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16/10/2019 | FRANCE | N°18-14678

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 octobre 2019, 18-14678


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1589-2 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 2 février 2016, pourvoi n° 14-24.299), que, par un acte du 30 septembre 2001, enregistré, M. P... et son épouse, W... S..., (M. et Mme P...), ont donné leur fonds de commerce en location-gérance avec promesse de vente, au prix de 457 347,50 euros, à la société Résidence Pernety (la société

Pernety) ; que celle-ci ayant levé l'option à ce prix, M. et Mme P... se sont préva...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1589-2 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 2 février 2016, pourvoi n° 14-24.299), que, par un acte du 30 septembre 2001, enregistré, M. P... et son épouse, W... S..., (M. et Mme P...), ont donné leur fonds de commerce en location-gérance avec promesse de vente, au prix de 457 347,50 euros, à la société Résidence Pernety (la société Pernety) ; que celle-ci ayant levé l'option à ce prix, M. et Mme P... se sont prévalus d'un avenant portant le prix de vente à la somme de 609 796,06 euros ; que la société Pernety les a assignés en annulation de l'avenant contenant promesse unilatérale de vente, faute d'enregistrement, en demandant à être déclarée propriétaire du fonds ; que M. et Mme P... ont assigné la société Pernety en caducité de la levée d'option, résiliation du contrat de location-gérance, expulsion des lieux et paiement d'une indemnité d'occupation ainsi que de redevances et de loyers ; que la société Pernety a appelé en cause M. I..., propriétaire des locaux dans lesquels est exploité le fonds de commerce ; que celui-ci a donné congé à M. et Mme P..., avec refus de renouvellement et offre de paiement d'une indemnité d'éviction ; que M. I... a cédé les locaux à la ville de Paris, qui est intervenue volontairement à l'instance ; que W... S... étant décédée, ses ayants droit, Mmes M... et R..., ainsi que M. P... (les consorts P...), ont repris l'instance ;

Attendu que pour dire que l'avenant du 10 mars 2002 doit recevoir application et que, faute pour la société Pernety d'avoir levé l'option au nouveau prix convenu, la promesse unilatérale de vente, telle qu'elle avait été modifiée, est devenue caduque, l'arrêt relève que l'avenant à la promesse stipule que celle-ci n'est consentie qu'au locataire-gérant et que, pour en bénéficier, ce dernier devra être, et avoir toujours été, strictement à jour de ses redevances de location-gérance et des loyers et charges afférents aux murs, sous peine de caducité dès le premier incident de paiement ; qu'il en déduit qu'il existe un lien de dépendance entre les obligations réciproques des parties et que, dès lors, l'avenant n'avait pas à être enregistré ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les redevances, loyers et charges étaient dus par la société Pernety en exécution des contrats de location gérance et de bail qu'elle avait souscrits indépendamment de la conclusion de l'avenant litigieux, qu'ils n'étaient donc pas unis par un lien de dépendance nécessaire aux engagements pris par le promettant et ne conféraient à celui-ci aucun avantage réciproque propre à modifier les caractéristiques de la promesse, laquelle ne constituait pas un élément d'une opération globale, de sorte que la promesse unilatérale de vente modifiée par l'avenant devait être enregistrée dans le délai légal et, à défaut, annulée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. P..., Mmes M... et R... de leur demande en paiement de la somme de 41 349,93 euros au titre de la reconnaissance de dette du 31 décembre 2002 et de leur demande de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 7 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. P... et Mmes M... et R... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à la société Résidence Pernety et la somme globale de 2 500 euros à la ville de Paris ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Rémy-Corlay, avocat aux Conseils, pour la société Résidence Pernety

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR, outre les condamnations prononcées au titre des frais irrépétibles et dépens, dit que l'avenant du 10 mars 2002 doit recevoir application, dit que faute d'avoir levé l'option la promesse de vente est devenue caduque ; et en conséquence, confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation de la location gérance signée le 30 juillet 2001 à effet du 1er janvier 2008 aux torts exclusifs de la Société Résidence Pernety ; Condamné la société Résidence Pernety à payer à M. P..., Mme M... et Mme R..., ensemble une somme de 176.421,46 euros au titre du solde des redevances dues pour la période écoulée entre le 1er novembre 2004 et le 31 décembre 2007 ; 15.549,60 euros au titre du complément de loyers de la boutique du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2007 ; 22.162,17 euros au titre du solde des loyers des murs du fonds de commerce pour les années 2004 et 2005 ; Condamné la société Résidence Pernety à payer à M. P..., Mme M... et Mme R..., ensemble une somme mensuelle de 6.098 euros, du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 au titre de l'indemnité d'occupation irrégulière et de 8.788,34 euros au titre de l'indemnité d'occupation à compter du 1er janvier 2010; condamné la Société Résidence Pernety à payer à Monsieur P... et aux ayants droit de Madame P... les intérêts au taux de retard de 1% par mois à compter de chaque date d'exigibilité contractuelle des sommes ci-dessus ; ordonné l'expulsion des lieux occupés par la Société Résidence Pernety avec le concours de la force publique et d'un serrurier si besoin est ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la promesse de vente : L'article 1840A du code général des impôts dispose que : "Sans préjudice, le cas échéant, de l'application des dispositions de l'article 1741, est nulle et de nul effet toute promesse unilatérale de vente afférente à un immeuble, à un droit immobilier, à un fonds de commerce, à un droit à un bail portant sur tout ou partie d'un immeuble ou aux titres des sociétés visées aux articles 728 et 1655 ter, si elle n'est pas constatée par un acte authentique ou par un acte sous seings privés enregistré dans le délai de dix jours à compter de la date de son acceptation par le bénéficiaire. (...)" Il est constant qu'une promesse unilatérale de vente échappe à la formalité de l'enregistrement s'il existe un lien de dépendance entre les obligations réciproques des parties résultant de la location-gérance et de la promesse unilatérale de vente. En l'espèce, selon l'acte du 30 juillet 2001, comportant promesse unilatérale de vente et contrat de location gérance, la promesse de vente n'est consentie « qu'au locataire gérant actuel ». L'avenant non enregistré du 10 mars 2002, qui augmente le prix de vente à la somme de quatre millions de francs stipule qu'il est « expressément convenu que pour pouvoir prétendre à lever la promesse de vente dont s'agit, le locataire gérant devra être et avoir été toujours strictement à jour de ses redevances de location gérance et des loyers et charges afférents aux murs, sous peine de rendre la présente promesse caduque dès le premier incident de paiement. » Dans ces conditions, il existe bien un lien de dépendance entre les obligations réciproques des parties, la promesse n'est consentie qu'au locataire gérant et celui-ci ne conserve cette qualité qu'autant qu'il s'acquitte de la redevance. Il en résulte que l'avenant du 10 mars 2002 portant le prix de cession à la somme de quatre millions de francs n'avait pas à être enregistré et a été valablement consenti. Dès lors, la levée d'option d'achat du fonds de commerce signifiée par la société Résidence Pernety le 29 avril 2005 à M. P... et à son épouse Mme W... S... au prix de 3.000.000 francs n'a pu avoir aucun effet. Faute de levée d'option la promesse est devenue caduque.».

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « Sur la validité de l'avenant du 10 mars 2002 : que la Sarl Résidence Pernety pour demander la nullité de cet avenant affirme que Monsieur A... n'avait pas la qualité ni le pouvoir pour le signer ; que le Tribunal relève : que Monsieur A... était le gérant de la Sarl Résidence Pernety à la date mentionnée sur cet avenant et que ceci n'est contesté par aucune des parties à la présente instance ; que la Sarl Résidence Pernety n'apporte aucune preuve de la limitation des pouvoirs du gérant à cette même date et qu'a fortiori elle ne prouve pas que les époux P... aient été informés de cette limitation ; qu'il en déduit que le 10 mars 2002 Monsieur A... avait la qualité et le pouvoir requis pour la signature de cet avenant ; que le document n'a pas été enregistré ; que l'enregistrement d'un tel document n'ayant pour effet que de lui donner date certaine et une procédure pénale ayant été engagée par ailleurs notamment sur ce motif le Tribunal se prononcera compte tenu des attendus de la Chambre de l'Instruction de la Cour d'Appel de Paris ; que l'arrêt de la cour d'appel du 17 novembre 2006 lui est inopposable ; que la plainte déposée par la Sarl Résidence Pernety qui tendait à prouver que l'avenant du 10 mars 2002 et la reconnaissance de dette du 31 décembre 2002 étaient des faux a donné lieu à un non-lieu en précisant que «
à l'issue d'une information complète, les faux dénoncés ne sont pas établis » ; que le Tribunal constate en outre que la Sarl Résidence Pernety n'apporte aucune preuve nouvelle concernant la véracité de ses affirmations et en conséquence rejette ce moyen ; que les augmentations mentionnées étaient sans cause ; que l'authenticité de ce document ayant été reconnue par les juridictions saisies par la Sarl Résidence Pernety il n'appartient plus à ce Tribunal de connaître les motivations connues ou non, légales ou non ayant amené les parties à signer cet avenant ; que le Tribunal dit également ce moyen injustifié ; qu'en conséquence, le Tribunal, après avoir examiné les différents moyens avancés par la Sarl Résidence Pernety, dira valable l'avenant du 10 mars 2002 et la reconnaissance de dette du 31 décembre 2002 ; Sur la levée de l'option par la Sarl Résidence Pernety : que par avenant du 1er mars 2002 il avait été convenu que : «, les époux P...
. s'engagent à vendre
, à la Sarl Résidence Pernety
, le fonds de commerce cité précédemment pour un prix définitif de trois millions de francs (3.000.000 / francs), la vente devant intervenir
, avant le 30/7/05 » et « Les parties ont expressément convenu du fait que la vente du fonds interviendra dans un délai maximum de deux mois à compter de la réception par les époux P... de la demande formulée par lettre recommandée AR par le locataire gérant. » ; que par avenant du 10 mars 2002 dont les tribunaux ont reconnu la validité le prix de 3 millions de francs a été porté â 4 millions de francs ; que par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 juin 2004 la Sarl Résidence Pernety a fait part aux époux P... de sa décision d'acquérir le fonds de commerce d'hôtel restaurant sis [...] au prix de 457.347,50 € soit 3.000.000 de francs ; que le 29 avril 2005 la Sarl Résidence Pernety a réitéré sa levée d'option ; que le Tribunal constate que : effectivement la Sarl Résidence Pernety a, les 16 juin 2004 et 29 avril 2005, levé l'option d'achat sur la base de 3 millions de francs qui lui avait été consentie le 1er mars 2002 par les époux P... ; cette levée d'option ne tient pas compte de l'avenant du 10 mars 2002 dont la validité a été reconnue par les tribunaux et qui porte le prix d'acquisition de 3 à 4 millions de francs ; les époux P... prouvent, par la production d'une lettre du conseil financier de la Sarl Résidence Pernety, que le 3 novembre 2005 celle-ci n'avait obtenu aucun financement pour acquérir le dit fonds de commerce ; qu'en conséquence le Tribunal déboutera la Sarl Résidence Pernety de sa demande d'acquisition du fonds de commerce des époux P... et ce indépendamment du montant proposé ; Sur les demandes de la Sarl Résidence Pernety : que le Tribunal qui a constaté la validité du contrat de location-gérance et de son avenant du 10 mars 2002 ainsi que la non levée par la Sarl Résidence Pernety de l'option d'achat du fonds de commerce du [...] et de sa décision concernant la demande de remboursement des travaux effectués dans les lieux déboutera la Sarl Résidence Pernety de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ; Sur la résiliation du contrat de location-gérance : que le Tribunal constatant que la Sarl Résidence Pernety a cessé tout règlement du montant de la location-gérance prononcera la résiliation de ce contrat aux torts exclusifs de la Sarl Résidence Pernety à effet du 1er janvier 2008 date d'arrêt des comptes établis par les époux P... dans la présente procédure (
) ».

ALORS QUE 1°) est nulle et de nul effet toute promesse unilatérale de vente afférente à un fonds de commerce si elle n'est pas constatée par un acte sous seing privé enregistré dans le délai de dix jours à compter de la date de son acceptation par le bénéficiaire ; que seul un lien de dépendance entre les obligations réciproques des parties résultant de la location-gérance et de la promesse de vente, c'est-à-dire offrant des avantages réciproques, peut faire échapper cette dernière à l'obligation d'enregistrement ; qu'en considérant que la promesse n'avait pas à être enregistrée dès lors que « le locataire gérant devra être et avoir été toujours strictement à jour de ses redevances de location gérance et des loyers et charges afférents aux murs, sous peine de rendre la présente promesse caduque dès le premier incident de paiement », n'entraînant aucune avantage réciproque, les loyers étant dus indépendamment de la conclusion de la promesse de vente, la Cour d'appel a méconnu l'article 1589-2 du Code civil, qu'elle a violé ;

ALORS QUE 2°) est nulle et de nul effet toute promesse unilatérale de vente afférente à un fonds de commerce si elle n'est pas constatée par un acte sous seing privé enregistré dans le délai de dix jours à compter de la date de son acceptation par le bénéficiaire ; que l'avenant à une promesse unilatérale de vente enregistrée modifiant substantiellement les termes de cette promesse en augmentant le prix de la vente doit lui-même être enregistré ; que cette disposition répond à une préoccupation fiscale dans le but d'empêcher les professionnels de l'immobilier et les négociateurs de la vente de fonds de commerce de céder à leurs clients, de façon occulte et moyennant une rémunération dissimulée, les promesses qui leur sont accordées, afin d'échapper aux charges fiscales pesant sur cette rémunération ; qu'en considérant que la nouvelle promesse consentie à un prix substantiellement différent n'avait pas à être enregistré, alors même que cette augmentation était faite sans contrepartie, la Cour d'appel a méconnu l'article 1589-2 du Code civil, qu'elle a violé.

ALORS QUE 3°) la cassation d'un chef de dispositif de la décision attaquée entraîne, par voie de conséquence, la cassation des autres chefs de dispositif qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le grief précédent justifiant la cassation du chef de dispositif en ce qu'il a prononcé la résiliation de la location gérance signée le 30 juillet 2001 aux torts exclusifs de la Société Résidence Pernety au motif que (arrêt d'appel, p. 6, alinéa 5) « (
) la levée de l'option au prix de 457.340,50 € par la société Pernety ne vaut pas vente (
) », doit entraîner la cassation des autres chefs de dispositif de l'arrêt d'appel en ce qu'ils ont condamné la Société Résidence Pernety au paiement de différentes sommes à l'égard de Monsieur P... et des ayants-droit de Madame P..., décédée, et ordonné l'expulsion de l'exposante des lieux occupés, ensemble de chefs de dispositif qui se trouve dans un lien de dépendance nécessaire avec le chef cassé de la décision, en application des articles 624 et 625 du Code de procédure civile.


Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 07 février 2018


Publications
Proposition de citation: Cass. Com., 16 oct. 2019, pourvoi n°18-14678

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Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : Me Rémy-Corlay, SCP Foussard et Froger, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Formation : Chambre commerciale
Date de la décision : 16/10/2019
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18-14678
Numéro NOR : JURITEXT000039285464 ?
Numéro d'affaire : 18-14678
Numéro de décision : 41900762
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2019-10-16;18.14678 ?
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