LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 62-2 et 63, alinéa 3, du code de procédure pénale ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que M. D..., de nationalité algérienne, en situation irrégulière en France, soupçonné d'avoir commis ou tenté de commettre les infractions de trafic de stupéfiants, d'entrée irrégulière sur le territoire français et d'usurpation d'identité, a été placé en garde à vue le 19 octobre 2018 à 21 h 50 ; qu'il a été mis fin à cette mesure le 20 octobre à 17 h 45 ; que, ce même jour, lui ont été notifiés par le préfet un arrêté portant obligation de quitter le territoire national et un arrêté de placement en rétention administrative ;
Attendu que, pour accueillir l'exception de nullité de la procédure soulevée par M. D... et décider la mainlevée de la mesure de rétention, l'ordonnance retient que, si le délai légal de vingt-quatre heures de garde à vue n'a pas été dépassé, il reste que celle-ci n'a été levée qu'à 17 h 45 alors que, dès 16 h 00, le procureur de la République avait donné instruction de convoquer l'intéressé à comparaître à une audience ultérieure du tribunal correctionnel et de détruire les produits stupéfiants ainsi que les balances ; qu'elle en déduit que la garde à vue s'est poursuivie au-delà du temps nécessaire à la rédaction d'une convocation par officier de police judiciaire, dans le seul but de permettre la notification à l'intéressé des arrêtés administratifs pris le même jour et la mise en oeuvre de la rétention administrative, signe d'un détournement de procédure ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la garde à vue, décidée sur le fondement de l'article 62-2 du code de procédure pénale, n'avait pas dépassé le délai légal, le premier président a violé les textes susvisés ;
Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare recevables les appels du préfet des Vosges et du procureur de la République, l'ordonnance rendue le 24 octobre 2018, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Metz ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par le procureur général près la cour d'appel de Metz.
Vu l'article 63 du Code de procédure pénale, violation de la loi;
En ce que, par l'ordonnance attaquée, le délégué de la première Présidente a confirmé l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Metz ayant fait droit à l'exception de procédure soulevée par M. B... D... et ordonné en conséquence la remise en liberté de M. B... D... ;
Aux motifs qu'il résulte de l'article 63-8 du Code de procédure pénale qu'à "l'issue de la garde à vue, la personne est, sur instruction du procureur de la République sous la direction duquel l'enquête est menée, soit remise en liberté, soit déférée devant ce magistrat';
Qu'en l'espèce, le parquet a donné instruction de convoquer l'intéressé à comparaître à une audience ultérieure du tribunal correctionnel et de détruire les produits stupéfiants et les balances à 16 heures; que la garde à vue a été levée à 17h45, "soit une heure trois quart plus tard selon le procès-verbal établi à 17h35 alors que la seule diligence dont il a été justifié de l'exécution pendant ce délai a été la rédaction d'une convocation à comparaître devant le tribunal correctionnel" ;
"qu'il ressort des éléments versés au dossier que la garde à vue de Monsieur D... a été levée le 20 octobre à 17h45 et qu'à 17h50 puis 17h55 ont été notifié à l'intéressé successivement un arrêté préfectoral portant obligation de quitter le territoire français et un arrêté préfectoral de placement de l'intéressé en rétention administrative" ;
Que ce déroulement des faits "montre qu'à l'évidence la garde à vue de Monsieur D... ne s'est poursuivie au delà du temps nécessaire à la rédaction d'une COPJ que dans le seul but de permettre la notification à l'intéressé des arrêtés administratifs pris le même jour et partant la mise en oeuvre de la rétention administrative".
Alors qu'aux termes de l'article 63 l et II du Code de procédure pénale, les personnes à l'encontre desquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles faisant présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction peuvent être gardées à vue pendant une durée n'excédant pas 24 heures;
Qu'il en résulte que si le placement en garde à vue est justifié, la garde à vue elle-même peut, sous le contrôle du procureur de la République, durer 24 heures sans que l'utilisation totale de ce temps puisse être qualifiée d'excessive ;
Qu'en l'espèce, la garde à vue de M. B... D..., décidée sur le fondement de l'article 63 du Code de procédure pénale, n'a pas dépassé le délai légal de vingt-quatre heures; Qu'en décidant que l'intéressé avait été gardé à vue au delà du temps nécessaire à la rédaction d'une COPJ pour en déduire un détournement de procédure ayant porté atteinte à ses droits, le délégué de la première Présidente a violé le texte susvisé.