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10/10/2019 | FRANCE | N°18-16953

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 10 octobre 2019, 18-16953


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 20 mars 2018), que M. B... exploite une parcelle arboricole à proximité d'une carrière qu'il a cédée en 2004 à la société par actions simplifiée Granulats Vicat (la société) ; que, par acte du 24 mars 2006, la société lui a acheté cette parcelle ; que, par acte du 1er août 2014, la société a consenti à M. B... un prêt à usage gratuit de terrains comportant cette parcelle, pour une durée de deux années à compter du 23 avril 2014 ; que, par décla

ration du 25 janvier 2016, M. B... a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 20 mars 2018), que M. B... exploite une parcelle arboricole à proximité d'une carrière qu'il a cédée en 2004 à la société par actions simplifiée Granulats Vicat (la société) ; que, par acte du 24 mars 2006, la société lui a acheté cette parcelle ; que, par acte du 1er août 2014, la société a consenti à M. B... un prêt à usage gratuit de terrains comportant cette parcelle, pour une durée de deux années à compter du 23 avril 2014 ; que, par déclaration du 25 janvier 2016, M. B... a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en reconnaissance d'un bail à ferme ; que la société s'y est opposée et a demandé reconventionnellement la libération des lieux après remise en état ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. B... fait grief à l'arrêt de dire qu'il ne bénéficie pas d'un bail à ferme mais d'un prêt à usage ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la convention permettant à M. B... de continuer à jouir à titre précaire des parcelles qu'il avait vendues à la société ne mettait aucune contrepartie à sa charge, constaté qu'à défaut de mutation cadastrale, le nom du vendeur figurant toujours sur les rôles d'imposition, l'appel de taxe foncière avait été adressé à l'ancien propriétaire et relevé que celui-ci avait continué à la payer en sachant qu'il ne la devait pas, sans en avertir la société ni les services fiscaux, la cour d'appel en a exactement déduit que la requalification du prêt à usage en bail à ferme n'était pas justifiée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. B... fait grief à l'arrêt de mettre à sa charge la remise en état des terres et leur dépollution ;

Mais attendu qu'il ressort de ses écritures, ainsi que de l'arrêt, que M. B... n'a présenté aucun moyen en défense à la demande de la société Granulats Vicat, tant sur les modalités de restitution des terres que sur les éléments de preuve de leur état produits par son contradicteur ;

D'où il suit que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit, et partant irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. B... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. B... et le condamne à payer à la société Granulats Vicat la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. B....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que M. K... B... ne bénéficie pas d'un bail à ferme portant sur les parcelles situées à Châteauneuf-sur-Isère, figurant au cadastre sous les numéros [...], [...], [...], [...] et [...], [...], [...] et [...] appartenant à la société Granulats Vicat, d'AVOIR dit que le contrat qui liait les parties était un prêt à usage venu à échéance et d'AVOIR ordonné à M. K... B..., dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision, de libérer lesdites parcelles, et ce, passé ce délai sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard, dont le tribunal se réserve expressément le pouvoir de procéder à la liquidation ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la nature de la convention ; que M. K... B... prétend que la convention initiale de mise à disposition des parcelles (prêt à usage) doit en réalité être requalifiée en bail à ferme en ce qu'il a réglé les taxes foncières relatives aux parcelles en cause au titre des années 2008, 2011, 2012, 2013 et 2014, ce qui caractériserait, d'après lui, l'aspect onéreux de la convention ; qu'en l'espèce, les principaux éléments factuels pris en compte par le premier juge pour ne pas retenir la qualification de bail à ferme sont les suivants : - les parcelles en cause appartenaient à l'origine à M. B... ; - elles ont été vendues par lui à la SAS Granulats Vicat ; - à défaut de mutation cadastrale, M. K... B... figure toujours sur les rôles d'imposition à la taxe foncière relativement à ces parcelles ; - la taxe foncière était donc logiquement appelée sur son nom, ce qu'il reconnaît dans ses écritures (article 1403 du code général des impôts) ; - le défaut de mutation des parcelles présente néanmoins un caractère involontaire ; en payant des sommes relatives aux parcelles, M. K... B... a volontairement choisi de ne pas respecter la lettre de la convention initiale qu'il connaissait et qu'il avait signée ; - M. K... B... a continué à payer ces taxes foncières en sachant qu'il ne le devait pas (erreur des services d'assiette), et sans en avertir le nouveau propriétaire ni les services fiscaux ; - il reconnaît lui-même dans ses propres écritures "C'est en toute bonne foi que M. K... B... a continué à régler le montant de la taxe foncière qui lui était adressée puisque ce dernier exploitait les terres, d'abord par l'intermédiaire d'une convention Safer et ensuite par mise à disposition de la société Granulats" ; - de façon dérogatoire au droit commun du bail à ferme, la convention initiale ne comportait pas de contrepartie ; - cette convention s'analyse bien comme un simple prêt à usage ; - ce prêt à usage est venu à échéance le 23 avril 2016 ; - depuis cette date, M. K... B... ne dispose plus de titre pour exploiter et occuper les lieux ; - la libération des parcelles s'impose ; - la SAS Granulats Vicat s'est engagée à rembourser les taxes foncières indûment versées ; que s'agissant donc du maintien de la qualification de prêt à usage concernant la convention en date du 1er août 2014 entre la SAS Granulats Vicat et M. K... B..., c'est par des motifs pertinents au vu des justificatifs qui lui étaient soumis, que le tribunal paritaire des baux ruraux de Valence s'est livré à une exacte analyse des faits et à une juste application des règles de droit (articles L. 411-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, 18[...] et suivants du code civil, 1402 et 1403 du code général des impôts). La cour, adoptant cette motivation, confirmera la qualification de prêt à usage de la convention susvisée et le rejet de l'ensemble des demandes de M. K... B... ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE concernant l'historique des relations contractuelles des parties, il conviendra simplement de se référer à leurs conclusions, cet historique ne faisant pas l'objet d'une contestation ; que cet historique a cependant une importance certaine puisqu'il permet de replacer dans un cadre plus large la simple convention examinée par ce tribunal ; que par acte sous seing privé en date du 1er août 2014, la SAS Granulats Vicat et M. K... B... ont convenu : - que la SAS Granulats Vicat, prêteur, prête à titre de prêt à usage gratuit conformément aux articles 1875 et suivants du code civil, à M. K... B..., l'emprunteur, qui accepte, le bien suivant : les parcelles situées à Châteauneuf-sur-Isère cadastrées section [...] et section YO, [...], [...], [...], [...], 124J, [...] et [...], - que ce prêt était fait pour une durée de deux années à compter du 23 avril 2014, - qu'à l'expiration de la durée convenue, le prêt sera tacitement reconduit, d'année en année, sauf à l'une ou l'autre des parties de manifester sa volonté de mettre fin à cette tacite reconduction, six mois avant le terme par lettre recommandée avec accusé de réception, - que le propriétaire s'engageait à laisser l'emprunteur jouir gratuitement du bien, - que l'emprunteur n'aura aucune redevance, aucune indemnité d'occupation ou autre contrepartie à verser au prêteur ; que ce contrat est donc particulièrement clair et ses dispositions ne nécessitent aucune interprétation ; que M. K... B... était parfaitement informé que cette mise à disposition gratuite ne l'obligeait à régler aucune contrepartie au prêteur, quelle qu'elle soit ; que par lettre en date du 17 septembre 2015, la SAS Granulats Vicat a fait parvenir une lettre à M. K... B... pour l'informer qu'elle souhaitait mettre un terme au prêt à usage à effet du 23 avril 2016, terme des deux années visées dans le contrat ; que pour fonder sa demande de requalification de ce prêt à usage en bail à ferme, M. K... B... se fonde exclusivement sur le fait qu'il a réglé les taxes foncières an titre des parcelles concernées pour les années 2008, 2011, 2012, 2013 et 2014, ce qui caractérisait l'aspect onéreux de la convention ; qu'il conviendra de rejeter cette analyse dès lors qu'il ressort très clairement des éléments versées aux débats par les parties, que les terres prêtées à M. K... B... lui appartenaient à l'origine et que c'est pour ce seul motif que les taxes foncières lui étaient encore adressées dès lors qu'il n'avait pas été procédé aux mutations cadastrales utiles après les ventes, compte tenu du contexte particulier dans lesquelles elles avaient pu intervenir ; que d'ailleurs, M. K... B... admet lui-même dans ses conclusions que ce n'est pas par suite d'un accord intervenu entre les parties qu'il avait pris en charge le paiement des taxes foncières mais par application d'articles du code des impôts prévoyant que tant qu'une mutation cadastrale n'est pas faite, l'ancien propriétaire continue à être imposé au rôle ; que de plus, M. K... B... n'a pas justifié avoir avisé la SAS Granulats Vicat de cette situation anormale et a donc unilatéralement continué à payer un impôt qu'il ne devait pas, en le sachant, et en n'avisant pas le propriétaire des terres qu'il lui était demandé de régler pour son compte un impôt qu'il ne devait pas ; que M. K... B... ne peut venir soutenir, plusieurs années après, et donc avec une certaine mauvaise foi, qu'il avait ainsi réglé une contrepartie financière alors qu'il savait que ce paiement résultait d'une erreur (en toute hypothèse, il n'était plus le propriétaire des parcelles et il n'aurait plus dû recevoir les avis de taxes foncières) et alors que la convention liant les parties a pour date le 1er août 2014 et qu'il avait alors été précisément dit que l'emprunteur n'aurait aucune redevance à payer, de sorte que l'emprunteur ne pouvait avoir une attitude contraire à l'accord passé susceptible de le remettre en cause en continuant à régler des taxes foncières (versées dans un autre contexte juridique au surplus) indues ; qu'il convient donc de dire que le contrat liant les parties n'est pas un bail à ferme mais un prêt à usage étant venu à échéance, sur demande du prêteur, à la date du 23 avril 2016 ; que depuis cette date, M. K... B... ne dispose plus de titre pour exploiter et occuper les lieux ; qu'il lui sera donc ordonné de libérer les parcelles de toute occupation dans le délai de deux mois suivant la notification du présent jugement, et ce sous astreinte ;

ALORS QUE toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole est soumise au statut du fermage ; que le paiement par le preneur des taxes foncières afférentes aux parcelles litigieuses, charges incombant exclusivement au propriétaire, caractérise l'onérosité de leur mise à disposition ; qu'en l'espèce, M. B... faisait valoir qu'en contrepartie de la mise à disposition des parcelles litigieuses, organisée par la convention en date du 1er août 2014, il avait continué pendant plusieurs années à régler les taxes foncières afférentes à ces parcelles, ce qui caractérisait une contrepartie onéreuse ; que M. B... expliquait que le paiement des taxes foncières ne résultait pas d'une appréciation unilatérale de sa part mais d'un accord avec la société Granulats Vicat laquelle, en sa qualité de professionnelle en matière d'exploitation de carrières, ne pouvait ignorer qu'il lui appartenait de procéder à la mutation cadastrale des parcelles qu'elle venait d'acquérir et de régler le paiement des taxes foncières correspondantes ; que pour retenir que le contrat conclu le 1er août 2014 ne constituait pas un bail rural, la cour d'appel s'est bornée à affirmer qu'en payant les taxes foncières afférentes aux parcelles en cause, M. B... avait volontairement choisi de ne pas respecter la lettre de la convention de mise à disposition ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'accord de la société Granulats Vicat pour laisser à la charge exclusive de M. B... le paiement des taxes foncières ne résultait pas de l'absence de toute diligence de sa part pour procéder à la mutation cadastrale des parcelles qu'elle avait acquises, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 1402 du code général des impôts.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné, à la charge de M. B..., la remise en état et la dépollution avec production d'un justificatif émanant d'un organisme agréé, des parcelles situées à Châteauneuf–sur-Isère, figurant au cadastre sous les numéros [...] , [...], [...], [...] et [...] et appartenant à la société Granulats Vicat, d'AVOIR dit que la remise en état des terres et la dépollution devront intervenir dans un délai de 6 mois à compter de la date de signification de l'arrêt et d'AVOIR prononcé, à défaut d'exécution volontaire de cette obligation de remise en état et de dépollution avec production d'un justificatif dans le délai imparti, une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pour une durée maximum de six mois ;

AUX MOTIFS QUE sur la remise en état des parcelles ; que la SAS Granulats Vicat demande reconventionnellement la remise en état des parcelles sous astreinte ; qu'il résulte de l'examen des photos constituant le procès-verbal de constat dressé le 10 janvier 2018 par Me N..., huissier de justice à Loriot-sur-Drôme, que : - la zone ouest de la parcelle [...] est en friche et n'est pas cultivée, - la zone nord de la parcelle [...] est partiellement cultivée, avec la présence de 3 rangées d'arbres arrachés, - la zone sud de la parcelle [...] n'est pas cultivée, - la parcelle [...] est encombrée de détritus (plastique, bois, ferraille, pneus, citerne à moitié pleine d'un produit non identifié), - sur les parcelles [...] , [...] et [...], 9 rangées d'arbres ont été arrachées, les 6 rangs restant sont envahis d'herbes sèches et les arbres perdent leur écorce ; que lors de la restitution des terres mises à disposition, le propriétaire est en droit d'exiger que les biens lui soient rendus dans le même état que lorsque le prêt à usage avait été consenti ; qu'en l'espèce, force est de constater que les terres sont d'une part en mauvais état d'entretien et d'autre part jonchées de détritus de toute sorte ; que la remise en état des terres s'impose ainsi que la dépollution des zones visées par le procès-verbal de constat dressé le 10 janvier 2018 par Me N..., huissier de justice à Loriol-sur-Drôme. A l'issue de la remise en état et de la dépollution, M. K... B... devra présenter à la SAS Granulats Vicat un certificat de dépollution émanant d'un organisme de contrôle agréé ; que M. K... B... disposera d'un délai de 6 mois à compter de la date de notification de l'arrêt pour se conformer à l'obligation de remise en état et de dépollution avec production d'un justificatif ; qu'à l'expiration de ce délai de 6 mois et à défaut d'exécution volontaire ou à défaut de production d'un certificat de dépollution après exécution, une astreinte provisoire de 100 par jour de retard sera prononcée pour une durée maximum de 6 mois ;

1) ALORS QUE le juge ne peut se déterminer exclusivement au vu d'un constat d'huissier établi non contradictoirement, peu important que ce constat ait été soumis à la libre discussion des parties ; qu'en l'espèce, en se fondant, pour ordonner à la charge de M. B... la remise en état et la dépollution des parcelles litigieuses, exclusivement sur le constat d'huissier dressé le 10 janvier 2018 à la demande de la société Granulats Vicat et hors la présence de M. B..., la cour d'appel a violé les articles 16 du code de procédure civile et 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

2) ALORS QUE l'emprunteur est tenu de restituer le bien dans l'état dans lequel il lui a été confié ; qu'en condamnant sous astreinte M. B... à remettre en état les parcelles litigieuses et à les dépolluer sans s'expliquer sur leur état au moment où elles avaient été confiées par la société Granulats Vicat à M. B..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1880 du code civil, ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-16953
Date de la décision : 10/10/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 20 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 10 oct. 2019, pourvoi n°18-16953


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.16953
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