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09/10/2019 | FRANCE | N°18-16506

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 octobre 2019, 18-16506


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme O... a été engagée à compter du 3 janvier 1994 en qualité de secrétaire médicale par le centre interprofessionnel de santé au travail de la Guadeloupe (CIST) ; qu'à la suite d'un arrêt de travail, elle a, du 15 septembre 2012 jusqu'au 30 octobre 2013, repris son emploi dans le cadre d'un mi temps thérapeutique ; qu'estimant avoir été victime de harcèlement moral et de discrimination, la salariée a, le 24 avril 2014, saisi la juridiction prud'homale de diverses dema

ndes indemnitaires et de rappels de salaire ;

Sur le second moyen :

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme O... a été engagée à compter du 3 janvier 1994 en qualité de secrétaire médicale par le centre interprofessionnel de santé au travail de la Guadeloupe (CIST) ; qu'à la suite d'un arrêt de travail, elle a, du 15 septembre 2012 jusqu'au 30 octobre 2013, repris son emploi dans le cadre d'un mi temps thérapeutique ; qu'estimant avoir été victime de harcèlement moral et de discrimination, la salariée a, le 24 avril 2014, saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes indemnitaires et de rappels de salaire ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1154-1 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;

Attendu que, pour rejeter la demande de dommages- intérêts formée par la salariée en raison d'agissements de harcèlement moral, l'arrêt retient que celle-ci soutient en premier lieu que l'employeur a opéré une mutation sanction à son encontre, en la transférant du siège de Jarry au site de Pointe-à-Pitre, lequel fermait ses portes deux mois après son arrivée, que ce changement de lieu de travail augmentait son temps de parcours et la plaçait dans une situation dégradante, mais qu'elle n'expose pas en quoi cette situation était humiliante ou dégradante et que l'allongement du temps de trajet était infime, en deuxième lieu qu'elle a effectué des heures supplémentaires en devant calquer ses horaires sur ceux du médecin avec lequel elle travaillait, ceci ajoutant parfois 30 minutes de travail, que l'employeur souligne l'absence de demande en paiement d'heures supplémentaires et atteste de ce que les éventuelles heures dues ont été payées ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme O... de la demande formée au titre d'un harcèlement moral, l'arrêt rendu le 12 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;

Condamne l'établissement public CIST aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'établissement public CIST à payer la somme de 3000 euros à Mme O... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président et Mme Ott, conseiller le plus ancien en ayant délibéré conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, en son audience publique du neuf octobre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme O....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme O... de sa demande en paiement de la somme de 10 000 € de dommages-intérêts pour mise au placard ;

Aux motifs que sur le harcèlement moral et la mise au placard, aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en outre, selon ce texte et l'article L. 1154-1, lorsque salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il y a donc lieu d'étudier l'ensemble des faits que Mme O... estime constitutifs de harcèlement moral dont elle serait victime ; qu'elle soutient que l'employeur a opéré une mutation sanction à son encontre, en la transférant du siège de Jarry au site de Pointe-à-Pitre, lequel fermait ses portes deux mois après son arrivée ; qu'elle soutient que ce changement rallongeait son temps de parcours et la plaçait dans une situation dégradante, sans exposer en quoi cette situation était humiliante et dégradante ; que le CIST rappelle que selon l'article 3 de son contrat de travail, « son lieu de travail est la circonscription géographique couvert par l'agrément du service », indique que les deux sites sont distincts de 7 kilomètres, de sorte que l'allongement du temps de parcours est infirme ; que Mme O... expose avoir effectué des heures supplémentaires en devant calquer ses horaires sur ceux du médecin du travail avec lequel elle travaillait, ceci lui ajoutant parfois 30 minutes de travail ; qu'elle produit des échanges de courriels avec le responsable, M. M..., à ce sujet ; qu'elle a envoyé un courriel puis une relance un mois plus tard, à laquelle il était répondu qu'elle serait créditée des éventuelles heures supplémentaires ; que l'intimée souligne qu'aucune demande d'heures supplémentaires impayées n'est formulée par l'appelante, attestant de ce que les éventuelles heures dues ont été payées, conformément à la réponse donnée par M. M... par courriel du 24 juillet 2013, dont copie est versée aux débats ; que Mme O... fait valoir que sa situation a fait l'objet d'une discussion en réunion des délégués du personnel ;

que la question des délégués du personnel et la réponse apportée par M. E..., directeur du CIST, est produite par l'appelante : « pourquoi la direction redéfinit-elle les 3 jours de formation de Mme O... en demi-journées ? RL : afin de lui permettre de réaliser la formation en question car le quota d'heures lors du mi-temps thérapeutique étant inférieur à une journée pleine, c'est une alternative pour la formation » ; que l'intimée confirme la réponse de M. E... lors de la réunion des délégués du personnel, en cohérence avec l'avis du médecin ; que Mme O... expose avoir appris qu'à compter du 11 juillet 2013, elle changerait de bureau suite à une décision des médecins concernés ; qu'elle soutient que cela relève d'une mise au placard ; que le CIST fait valoir que Mme O... a elle-même produit des éléments attestant que plusieurs personnes changeaient de bureau en même temps qu'elle, dont un courriel adressé à sept personnes par M. E... le 24 juillet 2013, intitulé « déménagement » et apportant des précisions quant aux divers changements opérés ; que l'intimée soutient que cela relève d'une simple réorganisation conforme aux prérogatives de l'employeur ; que l'étude globale de l'ensemble des éléments présentés par Mme O... comme des faits fautifs de l'employeur, dans l'objectif de lui nuire, ne permettent pas, par leur réalité ou leur gravité, de mettre en exergue une mise au placard et/ou une situation de harcèlement moral dont l'appelante aurait été victime ;

Alors qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en vertu de l'article L. 1154-1, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il en résulte que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, le juge apprécie si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, en retenant que « l'étude globale de l'ensemble des éléments présentés par Mme O... comme des faits fautifs de l'employeur » ne permettent pas « de mettre en exergue une mise au placard et/ou une situation de harcèlement moral dont l'appelante aurait été victime », la cour d'appel, qui a fait reposer la charge de la preuve sur la salariée, au lieu de vérifier si, dans leur ensemble, les éléments matériellement établis par Mme O... permettaient de présumer une situation de harcèlement, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme O... de sa demande en paiement de la somme de 15 000 € de dommages-intérêts pour discrimination ;

Aux motifs que si le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il revient à l'employeur de prouver que la décision en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que Mme O... expose avoir subi une discrimination résidant de l'absence de mise en place de la subrogation par l'employeur alors que cela constituait un usage, produit des attestations de paiement des indemnités journalières en vue de confirmer le fait que la subrogation était pratiquée dans l'entreprise ; que le CIST expose que la subrogation était mise en place uniquement pendant les arrêts maladie, qu'il n'était pas d'usage de la mettre en place dans le cas d'un mi-temps thérapeutique et que pour remédier à l'absence de mise une convention de subrogation a été signée entre l'employeur et les syndicats représentatifs le 29 mai 2013, stipulant expressément « et lors de la reprise du travail à temps partiel (temps partiel thérapeutique) » ; que Mme O... soutient avoir été victime de discrimination, l'employeur lui ayant imposé d'effectuer 3 journées entières de formation en 6 demi-journées, lui refusant à ce titre une formation à Montpellier ; que le CIST indique que cette formation prévue à Montpellier sur 3 journées entières, ne pouvant être divisée en 6 demi-journées, qu'il a du refuser la demande de formation pour se conformer au mi-temps thérapeutique ; que Mme O... ne présente pas de faits laissant présager une situation de discrimination et le CIST apporte des éléments tendant à démontrer un comportement normal envers la salariée qui, en outre, ne précise à quel type de discrimination se serait adonné l'employeur, alors que les contours de la discrimination sont précisés par l'article L. 1132-1 du code du travail ;

Alors 1°) que le juge doit rechercher si les éléments invoqués par le salarié, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination ; qu'en l'espèce, Mme O... a soutenu que lorsqu'après un an de congé maladie, elle avait repris son travail en mi-temps thérapeutique le 15 septembre 2012, l'employeur lui avait imposé de travailler à Pointe-à-Pitre sur un site fermant définitivement le 30 novembre 2012, lui avait encore supprimé le bénéfice de la subrogation qui maintenait sa rémunération, dont bénéficiaient notamment Mme U..., médecin salarié et Mme N..., secrétaire médicale, qui travaillaient aussi en mi-temps thérapeutique, l'accord de subrogation conclu le 29 mai 2013 dans l'entreprise n'ayant fait que confirmer l'usage existant, et qu'il avait enfin réduit l'indemnité de transport dont elle aurait dû bénéficier en totalité ; qu'en ne recherchant pas si ces faits, matériellement établis et acquis aux débats, pris dans leur ensemble, ne laissaient supposer l'existence d'une discrimination liée à l'état de santé de Mme O..., et si l'employeur les justifiait tous par des éléments objectifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

Alors 2°) que les juges ne peuvent dénaturer les écritures soutenues oralement à l'audience qui fixent les termes du litige ; qu'en ayant reproché à Mme O... de n'avoir pas précisé de quel type de discrimination, visée par l'article L. 1132-1 du code du travail, elle aurait été victime, cependant que ses conclusions rappelaient qu'elle avait été en congé maladie de longue durée du 15 septembre 2011 au 15 septembre 2012, souffrant d'une grave affection, invoquaient une discrimination ayant débuté le 15 septembre 2012 lorsqu'elle était revenue d'une année de maladie pour travailler en mi-temps thérapeutique, ce dont il résultait que la salarié invoquait de manière claire et précise une discrimination liée à son état de santé, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la salariée soutenues oralement à l'audience et a violé ainsi l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-16506
Date de la décision : 09/10/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 12 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 oct. 2019, pourvoi n°18-16506


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.16506
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