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10/10/2019 | FRANCE | N°18-20725

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 octobre 2019, 18-20725


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 4 septembre 2017) et les productions, que Mme O... (l'allocataire), de nationalité gabonaise, entrée en France le 6 janvier 2014, a demandé le bénéfice des prestations familiales pour ses deux enfants, Z... T..., né au Gabon le [...] , et entré en France en mai 2015, et Précieux Ntoutoumou, né en France le [...] ; que la caisse d'allocations familiales de la Haute-Vienne lui ayant notifié, le 3 septembre 2015, un refus de versement des prestations pour l'enfan

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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 4 septembre 2017) et les productions, que Mme O... (l'allocataire), de nationalité gabonaise, entrée en France le 6 janvier 2014, a demandé le bénéfice des prestations familiales pour ses deux enfants, Z... T..., né au Gabon le [...] , et entré en France en mai 2015, et Précieux Ntoutoumou, né en France le [...] ; que la caisse d'allocations familiales de la Haute-Vienne lui ayant notifié, le 3 septembre 2015, un refus de versement des prestations pour l'enfant Z..., Mme O... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu que l'allocataire fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors, selon le moyen :

1°/ que Mme O... avait produit aux débats un bulletin de salaire en date du 31 juillet 2014 et un contrat de travail en date du 14 avril 2007, établissant qu'elle exerçait une activité rémunérée en France ; qu'en affirmant, afin de refuser à Mme O... le bénéfice des dispositions de la Convention franco-gabonaise du 2 octobre 1980 sur la sécurité sociale et son protocole additionnel du 2 avril 1981, qu'elle ne justifiait pas avoir exercé une activité salariée en France sans se prononcer sur ces deux pièces, établissant l'exercice d'une telle activité, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que, subsidiairement, Mme O... avait produit aux débats un bulletin de salaire en date du 31 juillet 2014 et un contrat de travail en date du 14 avril 2007, établissant qu'elle exerçait une activité rémunérée en France ; qu'en affirmant, afin de refuser à Mme O... le bénéfice des dispositions de la Convention franco-gabonaise du 2 octobre 1980 sur la sécurité sociale et son protocole additionnel du 2 avril 1981, qu'elle ne justifiait pas avoir exercé une activité salariée en France sans se prononcer, la cour d'appel a dénaturé par omission ces deux pièces versées aux débats, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

Mais attendu que l'arrêt relève que l'allocataire est titulaire d'une carte de séjour temporaire « étudiant - élève » qui lui a été délivrée le 31 décembre 2014 sur le fondement de I'article L. 313-7 du code de I'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il résulte d'un document ayant émané de la caisse primaire d'assurance maladie et daté du 16 juin 2016 que l'allocataire y est affiliée sous un régime 802 impliquant I'absence totale d'activité salariée connue et de ressources, et ayant entraîné le bénéfice de la prise en charge de ses frais de santé sur le seul critère de sa résidence stable et régulière ;

Que de ces constatations procédant, hors toute dénaturation, de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a exactement déduit que l'allocataire ne justifiant pas avoir exercé une activité salariée, même de manière saisonnière, ne pouvait invoquer le bénéfice des stipulations de la Convention franco-gabonaise du 2 octobre 1980 sur la sécurité sociale et son protocole additionnel du 2 avril 1981 ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le même moyen, pris en ses deux dernières branches :

Attendu que l'allocataire fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

3°/ que les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie ; qu'aux termes de la Convention d'établissement entre le gouvernement de la République française et le Gouvernement de la république gabonaise du 11 mars 2002, chacun des parties contractantes s'engage à accorder sur son territoire un traitement juste et équitable aux biens, droits et intérêts appartenant aux nationaux de l'autre partie, à leur assurer la pleine protection légale et judiciaire, et à faire en sorte que l'exercice du droit ainsi reconnu ne soit pas entravé ; que les nationaux de chacune des parties contractantes bénéficient sur le territoire de l'autre des dispositions de la législation du travail, des lois sociales et de sécurité sociale dans les mêmes conditions que les nationaux de cette partie, sous réserve qu'ils soient en situation régulière ; qu'il en résulte qu'un ressortissant gabonais, résidant légalement sur le territoire français, peut prétendre au bénéfice des prestations sociales prévues par la législation française pour ses enfants à charge, dès lors que ces derniers sont entrés régulièrement sur le territoire français ; qu'en décidant néanmoins que Mme O... ne pouvait prétendre au bénéfice des allocations familiales pour son enfant Z..., après avoir pourtant constaté que ce dernier était entré régulièrement sur le territoire français, de sorte qu'il ouvrait droit au bénéfice des prestations familiales en vertu du principe de l'égalité de traitement institué par la Convention d'établissement franco gabonaise, la cour d'appel a violé l'article 5 de la Convention d'établissement entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République gabonaise du 11 mars 2002, publiée par le décret n° 2004-684 du 8 juillet 2004, ensemble l'article 55 de la Constitution ;

4°/ que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; que si les dispositions
imposant la production d'un certificat médical à l'appui d'une demande de prestation familiale du chef d'un enfant étranger répondent à l'intérêt de la santé publique et à l'intérêt de la santé de l'enfant, de sorte qu'elles ne portent pas en elle-même, nécessairement, une atteinte disproportionnée aux droits à la vie familiale, la mise en oeuvre de cette exigence est susceptible de porter, selon les circonstances de l'espèce, une atteinte disproportionnée aux droits et à la vie familiale de l'intéressé ; qu'en se bornant à affirmer que les dispositions imposant la production d'un certificat médical pour le bénéfice de prestations familiales du chef d'un enfant né à l'étranger ne portent pas une atteinte disproportionnée aux droits à la vie familiale, sans rechercher si une telle atteinte était néanmoins caractérisée dans les circonstances de l'espèce, au regard du fait que Mme O... réside régulièrement sur le territoire français avec ses deux enfants et que, l'entrée sur le territoire étant intervenue, elle ne peut plus obtenir le certificat médical exigé, devant être délivré par l'Office français de l'intégration et de l'immigration lors de l'entrée sur le territoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard des articles L. 512-1, L. 512-2 et D. 512-2, 2°, du code de la sécurité sociale, ensemble les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que, selon l'article 2, alinéa 1er, de la Convention d'établissement entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République gabonaise, signée à Libreville le 11 mars 2002 et publiée par le décret n° 2004-684 du 8 juillet 2004, les nationaux de chacune des parties contractantes entrent sur le territoire de l'autre partie, y voyagent, y établissent leur résidence dans le lieu de leur choix et en sortent à tout moment, dans les conditions prévues par la Convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République gabonaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Paris le 2 décembre 1992 et publiée par le décret n° 2003-963 du 3 octobre 2003 ; que, selon l'article 8, alinéa 1er, de ladite Convention, les membres de la famille d'un ressortissant de l'une des parties contractantes peuvent être autorisés à rejoindre le conjoint régulièrement établi sur le territoire de l'autre dans le cadre de la législation en vigueur dans l'Etat d'accueil en matière de regroupement familial ; que, selon l'article L. 512-2, alinéas 2 et 3, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, titulaires d'un titre exigé d'eux en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France, bénéficient des prestations familiales sous réserve qu'il soit justifié, pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquelles les prestations sont demandées, notamment, de leur entrée régulière dans le cadre de la procédure de regroupement familial visée au livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, selon l'article D. 512-2 du même code, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2009-331 du 25 mars 2009, l'étranger doit justifier de la régularité du séjour de l'enfant entré dans le cadre de la procédure de regroupement familial par la production du certificat de contrôle médical de l'enfant, délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration à l'issue de la procédure d'introduction ou d'admission au séjour au titre du regroupement familial ;

Et attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'allocataire n'avait pas produit, à l'appui de sa demande de prestations familiales pour l'enfant Z..., entré en France pour rejoindre sa mère qui y séjournait régulièrement, le certificat médical prévu par la procédure de regroupement familial ;

Que de ces constatations, la cour d'appel a exactement déduit que Mme O... ne pouvait pas prétendre au bénéfice des prestations familiales pour l'enfant Z... ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme O... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour Mme O... .

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours de Madame R... O... tendant à voir annuler la décision de la Commission de recours amiable de la Caisse d'allocations familiales de la Haute-Vienne en date du 7 décembre 2015, ayant rejeté sa demande de prestations familiales en faveur de l'enfant Z... ;

AUX MOTIFS QUE, sur le fond, l'article L. 512-1 du Code de la sécurité sociale dispose : " Toute personne française ou étrangère résidant en France, ayant à sa charge un ou plusieurs enfants résidant en France, bénéficie pour ces enfants des prestations familiales dans les conditions prévues par le présent livre." ; que l'article L. 512-2 dispose : " Bénéficient également de plein droit des prestations familiales dans les conditions fixées par le présent livre les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, titulaire d'un titre exigé d'eux en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France. Ces étrangers bénéficient des prestations familiales sous réserve qu'il soit justifié, pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations sont demandées, de l'une des situations suivantes : -leur naissance en France, - leur entrée régulière dans le cadre de la procédure de regroupement familial visée au livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, - leur qualité de membre de famille de réfugié, - leur qualité d'enfant d 'étranger titulaire de l'une des cartes de séjour mentionnées au 10° de l 'article L. 313-11, à l'article L.313-1, ou à L. 313-8 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou encore à l'article 7° de l'article L. 313-11 à la condition que le ou les enfants soient entrés en France au plus tard en même temps que l'un des parents titulaires de la carte de séjour.." ; que l'article D. 512-2 qui fixe la liste des titres et justifications dispose, pour l'enfant né à l'étranger et non membre de famille d'un réfugié, d'un apatride ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire, que : " La régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a la charge et au titre des quels il demande des prestations familiales est justifiée par la production... - du certificat de contrôle médical de l'enfant délivré par l'Office français de l'immigration de l'intégration à l'issue de la procédure d'introduction ou d'admission au séjour au titre du regroupement familial ; - de l'attestation délivrée par l'autorité préfectorale, précisant que l'enfant est entré en France au plus tard en même temps que l'un de ses parents admis au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. .. " ; que Madame O... est titulaire d'une carte de séjour temporaire "étudiant - élève" qui lui a été délivrée le 31 décembre 2014 sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le droit interne résultant des articles L. 512-2 et D. 512-2 précités, dans leur rédaction issue respectivement de la loi n° 205-1579 du 19 décembre 2005 et du décret n° 2006-234 du 27 février 2006, subordonnent donc, pour l'enfant Z..., qui n'est ni réfugié, ni membre de réfugié, ni enfant d'étranger titulaire de l'une des cartes de séjour mentionnées au 10° de l'article L. 313-11 , à l'article L.313-1, ou à L. 313-8 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qui n'est pas rentré en France en même temps que madame O... , le versement des prestations familiales à la production d'un document attestant d'une entrée régulière en France au titre du regroupement familial et en particulier du certificat délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration ; que cependant, en présence de conventions internationales portant sur la sécurité sociale, il y a lieu de se référer en premier lieu aux stipulations des accords bilatéraux qui priment sur le droit interne français ; que, sur la convention franco-gabonaise du 02 octobre 1980 sur la sécurité sociale et son protocole additionnel du 02 avril 1981, le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise ont conclu le 2 octobre 1980 une convention générale sur la sécurité sociale, prévoyant en son article premier du titre 1 des dispositions générales que les ressortissants gabonais exerçant en France une activité salariée ou assimilée, de nature permanente ou saisonnière, sont soumis aux législations de sécurité sociale énumérées à l'article 3 - parmi lesquelles la législation relative aux assurances sociales et celle relative aux prestations familiales - et qu'ils en bénéficient ainsi que leurs ayants droit résidant en France, dans les mêmes conditions que les ressortissants français; que, toutefois, si le titre de séjour de madame O... l'autorise à exercer à titre accessoire une activité salariée, elle ne justifie pas avoir exercé une telle activité même de manière saisonnière ; qu'il résulte au contraire d'un document ayant émané de la Caisse primaire d'assurance maladie et daté du 16 juin 2016 qu'elle y est affiliée sous un régime 802 impliquant l'absence totale d'activité salariée connue et de ressources, et ayant entraîné le bénéfice de la prise en charge de ses frais de santé sur le seul critère de sa résidence stable et régulière (ex couverture maladie universelle - CMU - devenue protection universelle maladie - PUM - au 01 janvier 2016) ; qu'elle n'est donc pas fondée à solliciter le bénéfice des prestations familiales sur le fondement de cette convention ; que si les deux Gouvernements français et gabonais ont par ailleurs conclu le 02 avril 1981 un protocole additionnel prévoyant une égalité de traitement entre les étudiants gabonais et les étudiants français sur le territoire de chacun des deux Etats, cette égalité de traitement ne porte, selon l'intitulé même de ce protocole, que sur le régime d'assurances sociales des étudiants ; que madame O... ne peut donc s'en prévaloir au titre de la législation relative aux prestations familiales ; que, sur la convention franco-gabonaise d'établissement du 11 mars 2002, cette convention, signée à Libreville le 11 mars 2002, a été approuvée par la loi du 26 juin 2003 et publiée au journal officiel de la République française par décret du 08 juillet 2004 ; que l'article 5 de cette convention dispose : " Chacune des parties contractantes s'engage à accorder sur son territoire un traitement juste et équitable aux biens, droits et intérêts appartenant aux nationaux de l'autre Partie, à leur assurer la pleine protection légale et judiciaire et à faire en sorte que l'exercice du droit ainsi reconnu ne soit pas entravé. Les nationaux de chacune des Parties contractantes bénéficient sur le territoire de l'autre des dispositions de la législation du travail, des lois sociales et de sécurité sociale dans les mêmes conditions que les nationaux de cette partie, sous réserve qu'ils soient en situation régulière." ; que les termes employés de "traitement juste et équitable", pour ce qui concerne les droits et biens, ne peuvent être interprétés comme devant conduire à une égalité de traitement en tous domaines ; que si, en revanche, cette convention confère aux ressortissants gabonais le bénéfice du même traitement que les nationaux pour "les lois sociales et de sécurité sociale", c'est à la condition qu'ils soient régulièrement entrés sur le territoire français ; que depuis le 1er janvier 2006, date d'entrée en vigueur de la loi n° 2005.1579 du 19 décembre 2005, ayant modifié l'article L.512-2 du Code de la sécurité sociale, le versement des prestations familiales est subordonné à la production d'un document de séjour personnel à l'enfant et que le document de circulation pour mineur étranger qui a été délivré à l'enfant Z... le 29 juillet 2015 n'équivaut pas aux titres limitativement énumérés par l'article D. 512-2 du Code de la sécurité sociale pour justifier de la régularité de son entrée et de son séjour en France ; que si la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) a considéré dans une délibération du 1er septembre 2008 que seule la régularité du séjour des parents pouvait être exigée, la Cour européenne des droits de l'homme a elle-même retenu dans un arrêt du 8 septembre 2015 (Osungu c/France, n° 76860/11) que ne constitue pas une discrimination le fait de ne pas prendre en compte dans le calcul des prestations familiales les enfants étrangers arrivés en France en dehors de la procédure de regroupement familial ; que madame O... ne peut donc davantage se prévaloir de cette convention pour obtenir le bénéfice des prestations familiales pour l'enfant Z...; (
) que, sur la conformité du droit interne à la Convention européenne des droits de l'homme et à la Convention internationale des droits de l'enfant, par une décision n°205-528 du Conseil constitutionnel en date du 15 décembre 2005, l'article L. 512-2 a été déclaré conforme à la Constitution et que, par un arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation du 3 juin 2011, ce texte, ainsi que l'article D. 512-2, ont été jugés compatibles avec les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi qu'à l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant, en ce qu'ils revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité dans un Etat démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants, en ce qu'ils ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par la Convention européenne des droits de l'homme, ni ne méconnaissent les dispositions de la Convention internationale des droits de l'enfant ; qu'il sera ainsi répondu pour les écarter aux moyens invoqués d'une prétendue atteinte de la règle de droit interne aux articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et 1 de son protocole additionnel n°1 et à l'article 3-1 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

1°) ALORS QUE Madame O... avait produit aux débats un bulletin de salaire en date du 31 juillet 2014 et un contrat de travail en date du 14 avril 2007, établissant qu'elle exerçait une activité rémunérée en France ; qu'en affirmant, afin de refuser à Madame O... le bénéfice des dispositions de la Convention Franco-Gabonaise du 2 octobre 1980 sur la sécurité sociale et son protocole additionnel du 2 avril 1981, qu'elle ne justifiait pas avoir exercé une activité salariée en France sans se prononcer sur ces deux pièces, établissant l'exercice d'une telle activité, la Cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE, subsidiairement, Madame O... avait produit aux débats un bulletin de salaire en date du 31 juillet 2014 et un contrat de travail en date du 14 avril 2007, établissant qu'elle exerçait une activité rémunérée en France ; qu'en affirmant, afin de refuser à Madame O... le bénéfice des dispositions de la Convention Franco-Gabonaise du 2 octobre 1980 sur la sécurité sociale et son protocole additionnel du 2 avril 1981, qu'elle ne justifiait pas avoir exercé une activité salariée en France sans se prononcer, la Cour d'appel a dénaturé par omission ces deux pièces versées aux débats, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

3°) ALORS QUE les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie ; qu'aux termes de la Convention d'Etablissement entre le Gouvernement de la République Française et le Gouvernement de la République Gabonaise du 11 mars 2002, chacun des Parties contractantes s'engage à accorder sur son territoire un traitement juste et équitable aux biens, droits et intérêts appartenant aux nationaux de l'autre Partie, à leur assurer la pleine protection légale et judiciaire, et à faire en sorte que l'exercice du droit ainsi reconnu ne soit pas entravé ; que les nationaux de chacune des Parties contractantes bénéficient sur le territoire de l'autre des dispositions de la législation du travail, des lois sociales et de sécurité sociale dans les mêmes conditions que les nationaux de cette Partie, sous réserve qu'ils soient en situation régulière ; qu'il en résulte qu'un ressortissant gabonais, résidant légalement sur le territoire français, peut prétendre au bénéfice des prestations sociales prévues par la législation française pour ses enfants à charge, dès lors que ces derniers sont entrés régulièrement sur le territoire français ; qu'en décidant néanmoins que Madame O... ne pouvait prétendre au bénéfice des allocations familiales pour son enfant Z..., après avoir pourtant constaté que ce dernier était entré régulièrement sur le territoire français, de sorte qu'il ouvrait droit au bénéfice des prestations familiales en vertu du principe de l'égalité de traitement institué par la Convention d'Etablissement franco-gabonaise, la Cour d'appel a violé l'article 5 de la Convention d'Etablissement entre le Gouvernement de la République Française et le Gouvernement de la République Gabonaise du 11 mars 2002, publiée par le décret n° 2004-684 du 8 juillet 2004, ensemble l'article 55 de la Constitution ;

4°) ALORS QUE toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; que si les dispositions imposant la production d'un certificat médical à l'appui d'une demande de prestation familiale du chef d'un enfant étranger répondent à l'intérêt de la santé publique et à l'intérêt de la santé de l'enfant, de sorte qu'elles ne portent pas en elle-même, nécessairement, une atteinte disproportionnée aux droits à la vie familiale, la mise en oeuvre de cette exigence est susceptible de porter, selon les circonstances de l'espèce, une atteinte disproportionnée aux droits et à la vie familiale de l'intéressé ; qu'en se bornant à affirmer que les dispositions imposant la production d'un certificat médical pour le bénéfice de prestations familiales du chef d'un enfant né à l'étranger ne portent pas une atteinte disproportionnée aux droits à la vie familiale, sans rechercher si une telle atteinte était néanmoins caractérisée dans les circonstances de l'espèce, au regard du fait que Madame O... réside régulièrement sur le territoire français avec ses deux enfants et que, l'entrée sur le territoire étant intervenue, elle ne peut plus obtenir le certificat médical exigé, devant être délivré par l'Office Français de l'Intégration et de l'Immigration lors de l'entrée sur le territoire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard des articles L. 512-1, L. 512-2 et D. 512-2, 2°, du Code de la sécurité sociale, ensemble les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-20725
Date de la décision : 10/10/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 04 septembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 10 oct. 2019, pourvoi n°18-20725


Composition du Tribunal
Président : M. Prétot (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.20725
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