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09/10/2019 | FRANCE | N°18-10797

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 octobre 2019, 18-10797


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les SARL Entreprise Guilmoto et U... énergies, ont été mises en liquidation judiciaire le 6 mars 2013 ; que la société I... F..., désignée liquidateur, a poursuivi M. U..., en qualité de gérant de ces sociétés, en responsabilité pour insuffisance d'actif et a demandé le prononcé d'une mesure d'interdiction de gérer ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifest

ement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'artic...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les SARL Entreprise Guilmoto et U... énergies, ont été mises en liquidation judiciaire le 6 mars 2013 ; que la société I... F..., désignée liquidateur, a poursuivi M. U..., en qualité de gérant de ces sociétés, en responsabilité pour insuffisance d'actif et a demandé le prononcé d'une mesure d'interdiction de gérer ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 653-8 du code de commerce, ensemble l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que le tribunal qui prononce une mesure d'interdiction de gérer doit motiver sa décision, tant sur le principe que sur le quantum de la sanction, au regard de la gravité des fautes et de la situation personnelle de l'intéressé ;

Attendu que pour prononcer contre M. U..., qui faisait valoir le peu de temps pendant lequel il avait été gérant et son absence d'expérience préalable, une interdiction de gérer d'une durée de sept années, l'arrêt, après avoir caractérisé les fautes retenues, se borne à énoncer qu'au regard de la gravité des fautes commises et de leurs conséquences, il y a lieu de le condamner à une mesure d'interdiction de gérer de cette durée ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de sept années contre M. U..., l'arrêt rendu le 14 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne la société I... F..., en qualité de liquidateur des sociétés U... énergies et Entreprise Guilmoto aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. U...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'avoir condamné M. U... à payer une partie de l'insuffisance d'actif de la société Entreprise Guilmoto et d'avoir condamné M. U... à verser à la société I... F..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Entreprise Guilmoto, une somme de 150.000 € en paiement d'une partie de l'insuffisance d'actif de cette société ;

Aux motifs propres que « l'article L. 651-2 du code de commerce énonce que "Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire." ; que la Selas I... F... justifie que l'insuffisance d'actif de chacune des sociétés s'établit de la manière suivante : - s'agissant de la SARL U... énergies, passif de 660 317,01 euros et actif réalisé de 1.018,23 euros, soit une insuffisance d'actif de 659 298,78 euros ; - s'agissant de la SARL Entreprise Guilmoto, passif de 802 092,61 euros et actif réalisé de 182 520,30 euros, soit une insuffisance d'actif de 619 572,31 euros ; que cependant la SARL Entreprise Guilmoto employait 14 salariés au jour de la déclaration de l'état de cessation des paiements ; qu'il convient dès lors de déduire du passif antérieur à l'ouverture de la procédure, le coût des licenciements qui sont la conséquence non de la gestion de la société, mais de la cessation de son activité ; que sachant que d'après la déclaration de l'état de cessation des paiements, les salaires du mois de février estimés à 19 800 euros n'étaient pas payés, il sera, en l'absence d'éléments plus précis, déduit du passif social susceptible d'être imputé à la faute de gestion du gérant, la somme de 270 383,66 euros, soit la différence entre le montant de ces salaires et celui des créances déclarées au titre du personnel de la société ; que l'insuffisance d'actif en relation avec la gestion de la société Entreprise Guilmoto n'est dès lors établie qu'à concurrence de la somme de 349 188,65 euros ; que la Selas I... F... reproche au gérant les fautes de gestion suivantes : - absence de déclarations fiscales dans les délais ; - absence de déclaration de l'état de cessation des paiements dans les délais impartis, aggravant le passif puisque l'activité était déficitaire et que de nombreuses dettes sont apparues au cours du dernier trimestre de l'année 2012, postérieurement à sa survenance ; - usage des fonds de la société au seul profit du gérant en contradiction avec l'intérêt social, M. U... ayant fait virer le 1er février 2012, une somme de 12 895,20 euros de la société Entreprise Guilmoto sur le compte de la société holding U... Energies et a ensuite le même jour fait virer de ce dernier compte une somme de 9 000 euros à son profit alors que l'état de cessation des paiements de ces deux sociétés était déjà constitué ; - abstention de coopérer avec les organes de la procédure ; que ce dernier grief qui se rapporte à des faits commis après l'ouverture de la procédure collective ne peut caractériser une faute de gestion de nature à fonder une condamnation à paiement de l'insuffisance d'actif ; que l'absence de déclaration de la TVA due par la société Entreprise Guilmoto est établie pour le mois de janvier 2013, celle-ci devant être adressée pour le 21 février 2013 au plus tard ; qu'en revanche, les déclarations des mois de février et mars étaient exigibles après l'ouverture de la procédure, de sorte qu'aucune faute de gestion n'est caractérisée de ce chef ; qu'en revanche, la procédure de vérification fiscale a révélé qu'une partie de la TVA due au titre de l'exercice clos le 31 juillet 2012 n'avait pas été déclarée pour un montant de 11.870 euros, ce qui a contribué à masquer la survenance de l'état de cessation des paiements de la société dont l'activité a ainsi été artificiellement prolongée ; que l'absence de déclaration de l'état de cessation des paiements de la société Entreprise Guilmoto dans les délais est objectivement établie puisque la date de cessation des paiements a été définitivement fixée au 31 juillet 2012 alors que M. U... a accompli cette diligence seulement le 1er mars 2013 (cf jugement de liquidation judiciaire), soit avec un retard de cinq mois et demi par rapport à la tolérance légale de 45 jours ; que M. U... soutient que l'état de cessation des paiements de cette société n'était pas caractérisé tant que la société holding n'était pas elle-même en état de cessation des paiements ; mais que cette analyse est inexacte, la survie de la société holding dépendant exclusivement des revenus procurés par la société d'exploitation et non l'inverse ; que telle était d'ailleurs l'explication qu'il donnait devant le tribunal de commerce au cours des débats ayant abouti à l'ouverture de la liquidation judiciaire de la SARL U... Energies ; qu'or dès le 31 janvier 2012, la SARL Entreprise Guilmoto, malgré les licenciements opérés en janvier 2011 et la diminution des prestations que la holding lui facturait, n'avait pu verser à celle-ci les revenus attendus pour lui permettre de rembourser l'échéance annuelle des deux emprunts qu'elle avait contractés, seuls les intérêts afférents à la seconde annuité échue le 31 janvier 2012 ayant été réglés ; qu'il en ressort que dès cette date, M. U... était informé du fait qu'à défaut de redressement rapide de l'activité de la société Entreprise Guilmoto qui périclitait inexorablement d'un exercice sur l'autre, la pérennité des deux sociétés serait à bref délai irrémédiablement compromise ; qu'il ne peut en effet soutenir de manière crédible avoir cru, alors qu'il n'avait pas tenté en temps utile de renégocier les dits emprunts dont l'échéance annuelle n'était pas fût-ce partiellement provisionnée, que la banque allait différer en totalité l'exigibilité de la troisième échéance annuelle ; qu'au demeurant, ceci n'aurait pas réglé les difficultés de la filiale qui n'avait plus la trésorerie nécessaire pour payer les charges courantes d'exploitation et notamment les salaires du mois de février 2013 ; que sa passivité ne peut dès lors s'expliquer que par sa volonté de tirer un profit maximum de l'activité de la filiale au détriment des tiers avant d'en solliciter la liquidation judiciaire immédiate ; que la conscience qu'avait M. U... du caractère déficitaire de l'activité de la société Entreprise Guilmoto est confirmée par les énonciations du dossier prévisionnel qu'il verse aux débats en pièce 28 ; que dans ce document, M. U..., qui se targuait de la mise en place de tableaux de bord pour suivre plus efficacement l'évolution de l'activité, fixait le chiffre d'affaires minimum à réaliser pour atteindre l'équilibre à 1 400 000 euros HT ; qu'or celui-ci n'était plus que de 1 256 000 euros au 31 juillet 2011 et de 1 153 000 euros au 31 juillet 2012 ; qu'au demeurant, à suivre son raisonnement selon lequel il n'aurait pris conscience des difficultés de la filiale qu'au vu des comptes, reçus le 19 octobre 2012, de l'exercice clos le 31 juillet qui faisaient état d'un résultat d'exploitation déficitaire de 88 232, 21 euros et d'un résultat courant avant impôts lui-même déficitaire de 90 335 euros, il ne pouvait plus à cette date nourrir le moindre doute sur l'état de cessation des paiements de la société ; qu'en effet, si un résultat déficitaire ne suffit pas dans l'absolu à caractériser un état de cessation des paiements, celui-ci faisait suite en l'espèce à des exercices successifs caractérisés par une chute constante et régulière tant du chiffre d'affaires que concomitamment des résultats de la société Entreprise Guilmoto depuis 2010 ; qu'à ceci, s'ajoutait une augmentation des dettes fournisseurs et des dettes fiscales et sociales du dernier exercice par rapport à l'exercice précédent malgré la non-réclamation des prestations dues à la holding ; que dès lors, l'évolution du chiffre d'affaires de l'exercice que M. U... devait nécessairement surveiller mensuellement et la tenue de tableaux de bord suffisaient à l'informer du caractère manifestement déficitaire de l'activité et de l'impasse de trésorerie inéluctable à laquelle la société était confrontée ; qu'or pour masquer cette situation, M. U... a minoré les déclarations de TVA de l'exercice 2012 et différé ou omis de régler un passif ancien, notamment à l'égard de BTP retraite et prévoyance (4463 euros afférent aux exercices 2009 à 2011 et 7 884 euros en 2012) ainsi que la TVA des mois d'octobre et décembre 2012 et partie des factures fournisseurs exigibles pour l'une en 2011 et pour les autres durant le dernier trimestre 2012, que parallèlement, il a laissé s'accroître le compte clients, signe d'une gestion défaillante des chantiers, puisque nombre de créances clients se sont ensuite révélées litigieuses ; que dès lors à compter du mois d'octobre 2012 au moins, il ne pouvait plus se méprendre sur l'état de cessation des paiements de la société d'exploitation qu'il n'a pourtant déclaré que le 1er mars 2013, soit quatre mois et demi plus tard, après avoir prélevé à son profit l'essentiel de la trésorerie encore disponible au lieu de provisionner les salaires du mois de février 2013 demeurés intégralement impayés ; que ceci constitue une faute de gestion caractérisée ayant contribué à accroître l'insuffisance d'actif de la société en facilitant la poursuite d'une activité déficitaire pendant au moins un trimestre supplémentaire ; que le paiement privilégié que M. U... s'est octroyé en faisant virer la somme de 500 euros le 14 janvier, puis de 12 895,20 euros le 1er février au profit de la SARL U... Energies, fonds dont il a ensuite immédiatement disposé à son profit à concurrence de la somme de 9 000 euros alors qu'il savait les deux sociétés en état de cessation des paiements constitue également une faute de gestion ayant contribué à accroître l'insuffisance d'actif de la société Entreprise Guilmoto dont le solde du compte CMB ne s'élevait plus qu'à 296,18 euros au 28 février et à 1 236,43 euros sur le compte Paribas alors que les salaires du mois de février n'avaient pas été payés ; qu'en effet cet assèchement de la trésorerie était de nature à accroître les frais financiers de la société Entreprise Guilmoto ; que M. U... a ainsi commis, en sa qualité de gérant de la SARL Entreprise Guilmoto, des fautes de gestion qui ont contribué à accroître l'insuffisance d'actif de cette société ; qu'il n'est en revanche pas démontré l'existence, au détriment de la société U... Energies, des fautes de gestion alléguées, le léger retard dans la déclaration de l'état de cessation des paiements n'ayant pas aggravé l'insuffisance d'actif de cette société qui a seulement servi d'intermédiaire pour la captation de la trésorerie de la société Entreprise Guilmoto ; que tant l'insuffisance d'actif de la société Entreprise Guilmoto que le lien de causalité entre l'aggravation de celle-ci et les fautes commises par le gérant étant démontrés, il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise comptable ; qu'en effet, la cour, eu égard aux éléments soumis à son appréciation, dispose des éléments suffisants pour fixer à 150 000 euros le montant de la condamnation qui sera mise à la charge du gérant » (arrêt, p. 3 à 6) ;

Et aux motifs, à les supposer adoptés des premiers juges, que « l'article L.651-2 du code de commerce, ancienne rédaction, dispose que : « Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif; le Tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif; décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables »" ; qu'il ressort des éléments contenus dans l'exploit introductif d'instance et des explications apportées à l'audience par Maître S... ès qualités que M. U... Q... a eu un comportement pour le moins répréhensible dans la gestion notamment de la SARL Entreprise Guilmoto ; qu'il a été relevé les fautes ci-dessus décrites, dont certaines ont eu pour conséquence d'entrainer la condamnation de M. U... Q... ès qualités à l'interdiction de gérer prévue â l'article L.653-8 du code de commerce ; que notamment, la carence de ce dernier dans la déclaration de l'état de cessation des paiements de ladite SARL dans les délais légaux a eu pour conséquence directe d'alourdir le passif et de priver les créanciers d'un actif susceptible de leur revenir ; que l'absence volontaire de coopération de Monsieur U... Q... ès qualités dans les opérations de vérification du passif et de recouvrement des créances clients ont eu pour conséquence soit d'alourdir le passif, soit de diminuer l'actif, et ainsi de priver les créanciers d'actif devant leur revenir ; en va de même du prélèvement de 9.000 euros effectué par M. U... Q... ès qualités sur son compte personnel le ler février 2013, alors que celui-ci allait déclarer l'état de cessation des paiements de la SARL Entreprise Guilmoto et de la société U... Énergies un mois plus tard ;que ces manquements constatés en l'espèce, sont d'entraîner l'application des dispositions de l'article L.651-2 du code de commerce, ancienne rédaction, justement visé dans l'assignation, la condamnation du gérant à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif révélée par les opérations de liquidation judiciaire desdites SARL ; que le tribunal retiendra ce moyen ; que de tout ce qui précède, il y aura lieu de déclarer la demanderesse ès qualités, recevable et bien fondée en sa demande formulée à ce titre et de condamner M. U... Q... ès qualités à supporter une partie de l'insuffisance d'actif révélée par les opérations de la liquidation judiciaire de la SARL U... Energies » (jugement, p. 14 et 15) ;

Alors 1°) que le juge est tenu de respecter et de faire respecter le principe de la contradiction ; qu'il ne peut soulever d'office un moyen sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen ; qu'en l'espèce, la société I... F..., ès qualités, se bornait à soutenir que « M. U... n'a pas effectué les déclarations fiscales dans les délais, ce qui a conduit les services fiscaux à appliquer des pénalités augmentant d'autant le passif de manière significative et partant le montant de l'insuffisance d'actif » (concl. adv., p. 16 § 2) pour établir une faute de gestion à l'encontre de M. U... ; que, pour caractériser une telle faute, la cour d'appel a jugé que « l'absence de déclaration de la TVA due par la société Entreprise Guilmoto est établie pour le mois de janvier 2013 » et que « la procédure de vérification fiscale a révélé qu'une partie de la TVA due au titre de l'exercice clos le 31 juillet 2012 n'avait pas été déclarée pour un montant de 11.870 € » (arrêt, p. 4 § 8) ; qu'elle a ainsi soulevé d'office un moyen de fait tiré de l'absence de déclaration de TVA au titre du mois de janvier 2013 et de l'exercice clos le 31 juillet 2012, qu'aucune des parties n'avait invoqué ; qu'en n'invitant pas les parties à présenter leurs observations préalables sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile et le principe de la contradiction ;

Alors 2°) que l'omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, susceptible de constituer une faute de gestion, s'apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, tout en ayant relevé que la cessation des paiements avait été définitivement fixée au 31 juillet 2012 par le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire et que M. U... y avait procédé seulement le 1er mars 2013 (arrêt, p. 4 § 9), s'est ensuite fondée sur des faits antérieurs au 31 juillet 2012 pour considérer que M. U..., dès le 31 janvier 2012, « était informé du fait qu'à défaut de redressement rapide de l'activité de la société Entreprise Guilmoto qui périclitait inexorablement d'un exercice sur l'autre, la pérennité des deux sociétés serait à bref délai irrémédiablement compromise » (arrêt, p. 4 dernier §), adoptant ainsi les motifs du jugement selon lesquels « l'état de cessation des paiements de la SARL Entreprise Guilmoto est donc en réalité bien plus ancien que le 31 juillet 2012 » (jugement, p. 13 § 7) ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que la faute résultant d'un retard dans la déclaration de l'état de cessation des paiements, et sa part causale dans la survenance ou l'aggravation de l'insuffisance d'actif, ne pouvaient s'apprécier qu'au regard de la date fixée dans le jugement d'ouverture ou un jugement de report, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce ;

Alors 3°) que la poursuite fautive d'une activité déficitaire n'est pas caractérisée lorsque le dirigeant social a maintenu une telle activité en considération d'un espoir raisonnable de trouver une solution permettant de remédier aux difficultés de la société ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que M. U... ne pouvait « soutenir de manière crédible avoir cru, alors qu'il n'avait pas tenté en temps utile de renégocier les dits emprunts dont l'échéance annuelle n'était pas fût-ce partiellement provisionnée, que la banque allait différer en totalité l'exigibilité de la troisième échéance annuelle » (arrêt, p. 4 dernier §) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl. p. 22), si les banques, qui connaissaient la situation délicate de la société Entreprise Guilmoto, n'avaient pas déjà suivi M. U... dans sa restructuration de l'entreprise par le passé, de sorte que ce dernier pouvait raisonnablement croire à un report ou un rééchelonnement de l'échéance d'emprunt de la société U... Énergies pour le 31 janvier 2013, ce qui aurait allégé la charge financière de la société Entreprise Guilmoto, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

Alors 4°) qu'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, pour considérer que M. U... avait fautivement poursuivi l'exploitation d'une activité déficitaire, la cour d'appel a jugé que sa conscience du caractère déficitaire résultait du dossier prévisionnel qu'il avait versé aux débats, relevant que M. U... y avait fixé « le chiffre d'affaires minimum à réaliser pour atteindre l'équilibre à 1.400.000 HT. Or celui-ci n'était plus que de 1.256.000 € au 31 juillet 2011 et de 1.153.000 € HT au 31 juillet 2012 », pour ensuite en déduire que l'écart entre le chiffre d'affaires de 1.400.000 € et le chiffre d'affaires effectivement réalisé était suffisant pour caractériser la conscience du dirigeant de poursuivre une activité déficitaire (arrêt, p. 5 § 2) ; que la cour d'appel s'est ainsi fondée sur le chiffre d'affaires cible pour les années 2010/2011 et 2011/2012, qui ne correspondait pas au chiffre d'affaires minimum, nommé « seuil de rentabilité » dans ce document, ce seuil étant fixé à 1.266.000 € pour l'année 2010/2011 et 1.205.000 € pour l'année 2011/2012, c'est-à-dire un chiffre très proche du chiffre d'affaires effectivement réalisé pour ces deux exercices, et a ainsi dénaturé le dossier prévisionnel produit par M. U... et violé l'article 1103 nouveau du code civil, et le principe selon lequel il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ;

Alors 5°) qu'en toute hypothèse, le juge est tenu de respecter et de faire respecter le principe de la contradiction ; qu'il ne peut soulever d'office un moyen sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen ; qu'en relevant d'office le moyen fondé sur le dossier prévisionnel produit par M. U..., qui n'était pas invoqué par M. S..., afin d'établir la poursuite fautive d'une activité déficitaire, sans pour autant inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble le principe de la contradiction ;

Alors 6°) que l'existence d'une activité déficitaire ne peut, à elle seule, caractériser une faute du dirigeant dans la poursuite de l'exploitation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que M. U... ne pouvait plus, au 19 octobre 2012, « nourrir le moindre doute sur l'état de cessation des paiements de la société » (arrêt, p. 5 § 3) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 11), si M. U... n'était pas profane en matière de gestion d'entreprise et si, lors de la communication du bilan comptable pour l'exercice clos au 31 juillet 2012, intervenue au mois d'octobre suivant, l'expert-comptable n'avait pas omis de lui indiquer que l'entreprise était en cessation des paiements, de sorte qu'il avait pu légitimement ignorer cette situation et croire que l'entreprise pouvait être redressée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

Alors 7°) que l'existence d'une activité déficitaire ne peut, à elle seule, caractériser une faute du dirigeant dans la poursuite de l'exploitation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que l'état de cessation des paiements « faisait suite [
] à des exercices successifs caractérisés par une chute constante et régulière tant du chiffre d'affaires que concomitamment des résultats de la société Entreprise Guilmoto depuis 2010 » (arrêt, p. 5 § 3) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 15), si les difficultés de la société Entreprise Guilmoto n'étaient pas liées à la crise économique du secteur du bâtiment, ce qui ne lui avait pas permis d'obtenir suffisamment de marchés publics, et avait conduit M. U... à rechercher de nouvelles opportunités dans le secteur privé, de sorte qu'il n'avait commis aucune faute en poursuivant l'exploitation d'une société dont la restructuration était consécutive au contexte économique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

Alors 8°) que la poursuite fautive d'une activité déficitaire n'est pas caractérisée par la seule augmentation du passif du débiteur ; qu'en se bornant à relever « une augmentation des dettes fournisseurs et des dettes fiscales et sociales du dernier exercice par rapport à l'exercice précédent malgré la non-réclamation des prestations dues à la holding » (arrêt, p. 5 § 3), sans préciser la mesure de cette augmentation, qui devait pourtant être chiffrée afin de déterminer si elle était de nature à établir la conscience de M. U... qu'il poursuivait une activité déficitaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

Alors 9°) que le juge est tenu de motiver sa décision ; qu'il doit, à ce titre, préciser les éléments de preuve sur lesquels il fonde sa décision ; qu'en affirmant que M. U... avait différé ou omis de régler « partie des factures fournisseurs exigibles pour l'une en 2011 et pour les autres durant le dernier trimestre 2012 » (arrêt, p. 5 § 3 in fine), sans indiquer sur quelles pièces elle fondait cette appréciation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir prononcé à l'égard de M. U... l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale pour une durée de sept années ;

Aux motifs propres qu'« en application de l'article L. 653-5 du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé le fait : - d'avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ; - d'avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ; que ces deux griefs sont établis à l'encontre de M. U... qui, alors que la société Entreprise Guilmoto était en état de cessation des paiements, a choisi de lui faire payer des prestations destinées à assurer ses rémunérations et cotisations sociales au préjudice des autres créanciers. De même, par une motivation que la cour fait sienne, les premiers juges ont parfaitement caractérisé l'absence volontaire de coopération de M. U... avec le liquidateur judiciaire, faisant ainsi obstacle au recouvrement optimal des créances clients et à la vérification du passif ; qu'à cet égard, M. U..., parti en vacances, est mal venu de reprocher au liquidateur judiciaire de ne pas avoir envoyé toutes ses convocations par lettre recommandée avec accusé de réception, cette modalité s'étant révélée tout aussi inefficace quand elle a été réalisée, ni de ne pas avoir précisément détaillé l'objet de ses convocations ; qu'il est encore plus mal venu de lui reprocher de n'avoir pas correctement vérifié le passif, notamment en soulevant la prescription relative aux créances PRO BTP alors qu'il s'est abstenu d'y participer ; que de même, la critique des conditions de recouvrement du compte client est injustifiée dès lors qu'il n'y a pas activement collaboré, se contentant (selon lui) de transmettre des pièces qui ne pouvaient y suppléer ; que sa mauvaise foi atteint son paroxysme quand il suggère que le liquidateur judiciaire, privé de tout fonds, aurait néanmoins dû solliciter des expertises judiciaires ou pallier sa carence par le recours à son expert-comptable ou encore le faire condamner sous astreinte à remettre les documents manquants ; qu'il est également particulièrement mal venu de reprocher au liquidateur judiciaire de n'avoir pas vendu le fonds de commerce alors qu'en déposant sa déclaration de cessation des paiements après avoir omis de payer les salaires du dernier mois et faute de toute trésorerie pour payer notamment le loyer, il privait les organes de la procédure de toute possibilité de valoriser ces actifs, ce qui aurait supposé une poursuite d'activité qu'il n'avait d'ailleurs pas sollicitée ; que conformément à l'article L. 653-8 du code de commerce, dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci ; qu'elle peut également être prononcée à l'encontre du gérant qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir par ailleurs demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation ; que tel est le cas de M. U... qui a attendu de ne pas pouvoir payer les salaires échus des 14 employés pour déclarer l'état de cessation des paiements de la société Entreprise Guilmoto alors qu'il n'ignorait pas l'état de cessation des paiements au moins depuis le 19 octobre 2012 ; que la gravité de ces fautes et de leurs conséquences justifie le quantum de la sanction prononcée par les premiers juges qui sera en conséquence confirmée » (arrêt, p. 6 et 7) ;

Et aux motifs, à les supposer adoptés des premiers juges, que « le Tribunal [
] prononcera à l'encontre de M. U... Q... l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, pour une durée qu'il convient de fixer à sept années » (jugement, p. 14) ;

Alors que M. U... sollicitait, à titre subsidiaire, la réduction de la durée de l'interdiction de gérer prononcée à son encontre, en faisant valoir qu'il n'avait exercé les fonctions de gérant de la société Entreprise Guilmoto que pendant trois ans, sans aucune expérience préalable (concl., p. 47) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen précis et opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-10797
Date de la décision : 09/10/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 14 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 oct. 2019, pourvoi n°18-10797


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.10797
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