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10/10/2019 | FRANCE | N°18-17027

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 octobre 2019, 18-17027


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 22 mars 2018), qu'alléguant avoir prêté certaines sommes à la société SCTP ainsi qu'à MM. L... et E... D... entre le 10 octobre 2006 et le 23 avril 2008, et soutenant que ces derniers s'étaient engagés à les lui rembourser dans un délai de cinq ans à compter du dernier versement, Mme Y..., dit Q..., les a assignés en paiement, par acte d'huissier de justice du 29 septembre 2014 ; que ceux-ci ont contesté que les sommes aient

été versées à titre de prêt et invoqué la prescription de l'action ;

Attendu ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 22 mars 2018), qu'alléguant avoir prêté certaines sommes à la société SCTP ainsi qu'à MM. L... et E... D... entre le 10 octobre 2006 et le 23 avril 2008, et soutenant que ces derniers s'étaient engagés à les lui rembourser dans un délai de cinq ans à compter du dernier versement, Mme Y..., dit Q..., les a assignés en paiement, par acte d'huissier de justice du 29 septembre 2014 ; que ceux-ci ont contesté que les sommes aient été versées à titre de prêt et invoqué la prescription de l'action ;

Attendu que Mme Y..., dit Q..., fait grief à l'arrêt de déclarer son action irrecevable comme prescrite, alors, selon le moyen :

1°/ que la preuve du contenu d'un acte de prêt peut être rapportée par témoignage en cas d'impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit ; qu'en l'espèce, Mme Y... dit Q... faisait valoir qu'elle avait prêté à MM. D... une somme d'argent qu'ils s'étaient engagés à rembourser sous cinq ans après le dernier versement et qu'elle avait à plusieurs reprises tenté d'obtenir une reconnaissance de dette de MM. D..., mais que ces derniers l'avaient menacée physiquement et verbalement, et versait aux débats des attestations établissant cette impossibilité ; qu'en retenant, en l'espèce, par motifs propres, pour retenir que l'action était prescrite, que la preuve de la remise des fonds et de l'obligation de restitution à échéance de cinq ans ne pouvait émaner de simples témoins en l'absence d'engagement de destinataires et qu'il n'était pas démontré, sauf les propres affirmations de Mme Y... dit Q... que les sommes n'étaient pas exigibles avant cinq ans, tout en constatant, par motifs adoptés, que Mme Y... dit Q... avait été victime de l'autorité, des intimidations de MM. D... et vivait dans un climat de quasi-terreur, sans rechercher si ces circonstances n'établissaient pas l'impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit justifiant de l'existence de sa créance et de son terme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1348 devenu 1360 du code civil ;

2°/ que les juges du fond doivent examiner les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable l'action de Mme Y... dit Q..., les premiers juges avaient écarté les attestations produites par elle émanant de Mme H... et de Mme M..., en date des 11 juillet 2015 et 25 juillet 2015, motifs pris qu'elles ne précisaient pas les dates ou périodes auxquelles MM. D... s'étaient engagés à restituer les sommes prêtées cinq ans après leur versement ; qu'en conséquence, Mme Y... dit Q... avait versé en cause d'appel de nouvelles attestations plus précises émanant également de Mme H... et de Mme M... en date des 17 et 22 janvier 2017, dont il résultait que MM. D... avaient, les 15 août 2009 et 18 février 2013, reconnu devoir rembourser sous cinq ans les sommes qui leur avaient été versées par Mme Y... dit Q... et qu'ils avaient systématiquement refusé de les rembourser en menaçant Mme Y... dit Q..., en l'insultant et en levant la main sur elle ; qu'en s'abstenant d'examiner ces attestations, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant estimé que Mme Y..., dit Q..., ne démontrait pas en quoi les intimidations ou le climat de quasi-terreur que lui auraient imposés MM. D... constitueraient une cause de suspension ou d'interruption du délai de prescription de son action en paiement, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à une recherche relative à l'impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit, qui ne lui était pas demandée ;

Et attendu, ensuite, qu'ayant relevé qu'aucun engagement n'émanait des destinataires, parfois supposés, des remises et qu'il n'était pas établi que les sommes litigieuses n'auraient pas été exigibles avant cinq ans, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir l'absence de commencement de preuve par écrit émané de MM. D... relatif à l'existence de prêts remboursables à dater du 23 avril 2008, n'était pas tenue d'examiner les témoignages produits en cause d'appel par Mme Y..., dit Q... ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme T..., épouse Y... dit Q..., aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme T...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'action de Mme Y... dit Q... irrecevable pour cause de prescription ;

Aux motifs propres que pour justifier des différentes sommes qui auraient été remises à MM. E... et L... D..., Mme G... Y... dit Q... communique plusieurs relevés de compte, au nom de sa mère, Mme Reymonde T... entre octobre 2006 et mai 2008, sur lesquels apparaissent des retraits d'argent réguliers et conséquents, des bordereaux de retrait d'espèces sur le compte des époux Y... dit Q... qui paraissent se fonder sur une procuration, la signature n'étant pas sur les retraits, celle des titulaires du compte, un chèque de 25 000 euros émis sur son propre compte ouvert à la BNP Paribas à l'ordre de la société SCTP, mise depuis en liquidation judiciaire par décision du mois d'octobre 2010, ainsi que plusieurs chèques bénéficiant à cette même société tirés sur la banque Laydernier, une lettre de mise en demeure de payer expédiée le 3 novembre 2012, dans laquelle Mme G... Y... dit Q... prétend être remboursée d'une somme de 372 000 euros qu'elle aurait prêtée à MM. D... et une mise en demeure du 20 mars 2013 rédigée par son conseil ; que l'addition de ces différents montants est effectivement très importante, mais qu'aucun écrit ne démontre le motif de remise des fonds, et l'obligation de les restituer ; que cette preuve ne peut d'ailleurs émaner de simples témoins alors qu'aucun engagement n'émane des destinataires, parfois supposés des remises, puisque l'identité ne figure pas sur les bordereaux de retrait et que l'utilisation des fonds ne peut être déterminée ; que pas davantage n'est-il démontré, sauf les propres affirmations de Mme G... Y... dit Q..., qui y a intérêt, que les sommes n'étaient pas exigibles avant cinq ans ; que selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent pas cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que cette prescription extinctive a été édictée par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, dont l'article 26 au titre des dispositions transitoires, lorsque la durée de prescription est réduite, impose le calcul de prescription à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, soit le 19 juin 2008, sans que la durée totale ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; que le premier juge de manière pertinente a relevé que l'obligation de rembourser et la date de remboursement alléguée, cinq ans plus tard, n'étaient pas prouvées, de sorte que la prescription de l'action en paiement est effectivement acquise au 19 juin 2013 alors que l'assignation n'a été délivrée que postérieurement, le 29 septembre 2014 ; que dès lors, Mme Y... dit Q... est irrecevable en sa demande ; et aux motifs, à les supposer adoptés, qu'il n'est pas contesté que le versement par la demanderesse des sommes en question s'est échelonné entre de 10 octobre 2006 et le 23 avril 2008 ; que pour voir juger que son action est recevable, Mme Y... dit Q... soutient que le remboursement des sommes prêtées devait s'effectuer dans un délai de cinq ans et que le délai de prescription de cinq années a commencé à courir à compter du 23 avril 2013 ; qu'elle verse à cet effet aux débats deux attestations, la première de Mme H... qui déclare « j'ai assisté à des conversations entre Mme Y... et MM. D..., Mme Y... a proposé à plusieurs reprises des modalités de remboursement (
) M. D... L... lui a assuré, voire juré, qu'ils la rembourseraient », et que la seconde de Mme M... indique « avoir participé à des conversations au cours desquelles Mme Y... a pu dire à M. D... il faut que tu rembourses, on peut trouver un terrain d'entente, ce à quoi M. D... répondait si je ne te rembourse pas dans les cinq ans c'est que je suis vraiment mauvais, ou un autre jour où Mme Y... réclamait une preuve écrite de reconnaissance de dette, M. D... répondait oui, oui des sommes pareilles je les ai toutes dans la tête » (pièces n° 40 et 41) ; que ces attestations ne précisent pas les dates ou périodes où ces dires ont été tenus ; qu'elle produit également deux copies de lettres recommandées adressées à MM. D... datées du 11 novembre 2012 et du 20 mars 2013 dans lesquelles elle réclame le remboursement de la somme prêtée « et dont vous vous étiez engagés à me remboursement en totalité dans les cinq ans » (pièces 17 et 18) ; que si ces courriers tendent à conforter la position de Mme Y... dit Q..., ils sont insuffisants pour déterminer que les défendeurs avaient accepté que le remboursement de la somme prêtée se fasse selon ces modalités, d'autant plus qu'ils contestent que les versements en question soient des prêts ; que par ailleurs, aucune reconnaissance de dette précisant des modalités de remboursement dont se prévaut Mme G... Y... dit Q... n'est produite, cette dernière se limitant à verser les copies des chèques, relevés de compte et justificatifs de retrait en espèces, pour démontrer les versements des sommes en cause, que MM. D... ne contestent pas au demeurant ; qu'enfin la demanderesse ne démontre pas en quoi leur autorité, leurs intimidations et le climat de quasi-terreur dans lequel elle a vécu constituerait une cause de suspension et/ou d'interruption du délai de prescription ; qu'aussi dans ces conditions convient-il de dire qu'au moment de l'assignation, délivrée le 29 septembre 2014, l'action en remboursement étai prescrite et qu'ainsi la demande de Mme Y... dit Q... est irrecevable ;

Alors 1°) que la preuve du contenu d'un acte de prêt peut être rapportée par témoignage en cas d'impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit ; qu'en l'espèce, Mme Y... dit Q... faisait valoir qu'elle avait prêté à MM. D... une somme d'argent qu'ils s'étaient engagés à rembourser sous cinq ans après le dernier versement et qu'elle avait à plusieurs reprises tenté d'obtenir une reconnaissance de dette de MM. D..., mais que ces derniers l'avaient menacée physiquement et verbalement, et versait aux débats des attestations établissant cette impossibilité ; qu'en retenant en l'espèce, par motifs propres, pour retenir que l'action était prescrite, que la preuve de la remise des fonds et de l'obligation de restitution à échéance de 5 ans, ne pouvait émaner de simples témoins en l'absence d'engagement de destinataires et qu'il n'était pas démontré, sauf les propres affirmations de Mme Y... dit Q..., que les sommes n'étaient pas exigibles avant cinq ans, tout en constatant, par motifs adoptés, que Mme Y... dit Q... avait été victime de l'autorité, des intimidations de MM. D... et vivait dans un climat de quasi-terreur, sans rechercher si ces circonstances n'établissaient pas l'impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit justifiant de l'existence de sa créance et de son terme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1348 devenu 1360 du code civil ;

Alors 2°) que les juges du fond doivent examiner les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable l'action de Mme Y... dit Q..., les premiers juges avaient écarté les attestations produites par elle émanant de Mme H... et de Mme M..., en date des 11 juillet 2015 et 25 juillet 2015, motifs pris qu'elles ne précisaient pas les dates ou périodes auxquelles MM. D... s'étaient engagés à restituer les sommes prêtées cinq ans après leur versement ; qu'en conséquence, Mme Y... dit Q... avait versé en cause d'appel de nouvelles attestations plus précises émanant également de Mme H... et de Mme M... en date des 17 et 22 janvier 2017, dont il résultait que MM. D... avaient, les 15 août 2009 et 18 février 2013, reconnu devoir rembourser sous cinq ans les sommes qui leur avaient été versées par Mme Y... dit Q... et qu'ils avaient systématiquement refusé de les rembourser en menaçant Mme Y... dit Q..., en l'insultant et en levant la main sur elle ; qu'en s'abstenant d'examiner ces attestations, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-17027
Date de la décision : 10/10/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 22 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 10 oct. 2019, pourvoi n°18-17027


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.17027
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