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16/10/2019 | FRANCE | N°18-83109

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 octobre 2019, 18-83109


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme J... K..., partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de POITIERS, en date du 24 avril 2018, qui, dans la procédure suivie contre M. V... et Mme V..., épouse B..., du chef de viol aggravé contre le premier et de menace ou acte d'intimidation pour déterminer une victime à ne pas porter plainte ou à se rétracter contre la seconde, a d'une part infirmé l'ordonnance du juge d'instruction et dit n'y avoir lieu à suivre c

ontre M. V... de ce chef et, d'autre part, l'a confirmée et dit n'y avoir lie...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme J... K..., partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de POITIERS, en date du 24 avril 2018, qui, dans la procédure suivie contre M. V... et Mme V..., épouse B..., du chef de viol aggravé contre le premier et de menace ou acte d'intimidation pour déterminer une victime à ne pas porter plainte ou à se rétracter contre la seconde, a d'une part infirmé l'ordonnance du juge d'instruction et dit n'y avoir lieu à suivre contre M. V... de ce chef et, d'autre part, l'a confirmée et dit n'y avoir lieu à suivre contre Mme V... du chef précité ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 septembre 2019 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Drai, conseiller rapporteur, MM. Castel, Moreau, M. de Larosière de Champfeu, Mme Slove, M. Guéry, Mme Issenjou, M. Turbeaux, conseillers de la chambre, Mme Carbonaro, Mme Barbé, conseillers référendaires ;

Avocat général : Mme Moracchini ;

Greffier de chambre : Mme Darcheux ;

Sur le rapport de Mme le conseiller DRAI, les observations de Me HAAS, la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général VALAT ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 222-22, 222-22-1, 222-23, 222-24, 5°), du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre contre M. V... du chef de viol commis par personne abusant de l'autorité que lui confère sa fonction ;

"1°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en se bornant, pour dire n'y avoir lieu à suivre contre M. V... du chef de viol, à relever que celui-ci a toujours contesté la matérialité des faits et que la dénonciation d'une agression sexuelle, aussi crédible soit-elle, par une personne qui paraît être de bonne foi ne peut suffire à justifier le renvoi du mis en cause dès lors que ces accusations ne sont étayées ni par une constatations matérielle, ni par une expertise scientifique ni par un témoignage direct, sans répondre au moyen déterminant des conclusions de la partie civile selon lequel ses déclarations qui n'avaient jamais varié depuis la révélation des faits, étaient corroborées par le rapport de l'expert psychologue précisant que « le récit nous semble stable dans le temps entre sa formulation actuelle et les éléments livrés dans le courrier du 1er novembre 2004 adressé au supérieur de la communauté. Il ne présente pas de discordance, de bizarreries évocatrices d'aspects délirants. Il semble au plus près des événements vécus » ainsi que par de nombreux témoignages de femmes appartenant à la même communauté religieuse et décrivant les abus sexuels qu'elles avaient subis de la part de M. V... et un mode opératoire similaire à celui dénoncé par la partie civile, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;

"2°) alors que la participation de la victime à un acte de pénétration sexuelle sous la contrainte morale est exclusive de son consentement ; qu'en se bornant à relever, après avoir constaté que la soeur de la partie civile confirmait que cette dernière était sous l'emprise psychologique du mis en examen, que Mme K... n'avait jamais exprimé d'opposition aux actes de pénétration sexuelle et avait admis que le mis en examen « faisait ça doucement », sans se jeter sur elle ni l'effrayer et qu'elle n'avait pas fait état des manoeuvres ou actes particuliers qui auraient été accomplis par le mis en examen pour parvenir à ses fins, sans mieux s'expliquer sur les conclusions de la partie civile et les éléments du dossier desquels il ressortait que M. V... avait préparé un terrain propice au passage à l'acte en conditionnant Mme K... et en exerçant, de par son rôle d'accompagnateur spirituel et de médecin traitant, une emprise psychologique sur celle-ci de nature à annihiler le consentement de la victime dont la vulnérabilité ne lui permettait pas d'opposer de résistance, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;

"3°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'élément intentionnel du crime de viol résulte de la conscience d'imposer un rapport sexuel à une victime qui peut être dans l'incapacité de consentir ; qu'en se bornant à relever, pour exclure l'élément intentionnel, que la partie civile a expressément déclaré n'avoir jamais exprimé une quelconque opposition aux actes de pénétration sexuelle que ce soit verbalement ou physiquement, sans rechercher si le mis en examen n'avait pas conscience de l'état de fragilité et de dépendance dans lequel se trouvait la partie civile qui n'était pas, de ce fait, en état de consentir auxdits actes, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, dans le cadre des investigations menées sur de possibles abus sexuels envers des mineurs au sein de la communauté des Béatitudes, installée dans le Tarn, les enquêteurs ont appris qu'un diacre, M. V..., soupçonné par sa hiérarchie d'abus sexuels envers une majeure, Mme J... K..., affectée dans cette communauté religieuse et ordonnée soeur, avait été traduit devant une juridiction ecclésiastique, exclu de la communauté et démis de ses fonctions cléricales ; qu'une procédure incidente a été ouverte du chef de viols aggravés sur la personne de Mme K... ;

Attendu que Mme K... a déclaré aux enquêteurs qu'après avoir été marquée durant son enfance et son adolescence par la grave dépression de son père, elle avait décidé de se consacrer à la vie religieuse, avait intégré la communauté des Béatitudes en 1988, à l'âge de 19 ans, puis avait pris le voile en septembre 1993 ; qu'elle a ajouté que M. V..., qui était son accompagnateur spirituel, avec lequel elle pensait entretenir une relation fondée sur la confiance, l'avait maintenue dans une immaturité et une dépendance totales, et avait eu avec elle une première relation sexuelle en 1994, les faits s'étant renouvelés jusqu'en 2003 ; qu'elle reconnaissait ne pas s'y être opposée, affirmant qu'elle n'était pas en capacité de le faire, M.V... ayant justifié son comportement par la volonté divine ; que Mme K... a mentionné avoir ressenti, à la suite de ces faits, de fortes angoisses, avoir sombré dans l'anorexie au point de se scarifier, et avoir absorbé des anxiolytiques et des antidépresseurs que M. V... lui prescrivait ; qu'elle a précisé avoir quitté la communauté des Béatitudes en août 2003 en raison de ces faits ;

Attendu qu'une information a été ouverte, à l'issue de laquelle le juge d'instruction a rendu une ordonnance de mise en accusation de M.V... du chef de viols aggravés mais prononcé un non-lieu en faveur de Mme V..., épouse B..., sa fille, mise en examen du chef de menace ou acte d'intimidation pour déterminer une victime à ne pas déposer plainte ou à se rétracter ; que M.V... a interjeté appel de cette ordonnance ;

Attendu que, pour infirmer partiellement l'ordonnance de mise en accusation et prononcer un non-lieu du chef de viols aggravés, l'arrêt attaqué retient que M. V... a toujours nié toute relation sexuelle avec la plaignante, qu'à supposer ces relations établies, le seul fait que M. V... ait été le dirigeant de la communauté religieuse ne suffit pas à créer une présomption de contrainte ou de surprise sur une de ses disciples, quand bien même celle-ci se serait trouvée dans une situation de souffrance psychologique ou physique, que Mme K... n'a pas fait état de manoeuvres ou actes accomplis par M. V... pour parvenir à ses fins contre son gré, ni qu'il aurait exploité ou aggravé consciemment ou non son état de faiblesse physique ou psychique afin de la placer dans une situation de dépendance et d'assujettissement pour assouvir ses besoins sexuels, que la plaignante n'a jamais manifesté son opposition à ces relations sexuelles, que selon le témoignage de la belle-fille de M. V..., Mme K... a au contraire adopté un comportement séducteur voire aguicheur à l'égard des jeunes hommes séminaristes ou stagiaires qui fréquentaient la communauté, enfin que le caractère tardif de la plainte a empêché toute constatation médicale ; que les juges d'appel concluent qu'au regard de l'ensemble des éléments du dossier,les déclarations constantes de Mme K..., les conclusions de l'expertise psychologique et les témoignages d'autres membres féminins de la communauté ne peuvent suffire à justifier le renvoi de M. V... devant une juridiction de jugement, ce d'autant que la procédure d'instruction n'a pas permis de démontrer l'existence de la surprise ou de la contrainte, ni la conscience que M. V... pouvait avoir de l'état de fragilité ou de dépendance de Mme K... ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, procédant de son appréciation souveraine, dénués d'insuffisance comme de contradiction, la chambre de l'instruction, qui a répondu aux articulations essentielles des mémoires des parties, a justifié sa décision ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme,

REJETTE le pourvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize octobre deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-83109
Date de la décision : 16/10/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers, 24 avril 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 oct. 2019, pourvoi n°18-83109


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.83109
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