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre dans le mois de l'inscription, même si l'exécution du titre ainsi obtenu sera suspendu pendant la durée du plan ou jusqu'à sa résolution ; que le jugement déféré sera dès lors infirmé en toutes ses dispositions concernant M. Q... ; que celui-ci soulève en premier lieu la disproportion qui existerait selon lui entre ses engagements de caution et ses revenus ; que l'article L. 341-4 du code de la consommation issu de la loi nº 2003-721 du 1er août 2003 applicable au présent litige dispose qu'un 'créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement initial était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où elle est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation' et il est de jurisprudence constante :
- qu'il appartient à la caution qui entend s'exonérer de son engagement de rapporter la preuve que celui-ci était, au moment de sa conclusion, disproportionné à ses biens et revenus ;
- qu'en l'absence d'établissement par la banque d'une fiche d'information patrimoniale comme c'est le cas en l'espèce, la caution est censée n'avoir rien dissimulé ;
- que la disproportion de l'engagement doit s'apprécier au regard de l'ensemble des biens et revenus de la caution, y compris des parts sociales figurant à son patrimoine et ce, même si la société est débitrice de l'opération garantie. (Com., 5 avril 2016, nº 14-20.908).

Or il ressort des pièces du dossier qu'au 10 octobre 2008, date de son engagement, M. Q... :
- percevait annuellement un revenu d'environ 22.000 € et son épouse 11.000 €, le couple assumant la charge de deux enfants nés respectivement le [...] et le [...] ,
- était propriétaire de 1000 parts sociales de la SARL Holding financière Q... d'une valeur unitaire pour le moins égale à 100 €,
- était gérant et seul associé détenteur des 500 parts composant le capital social de 38.112 € d'une SARLU V... F... immatriculée depuis le 10 janvier 1990, comprenant 6 à 9 salariés et ayant réalisé en 2015 un chiffre d'affaires de 974.200 €, laquelle détenait encore 100 parts sociales de la SARL Holding financière Q...,
- s'était engagé concomitamment auprès du Crédit agricole en qualité de caution de la SARL Holding financière Q... à hauteur de 100.000 € ;
qu'il résulte de ces éléments que l'engagement de M. Q... en date du 10 octobre 2008 à supporter seulement la moitié de l'encours, plafonné à la somme de 130.000 €, du prêt contracté auprès de la caisse par sa holding afin d'acquérir une SAS Electro Vuillez n'était pas manifestement disproportionné par rapport à ses biens et revenus ;

1°) ALORS QU'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que pour apprécier le caractère disproportionné de l'engagement de la caution, au moment où celui-ci a été souscrit, le juge doit tenir compte de la surface financière et de l'endettement global de la caution ; qu'en l'espèce, Monsieur Q... avait fait valoir qu'en 2008, il ne percevait qu'un revenu annuel de 22.000 € (soit 1830 € mensuels environ) qu'il était déjà, au moment de la souscription de son engagement de caution au profit de la Caisse d'Epargne et de prévoyance de Bourgogne Franche-Comté, caution personnelle, pour l'autre partie du prêt, auprès du Crédit Agricole et ne disposait d'aucun patrimoine immobilier, soulignant ainsi que le montant du cautionnement de 130.000 € ajouté à celui du Crédit Agricole excédait un taux d'endettement de 100% (conclusions d'appel p. 6) ; qu'en se bornant à lister les revenus de M. Q... et à faire mention de l'engagement de caution auprès du Crédit Agricole pour en déduire que son engagement n'était pas manifestement disproportionné, sans rechercher si le caractère disproportionné de l'engagement de caution litigieux ne résultait pas de ce que la charge d'endettement de M. Q... dépassait les 100%, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 (ancien) du code de la consommation ;

2°) ALORS QUE M. Q... avait expressément invoqué l'existence d'un prêt d'honneur qui venait se cumuler avec l'engagement de caution qu'il avait consenti au Crédit Agricole (conclusions d'appel p. 5) ; que dès lors, en retenant pour seule dette l'engagement concomitant de M. Q... auprès du Crédit Agricole sans répondre aux conclusions de l'exposant invoquant le prêt d'honneur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE le chiffre d'affaires n'est pas un indicateur de bonne santé d'une société ; qu'en l'espèce, en se fondant sur le chiffre d'affaires de la SARLU V... F... quand seul le résultat de celle-ci était de nature à renseigner sur le caractère disproportionné de l'engagement de caution de M. Q..., la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a ainsi encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation ;

4°) ALORS QU'au surplus, la proportionnalité du cautionnement aux capacités financières de la caution doit s'apprécier au regard des revenus dont elle dispose au jour de la conclusion du cautionnement ; qu'en l'espèce, en se fondant sur le chiffre d'affaires réalisé en 2015 par la société V... F... pour apprécier le caractère disproportionné d'un engagement de caution souscrit en 2008, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation ;

5°) ALORS QU'enfin, le juge doit viser et analyser les éléments de preuve sur lesquels il fonde sa décision ; qu'en se bornant, sans nulle autre précision, à affirmer que M. Q... était propriétaire de 100 parts sociales « d'une valeur unitaire pour le moins égale à 100 € », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-17024
Date de la décision : 23/10/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 07 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 23 oct. 2019, pourvoi n°18-17024


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.17024
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