LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 461-2, alinéa 5, D. 461-7 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, et le tableau n° 30 bis des maladies professionnelles ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que l'examen radiologique des poumons prévu par le deuxième d'entre eux, n'est exigé que pour l'appréciation du respect de la condition relative au délai de prise en charge de la pathologie fixé par le tableau ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. B..., salarié de la société KME Brass France (l'employeur), a déclaré une maladie prise en charge au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne (la caisse) ; que contestant l'opposabilité de cette décision à son égard, l'employeur a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que pour faire droit au recours, l'arrêt retient qu'alors que la société KME Brass France relève à juste titre que la caisse ne justifie pas de la réalisation de l'examen radiologique des poumons prévu par l'article D. 461-7 des maladies professionnelles, ne peuvent valablement y suppléer ni le protocole d'accord du 13 septembre 2012 ni l'examen anatomo-pathologique du 24 octobre 2012 évoqués par le médecin conseil de la caisse dans ses avis des 29 avril 2013 et 7 avril 2015 ; qu'il appartient à la caisse subrogée aux droits de l'assuré qu'elle a indemnisé de démontrer que les conditions légales de prise en charge ont été respectées ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la réalisation d'un examen radiologique des poumons n'est pas une condition de prise en charge d'une pathologie sur le fondement du tableau n°30 bis des maladies professionnelles, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare inopposable à la société KME Brass France la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par M. B..., l'arrêt rendu le 31 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne la société KME Brass France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société KME Brass France et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne.
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'infirmant le jugement entrepris, il a déclaré inopposable à la société KME BRASS FRANCE la décision de prise en charge au titre de la maladie professionnelle de la maladie déclarée le 7 décembre 2012 par Monsieur B... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « selon l'article L. 461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau des maladies professionnelles et dans les conditions prévues à ce tableau. L'alinéa 3 prévoit que si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladie professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime. En application de l'alinéa 4, peut être également d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladie professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime. Dans CCS deux derniers cas, l'alinéa 5 précise que la caisse primaire d'assurance maladie reconnaît l'origine professionnelle de la maladie, après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP). Le tableau 30 bis retenu par la caisse au soutien de sa décision de prise en charge désigne dans sa version issue du décret n°2000-343 du 14 avril 2000 applicable en l'espèce, le cancer broncho-pulmonaire au titre des pathologies provoquées par l'inhalation de poussières d'amiante, le délai de prise en charge étant fixé à 40 ans, sous réserve d'une durée d'exposition de 10 ans. Par ailleurs ce tableau énonce de façon limitative les travaux susceptibles de les provoquer. Enfin l'article L. 461-2 dernier alinéa prévoit qu'à partir de la date à laquelle un travailleur a cessé d'être exposé à l'action des agents nocifs inscrits à ces tableaux, la caisse primaire d'assurance maladie ne prend en charge, en vertu des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 461-1, les maladies correspondant à ces travaux que si la première constatation médicale intervient pendant le délai fixé à chaque tableau. L'article D. 461-7 précise que pour l'application de ce dernier alinéa, la première constatation médicale intervient après un examen radiologique des poumons, et le cas échéant, tout examen complémentaire utile, sauf en cas de décès de la victime. Mais alors que la société KME Brass France relève à juste titre que la caisse ne justifie pas de la réalisation de cet examen, ne peuvent valablement y suppléer ni le protocole d'accord du 13 septembre 2012 ni l'examen anatemo-pathologique du 24 octobre 2012 évoqués par le médecin conseil de la caisse dans ses avis des 29 avril 2013 et 7 avril 2015. Il appartient à la caisse subrogée aux droits de l'assuré qu'elle a indemnisé de démontrer que les conditions légales de prise en charge ont été respectées. Une telle preuve faisant défaut, la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle sera déclarée inopposable à la société KME Brass France. » ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, en application du tableau 30 bis des maladies professionnelles, la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, du cancer broncho-pulmonaire primitif n'est pas subordonnée à la réalisation d'un examen radiologique des poumons ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L. 461-1 et L. 461-2 du Code de la sécurité sociale, ensemble le tableau n°30 bis des maladies professionnelles ;
ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, si pour les affections causées par l'exposition habituelle des salariés à l'action des agents nocifs, pour les besoins de l'appréciation de la condition tenant au délai de prise en charge, en application des articles L. 461-2 et D. 461-7 du Code de la sécurité sociale, la première constatation médicale de la maladie doit intervenir après un examen radiologique des poumons, ces dispositions précisent qu'elles ne s'appliquent pas en cas de décès de l'assuré ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans constater que Monsieur B... n'était pas décédé, alors que la CPAM de l'ORNE rappelait qu'il était décédé le [...] , la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 461-1, L. 461-2 et D. 461-7 du Code de la sécurité sociale, ensemble le tableau n°30 bis des maladies professionnelles.
ALORS QUE, TROISIEMEMENT, si pour les affections causées par l'exposition habituelle des salariés à l'action des agents nocifs, pour les besoins de l'appréciation de la condition tenant au délai de prise en charge, en application des articles L. 461-2 et D. 461-7 du Code de la sécurité sociale, la première constatation médicale de la maladie doit intervenir après un examen radiologique des poumons, ces dispositions ne peuvent trouver à s'appliquer et la preuve de la réalisation d'un examen radiologique ne peut être exigée lorsqu'aucune contestation n'est élevée s'agissant du délai de prise en charge ; que tel était le cas en l'espèce ; que dès lors, la Cour d'appel a violé les articles L. 461-1, L. 461-2 et D. 461-7 du Code de la sécurité sociale, ensemble le tableau n°30 bis des maladies professionnelles.
ET ALORS QUE, QUATRIEMEMENT, si pour les affections causées par l'exposition habituelle des salariés à l'action des agents nocifs, pour les besoins de l'appréciation de la condition tenant au délai de prise en charge, en application des articles L. 461-2 et D. 461-7 du Code de la sécurité sociale, la première constatation médicale de la maladie doit intervenir après un examen radiologique des poumons, ces dispositions ne peuvent trouver à s'appliquer et la preuve de la réalisation d'un examen radiologique ne peut être exigée lorsqu'il est constant, non contesté et qu'il résulte des constatations des juges du fond que le délai de prise en charge a été respecté ; que tel était le cas en l'espèce ; que dès lors, la Cour d'appel a violé les articles L. 461-1, L. 461-2 et D. 461-7 du Code de la sécurité sociale, ensemble le tableau n°30 bis des maladies professionnelles.