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16/10/2019 | FRANCE | N°18-20211

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 octobre 2019, 18-20211


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 25 mai 2018), statuant sur renvoi après cassation (Soc., 16 mars 2016, pourvoi n° 14-23.589), que
M. C... a été engagé, selon contrat à durée déterminée du 1er juillet 2009, par la société Areva T etamp; D production en qualité de technicien sur ligne de production puis d'approvisionneur gestionnaire ; qu'avant le terme de ce contrat il a été engagé le 29 décembre 2010 par la société Panda services en qualité de gestionnaire approvisionneur de production e

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 25 mai 2018), statuant sur renvoi après cassation (Soc., 16 mars 2016, pourvoi n° 14-23.589), que
M. C... a été engagé, selon contrat à durée déterminée du 1er juillet 2009, par la société Areva T etamp; D production en qualité de technicien sur ligne de production puis d'approvisionneur gestionnaire ; qu'avant le terme de ce contrat il a été engagé le 29 décembre 2010 par la société Panda services en qualité de gestionnaire approvisionneur de production et mis à la disposition de la société Areva T etamp; D production, dont l'activité a été reprise par la société Schneider electric protection et contrôle, aux droits de laquelle vient la société Schneider Electric France (la société) ; qu'il a conclu le 29 juin 2011 avec cette société un contrat à durée déterminée portant sur le même poste et ayant pour terme le 31 décembre 2012 ; que le salarié a saisi au fond la juridiction prud'homale aux fins notamment d'obtenir la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée ; que par ordonnance de référé du 20 décembre 2012, le conseil de prud'hommes a ordonné à l'employeur de maintenir le contrat de travail jusqu'à la décision à intervenir au fond ; que le 22 mars 2013, l'employeur a remis au salarié une lettre l'informant de ce qu'il accédait à sa demande de requalification de la relation de travail et le convoquant à un entretien préalable à un éventuel licenciement ; qu'il a licencié le salarié pour insuffisance professionnelle le 19 avril 2013 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du licenciement du salarié intervenu le 19 avril 2013, d'ordonner sa réintégration dans le poste qu'il occupait au moment de son licenciement ou sur un poste équivalent au sein de la société et de le condamner au paiement d'une indemnité d'éviction et de dommages-intérêts pour préjudice moral lié à l'exécution déloyale du contrat de travail, alors, selon le moyen, que pour juger que l'employeur avait porté atteinte à l'exercice par le salarié de son droit à un recours effectif, la cour d'appel a considéré qu'en procédant au licenciement du salarié avant l'intervention de la décision au fond concernant la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, l'employeur avait méconnu les termes de l'ordonnance de référé du 20 décembre 2012 ; qu'en s'en tenant ainsi à la seule circonstance qu'il avait été procédé au licenciement de l'intéressé avant l'intervention de la décision au fond, sans examiner, ainsi qu'elle y était cependant invitée, si le maintien du salarié dans les effectifs de l'entreprise et le règlement de son salaire au-delà de la décision statuant au fond ne marquait pas le respect par l'employeur des dispositions de l'ordonnance de référé du 20 décembre 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que la juridiction de renvoi s'étant conformée à l'arrêt de cassation, le moyen est irrecevable ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une somme à titre d'indemnité d'éviction, alors, selon le moyen, que le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privés ; que le droit d'agir en justice ne constitue pas une liberté fondamentale qui justifierait, en cas de nullité du licenciement prononcé en méconnaissance de ce droit, la non-déduction des revenus de remplacement perçus par le salarié entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite ou susceptible d'être introduite par le salarié à l'encontre de son employeur, est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, et ouvre droit, pour le salarié qui demande sa réintégration, au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont il a pu bénéficier pendant cette période ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Schneider électric France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy la somme de 3 000 euros, à charge pour elle de renoncer la part contributive de l'Etat ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Schneider électric France

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité du licenciement de Monsieur C... intervenu le 19 avril 2013, d'avoir ordonné sa réintégration dans le poste qu'il occupait au moment de son licenciement ou sur un poste équivalent au sein de la société Schneider Electric France et d'avoir condamné cette dernière au paiement d'une indemnité d'éviction, de dommages et intérêts pour préjudice moral lié à l'exécution déloyale du contrat de travail et d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs que : « le juge prud'homal a le pouvoir de prononcer la nullité d'un licenciement et d'ordonner la poursuite des relations contractuelles, même en l'absence de dispositions le prévoyant, en cas de violation d'un droit ou d'une liberté fondamentale ; que l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; que le droit d'agir en justice est ainsi un droit fondamental et le licenciement intervenu en raison de l'action en justice intentée par le salarié encourt la nullité ; qu'en l'espèce, dans son ordonnance du 20 décembre 2012, la formation de référé du Conseil de prud'hommes de Montpellier a ordonné à l'employeur la poursuite du contrat de travail de Monsieur C... jusqu'à intervention de la décision au fond statuant sur sa demande de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée ; que le dispositif de la décision précise clairement que la société Schneider doit maintenir Monsieur C... dans ses effectifs et à son poste de travail, et maintenir le salaire de ce dernier tel que contractuellement défini ; que la décision au fond a été prononcée le 23 juillet 2013, condamnant l'employeur au paiement d'une indemnité de requalification, après avoir relevé que celui-ci avait notifié au salarié le 14 mars 2013 la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée ; qu'en accédant à la demande de requalification présentée par le salarié, l'employeur a échappé à l'interdiction légale, prévue par l'article L.1243-1 du code du travail, de rompre le contrat à durée déterminé pour une cause autre que la faute grave, la force majeure ou l'inaptitude constatée par le médecin du travail ; que la requalification en contrat à durée indéterminée a ainsi permis à la société Electric de se prévaloir de l'insuffisance professionnelle du salarié pour procéder à son licenciement, étant observé que la lettre de licenciement du 19 avril 2013 fait état de faits constitutifs d'insuffisance professionnelle remontant au mois de novembre 2012, période pendant laquelle Monsieur C... travaillait dans le cadre d'un contrat à durée déterminée ; qu'il convient de relever la concomitance de la requalification du contrat de travail et de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, puisque c'est par un même courrier que l'employeur a informé Monsieur C... qu'il acceptait de requalifier son contrat de travail et l'a convoqué à un entretien préalable au licenciement ; que cette seule concomitance est cependant insuffisante à établir que le licenciement de Monsieur C... n'est intervenu que pour sanctionner le salarié de son action prud'homale en requalification de son contrat de travail, les faits d'insuffisance professionnelle invoqués par l'employeur ne pouvant être a priori considérés comme injustifiés ; qu'il demeure qu'en procédant au licenciement de Monsieur C... avant que la décision au fond concernant la demande de requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée ne soit intervenue, alors que le maintien de la relation contractuelle avait été ordonné par ordonnance du 20 décembre 2012 jusqu'à cette date dans les termes ci-dessus rappelés, l'employeur a porté atteinte à l'exercice par Monsieur C... de son droit à un recours effectif, de sorte qu'il convient de prononcer la nullité du licenciement intervenu le 19 avril 2013 ; que le salarié, victime d'un licenciement nul, qui le demande, a droit à sa réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent ; qu'il convient en conséquence d'ordonner la réintégration de Monsieur C... sur le poste de travail qu'il occupait au moment de son licenciement ou sur un poste équivalent, au sein de la société Schneider Electric France, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte ; que Monsieur C... a également droit à une indemnité d'éviction » ;

Alors que, pour juger que l'employeur avait porté atteinte à l'exercice par le salarié de son droit à un recours effectif, la cour d'appel a considéré qu'en procédant au licenciement de Monsieur C... avant l'intervention de la décision au fond concernant la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, l'employeur avait méconnu les termes de l'ordonnance de référé du 20 décembre 2012 ; qu'en s'en tenant ainsi à la seule circonstance qu'il avait été procédé au licenciement de l'intéressé avant l'intervention de la décision au fond, sans examiner, ainsi qu'elle y était cependant invitée, si le maintien du salarié dans les effectifs de l'entreprise et le règlement de son salaire au-delà de la décision statuant au fond ne marquait pas le respect par l'employeur des dispositions de l'ordonnance de référé du 20 décembre 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1221-1 du code du travail et 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Schneider Electric France au paiement d'une somme de 133.279,93 € à titre d'indemnité d'éviction ;

Aux motifs que : « le juge prud'homal a le pouvoir de prononcer la nullité d'un licenciement et d'ordonner la poursuite des relations contractuelles, même en l'absence de dispositions le prévoyant, en cas de violation d'un droit ou d'une liberté fondamentale ; que l'article 6§1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale ; que le droit d'agir en justice est ainsi un droit fondamental et le licenciement intervenu en raison de l'action en justice intentée par le salarié encourt la nullité ; que Monsieur C... est donc fondé à percevoir une somme de 133.279,93 euros sans qu'il y ait lieu d'opérer une déduction des revenus qu'il a perçus pendant cette période, le licenciement portant atteinte à un droit fondamental garanti par l'article 6§1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; (..) qu'il demeure qu'en procédant au licenciement de Monsieur C... avant que la décision au fond concernant la demande de requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée ne soit intervenue, alors que le maintien de la relation contractuelle avait été ordonné par ordonnance du 20 décembre 2012 jusqu'à cette date dans les termes ci-dessus rappelés, l'employeur a porté atteinte à l'exercice par Monsieur C... de son droit à recours effectif, de sorte qu'il convient de prononcer la nullité du licenciement intervenu le 19 avril 2013 ; (..) Monsieur C... a également droit à une indemnité d'éviction ; que, dès lors que le licenciement prononcé en dépit de l'action en justice diligentée par le salarié caractérise une atteinte à un droit fondamental ayant valeur constitutionnelle et garanti par l'article 6§1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'indemnité d'éviction doit correspondre à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé, sans qu'il n'y ait lieu d'opérer une déduction des revenus perçus par le salarié pendant cette période, qu'il s'agisse de revenus de remplacement ou de revenus tirés d'une autre activité ; (..) Monsieur C... est donc fondé à percevoir une somme de 133.279,93 € sans qu'il y ait lieu d'opérer une déduction des revenus qu'il a perçus pendant cette période, le licenciement portant atteinte à un droit fondamental garanti par l'article 6§1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; »

Alors que le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privés ; que le droit d'agir en justice ne constitue pas une liberté fondamentale qui justifierait, en cas de nullité du licenciement prononcé en méconnaissance de ce droit, la non-déduction des revenus de remplacement perçus par le salarié entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L.1221-1 du code du travail, ensemble l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-20211
Date de la décision : 16/10/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 25 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 oct. 2019, pourvoi n°18-20211


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.20211
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